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Marguerite Yourcenar
uvres diverses
Lil de Plum'
J'ai adoré cette liberté de circuler dans l'uvre romanesque
de Marguerite Yourcenar, chacun, chacune picorant selon ses envies, ce
qui, au final, nous a permis de lire ou relire cinq livres de notre célèbre
Margotte. Grâce au regard de chacun de mes amis de lecture, j'ai
relu, avec grand plaisir, Les Mémoires d'Hadrien, L'uvre
au noir, Le Denier du rêve...
Pour ma part, je me suis plongée, avec bonheur, dans Les Nouvelles
orientales, ouvert complètement, et Un Homme obscur, ouvert
aux ¾
Je me suis laissé totalement séduire par les différents
récits du premier ouvrage : c'est un livre " délicieux ",
où le réel, le rêve, le mythe se mêlent avec
bonheur. Ces contes sont, dans la facture et le fond, très orientaux.
Le style fleuri et plein de poésie nous fait passer sans effort
d'une nouvelle à l'autre et banalise totalement l'horreur de certains
récits... Mes préférés sont " Comment
Wang-Fo fut sauvé " et " La veuve Aphrodissia " :
conte superbe, fort et dense.
Quant à un " Homme obscur ", je ne connaissais
pas du tout ce livre. Marguerite Yourcenar l'aurait écrit, une
première fois à 20 ans, remanié en 1935, et produit,
une version finale en 1980, c'est-à-dire 22 ans plus tard !
L'auteur dit avoir très vite rêvé deux hommes :
Zénon, lancé à la poursuite de la connaissance, pénétré
de toutes les cultures et toutes les philosophies de son temps, les rejetant
pour se créer les siennes et Nathanaël, personnage à
l'opposé du premier, qui, lui, " se laisse vivre ",
indolent jusqu'à la passivité, quasi inculte, mais doué
d'une âme limpide, d'un esprit juste qui le détournent, comme
d'instinct, du faux et de l'inutile, mourant jeune, sans s'étonner,
sans se plaindre, comme il a vécu.
Je me suis donc accrochée au parcours " rocambolesque "
de cet homme obscur, avec étonnement et curiosité, me demandant
parfois où Marguerite voulait en venir !
Parti de Londres où Nathanaël, fils d'un charpentier de marine
hollandais, intelligent, boiteux et donc à l'abri du travail manuel
paternel, s'enfuit en passager clandestin sur un bateau, après
avoir, pense-t-il, tué le violeur de sa petite amie, je l'ai suivi
en Jamaïque, aux Barbades, à Terre-Neuve, aux Pays-Bas...
Dans tous ces pays, Nathanaël traverse sa destinée, riche
d'expériences diverses et multiples et pour le moins époustouflantes,
avec cette indolence étonnante, formulant silencieusement sa pensée
sur le monde. Il reste aussi indépendant que possible de toute
opinion inculquée, il est délesté à l'extrême,
se méfie des livres, des musiques, des peintures et est indifférent
aux grands évènements des gazettes. Il reste sans préjugé
et reste ouvert à toute expérience dans le domaine des sens
et prend la science et la philosophie pour ce que sont les savants et
les philosophes qu'il rencontre sur son chemin. Rien ne vient perturber
le regard clair qu'il porte sur le monde.
La fin de Nathanaël est une merveille : il est hors du monde,
dans la nature, sur une île frisonne, seul. Le temps ne compte plus,
il ne parle plus, il mène une réflexion sur son passé,
sur lui-même, sur la vie (magnifiques passages !) et, dans
une symbiose totale avec le lieu, sentant la fin venir, il choisit (le
voici enfin acteur de sa vie), l'endroit le plus adéquat pour disparaître
et retourner à la terre, comme un animal, sans funérailles.
Le style, toujours un peu glacé, de Marguerite Yourcenar, nous
tient à quelque distance du récit, sauf dans cette dernière
partie, cet ultime séjour sur l'île, où l'écriture
participe pleinement à cette immersion dans la nature. J'ai adoré
cette fin.
Jean-Pierre
Les vacances se terminent (c'est un retraité qui vous le dit) et,
en même temps, l'intermède Yourcenar prend fin.
A ma grande honte, j'avoue n'avoir lu, pendant ces deux mois, que Le
Denier du rêve et un tout petit bout de L'uvre au noir,
donc si mince que je ne pourrai rien en dire.
J'ai volontairement et peut-être imprudemment laissé de côté
des uvres plus célèbres, même pour un ignare
comme moi qui n'avais jamais rien lu de cette brave Margot. C'est ainsi
que j'ai notamment dédaigné Les Mémoires d'Hadrien
me disant que le commun l'ayant encensé, il me conviendrait mieux
de l'ignorer et de porter mes attentions vers des productions moins populaires.
Ainsi parle, non pas Zarathoustra, mais moi-même qui personnellement
je.
Trêve de billevesées, Margot, dans Le Denier du rêve
m'a enthousiasmé par son écriture flamboyante, par la recherche
du mot juste et de la phrase bien tournée. En voilà une
auteure qu'elle écrit bien. Trop bien pour être honnêtement
à la portée du quidam, ce qu'elle ne cherche à l'évidence
pas. Car que de noms propres ! Que de gens célèbres
pour ceux qui les connaissent ! Que de lieux exotiques familiers
aux italophiles ! Que de monde, invités inopinés, imprévus,
voire inattendus et peut-être même fortuits ! Que d'histoires
plus ou moins emmêlées ! Que de digressions et de dialogues
tournicotés ! J'ai perdu l'habitude que je n'ai jamais eue
de coupler mes lectures avec des carnets de notes, comme pour les bouquins
de mathématiques. J'ai la flemme. Il eût fallu cependant,
pour déguster l'uvre à sa juste valeur, probablement.
Tant pis pour moi. Mais pour la technique épistolaire, chapeau !
Livre à moitié ouvert
à toutes les hypothèses.
Marie-Thé
La rentrée est arrivée si vite, je ne l'avais pas vue qui
approchait
Je continuerai donc à redécouvrir Les
Mémoires d'Hadrien " après le 2 septembre ".
J'ai évidemment été émerveillée par
ce que j'ai commencé à relire (après tant d'années).
Ce livre est un chef-d'uvre, on ne s'en lassera jamais, à
la différence de tous ces livres qui paraissent et disparaissent
aussi vite. Celui-ci restera, fascinant...
Dans ses carnets de notes des Mémoires d'Hadrien , M. Yourcenar
dit : " Retrouvé dans un volume de la correspondance
de Flaubert, fort lu et fort souligné par moi vers 1927, la phrase
inoubliable : " Les dieux n'étant plus, et le Christ
n'étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc
Aurèle, un moment unique où l'homme seul à été ".
Une grande partie de ma vie allait se passer à essayer de définir,
puis à peindre, cet homme seul et d'ailleurs relié à
tout. "
Au début du livre, nous découvrons Hadrien parlant de son
corps maintenant malade, face à Hermogene, son médecin.
" Il est difficile de rester empereur en présence d'un
médecin, et difficile aussi de garder sa qualité d'homme...
Paix... J'aime mon corps, il m'a bien servi... " Et plus loin :
" Mais nul ne peut dépasser les limites prescrites ;
mes jambes enflées ne me soutiennent plus pendant les longues cérémonies
romaines ; je suffoque ; et j'ai soixante ans ". Hadrien,
soixante ans, Marc Aurèle à qui il écrit, dix sept
ans.
Impossible de choisir, les passages que je voudrais vous faire partager
sont si nombreux. Pour moi, ce livre éclipse presque tous les autres.
A lire, à relire absolument.
Encore quelques lignes d'Hadrie : " ...Je n'en suis pas
moins arrivé à l'âge où la vie, pour chaque
homme, est une défaite acceptée. " ou : " Je
commence à apercevoir le profil de ma mort. " A propos
de la chasse : " Qui sait ? Peut-être n'ai-je
été si économe de sang humain que parce que j'ai
tant versé celui des bêtes fauves, que parfois, secrètement,
je préférais aux hommes. "
Sur l'amour : " De tous nos jeux, c'est le seul qui risque
de bouleverser l'âme, le seul aussi où le joueur s'abandonne
nécessairement au délire du corps. Il n'est pas indispensable
que le buveur abdique sa raison, mais l'amant qui garde la sienne n'obéit
pas jusqu'au bout a son dieu. " Puis : " Ce jeu
mystérieux qui va de l'amour d'un corps à l'amour d'une
personne m'a semblé assez beau pour lui consacrer une part de ma
vie. " Et encore : " ... qu'un seul être,
au lieu de nous inspirer tout au plus de l'irritation, du plaisir ou de
l'ennui, nous hante comme une musique et nous tourmente comme un problème ;
qu'il passe de la périphérie de notre univers a son centre,
nous devienne enfin plus indispensable que nous-mêmes, et l'étonnant
prodige a lieu ,où je vois bien davantage, un envahissement de
la chair par l'esprit qu'un simple jeu de la chair. "
De son père : " Mon père était un
homme accablé de vertus... "
Un peu plus loin : " Le véritable lieu de naissance
est celui où l'on a porté pour la première fois un
coup d'il intelligent sur soi-même : mes premières
patries on été des livres. "
Encore : " Notre grande erreur est d'essayer d'obtenir
de chacun en particulier les vertus qu'il n'a pas, et de négliger,
de cultiver celles qu'il possède. "
etc. etc. etc.
C'est tout le livre qu'il faudrait citer...
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