Quatrième
de couverture :
Dans le plus ambitieux de ses romans à ce jour,
Colum McCann réinvente la figure de Rudolf Noureïev, celui
dont le nom fut synonyme de génie, de sexe et d'excès. Des
horreurs de la bataille de Stalingrad à la permissivité
sauvage du New York des années soixante-dix, entouré d'une
impressionnante cohorte de personnages, réels ou imaginaires, se
tient l'artiste : volontaire, lascif, ambitieux, mû par le besoin
d'une perfection à jamais hors d'atteinte. Il en résulte
une monumentale histoire d'amour, d'art et d'exil.
« Danseur est vraiment un roman surprenant (...)
qui brouille les limites entre fiction et réalité pour atteindre
le vrai. (...) Un roman âpre et suave sur l'underground new-yorkais,
un roman acharné sur un homme qui ne voulait pas connaître
de limites, un roman triste sur une vie passée à fuir, sauf
qu'on n'échappe pas à soi-même. »
Olivia de Lamberterie, Elle
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Colum McCann
Danseur
Nous avons lu ce livre en juin 2007.
Nous avions lu Les saisons
de la nuit en
2005.
Geneviève
J'ai lu Dancer en anglais, il y a déjà à peu
près deux ans : très bon souvenir. J'ai toujours été
passionnée de danse et de danseurs, donc, le sujet m'intéressait.
J'étais aussi intéressée par le projet de biographie
romancée. Je me suis donc mise à le relire pour le groupe
et, alors que je déteste relire, j'ai été prise dedans
comme la première fois, avec peut-être plus de distance,
ce qui m'a permis d'admirer, surtout pour le début, ce jeu fascinant
sur l'élargissement et le rétrécissement de l'angle
de vue. Ce début avec la liste des objets jetés sur la scène
est du pur génie, surtout suivi de l'élargissement brutal
au champ de bataille avec ce côté épique et grandiose
curieusement renforcé par la crudité des détails
horribles et si charnels ! À la relecture, la première
partie me captive plus : la vie en Russie à cette époque,
la douleur et la difficulté de la marginalité, c'est fascinant.
Curieusement, je me souvenais plus de la deuxième partie, de cette
impression de déchéance physique et morale. Je n'ai pas
eu le temps de relire jusqu'au bout, jusqu'au retour en Russie, peut-être
un peu forcé, mais extrêmement émouvant.
Bref, je suis enthousiaste : le sujet, la construction, l'écriture,
tout. Et j'espère que si d'aventure la discussion s'engageait sur
la légitimité d'une biographie romancée, vous relirez
l'épigramme qui dit très justement combien l'histoire est
toujours une réécriture du passé.
Annick
Je n'ai pas fini, faute de temps, et j'en suis désespérée.
C'est un livre vraiment magnifique. Cela faisait longtemps que je n'avais
pas lu un tel roman.
Claire
Et American Darling ?...
Annick
Oui, mais là je suis plus séduite par l'écriture.
Ces touches impressionnistes pour camper les choses, pour faire naître
les images. Au début, je ne faisais pas attention aux changements
de points de vue ; après m'en être aperçue, je
suis revenue en arrière et j'ai constaté les différences,
et on passe de l'un à l'autre avec fluidité. La lettre de
N. sur l'exil est très belle. Je suis captivée par la façon
dont naît la figure de cet homme, de façon charnelle, comme
le dit Geneviève. Il sort de la mer, sa partenaire le regarde,
c'est une très belle scène. C'est un livre presque physique
où on touche du doigt. Le pari est parfaitement tenu de faire revivre
Noureev, et pas seulement : la Russie stalinienne et post-stalinienne,
mais toujours dans le roman, sans commentaire, sans jugement, on ressent,
on partage leur calvaire. C'est passionnant, riche, on s'intéresse
à la danse, aux rapports est/ouest, et tout ça est fluide,
tient ensemble, c'est du grand art, sans sauter du coq-à-l'âne
le journal tout à coup donne une saillie antisémite, nous
fait plonger dedans. Je regrette de n'avoir pas fini, c'est une délectation.
McCann est un grand romancier ; j'avais été transportée
par Les Saisons de la nuit avec des sujets très différents.
Ce qui est assez chouette c'est que Noureev, un homme sûrement détestable
nous est rendu humain. Il fuit pour la danse, est grossier, parfois délicat,
le portrait est très fin.
Françoise O
Je viens de le finir. La fin m'a bouleversée et je suis restée
plusieurs minutes sidérée. J'ai fait une courbe de ma lecture
(de prof de physique) ; ça démarre très fort,
la scène des babouchkas diminue la violence, puis le petit danseur,
puis une période à plat où j'ai eu du mal à
me laisser prendre (à cause du personnage) et la dureté
de l'apprentissage, terrifiant. J'aime la danse, Jordon, l'amant de Béjart,
je m'en souviens, et Sankaï Juku, c'est autre chose que cette danse
dans le livre. Le foisonnement m'a gênée aussi, j'ai fait
un organigramme pour m'y retrouver. J'ai bien aimé le journal.
Il part de Russie, c'est de plus en plus foisonnant, mais aussi la grisaille,
la vie des femmes, le contraste, la douleur contrôlée, la
tristesse. La fin du livre, c'est le retour, les quelques heures passées
en Russie, très peu de mots, les personnages secondaires - Odile -
ça m'a paru trop. Le personnage n'est pas très sympathique.
Françoise D
Je rejoins Annick et Geneviève, moi aussi je l'ai lu deux fois,
en français puis en VO, en pensant le parcourir juste pour me remettre
dans le bain, mais finalement j'ai été prise comme la première
fois et je l'ai relu complètement. Les premières scènes
sont poignantes, puis le personnage principal autour duquel on tourne
grâce aux autres, le portrait qu'ils en font, mais aussi leur vécu.
C'est très bien fait, et tous ont une consistance.
L'auteur en profite pour nous dépeindre aussi la Russie de l'époque
sans s'appesantir mais de façon très convaincante. Toujours
dans un style concis et percutant, il va à l'essentiel. C'est aussi
très émouvant, le début, la fin, certaines scènes
avec Margot Fonteyn (j'avais complètement oublié ce couple).
L'auteur heureusement ne va pas jusqu'au sida et à la mort. On
garde la vision d'un génie, quand on voit d'où il vient,
c'est grandiose, quelle force ! Quand on sait ce que représente
le travail acharné qu'il faut, et qu'en plus il a trouvé
le moyen d'apprendre la musique, le piano, c'est sidérant !
J'ai préféré ce livre aux Saisons de la nuit,
je le trouve plus accompli.
Annick
Les détails nous font voir autrement des choses qu'on connaît.
Françoise
C'est comme les écoutes...
Annick
Et la façon dont le régime pervertit l'amour dans cette
famille.
Claude
Dans ce roman, j'avais en effet observé que plusieurs personnes
parlaient de lui. J'ai aimé le début et la fin. Sa vie sexuelle
débridée m'a barbée. La guerre au début c'est
très fort, même si je n'avais pas envie de lire ça.
J'aime beaucoup sa rencontre avec Anna et son mari, ce couple en relégation,
le regard sur ce petit personnage rustique. Je suis fascinée par
cet auteur. Vivre si nombreux dans 14m² c'est effrayant. P.240, à
propos de la danse, il paraît angoissé et seul. C'est étonnant
que la danse ne l'ait pas plus épanoui.
Liliane
J'ai acheté le livre aujourd'hui et j'en suis à la p.26.
Je veux le lire car déjà je suis emballée et j'avais
adoré Les Saisons de la nuit. J'aime la danse et un livre
qui donne une place à la danse me ravit. Je me prépare à
un régal, j'aime les écritures minimales, mais aussi les
écritures fleuves (comme La Servante Zerline). Les changements
de points de vue, on les a dès le début, avec un zoom sur
un individu "souvent le soir, les loups sortaient des bois, trottant
pattes hautes dans la neige..."
J'adore ce début, et ouvre le livre en grand.
Annick
Il y a des arrêts cinématographiques.
Jacqueline
Je l'ai lu lorsqu'il était sorti, et je n'avais pas beaucoup aimé.
Je l'ai relu parce que c'était pour le groupe. Je n'aime pas beaucoup
les livres avec personnage proche dont on fait un roman. En le reprenant,
j'ai lu la parole en exergue et suis partie en le lisant comme un roman,
mais je me disais " c'est vrai ou c'est pas vrai ? ".
Je ne connais rien à la danse, mais je suis sensible à la
force du personnage ; ça me parle moins qu'à un amateur
sans doute. J'ai été frappée par le fait que ce sont
des points de vue extérieurs, sauf le journal. Les points de vue
créent des éclairages, il est tendu vers un but, imperméable
au reste ; il instrumentalise les gens. J'ai gardé un sentiment
de gâchis. Le personnage de Victor est bien dépeint mais
ne m'intéresse pas. Je pense quand même que c'est un grand
roman, mais le désespoir des points de vue me fatigue.
Françoise O
Quand il est passé à l'Ouest, il s'étourdit peut-être...
Liliane
Peu importe le gâchis, peu importe le sujet si l'écriture
tient.
Françoise O
On ne peut pas dire ça, surtout que le personnage a existé.
Françoise D
Mais c'est un roman, l'auteur dit lui-même qu'il a concentré
plusieurs personnages dans un seul et inversement.
Jacqueline
Le biographe dit que Margot F et Noureïev ont été amants.
Claire
C'est vos propos et une interview (ci-dessous)
qui me font prendre conscience que c'est un grand livre. C'est une uvre
littéraire certes, mais est-ce vrai ou pas ? Je me suis posé
la question comme Jacqueline, très souvent. Et en dépit
de l'"avertissement" de Geneviève, je trouve que ça
vaut la peine d'en discuter. Je ne pense pas que le romancier cherche
ça, mais ce n'est pas un sentiment agréable parce qu'après
ce livre, j'ai envie de lire une vraie biographie. On passe d'un personnage
à l'autre avec fluidité, il change de voix. Mais tout le
passage sur la drogue, etc. ça m'a barbée. J'aime énormément
la danse mais pour moi, ce n'est pas un livre sur la danse, il n'y a pas
le rapport à la musique, la troupe, etc. J'ai aimé aussi
plutôt la première partie avec les innombrables scènes
formidables et dans la deuxième, j'aime beaucoup certains personnages
(Odile, fascinante...). La dernière page, une simple liste des
objets de Noureev à prix d'or montre de façon glacée
l'effet de la star.
Liliane (plusieurs jours après)
Je voudrais ajouter un post-scriptum : après mes commentaires
enthousiastes sur les 26 premières pages que j'avais lues, j'ai
déchanté : la deuxième partie et surtout la
troisième s'essoufflent et s'appauvrissent, je n'ai même
pas envie de lire la fin. Les promesses d'écriture du début
se révèlent très décevantes. Je n'ouvre qu'au
quart ! Pourquoi ce morceau de bravoure des premières pages ?
Pourquoi McCann ne nous a-t-il pas décrit comment Noureïev
dansait, vu par n'importe qui, avec le même talent qu'il nous décrit
les scènes de guerre du début ? Le côté
people me hérisse.
Manuel
J'ai adoré ce livre et la prouesse de nous faire vivre une vie
entière à travers plusieurs points de vue sans s'y perdre.
Le New York gay est extraordinaire : ma partie préféré
du livre qui fait presque écho à l'horreur des premières
pages. Ces deux mondes ont disparu aujourd'hui.
Entretien avec Colum McCann dans
Libération : "MCCANN,
LA PISTE DE L'ÉTOILE", avec Natalie LEVISALLES, 21 mars
2007
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