Alain Mabanckou
Verre Cassé

Nous avons lu ce livre en décembre 2006.


Florence, entre et
J'ai beaucoup aimé les 20 premières pages, j'ai été séduite par le style puis c'est retombé. Je me suis arrêtée page 92. J'ai été gênée par les répétitions systématiques, le style emphatique, l'absence de ponctuation qui est fatigante. Cela m'a fait penser à Lobo Antunes, Le Cul de Judas, mais qui était beaucoup plus réussi. Ces pauvres hommes victimes de leurs femmes épouvantables ! Cela me laisse dubitative. J'ai aussi été gênée par les jeux de mots faciles.
Claire
J'ai beaucoup aimé les jeux de mots, la façon dont il parle de sexe. Cela m'a plu mais pas jusqu'au bout. Les anecdotes sont très bien troussées, mais à un moment "ça se barre en couille...". Le cahier est un artifice mal foutu, ce n'était pas la peine. Ça tombe à plat. La verve est séduisante mais elle fait flop.
Christine
Ça m'a plu mais ça m'a lassée. Ce qui m'a gênée, ce sont les références (des titres de livres : À La Courbe du fleuve, Les Âmes mortes), la contrainte oulipienne qu'il s'est donnée. Cela fait artificiel. Je me suis vite ennuyée même si des choses m'ont plu : le poulet bicyclette, la cantatrice chauve. La deuxième partie change, lorsqu'il raconte sa vie, sa femme. Il se saoûle, pourquoi ? La mère s'est suicidée, on ne sait pas où ça mène. Je l'ai terminé à cause du groupe. L'écrivain est sympathique, intéressant. Mais il y a quelque chose d'artificiel qui ne passe pas. S'il l'a écrit pour faire comprendre l'Afrique, ça ne passe pas.
Ève
Je l'ai lu jusqu'à la page 166 et je le terminerai mais j'ai été gênée par l'absence de ponctuation. Puis j'ai réussi à contrôler ma respiration et ça allait beaucoup mieux. J'ai aimé le jeu des références introduit dans le récit, l'art africain de détourner les expressions courantes, comme un jeu. Mais je n'ai pas vu où il voulait en venir. C'est très drôle le chapitre des politiciens qui cherchent une formule choc. La meilleure partie, c'est le rapport à la France et à la religion catholique. C'est un regard intéressant. J'ai moins apprécié les portraits des clients du bar, l'auteur se complait dans des détails scatos, dans la fange. Est-ce que cela correspond à la vie africaine ? En attendant la fin de ma lecture, je l'ouvre à moitié.
Monique
Ma seule réserve, c'est la scatologie qui n'est pas nécessaire. J'ai été gênée par les deux personnages dont on raconte l'histoire. Le rythme des paroles correspond à celui des Africains qui racontent leurs histoires. On ne peut pas en placer une ! Il y a de l'autodérision, cette dérision met mal à l'aise, car c'est drôle mais au fond, c'est triste. J'ai été mal à l'aise avec les stéréotypes. L'auteur joue avec tous les stéréotypes des Africains et ceux des gens qui les regardent et les écoutent, mais il nous noie sous ces stéréotypes qui finissent par disparaître, par être détruits. Il y a énormément d'expressions déconstruites. Il change un mot et l'expression devient à mourir de rire. La fin du livre est extraordinaire, on glisse dans une histoire tout à fait personnelle. Le narrateur boit parce que sa mère s'est noyée dans la rivière. La seule chose qui compte pour lui, c'est l'enfance. Un écrivain africain qui réussit à écrire un livre humoristique : bravo.
Jacqueline
J'ai été partagée quant au plaisir de lire ce livre débridé dans cette langue parlée. Je ne me suis pas aperçue qu'il n'y avait pas de point ! C'est extraordinaire, ça rebondit constamment, c'est sans fin. Mais je suis surprise qu'il emploie le même procédé dans son dernier livre. Ce n'est pas le grand emballement, je n'ai pas été complètement embarquée. Je suis contente de reconnaître les références culturelles qui émaillent ce livre. J'ai beaucoup ri aux deux premiers chapitres, mais j'ai été déçue qu'il n'y ait que deux personnages décrits. Les deux histoires sont terribles, tragiques, mais ce sont des histoires vues par des ivrognes. Comment une femme les aurait-elle racontées ? À la fin, on a l'impression de retrouver le paradis de l'enfance. C'est drôle de retrouver le héros de Salinger dans L'Attrape-cœur.
C'est la difficulté du passage d'un pays à un autre, d'une culture à l'autre de la position entre la culture africaine et la culture écrite occidentale : l'auteur a fait ses études en France, il est parti enseigner la littérature française aux États-Unis. L'auteur dit "L'écrivain est un menteur." Mais si Kourouma nous transmet une réalité africaine, ce n'est pas le cas de Mabanckou.
Françoise
Je me range parmi celles qui l'ont trouvé drôle au début, j'ai aimé les expressions, les allusions aux titres de livres... Puis cela tourne en rond. On se dit : Ok il est habile, il a de la verve mais ça s'épuise assez vite. J'ai arrêté avant la fin, j'étais assez écœurée par la scatologie. Puis je l'ai repris ce matin et la fin est intéressante, émouvante (j'avais oublié le début), quand l'auteur parle de lui, de sa mère. C'est dommage qu'il passe par l'artifice du cahier pour nous montrer certains aspects de l'Afrique.
Geneviève
J'avais proposé ce livre, mais je suis ambivalente. La lecture fonctionne comme une vague, entre agacement et plaisir, entre profondeur et lassitude. La fin donne un autre éclairage sur l'ensemble du livre. Je pense que ça dépend du moment où on le lit. Je l'ai entendu lire à voix haute dans une librairie, c'était le passage sur la compétition de pisse, c'était excellent. Ce n'est pas comme Amadou Kourouma, cela n'a pas la même puissance mais il y a un talent dans ce livre.

Sabine
Tout cela est bien sympathique, mais la saveur n'est que fugace ! L'absence de majuscules et de points est originale, mais quand on voit que c'est le même "tic" dans son porc-épic, cela paraît moins subtil. Cela dit, puisqu'il s'agit d'un enchaînement de déglutitions verbales en état d'ébriété pour certaines, cette fantaisie syntaxique peut donner du sens. J'ai bien aimé les références littéraires qui courent ça et là. En revanche, le récit " pute-bordel-et je te suce " est assez surprenant, mais bon... Finalement, j'ai abandonné le livre à la moitié, et suis passée à des lectures plus nourrissantes (je file la métaphore culinaire, n'est-ce pas ?!)
J'ai vu le bonhomme à la télévision, plutôt sympa, mais je n'irai pas acheter son prix.

Lil(du groupe breton dont les avis suivent)
J'ai eu beaucoup de mal à terminer ce livre : en fait, je me suis forcée ! De même, quand il s'est agi de donner mon avis, je n'ai pas osé le fermer complètement, et ce petit quart est la reconnaissance que j'ai de la culture de l'auteur, de son regard lucide sur le monde et l'Afrique, en particulier, de sa tendresse pour ses personnages et de son... talent ! Sans doute 100 à 150 pages auraient-elles été plus digestes... Mais quel laborieux chemin dans ce délire logorrhéique... Certes, des trouvailles géniales, mais trop, c'est trop... L'ensemble est lourd, usant, gavant et l'emploi systématique de références à la littérature (et à de multiples autres domaines) devient vite irritant. Le tout fait fabriqué, artificiel - bref - aucun plaisir de lecture... J'ai fini par développer une véritable allergie à la forme. Dommage (pour moi !), il y avait matière à se réjouir ! Toutefois, cela me donne envie de lire un autre livre de l'auteur dans un différent registre d'écriture (si ça existe !). J'attends vos avis avec impatience !
Lona
C'est une magnifique étude de sociologie dans un quartier populaire du Congo (certainement le Congo-Brazza, pays de naissance de l'auteur), le quartier des " Trois cents " (300 bistrots ?) et le quartier Rex, celui de la prostitution. L'escargot entêté, patron du bar Crédit a voyagé (on n'y ferait plus crédit ?), demande à Verre cassé un ancien instituteur déchu de consigner par écrit - la tradition orale africaine serait dépassée ? - l'histoire ou les histoires de vie des clients de cette cour des miracles. Les histoires sont tellement drôles qu'on en oublie le tragique et le dramatique. La lecture est facile, malgré l'absence de ponctuation, de chapitres, de majuscules. L'écriture est souple, bien rythmée, riches en couleurs, en événements. Les nombreuses références aux auteurs, aux titres d'ouvrages, aux dictons, citations de poésies, de chansons, de films nous rappellent combien l'héritage culturel français reste présent en Afrique francophone : De Gaulle, Coty, Pompidou, Chateaubriand, Brassens, Hugo, Brel, les philosophes des Lumières, mais aussi Astérix, Tarzan ou Zorro... ne surchargent pas le texte, bien au contraire, ils en facilitent la lecture, nous font sourire, voire rire : c'est un langage de trottoir, de bar ! Beaucoup de problèmes typiquement africains sont évoqués : sida, célibat, fonctionnariat, éducation et scolarité, alcool, ennui, super ego et magouilles des politicards, détournement d'argent, curés et sorcellerie, prisons, mariages mixtes, défrisage... Mais aussi l'attachement à la France et à la culture française. Et cette envie folle de faire un passage par Paris, pour " réussir " ! Les histoires sont toutes drôles et marrantes : Pampers le vieux prisonnier mille et une fois sodomisé ; Robinette avec ses fesses immenses et ses concours de plus longs jets d'urines ; l'Imprimeur, et les autres…
C'est plus qu'un roman divertissant : c'est une vraie étude d'anthropologie, qu'on peut lire en savourant un " poulet bicyclette ", aux sons des nègres à trompettes et à clarinettes ! Comme dans Les Petits-fils de Vercingétorix écrit en 2002, l'auteur parle du village de Louboulou (le sien ?), de couples mixtes, de guerres inter-ethniques, mais aussi de la fascination des Africains pour la France et de la présence française dans ces pays.
NB : en Afrique, les poulets vivent en liberté, même dans les quartiers citadins. On appelle " poulet-bicyclette ", un volatile qui court, pour éviter d'être écrasé par les bicyclettes ou les voitures. C'est dire qu'il est plutôt petit, ferme, un rien sec. Rien à voir avec nos " poulets-télévision " français achetés au super marché !
Claude
Un homme alcoolique, vieillissant nous donne à voir des vies qui croisent la sienne dans le bar Crédit a voyagé. Un lieu de rencontre de paumés, de bavards qui se raccrochent à un passé peu glorieux. Verre Cassé le narrateur a beaucoup bu. Il a aussi beaucoup regardé, appris, lu et retenu. J'ai ri du langage pittoresque et des références et clins d'œil au cinéma, à la littérature, l'histoire et la politique. Enfin j'ai aimé ce témoignage d'un homme fragile, désabusé et "approximatif". Il nous parle de désenchantement, de solitude et d'amertume avec ironie, recul et tendresse.
Jean-Pierre
Tenant sans doute compte de ma défiance envers les singularités factices, et croyant me connaître, des âmes charitables m'avaient prévenu, ce livre n'a pas de majuscules, pas de points, à peine des paragraphes, encore quelques chapitres et plein de virgules, qui plus est, une de ces âmes nous avait lu ce passage du livre où le pipi coule à flots, je l'ai donc ouvert avec une certaine appréhension, voyez comme les choses sont bizarres et les avis personnels car, nonobstant la scatologie ambiante, la crasse prégnante et l'ivrognerie omniprésente, je me suis laissé gagner par cette petite musique philosophico-clochardesque qui, page après page, suinte de l'œuvre, Alain Mabankou se sert de ces procédés artificiels pour vous entraîner dans un monde tragi-comique, où le "héros" soliloque grave et où les comparses, bouffons merdiques, étalent leurs vies de cloportes, faites de trahisons et de compromissions, avec de temps en temps des personnages qui jettent encore quelques éclairs d'espoir et d'humanité, comme la vendeuse de poulets-bicyclette, j'ai été ému par l'histoire personnelle de verre cassé, son enfance, sa vie familiale et professionnelle, le suicide de sa mère, sa vie en sursis jusqu'à la démission et le repli vers l'utérus du fleuve, j'ai bien ri aussi, il faut le dire, car l'humour décalé empreint le livre d'une légèreté a priori peu en rapport avec les drames banals d'un microcosme misérable qu'il raconte, j'ai dévoré l'ensemble sans fatigue, bref j'ai beaucoup aimé, seul le parti pris de l'originalité m'empêche de l'ouvrir en grand, aux trois-quarts, quatre cinquièmes, allez, bravo !
Jessica
Au début, j'ai vite été emballée par cette originalité dans l'écriture et par cette histoire de personnages marginaux qui se croisent dans ce bar : "Le crédit a voyagé", en voilà un nom qui laisse l'imagination s'égarer ! Le personnage émouvant de Verre cassé qui déambule et rassemble ces histoires parfois drôles, parfois pathétiques, souvent terribles, m'a tout de suite plu. J'ai apprécié son travail de collectage, son objectif, sa répartie, ses références (que pour une fois, j'ai presque toutes saisies !) et ses tournures de phrases ; ça aurait pu être bien des fois vulgaire, écœurant et rebutant (à la fois les personnages et l'écriture) or ça ne l'est pas. J'ai eu de la sympathie pour ces personnages hauts en couleurs, en passant de la cantatrice chauve au type aux Pampers, j'ai ressenti des émotions en lisant leur parcours.
Puis après, quand est venue l'histoire de Verre cassé, j'ai été déçue. J'aurais préféré rester sur cet enchaînement d'histoires plutôt que de donner la priorité à ce rapporteur. Car son histoire à lui n'est finalement pas plus importante que celle des autres et on y reste à mon goût bien trop longtemps. J'aurais préféré davantage de retenue et de pudeur venant de sa part. Je n'avais pas envie de le retrouver acteur de ce cahier ; juste un rapporteur qui, chargé de sa propre histoire bien entendu, se dévoile à travers le parcours des autres mais pas à ce point. Je l'ai trouvé tout à coup égocentrique, et j'attendais mieux de son personnage !!! En fait, je crois tout simplement que j'aurais préféré un livre intitulé Le Crédit a voyagé que Verre cassé.
C'est pourquoi je ne l'ouvre qu'au quart, voire peut-être même à la moitié selon les jours, mais je le conseillerai, car l'atmosphère du livre est vraiment originale et vaut une lecture.
Marie-Thé
Je n'ai pas du tout aimé la première partie (premiers feuillets), je l'ai trouvée sordide. Quelques-unes d'entre nous ont trouvé ce livre souvent drôle ; moi, vraiment pas. Un seul passage m'a vraiment fait rire, c'est " l'expédition " chez le sorcier Zéro faute ; le reste m'a agacée. La deuxième partie (derniers feuillets), je l'ai bien mieux appréciée. J'ai aimé les réflexions de Verre Cassé (de l'auteur) sur les intellectuels : "j'ai commencé à haïr les intellectuels... ça discute et ça ne propose rien de concret à la fin" ; sur certains écrivains : "dans ce pays de merde tous s'improvisent maintenant écrivains alors qu'il n'y a même pas de vie derrière les mots qu'ils écrivent" et enfin ses réflexions sur l'écriture, son écriture : "ce bazar, c'est la vie, entrez dans ma caverne, y a de la pourriture, y a des déchets, c'est comme ça que je conçois la vie, votre fiction c'est des projets de ringards pour contenter d'autres ringards". J'ai adoré, plus loin (p.171-172) : l'auteur nous parle de ses voyages à travers les livres, et puis nous voici dans un voyage initiatique, une quête, " je me réchauffais au feu des origines, pourtant il fallait aussitôt repartir, ne pas s'enfermer dans la chaleur de la terre natale, sillonner le reste du continent... passer en toute discrétion par le tunnel qui mène vers la connaissance des sentiments humains " Et à la fin du livre, retour aux sources : "j'irai rejoindre ma mère afin de boire, boire encore, ces eaux qui ont emporté la seule femme de ma vie..."
Réflexions faites, je maintiens ce livre ouvert au ¼ pour les premiers feuillets, mais je l'ouvre aux ¾ pour la dernière partie.
Mon
Au premier abord, on est un peu perplexe, même rebuté par ces pages sans phrases ni alinéas ; puis, on dirait que l'on ouvre une espèce de robinet verbal... et ça coule ! Et on s'immerge dans un univers drôle, tragique et attachant. D'abord la drôlerie des noms et des pseudonymes : Escargot entêté, Zéro faute, etc, des trouvailles verbales... L'humour féroce et pitoyable des situations : aventure conjugale de l'imprimeur, concours de pisse, bataille épique et grotesque, en quelque sorte rabelaisienne... Et les allusions à la culture occidentale et à l'enseignement "blanc", etc. Conclusion : on assiste à une sorte de logorrhée mettant en scène une société vue par un Africain, à la charnière de 2 mondes, de 2 cultures, et ironisant sur l'un et sur l'autre.
Nicole
Lorsque j'ai feuilleté le livre, j'ai eu très peur de ne pouvoir aller très loin dans la lecture.
Par hasard, il s'est ouvert sur le concours de Robinette. J'ai alors réalisé que l'absence de ponctuation, de paragraphe pouvait tout à fait s'oublier.
Je trouve l'idée géniale de l'écrivain de comptoir, les personnages plus paumés les uns que les autres, à l'exception des femmes ! La tendresse de l'auteur à leur égard et l'éclairage sur l'enfance de Verre cassé ont partiellement gommé l'effet négatif de la logorrhée de l'auteur.
Nathalie
Dès le début "barbant", trop... long... puis il y a eu un regain d'intérêt avec le passage sur les citations, avec un certain amusement, en me disant " ah c'est vrai Talleyrand avait dit ça et puis Mac Mahon, et puis, et encore... : "gavant". Le verre était plein. Trop scatologique. Trop de trop ! Le seul intérêt, la fin où il se livre en parlant de sa mère.


 


 

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L'histoire " très horrifique " du Crédit a voyagé. Ce bar congolais des plus crasseux, nous est ici contée par l'un de ses clients les plus assidus, Verre Cassé, à qui le patron a confié le soin d' immortaliser, dans un cahier de fortune, les prouesses étonnantes de la troupe d'éclopés fantastiques qui le fréquentent.

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