Quatrième de couverture

Tout quitter du jour au lendemain pour aller chercher, seule, au fin fond de la Chine communiste, les secrets oubliés de l'art antique chinois, était-ce bien raisonnable ? Fabienne Verdier ne s'est pas posé la question : en ce début des années 1980, la jeune et brillante étudiante des Beaux-Arts est comme aimantée par le désir d'apprendre cet art pictural et calligraphique dévasté par la Révolution culturelle.

 

Fabienne Verdier
Passagère du silence (2003)

Nous avons lu ce livre en mai 2006.

Jean-Pierre des Alpes
Bonjour à toutes et à tous de mes montagnes. Quelques lignes, tout juste sur cette Passagère du silence...
Il y a quelques années que le nom de Fabienne Verdier m'est familier. Une émission de Les vivants et les dieux de Michel Cazenave (France Culture) lui avait été consacrée. Elle y parlait simplement de ce parcours de vie - évidemment peu commun - surtout, elle disait avec des mots essentiels un peu (comment dire ces choses, justement, qui sont bien plus servies par un trait que par l'idée et le mot) de son expérience intime. J'aurais bien voulu ici rapporter quelques unes des belles notes qu'elle lisait de temps à autre, tout au long de cette rencontre dans l'atelier de la Sente aux fouines où travaille l'artiste. Plus tard j'ai ouvert le magnifique L'Unique Trait de pinceau qui contient un certain nombre de ces réflexions, je crois.
C'est dire que ce Passagère du silence - qui n'est pas sans intérêt, loin de là - m'a captivé... puis vite déçu. Exceptées des pages un peu bâclées où parlent quelques-uns des grands maîtres approchés. Ni roman, ni essai, cet ouvrage ne trouve pas sa note juste, selon moi et le travail artistique de l'auteur me paraît bien plus intéressant que le récit de sa vie. J'attends vos réactions avec curiosité. Peut-être me conduiront-elles à rouvrir un peu ce livre ?
Brigitte
J'ignorais totalement de quoi il s'agissait. Le titre, qui de mon point de vue est mal choisi, n'apportait aucune information. J'ai trouvé le livre très intéressant par la façon dont l'auteur aborde le sujet si difficile de la nature de l'œuvre d'art. Je trouve qu'elle réussit à en donner une approche très convaincante, sans être théorique, ni lassante, puisqu'elle a choisi le biais du témoignage. Je suis très impressionnée par son énergie, son opiniâtreté, son courage, sa détermination à aller chercher sa formation artistique auprès de ces vieux maîtres chinois, tellement inaccessibles pour cette jeune Française. Sa description du mode de vie dans les provinces reculées de Chine, ses contacts avec le milieu étudiant, ses voyages auprès d'ethnies perdues dans des montagnes quasiment inaccessibles, ses relations avec la nature, les animaux... m'ont vraiment beaucoup intéressée. L'écriture est sans prétention ; la littérature n'est pas l'art qui l'intéresse, mais son texte n'est pas facile à lire. C'est un livre très original par son contenu et qui m'a beaucoup apporté.
Sandrine
J'ai lu La Passagère du silence l'automne dernier et ce livre m'a beaucoup plu… pour plusieurs raisons qui ne sont pas littéraires : je crois qu'émane de ce livre un feu intérieur, celui de l'auteur, celle de sa quête entêtée, sa soif d'apprendre, sa curiosité des autres et du monde... elle écrit parce qu'elle a des choses à dire et à transmettre, à partager aussi. Elle a cette extraordinaire capacité d'embarquer dans sa quête le lecteur et de lui transmettre son extraordinaire énergie et son enthousiasme. Ce récit est le parcours initiatique d'une jeune femme, qui après avoir étudié aux Beaux-arts va chercher ses racines artistiques au fin fond de la Chine et puiser dans l'étude et l'apprentissage de la calligraphie le sens qu'elle recherche dans l'art. Parce que ce vieux maître chinois devient ce guide, ce professeur et cette figure paternelle qu'elle n'a pas trouvée en France, parce que la calligraphie développe des qualités de travail, de patience, de maîtrise de soi, d'équilibre et de concentration, des exigences qu'elle n'a pas trouvées auprès d'autres artistes.
Ses réflexions sur son art sont savamment distillées au milieu de ses "aventures" rocambolesques, initiant le lecteur à la calligraphie sans lui asséner des théories fumeuses sur l'art..., ce livre encourage le lecteur à aller de l'avant et à choisir sont destin en fonction de ses envies et de ses motivations intérieures, aussi incongru et surprenant ce destin puisse-t-il devenir. Il l'incite aussi à s'intéresser à la calligraphie et à faire confiance à la vie (comme dans les romans pour jeunes filles, tout est bien qui finit bien !)... mais pourquoi ne pas faire un film de ce roman ?
Florence
Je n'avais jamais entendu parler de Fabienne Verdier, mais le livre m'avait été si chaleureusement recommandé que je l'ai proposé au groupe sans l'avoir lu !
Le récit de la voyageuse m'a beaucoup intéressée. A l'adolescence, je m'étais, moi aussi, prise de passion pour la Chine. J'ai suivi des cours de chinois pendant deux ans, fait partie de la troupe de marionnettes chinoises dirigée par un certain Jacques Pimpaneau... Celui-là même que l'auteure remercie chaleureusement à la fin du livre. Et j'ai calculé que nous avions à peu près le même âge, Fabienne et moi. La ressemblance s'arrête là. Il y a des gens qui ont une vie extraordinaire et d'autres pas. Voilà ce que je me suis dit en lisant son livre. Je crois que ça m'a un peu déprimée... Voilà quelqu'un qui va au bout de ses passions ("l'extase n'est pas un don du ciel qu'on attend les bras croisés"), qui fait des rencontres magnifiques, vit des choses incroyables... A côté, évidemment, le commun des mortels se sent moins que rien. Et c'est aussi ce qui m'a gênée : cette affirmation répétée de sa supériorité. Je n'ai pas du tout aimé les jugements abrupts sur ses contemporains : les étudiants des Beaux Arts, les profs, Mnouchkine (non mais !). Je n'ai pas toujours bien compris le sens de sa démarche, les sentiments qu'elle éprouve, ni ce qu'elle dit de sa peinture.
Bref, je suis restée distante, bien qu'admirative, face à cette étrangère (à elle-même ?) partie "conquérir et façonner l'extase" à force d'intelligence et de ténacité.
Jacqueline
Je ne suis pas dans une période où j'ai beaucoup de temps pour lire. Or, ce livre demande du temps pour faire résonner le silence. Le titre est très bien. J'ai été très intéressée par la vie en Chine mais j'ai eu beaucoup de mal avec ce qui est artistique. Se passer du langage, n'être que dans le geste m'est complètement étranger. J'admire ce choix de l'auteure, sa ténacité, mais je n'ai pas de jugement sur l'enseignement artistique chinois, je reste en dehors de la pensée de l'auteure.
Françoise O
Je n'ai pas réussi à me mettre dans ce personnage, avec une passion, une folie aussi froides.
Elle ne fait pas passer sa passion pour la calligraphie, ni comprendre comment elle supporte de consacrer trois ans à apprendre à donner un coup de pinceau. Sa folie ne m'atteint pas.
Claire
J'ai beaucoup aimé avec quelques réserves. L'auteure est mystique, pas détraquée. C'est pour moi un univers familier. J'admire la force extraordinaire du personnage, mais les mots sont faibles quand elle parle de son art ; elle ne sait pas rendre les randonnées extraordinaires avec son maître. Sa rencontre avec Ghislain (chez qui elle devine "un cœur pur" - ô cucuterie) ne vibre pas. Les durées ne sont pas indiquées, c'est étrange. Notons qu'elle a quand même ses arrières assurés. Elle est à la fois extraordinaire et décevante. Mais je trouve que c'est un livre important.
Liliane
Bien que très intéressée par le sujet, je m'aperçois que j'ai fort peu souligné. L'auteure a vécu une sacrée expérience, mais elle ne sait pas l'écrire, ni à propos de la peinture ni à propos d'autre chose. C'est une lecture documentaire sur la Chine de l'époque. Je n'ai pas eu de réponse aux questions que je me pose sur le dessin. J'aimerais trouver un maître, quelqu'un qui guide tout en respectant la personnalité de l'autre. Fabienne Verdier est un peu normative dans son discours, on comprend qu'elle ait pu supporter cette vie en Chine. Actuellement en Occident il n'y a plus de maîtres en peinture ; l'auteure a trouvé en Chine quelque chose de conventionnel, ce qu'elle recherchait, quelque chose entre le physique et le mental. Il y a des réflexions intéressantes sur le blanc. Ce livre est décevant par rapport à ma propre pratique du dessin.
Geneviève
Ce livre est une frustration permanente. Les considérations autour de la peinture, du papier, de la gravure (ma fille fait de la gravure), j'essaie de les comprendre, mais je suis profondément agacée par l'auteure. Ce qu'elle fait est toujours très beau ; elle navigue entre l'autosatisfaction, la compassion et l'indignation. Elle dit toujours qu'elle est extraordinaire, tous les maîtres chinois la trouvent remarquable... Mais ce qu'elle a vécu est vraiment intéressant et je la crois sincère. Malheureusement, elle a une incapacité à raconter ce qui lui arrive. Par exemple son viol. A d'autres moments, son émotivité est insupportable.
Françoise D
J'ai été plus intéressée par son aventure physique, le contexte, les dégâts de la révolution culturelle (comme dans Balzac et la petite tailleuse...) et son apprentissage que par le côté artistique. Mais j'ai été aussi intéressée par le discours de ses maîtres et la comparaison entre la peinture chinoise et la peinture occidentale qui m'ont aidée à comprendre (un peu) la peinture chinoise qui a priori ne me touche pas ; j'aurais aimé avoir plus d'explications techniques par exemple sur le marouflage ou l'utilisation de la pierre d'encre.
Par ailleurs, "Mademoiselle Fa" n'est pas écrivain et son écriture est laborieuse ; de plus son ego hyper développé la rend pénible par moment (c'est pourquoi "je n'ouvre pas en grand"), mais c'est cet ego lui a permis de traverser toutes ces épreuves - et aussi l'éducation reçue de son père - y compris le viol dont elle est victime dès le départ et dont le récit m'a scotchée. Le but qu'elle s'est donné, son opiniâtreté, son courage, l'aident à survivre et forcent l'admiration.
Je ne vois vraiment pas pourquoi Françoise O parle de folie (quand Liliane parle de discours normatif)…
Claude
J'ai aimé la vie d'aventurière qu'elle raconte, 6 ans dans des conditions très dures. Quand la passion tient, on peut poursuivre... C'est une privilégiée, mais elle demande à vivre comme les autres étudiants chinois. Elle adopte un mainate pour pouvoir parler à quelqu'un. Elle n'a pas froid aux yeux, elle fait le mur pour aller au théâtre, ce qui est très dangereux. J'ai aimé tout ce qui est concret, mais j'aurais eu besoin d'images pour suivre ce qui est dit sur la peinture et la calligraphie. L'auteure émet quand même des doutes sur ce choix de vie.
Christine
Ce livre aurait pu paraître dans la collection "Terre humaine", car il ressemble aux livres de cette collection. J'ai trouvé l'écriture très mièvre, puis le récit du viol très ramassé m'a apporté un autre point de vue et m'a permis de dépasser le côté agaçant de la personne.
Pourquoi un tel entêtement ? Quelles en sont les raisons ? C'est un récit passionnant de sa vie. On lui donne une interprète, mais elle veut apprendre la langue. Elle recherche de vieux maîtres et elle découvre les conséquences de la révolution culturelle. Elle est dans une grande solitude, elle reste toujours l'étrangère. Elle doit avoir une grande force pour supporter les humiliations mais aussi un grand ego car sans cette confiance en elle, elle n'aurait pas supporté cette "vie de chienne". Elle est sincère mais difficile à cerner. Ses échanges avec ses maîtres sont très clairs, très enrichissants. Le message est réussi car on a envie de voir "ses œuvres". Ce n'est pas un écrivain, c'est une artiste, mais elle raconte bien quand elle décrit ce qui se passe autour d'elle (les grillons, les pigeons...). C'est une quête.
Monique
L'auteure n'est pas un écrivain mais on lui pardonne totalement. C'est un livre passionnant par le thème. Tout ce qui est artistique (la création) n'est pas quelque chose qui se partage.
Je pense que son oncle et sa tante sont très importants dans sa démarche ; c'est sa tante ethnologue qui lui avait demandé d'écrire ce récit ; elle se sent redevable vis-à-vis d'eux.
Je ne me suis jamais sentie agacée ; c'est vrai qu'elle est égocentrique mais autrement elle ne serait pas restée en Chine. Le fait qu'elle ne développe pas le viol est remarquable, elle pose tout de suite ses marques : elle ne racontera pas ses sentiments, elle ne racontera pas ses nuits de cafard. Quand elle dit qu'elle est quelqu'un d'exceptionnel, c'est vrai. Elle avait une volonté que les vieux maîtres n'avaient pas l'habitude de rencontrer chez les étudiants chinois. Elle ne nous livre pas le pourquoi de son voyage. Heureusement qu'il y avait les photos au milieu du livre ; on voit son atelier, on voit qu'elle passe du temps à travailler.
J'ai un doute : le récit est calqué sur l'apprentissage chinois, les sceaux, les traits, le voyage initiatique avec le maître. L'histoire du boucher est l'histoire symbolique qu'on raconte aux apprentis calligraphes. Je n'ai pas aimé quand elle retourne en Chine comme attachée culturelle.
Katell
J'ai trouvé ce livre très intéressant, tout particulièrement sur les ponts et parallèles qu'elle fait entre la culture orientale et la culture occidentale. J'ai été aussi bluffée par la dureté des épreuves et des conditions de vie qu'elle endure. Cependant, j'ai trouvé l'écriture assez froide, même pour narrer son histoire d'amour. C'est toujours mis à distance et c'est dommage. Ça nuit à la force de l'évocation. Et puis parfois, elle se vante un peu.
Lona
« L’instant qui passe est de l’éternité »...
« L’extase n’est pas un don du Ciel qu’on attend les bras croisés ; elle se conquiert, se façonne, et l’intelligence y a aussi une part »...
« Point n’est besoin de comprendre (…) pour atteindre la tranquillité de l’âme ».
Que pourrait-on rajouter ? J’ai beaucoup aimé ce livre, ce fil tendu entre Occident et Orient : exil ethno-initiatique, pour apprendre la peinture chinoise, les rapports entre Maître et élève dans un climat de communisme à la chinoise, de bureaucratie lourde, de délation, de pauvreté, de saleté, de misère, de patience, de modestie et d’humilité (déjà enseigné par le père). On découvre la Chine du raffinement, des lettrés, de l’art, de la poésie, de la sagesse, de la cuisine. La rencontre de gens d’exception dans un monde détruit par la Révolution culturelle, d’autoritarisme, du rigorisme avec toutes ses tragédies. Les rencontres dans les maisons de thé, l’initiation aux jeux par les vieux, la découverte de la culture populaire m’ont passionnés. De très belles descriptions du Tibet sur trames historiques (guerre du Japon/Tibet/communisme), de la vie et des conditions féminines…
Marie-Laure
Je me suis laissée porter par les odeurs (piments et autres condiments au milieu des vêtements), les décors (l'escalier rempli de bicyclettes... la vieille veste usée, le détail des scènes et des acteurs). Fabienne Verdier s'accorde du temps lorsqu'elle parle de ses maîtres et de la calligraphie. J'ai aimé la lumière des calligraphies, la découverte de la gravure, faire, et refaire prendre son temps (" Sois patiente et travaille avec toute la lenteur voulue "), sa soif d'apprendre, de découvrir, apprendre la langue pour partager. Un apprentissage long et parfois décourageant, mais elle a cette volonté des gens qui rebondissent et vont de l'avant tout le temps. Elle nous fait découvrir une sorte de parcours initiatique au travers de son voyage et sa découverte des autres.
Tiany, jeune peintre des années 30-40 disait "la peinture chinoise est fonder sur un apparent paradoxe, elle obéit humblement aux lois du réel, dans toutes les manifestations de la vie visibles et invisibles et dans le même temps, elle vise d'emblée la Vision. Elle ne peut être captée par l'homme qu'avec le regard de l'esprit" (3ème œil). Les maitres Chan eux disent : "voir, ne plus voir, s'abimer à l'intérieur du non voir et re-voir".
Je me suis beaucoup plu dans cet univers, un peu plus de détails sur des états d'âme auraient été encore plus attrayant, car il m'a manqué d'images dans ses rapports humains avec certains maîtres, et des ressentis pour les personnes rencontrées.
Lil
Livre lu avec passion lors de sa sortie, relu à moitié pour ce voix au chapitre. Toujours séduite par ce parcours de vie très original, la personnalité de l'auteure, sa détermination, son talent.
Et, bien sûr, en accord total avec le récit de son apprentissage auprès de ses maîtres lettrés. La calligraphie relève d'une philosophie, d'un art de vivre, d'une qualité d'être intérieure et l'apprentissage auquel elle se soumet va beaucoup plus loin que l'étude d'une technique.
On comprend très bien qu'il s'agit d'unité intérieure, d'harmonie, de lâcher-prise. La calligraphie est une méditation en action, un voyage initiatique.
Je souscris totalement à ce qui est dit dans ce livre.
Jessica
Un réel dépaysement. Je me suis laissé très vite transporter et c'est rare lorsqu'il ne s'agit pas d'un roman. Encore une fois, je suis confrontée à mon manque de connaissances en la matière et c'est largement frustrant, mais mon imaginaire aime à prendre le dessus. Au début j’ai eu l’impression que l'histoire allait trop vite : il manquait quelques arrêts à certains moments de sa vie, puis ensuite, ce fut une impression de lenteur : l'apprentissage est long et laborieux.
J'aime son caractère ouvert à l'échange culturel et artistique. J'aime cette façon d'apprendre : tout ressentir, ne pas mentir ni se mentir. Elle apprend un art en apprenant à se connaître. C'est parfois difficile à saisir.
Jean-Pierre de Bretagne
Pourquoi seulement à moitié, parce que des histoires de peintres chinois sont à mes antipodes, que les lieux et les noms de personnes me sont parfaitement étrangers pour ne pas dire étranges, parce que cette quête sans fin d'un monde perdu et d'ailleurs probablement jamais trouvé, cette recherche incessante des choses derrière les choses, ces pèlerinages aux obscurités lumineuses des ésotérismes, des mythologies, des mythes me bassinent profondément, parce que les redites de maître en maître se font écho de page en page jusqu'à plus soif...
Pourquoi ouvert à demi ? Parce que Fabienne Verdier est éminemment sympathique, que son séjour initiatique dans cette Chine de la révolution culturelle et du maoïsme totalitaire permet de brosser un tableau terrible de la condition des Chinois et singulièrement des intellectuels, parce que je partage pleinement la certitude de l'auteure de l'unité du cosmos, le sentiment du beau et du merveilleux dans la plus petite créature, dans le moindre brin d'herbe, dans le plus misérable caillou, cette vision de la communauté essentielle de tout ce qui fait l'univers, cette plénitude qui nous envahit dans la quiétude de la nature.
Mon
Le style est précis, sans fioriture. J'ai beaucoup aimé le caractère extraordinaire de l'auteure, ai apprécié le tableau de la Chine et de cet univers oppressant décrit avec discrétion et recul. J'ai été intéressée par les documents sur les ethnies.
Nicole
J'ai lu ce livre avec d'autant plus d'attention, que je connaissais déjà l'histoire de l'auteure. La distance prise par rapport au récit, parfois dramatique, m'a frappée et j'ai trouvé que l'auteure laissait sa sensibilité affleurer surtout lors de son " initiation " dans la montagne avec son Maître calligraphe.
Par moment, j'ai été agacée par l'ego de l'auteure, mais admirative de sa détermination à aller jusqu'au bout de sa recherche. L'un n'allant pas sans l'autre sans doute !
Outre le côté documentaire très intéressant, j'ai été très sensible aux apprentissages, aux explications des émotions que doivent transmettre les calligraphies et mon regard ne sera certainement plus le même.

Jean-Pierre des Alpes
Je viens de retrouver les extraits de F. Verdier, je les ajoute donc à mon petit compte-rendu... qui n'aurait guère d'intérêt sans eux :

Vendredi - Il suffit de broyer un peu d'encre, pour que l'alchimie du musc, du pin, du camphre, nous donne la clef des songes.
Dimanche - Voie d'encre, ritournelle de l'esprit, éternellement changeante, fluide et insaisissable, sans en interrompre le mystère.
Dimanche - Tatouée d'encre noire, balisée d'espoir. Il me dépasse cet instant où la forme surgit.
Vendredi - Capter les souffles qui habitent l'esprit : le pèlerinage est sans fin ; mais quand, soudain, l'alchimie s'opère, alors un sentiment de béatitude totale envahit tout mon être.
Mardi - Saisie d'effroi, je piétine dans mon bac à encre depuis l'aube jusqu'au soir. Serai jamais un jour virtuose de mes pensées au pinceau ?
Lundi - Le hasard fait qu'au petit matin, immobile, dans un travail interne, ce pinceau banal en poil de chèvre m'a tracé les récifs d'un paysage de rêve.
Vendredi - Abandon du soir, retraite obligée. Humiliation du corps qui n'a pas su servir l'esprit.
Lundi - Le songe fugitif passe comme un nuage. Il me faut, pour l'attraper, beaucoup d'audace, mais, surtout, le cœur disponible.
Jeudi - Savez-vous que d'être pleinement du RIEN, c'est divin ?
Mardi - L'idée tombe comme la goutte d'eau. Il s'agit, comme l'éclair, d'accomplir ma tâche : saisir les nuées d'encre et foudroyer la forme.
Mercredi - La mémoire ancienne de mon encre, c'est le pin qui se balance au vent ; la mémoire ancienne de mon pinceau, c'est la chèvre qui se frotte au bambou ; la mémoire ancienne de ma toile de soie, c'est la ponte du papillon et la chenille au travail.
Lundi - Ce matin, mécaniquement, je broie mon encre, dépouillée de toute inspiration. Dans la constance du geste, stupéfaite, je retrouve le flux.
Vendredi - C'est la brouillasse du vent du nord qui charge mon encre de nuages d'eau. Mon pinceau sec en poil de cheval y puise son souffle avec ravissement.
Mardi - Ne songe pas à désherber sans cesse devant l'atelier. Les graminées sont vivaces, les calligraphies éphémères.
Jeudi - La pensée cursive à l'assaut du vide, sur un lé de soie s'inscrit comme une prière
Mardi - Calligraphie d'un songe. Vertige d'un instant. Nul repentir face au néant.
Jeudi - Les genoux bleus de tant de recueillement devant la toile toujours vierge.
Sans date - Les souliers crottés d'avoir tant piétiné entre deux seaux d'encre. Demeure sur la toile ce trait magistral.
Sans date - Je trempe mon pinceau dans le bol à thé. Je trempe mes lèvres dans le pot d'eau d'encre. Qu'importe. Le monde n'existe plus et je voyage ailleurs.
Mardi - Suivre le cours naturel des fleuves. Unifier esprit, pinceau et lavis d'encre : la calligraphie surgit alors comme une évidence. Insondable est cette alchimie.


 

Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :

à la folie, beaucoup, moyennement, un peu, pas du tout

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