Philippe Grimbert
Un secret
Nous avons lu ce livre en mars 2007.
Katell
Quand, après American Darling de Russel Banks, on passe
à Un Secret, aïe, aïe, aïe ! Justement,
quand je le lisais, je me disais, qu'est-ce qu'un grand auteur aurait
pu faire de ce sujet en or (un Vargas Llosa, un Coetzee, un Banks...) ?
L'histoire est valable en elle-même, mais hélas, c'est plat,
c'est bourré de clichés, c'est pauvre et c'est terne !
Et en plus, chose impardonnable à mes yeux, c'est qu'il entremêle
sans arrêt des réflexions que nous avons pu nous faire a
posteriori (notamment sur les camps et l'occupation) à l'évocation
des événements passés. Je pense par exemple, à
la recherche des survivants au Lutétia (il vaut mieux lire Marguerite
Duras à ce sujet...). Bon, enfin, lorsque j'ai compris que l'auteur
n'était pas écrivain mais psychanalyste, je l'ai absout.
Cependant, je trouve cela bien pauvre...
Florence
Jaurais aimé aimer ce livre qui raconte une histoire vraie
et bouleversante. Mais jai été extrêmement gênée
par la forme. Jaurais préféré que cela se présente
comme un témoignage et non pas comme un roman au style pesant rempli
dimages et dinterprétations carrément lourdes
du genre (p. 83) « Aussi longtemps que possible, javais
retardé le moment de savoir : je mécorchais aux
barbelés dun enclos de silence. Pour léviter
je métais inventé un frère, faute de pouvoir
reconnaître celui qui sétait à jamais imprimé
dans lil taciturne de mon père. »
Je trouve que lauteur dessert son propos en jouant maladroitement
avec les mots. Je crains quil ne soit tout simplement pas un écrivain.
Quant à ses talents de psychanalyste, javoue que les titres
de ses autres ouvrages contribuent à men faire douter :
Pas de fumée sans Freud, Chantons sous la psy...
Bof, bof !
Brigitte
J'ai bien aimé le livre de Philippe Grimbert. Ca se lit très
rapidement (en un après-midi), ce qui a dû plaire à
certaines !
Il n'était pas facile de faire un livre sur un pareil sujet, déjà
si souvent traité, et surtout un BON livre... sur l'élimination
des juifs pendant la guerre de 40. Grimbert y est parvenu. Tout est dans
le travail d'écriture au sens large : la construction du fil
du récit autant que l'écriture en elle-même. Sa brièveté
donne de la force au texte. À mon avis le personnage central est
celui d'Hannah. On n'entre jamais dans son intériorité,
elle est toujours en retrait et c'est pourtant elle qui détient
le ressort de l'histoire. Son acte manqué lors de la présentation
des papiers à la ligne de démarcation est la conséquence
directe de son état de destruction absolue depuis qu'elle a appris
que Maxime et Tania se sont rejoints à Saint-Gaultier. De son point
de vue (sans doute partiellement inconscient), elle et Simon son fils
n'ont plus aucun espace de vie face à l'amour qui lie Maxime et
Tania, il est donc logique qu'elle se précipite dans l'abîme.
Faire raconter ce drame par le jeune garçon, dont la naissance
n'a pu avoir lieu qu'à cause disparition d'Hannah et Simon, est
une vraie trouvaille. Je suis cependant moins à l'aise devant le
personnage de Louise, peut-être un peu convenu, mais elle est indispensable
pour l'élucidation du secret.
Monique
Je ne pourrai pas être là ce soir. Je pars voir les jonquilles
et les tulipes dans le jardin... le saule, les aulnes, les barques, les
canards et les hérons cendrés sur la rivière... J'ai
lu le livre de ce soir il y a un an ou deux : un livre agréable
à lire, émouvant, mais sans surprise. Le secret, on le voit
venir longtemps à l'avance. Côté écriture,
on nous brosse dans le sens du poil : rédaction réussie.
Françoise D
Je l'avais déjà lu il y a très longtemps et j'avais
été très déçue par rapport à
ce qu'en disaient les critiques de l'époque. Je trouve dommage
qu'un tel sujet n'ait pas rencontré un véritable écrivain :
Philippe Grimbert n'est pas à la hauteur de son sujet. Qu'en aurait
fait un Philippe Roth ? Encore une fois, c'est une grosse déception.
Claude
J'ai aimé ce livre. J'ai été passionnée par
le sujet à la Dolto : le secret qui détruit une famille.
La réaction de l'adolescent face au documentaire projeté
en classe est curieuse : il passe du rire à la colère
en frappant un de ses camarades. Grâce à Louise, il renaît
et n'a plus besoin de ce frère invisible. Hannah est un être
beaucoup plus discret : quand elle part, on se dit qu'elle part avec
son enfant. J'ai aimé le moment où il dit à son père
qu'il connaît le secret et qu'il le déculpabilise.
Manuel
Je n'ai pas grand-chose à dire. J'ai la même réaction
face à ce livre que Françoise D : un sujet qui n'a
pas rencontré son auteur. Le traitement est précieux, scolaire.
La réaction de la mère dans le bar m'a semblé peu
crédible... L'auteur m'a laissé sur ma faim.
Sabine
C'est vrai que ça se lit vite... Est-ce autobiographique ?
Claire
Mais c'est écrit " roman " !
Sabine
Je ne me suis pas interrogée pour savoir si c'était crédible.
Tous ces problèmes de mémoire qui plombent les familles
m'ont intéressée. Je n'ai pas trouvé ça " minable ".
J'ai été effondrée par la scène du bar. L'acte
de la mère est plus un acte d'altruisme pour laisser vivre l'amour
de Maxime. Ça n'a pas la finesse d'Effroyables jardins.
Je pense que j'aurais été plus indulgente si c'était
un récit au lieu d'un roman : d'où le ratage. Mais
je l'ai relu plusieurs fois et, à chaque fois, j'ai eu les mêmes
émotions fortes.
Avec les élèves, ça marche du tonnerre de dieu...
Jacqueline
Je l'ai lu dans une édition en gros caractères ce qui a
fragmenté ma lecture. J'ai eu du mal avec les personnages :
les oncles, les tantes... je les ai difficilement repérés.
C'est un roman qui me touche, m'a attendrie à cause des enfants.
Pour moi, ce n'est pas seulement un roman sur la déportation mais
sur la façon dont les souvenirs se reconstruisent. On ne sait pas
si l'arrestation est un sacrifice d'après le récit de Louise.
C'est une impression de sacrifice. Ce qui m'a intéressée,
c'est le roman de l'apprentissage du narrateur malgré le personnage
de Louise qui un peu schématique. Ça m'a plu mais... je
n'ouvre pas en grand : c'est un roman intéressant et j'ai
bien aimé.
Françoise O
Je l'ai lu deux fois. C'est une histoire qui vous bouleverse. Ce n'est
pas l'histoire qui m'a intéressée mais la reconstruction
de l'histoire racontée par Louise. C'est un psy qui écrit
et pas un écrivain. Il y a tout au long de ce roman, le poids du
non-dit.
J'ai fait une analyse pendant ma deuxième lecture sur, justement,
les non-dits, les alertes au lecteur pour les souligner. Il y a en fait
deux secrets : il est juif et il avait un demi-frère. Après
ses découvertes, grâce à Louise, il entre dans le
même silence que ses parents jusqu'à la révélation
à son père de sa connaissance du secret lors de l'accident
avec le chien. Le silence n'a fait que se répéter. Je n'ai
rien vu de pensé dans la réaction et le comportement d'Hannah
dans le bar. Je crois qu'elle a réellement été prise
de panique. Je me suis posé la question de savoir comment présenter
les choses aux enfants. Par moment ça m'a paru presque trop simple.
Pour moi, ce n'est pas un livre d'écrivain, c'est une livre de
construction, de reconstruction.
Annick entre
et
C'est une amie psy qui me l'a offert. Et qui avait été bouleversée
par l'histoire. Ces histoires cachées, ces histoires de famille,
la touchaient beaucoup. J'ai lu le livre d'une traite. Les psys ont beaucoup
reproché à Philippe Grimbert sa démarche de raconter
son histoire. Et les littéraires lui reprochent de n'être
pas écrivain... J'ai été extrêmement touchée
par cette histoire de silence, de culpabilité. Je n'ai pas été
gênée par l'écriture car elle va à l'essentiel.
C'est une histoire de famille exceptionnelle située dans un contexte
dramatique. Tout le début sur le corps creusé par le secret
est très bien décrit. L'enfant porte le silence de cette
histoire. La scène du bar est remarquable d'économie. C'est
un livre que j'ai largement offert mais je pressentais l'accueil qui lui
serait fait au groupe lecture. Mais pour ce soir je l'ai relu de façon
addictive : il y a quelque chose dans ce livre qui me prend. J'ai
remarqué que le récit de l'enfance est au passé alors
que le récit de Louise est au présent. C'est un livre fort
dans ce qu'il évoque.
Geneviève
Je l'ai lu rapidement et avec beaucoup de plaisir. Il évoque une
époque qui me fascine. Je l'ai lu comme un récit autobiographique.
L'écriture " rédaction " ne m'a pas
gênée. Il y a un côté comédie de boulevard
qui prend une dimension de tragédie à cause du contexte
historique. Parfois j'ai trouvé qu'il en faisait un peu trop notamment
avec le trou. Le récit manque quand même de souffle. Je me
suis posé la question : pourquoi Louise lui raconte toute
cette histoire ?
Claire entre
et
Pour moi récit ou roman : c'est pareil. C'est de la littérature
ou c'en est pas...
Je l'avais lu à Noël et qu'en reste-t-il ? Un livre oublié
renaît ici d'habitude grâce au groupe, en vous écoutant.
Ça n'a pas été le cas : qui aime qui ?
J'ai tout oublié ! La situation et l'histoire sont exceptionnelles :
c'est ce qui ne m'a pas fait lâcher le livre. C'est un effort sincère
qui touche mais j'ai ressenti une gêne : justement l'effort
d'écrivain avec l'exemple qu'a cité Florence p. 83
qui est représentatif de son effort littéraire, et c'est
raté je trouve aussi. Ce que vous avez identifié comme projet
littéraire de reconstruction est explicite dans le livre, " grossièrement ".
Je me suis posé la question : est-ce un livre pour le groupe
lecture ? Non c'est un livre pour les élèves...
Marie Thé
Je lavais lu à sa sortie, je my suis remise ;
il me procure toujours autant démotion. Tout est dit simplement...
Il suffit dun geste (dautres papiers présentés
par Hannah) et de ces mots « Cest mon fils »
pour que tout bascule. Cest effrayant. Il y aurait tant à
dire, mais jai plus de mal à parler des livres que jai
beaucoup aimés, et peut-être encore plus de celui-ci.
Quelques réflexions quand même.
Sur le nom. Grinberg devient Grimbert. « Mais « aime »
avait recouvert « haine », dépossédé
du « jai » jobéissais désormais
à limpératif du « tais ». Le
nom est resté Grimbert, fidélité au père ?
(p.178)
Sur le Secret « Le lendemain de mes 15 ans japprenais
enfin ce que javais toujours su. » Les origines, le frère
caché ; lenfant, puis ladolescent ploient sous
le poids du secret. Mais lorsquil apprendra la vérité,
même son corps changera. « Je métoffais,
mes creux se comblèrent... le vide sous mon plexus sétait
atténué, comme si la vérité y avait été
jusque-là inscrite en creux... je ne succombais plus sous le poids
de ce silence, je le portais et il étoffait mes épaules. »
Ce nest plus « Je cachais mes jambes et mon torse étroit
dans des vêtements amples. » Ce passage me fait penser
aux personnes déportées, au frère qui aurait pu avoir
cette apparence.
Et puis, il y a Sim, la peluche. Une trace de Simon, comme une partie
de lui, le début de son nom. Puis larrivée du chien
Echo, cela fait écho... Sa mort aussi fera écho, fera résonance,
le père se sent coupable de ce qui est arrivé. Mais cest
« sa douleur et sa culpabilité de toujours »
qui sont là. « Seule la haine des persécuteurs
était responsable de la mort d Hannah et de Simon. »
lui dira son fils en le délivrant aussi de son secret.
Je retiens aussi vers la fin les « sillons » dans
les mains, les mêmes traces du père au fils. Les sillons,
cela fait aussi penser à la terre, là où sont les
racines.
Autre chose, je ne comprenais pas vraiment Maxime dans sa « volonté
dêtre incinéré ». Difficile à
imaginer quand on sait comment ont péri les siens. Mais cest
ainsi quil les a rejoints.
Je retiens encore cette phrase où il est question de Louise et
dEsther : « Lorsque je les avais vues séloigner...
désemparées comme après leur passage de la ligne...
je métais glissé entre elles, mon bras sous le leur,
pour conduire mes deux vielles amies jusquau porche du cimetière. »
Je pense à Simon, brusquement séparé delles,
et qui a franchit un autre porche sans elles à Auzwitch. Mais lui
aussi aura sa place et sa tombe, lui aussi laissera des traces grâce
en partie au grand livre de souvenirs et à ce livre-ci.
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