Le procès des étoiles
a pour sous-titre :
récit de la prestigieuse expédition de trois savants français
en Amérique du Sud et des aventures qui s'ensuivirent (1735-1771)
Quatrième
de couverture :
"En 1735, trois personnalités de l'Académie
royale des sciences de Paris, Godin, Bouguer et La Condamine, sont envoyées
au Pérou pour y mesurer un arc de méridien terrestre. L'expédition
doit durer quelques mois, mais c'est compter sans les rivalités
politiques, les ambitions personnelles et la faiblesse des hommes."
Avant de paraître en poche, Le procès
des étoiles a été publié aux éditions
Seghers en 1979, avec une préface d'Haroun Tazieff.
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Florence Trystram
Le Procès des étoiles
Nous avons lu ce livre en mars 2005.
Liliane
Mon intention était de venir au groupe de lecture hier soir, mais
des amis m'ont convaincue de les accompagner à une fête d'anniversaire
J'ai lu Le Procès des étoiles, je n'ai pas beaucoup
de commentaires à faire sinon que cette lecture m'a beaucoup intéressée,
davantage pour ce qu'elle m'a fait découvrir que pour son écriture.
Le passage d'un personnage à l'autre par souci de complétude
m'a un peu lassée mais je reconnais que la composition de ce récit
était difficile si on ne voulait pas trop s'aventurer dans le romanesque
(j'imaginais par exemple un récit plus rassemblé tenu par
un Condorcet critique sur le rôle de La Condamine : ce qui
aurait laissé la place aux autres personnages mais en sélectionnant
seulement les temps forts). Certains épisodes ou certains personnages
m'ont stupéfiée : Jussieu en particulier, le couple
Godin des Odonnais et l'étonnante traversée de l'Amazonie
par Isabelle... les règlements de comptes, les enjeux personnels
et politiques... Ce livre est un bel hommage à la passion de ces
hommes, et à leur fragile humanité.
Loana
Je n'en ai pas lu grand chose (j'en suis à la page 134). Je n'ai
pas fini car je n'ai pas eu le temps, mais j'aime beaucoup. Je le finirai
sûrement. J'aurais aimé être la place de l'auteur pour
lire les traces de cette expédition. Quand je pense qu'à
l'université on se plaint parce qu'on ne peut pas payer les vacataires
ou avoir le moindre stylo
Mais je trouve cela un petit peu plat.
Avant de partir, les personnages ne savaient pas dans quoi ils s'engageaient.
Je me suis fais expliquer trois fois les mesures, mais j'ai quand même
l'impression de passer à côté de quelque chose. L'auteure
a également fait un choix narratif ; j'aurais aimé
avoir des extraits, des traces
C'est une petite frustration quand
même. Il n'y a pas un suspens extraordinaire, terrible. Des noms
de rue (Jussieu, La Condamine
) deviennent des gens.
Christine
Il y a trois frères Jussieu, trois prénoms et on ne sait
pas vraiment auquel la rue fait référence. Des trois, c'est
Joseph le moins connu.
Loana
Ce qui est intéressant, ce sont les rapports entre les gens de
l'expédition et les gens du pays. Ils ont l'air indulgent, ils
laissent faire. Quand j'ai su que ma fille allait partir en Bolivie pour
étudier les petits singes, j'ai pensé qu'il fallait l'équiper
d'une moustiquaire, lui payer des cours de step pour sa condition physique
et la fournir en nourriture lyophilisée. Ce livre, j'ai envie de
le passer à quelqu'un, à ma fille.
Christine
J'ai trouvé cela passionnant. Au début, un petit peu gênée
parce que ce n'était pas le récit des explorateurs, les
sources m'ont un peu manqué. Je suis très reconnaissante
à Florence Trystram d'avoir fait ce travail. Quand on voit les
lettres envoyées (les Lettres
de La Condamine à Pierre Bouguer), on trouve cela illisible.
J'aurais aimé un livre plus illustré. Cela m'a passionné
de rentrer dans cette époque. L'auteure nous fait vraiment comprendre
ce qu'était partir à la découverte, le courage, l'ingéniosité
nécessaires
comme l'horloger Hugot qui règle sans
cesse les appareils qui se dérèglent. Peu à peu,
les personnages prennent corps. Au début, je confondais Bouguer
et Godin. On a aussi de la sympathie pour Jussieu, maniaco-dépressif,
qui aide les pauvres. On voit que l'argent est très important,
les difficultés entre les académiciens et les autres membres
de l'expédition ; chacun veut avoir la gloire en retour. Ils
vivent des choses effroyables. Ce sont des héros, mais pas très
sympathiques. J'ai aussi beaucoup apprécié la description
des relations entre les Espagnols, les Anglais, les créoles, les
métis, et comment le neveu, Godin des Odonnais, est accepté
dans une famille et surtout le récit de voyage d'Isabelle jusqu'à
Cayenne, les périples de Jussieu, Godin qui ne peut jamais revenir
en France et qui travaille pour les Espagnols, ce luxe qu'ils trouvent
également au bout du monde. C'est une époque qui a l'air
fabuleuse. Je le ferai lire, car c'est un livre très riche et très
accessible. C'est très bien raconté. Je l'ouvre en entier,
même si ce n'est pas de la littérature, mais c'est une réussite.
Françoise D
Je vais dire la même chose, j'ai beaucoup aimé, je suis admirative
du travail de l'auteure : elle raconte l'expédition, l'histoire
à côté et la passion. J'ai été vraiment
frappée par la notion du temps, il y a deux siècles. Ils
sont restés dix ans, on a du mal à imaginer qu'ils attendent
dix-huit mois une lettre par exemple ! Ils ont une notion du temps
complètement différente. Avec ce livre, on se sent plus
intelligent. Ce n'est pas de la littérature, mais on apprend plein
de choses. Ce n'est pas un genre que j'aurais choisi spontanément.
Cela me fait penser aussi à O'Hanlon et le récit de ses
expériences. Ce n'est pas un récit plat, c'est toujours
intéressant bien que le livre soit long et dense.
Florence
Je n'ai pas l'habitude de lire ce genre de livres. (De quel genre s'agit-il
d'ailleurs : récit historique, vulgarisation scientifique ?)
Ce qui m'a attirée dans celui-ci, c'est d'abord le nom de son auteur
(magnifique !) mais aussi les lieux évoqués. Ayant
fait un voyage en Équateur assez récemment, j'étais
heureuse de retrouver ces paysages grandioses et trop rarement évoqués
dans les livres et dans les films (Florence fait circuler des photos
de son voyage
) J'ai bien sûr été intéressée
par l'aventure de ces savants français en Amérique, mais
je dois avouer (honte à mon ignorance crasse en géographie
et en géométrie) que je n'ai pas très bien compris
l'enjeu de toutes leurs mesures : mesurer un arc de méridien
reste, pour moi, une opération très mystérieuse...
Plus intéressée par l'évocation historique du Pérou
colonial, je suis restée un peu sur ma faim quant à la vie
des "vrais gens" là-bas à cette époque.
La description des Indiens (abrutis, voleurs, menteurs
) adopte le
point de vue de nos illustres savants venus apporter la Lumière
au milieu des ténèbres
Quant aux personnages mêmes
des savants, ils n'ont pas vraiment pris corps au cours de ma lecture
et je continuais à les confondre à la fin. Pour moi, ils
sont davantage des allégories (de la science, du savoir, de la
curiosité) que des êtres humains. Y compris Jussieu, le seul
doué d'une certaine "humanité", qui sacrifie sa
vie à la botanique et à la médecine. Son itinéraire
est assez représentatif du livre tout entier : la "leçon
de choses" l'emporte sur des passions plus humaines.
Claire
Je suis d'accord avec tout le monde... Le début est un peu longuet.
Mon intérêt s'est réveillé après (j'ai
quand même sauté des passages). Je n'ai pas compris l'objectif
scientifique, mais j'ai trouvé leur "séjour" extraordinaire.
Les personnages n'ont jamais pris corps, ce sont des marionnettes, à
l'exception de Jussieu qui m'a captivée avec cette passion de la
science, de la découverte : il classe, il répertorie.
Et sa bonté !... Et Godin qui reconstruit Lima après
le tremblement de terre ! L'épisode d'Isabelle est absolument
stupéfiant ; elle se réveille et ils sont tous morts
à ses côtés. Ils ont tous un caractère, une
force ! Ce sont des aventuriers. La perte de tous les documents de
Jussieu, à l'exception du caoutchouc et du quinquina, ça
fait peine. Je voudrais savoir comment l'auteure s'y est prise pour agencer
tout cela. Je ne fais pas de distinction entre littéraire et pas
littéraire (moi !). J'adorerais que cela soit tourné
au cinéma. Est-ce qu'il y a d'autres ouvrages sur ce sujet ?
Françoise O
Le Voyage en
Laponie, d'Elisabeth Badinter, qui raconte l'expédition
de Maupertuis.
Françoise O
Je me suis laissé embarquer de la première à la dernière
page. C'était une histoire que je connaissais à peu près
mais j'ai eu tout de suite besoin d'une carte (Françoise sort
sa carte). Je me suis laissé prendre, ce n'est pas un livre
littéraire, mais je suis rentrée dans l'histoire. C'était
tellement épatant qu'à certains moments je devais m'arrêter
parce que c'était trop terrible ! L'auteure propose au grand
public une histoire mal connue, mais elle aurait dû faire une présentation
au départ des enjeux de l'expédition : est-ce que la
terre est aplatie aux pôles ou à l'équateur ?
Qui a raison de Descartes ou Newton ? L'envoi des deux équipes
- l'une en Laponie, l'autre en Équateur - ne fait pas
assez sentir l'enjeu de ces savants, qui partent pour la gloire et qui
vont devenir des héros. Cette page d'histoire n'est pas connue
du grand public : le rayonnement intellectuel de la France, le contexte
historique et géographique, la Compagnie des Indes, la vie fastueuse
des créoles, la dureté des Espagnols, la guerre entre Espagne
et l'Angleterre.
Nous sommes embarqués dans une histoire invraisemblable :
ils perdent la notion du temps, ils sont entre la folie et l'ambition
personnelle. C'est une histoire magnifique qui n'est pas dans l'exaltation
littéraire.
Katell
Historienne de formation, j'ai été d'abord époustouflée
par l'écriture de cette histoire qui, il faut bien se le représenter,
est issue de sources multiples et parfois difficiles d'accès :
récits de voyage, correspondances, carnets de notes, travaux scientifiques,
mais aussi minutes de procès, journaux et bien d'autres que nous
n'imaginons même pas... C'est un livre tiré d'une thèse
d'État. Et à la lecture, il est dommage que pas plus de
thèses d'histoire ne soient ainsi "vulgarisées",
pour donner des ouvrages qui allient la rigueur du chercheur à
l'accessibilité du conteur. Cependant, j'aurais aimé moi
aussi que les sources soient un peu plus citées, ouvrir les guillemets
pour appuyer le propos et avoir ainsi la saveur des textes de l'époque.
A la lecture, je me disais que l'histoire est vraiment une discipline
merveilleuse. D'ailleurs, j'ai bien envie de proposer pour l'année
prochaine, un des livres de Chantal Thomas, La Reine scélérate,
sur Marie-Antoinette
Manu
Cette démarche scientifique basée sur des théories,
sur rien de matériel, qui va être éprouvée
sur place, m'a passionnée. Ce fut un boulot énorme et l'auteur
entremêle beaucoup d'anecdotes mais parfois répétitives
(les différents procès de La Condamine). Je suis admiratif
devant la ténacité de ces savants à l'assaut des
montagnes, toutes ces années pour mesurer l'arc du méridien,
pour la grandeur de la France. Je suis étonné qu'ils aient
survécu et qu'ils aient pu revenir. Je n'ai pas cessé de
penser au matériel rudimentaire qu'ils ont utilisé pour
survivre et explorer les sommets péruviens. Dommage que l'auteure
n'explique pas beaucoup ce qu'ils mesurent sur ces plateaux et ces montagnes.
Cette expédition avec ce but un peu fou m'a fait penser à
des films comme Aguirre, la colère de dieu et Fitzcarraldo.
Brigitte
Dans une librairie, on m'a dit : "Tiens, lisez ça c'est
très bien." A la lecture des premières pages, comme
ce n'est pas de la littérature et que je suis un peu snob, je me
suis dit : "Ce n'est vraiment pas pour moi." Puis j'ai
été embarquée, passionnée et cela m'arrive
rarement à 100%. J'ai été sidérée par
ce qui se passait. Ce garçon de 10 ans qu'on envoie en Europe pour
faire ses études et qui meurt en route ! C'est une sacrée
décision pour les parents
Sidérante, cette histoire
où Isabelle s'en sort alors que ses compagnons de route meurent
à 3 mètres de la solution. On imagine cela dans la fiction,
mais c'est encore plus poignant quand on sait que c'est vraiment arrivé.
J'ai eu du plaisir, c'est de la vulgarisation scientifique. L'Espagnol
Ulloa est devenu un savant qui a écrit lui aussi sur cette expédition.
Les mesures étaient meilleures que celles de Maupertuis, on sait
qu'elles sont encore bonnes. Cela a une grande valeur scientifique et
c'est d'une grande rigueur.
Jean-Pierre (de Bretagne)
Louange au "Groupe de lecture", qui, ainsi, permet la découverte
d'écritures aussi diverses et aussi riches - et savoureuses.
Très surprenant Procès des étoiles, à
la vérité, qui s'envole loin et haut par rapport au "roman
historique", bouscule, l'air de rien, les catégories et nous
donne un matériau littéraire délicat - et délectable
sous les atours d'un grand "roman de science et d'histoire",
comme on aurait dit dans le temps. J'ai beaucoup aimé. J'ai lu,
relu et reviendrai sans doute à cette saga profonde, colorée
et savante de nos amis La Condamine, Bouguer, Jussieu et compagnie ;
sans parler des méthodes délicates requises à la
mesure du fameux méridien dont l'exposé rigoureux m'a ramené
aux affres des exercices de "trigo" et m'a fait aller chercher
mes vieilles tables pour une entreprise de grande réconciliation.
Le Procès des étoiles s'il fait connaître et
aimer un épisode finalement peu connu de l'épopée
cartographique, abonde en petits mouvements de belle écriture sur
lesquels, personnellement, je me suis attardé à plaisir.
Un, parmi beaucoup d'autres : la tragique fin de Séniergue
sur fond de tauromachie locale (p. 61). "Des pantomimes s'organisent
spontanément, des groupes de danseurs s'épuisent, des chants
éclatent et s'éteignent, remplacés par d'autres.
Un cavalier paraît au milieu d'un groupe, et Séniergue sourit..."
Nos
cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
à la folie, beaucoup,
moyennement, un peu, pas du tout
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