Conte absurde dans lequel les personnages étranges laissent peu
à peu place à leurs caractères réels
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Nicolas Gogol
Le Journal d'un fou (suivi de Le portrait et de La perspective
Nevsky)
Nous avons lu ce livre en octobre 2007.
Nous avions lu Les Âmes mortes en 1992 que nous relirons
en 2012.
Monique
Le quartier est trop bloqué : un métro sur six lignes
12 et 50 minutes entre deux bus 89 ; alors je jette l'éponge.
J'ai lu Le journal d'un fou. J'avais été marquée
par Les Âmes mortes et j'aime beaucoup l'univers de Gogol.
J'adore la façon dont mine de rien il peint au vitriol et dans
le détail les travers des gens de son époque. En se présentant
souvent comme "un pauvre type fragile de la tête", donc
peu crédible, pitoyable et non dangereux, il dépeint le
monde, comme il va, autour de lui. Les problèmes de limite entre
normalité et folie ne sont pas sans m'intéresser non plus
(Kafka...) en général sur le plan humain. Et puis, ce que
je trouve remarquable chez Gogol, comme dans Le nez, c'est qu'on
passe sans trop s'en rendre compte, petit à petit, de la raison,
du réalisme, à l'anormal, au fantastique, et qu'on finit
par se faire avoir. Après, on marche, ou pas. Moi, je marche et
je me marre : les délires du fou dans l'hôpital psychiatrique
m'amuse beaucoup. C'est un auteur qui nous emmène dans "son"
univers et j'aime bien.
J'ouvre Trois quarts, car je préfère le Gogol peintre de
la Russie profonde des Âmes mortes. Bonne soirée à
tous les grands lecteurs et grands marcheurs.
Geneviève
Désolée de vous avoir posé un lapin ce soir :
la perspective d'un séjour prolongé en fin de soirée
sur un quai de la ligne 9 m'a fait reculer ! Par ailleurs, je n'avais
pas énormément de choses à dire sur Le journal
d'un fou, une nouvelle que j'ai lue avec plaisir mais sans m'y attacher
réellement. Peut-être ai je été un peu déconcertée
par une traduction et un vocabulaire un peu vieillots. Dans le genre folie
de "rond de cuir" je préfère franchement l'énigmatique
Bartleby et son célèbre "I'd rather not".
Ceci dit, j'ai été sensible à la poésie absurde,
si proche de Devos, du dialogue avec le chien et à la gradation
de cette descente aux enfers. J'aurais aimé entendre votre avis,
je me contenterai de le lire. J'ouvre la nouvelle à moitié.
Françoise D
Je penserai à vous ce soir. Pourquoi on ne lirait pas un Doris
Lessing qui vient d'avoir le Nobel (vous avez lu Le Carnet d'or
en 92). Je n'ai pas aimé le Gogol, trop "fou" pour moi.
J'ai préféré Le portrait, mais sans plus.
Françoise O
Je sors dun cours sur la folie... Jai relu Le Horla
après Le journal dun fou qui est très sec,
avec une présentation froide de ce délire qui devient schizophrénie.
Largument na pas dintérêt (le délire) ;
lintérêt cest quil ne souffre pas ;
le Horla souffre. Le fou de Gogol souffre seulement quand il entre en
hôpital psychiatrique : il devient malheureux quand il est
repéré comme fou. La description des catégories de
la société russe de 1857 est intéressante. La
perspective Nevsky, cest aussi cette description, à lintérêt
sociologique. Le portrait rappelle Le Portrait de Dorian Gray,
cest une hallucination. Jouvre un quart car je me suis un
peu ennuyée. Au fait, Gogol en fait des contes moralistes, par
exemple : « La gloire ne peut apporter de joie à celui
qui la volée sans la mériter » dans Le portrait
qui est le récit de la déchéance de celui qui
passe pour quelquun dautre en devenant riche. Le Horla,
cest meilleur que Gogol...
Jacqueline
Jai lu outre Le journal, Le manteau, Le Portrait,
Le nez qui font partie des nouvelles pétersbourgeoises.
Le journal est grinçant, je naime pas beaucoup, mais
je suis admirative. Je remarque le mélange du grotesque, du familier,
mais je ne suis pas emballée. La description de la société
est effectivement intéressante. Jai préféré
Le manteau. Gogol est influencé par le fantastique allemand,
il aime Hoffman. Le mélange de réalisme et de fantastique
ne rend pas si mal le délire de ce petit fonctionnaire. Le passage
des chiens qui écrivent des lettres ma fait rire. Je suis
admirative sans enthousiasme. Jouvre à moitié à
cause du mélange.
Anastasia
Je nai lu que Le journal. Jai trouvé ça
extraordinaire. Je voulais lire les autres, mais jai perdu le livre
en prenant un bain. Il est peut-être sur une étagère
de la salle de bains. Jai beaucoup aimé. En vous écoutant,
je comprends pourquoi. Jai aimé lhistoire des chiens,
la folie progressive. A quel moment ça dérape ? Il
nest pas vraiment amoureux.
Françoise O
Cest un homme qui na pas de sentiment (il ne souffre pas,
naime pas).
Jacqueline
Cest normal, cest la folie qui prend la place de la souffrance.
Je lai vu au cinéma. Il y a eu une pièce aussi.
Claire
Je lai lu il y a deux mois et donc jai oublié. Jai
peut-être eu lavis de chacune dentre vous. Jai
voulu relire les 30 pages, cest rien, mais ça mest
tombé des mains. Je crois que jai trouvé ça
un peu puéril. Mais pas mal quand même. Les Ames mortes,
je crois que cétait un moment fort dans le groupe quand nous
lavions lu il y a 15 ans.
Sandrine
Jai dautant plus apprécié la lecture du Journal
dun fou et de La perspective Nevski, que Nicolas Gogol
est lun des rares auteurs russes passés et présents
confondus, à être aussi bref et succinct dans ses propos...
Le thème de lenfermement omniprésent dans ces deux
nouvelles est multiple : quil sagisse de lenfermement
professionnel bloqué par les lourdeurs et la hiérarchisation
de ladministration, de la solitude psychologique du héros,
qui ne présente aucun intérêt pour ses concitoyens,
de son enfermement social, car il ne peut prétendre à lamour
dune femme ou évoluer dans un milieu au dessus de sa propre
condition.
Jaimerais également mentionner lemprisonnement de lâme
slave dans la ville de Saint-Petersbourg leuropéenne, qui
fait ressentir les héros de Gogol comme de véritables étrangers
dans leur propre pays et pose la question de lidentité russe,
toujours dactualité. Si lenfermement glisse peu à
peu vers laliénation, à quel moments ces héros
peuvent-ils être effectivement considérés comme fous ?
Quelle est la frontière entre la folie et la normalité ?
Lécriture de Gogol, instinctivement me rappelle celle de
Maupassant : des nouvelles brèves, violentes voire souvent
tragiques, des personnages en marge de la société. Je serais
curieuse des résultats dune étude comparative de luvre
de ces deux auteurs presque contemporains : Gogol est mort en 1852
et Maupassant est né en 1850 !
Lill(du
groupe breton comme les avis suivants)
J'ai apprécié ce récit bien orchestré du glissement
progressif dun homme dans la folie (descente de deux mois, rythmée
par la perte des repères temporels, spatiaux et les bouffées
délirantes).
C'est à la fois comique, émouvant et pathétique :
- comique des situations : par exemple, les scènes avec
les chiens ou les interprétations délirantes du comportement
des autres face à sa folie...
- émouvant par ce que l'on devine de la réalité
quotidienne de cet homme, une réalité sinistre si l'on en
croit son portrait fait par l'intermédiaire des lettres canines
vie et condition médiocres, travail inintéressant,
manque d'argent, vêtements en piteux état, laideur, solitude
affective...
Il s'invente une autre vie : les bouffées délirantes
masquent les humiliations et surviennent lorsque les choses deviennent
émotionnellement trop fortes pour lui (il essaie d'ailleurs de
s'imposer le silence !)
- pathétique lors de l'épisode à l'HP :
malmené, il appelle sa mère comme un enfant !
Mais, il est aussi très irritant dans sa misogynie, son antisémitisme,
sa haine des francs-maçons, de la France et son mépris pour
tout ce qui n'est pas noble ! On voit, en toile de fond, la société
russe de lépoque. Enfin, j'ai ri de la façon dont
il nous parle de sa frustration sexuelle : « Tout coq
a son Espagne, elle se trouve sous ses plumes, non loin de sa queue »...
Marie Thé
Jouvre ce livre à moitié pour l'atmosphère,
surtout.
De cette nouvelle lue il y a plusieurs semaines, il me reste le souvenir
d'un monde étrange, où l'absurdité du quotidien peut
faire basculer dans la folie ; et alors, quel délire... D'un
monde confiné, étouffant, on est propulsé dans un
univers surprenant ; l'espace, le temps, tout est bouleversé...
Sous tout cela, les tourments de Gogol, bien sûr...
Nicole
Je l'ai lu après La Question humaine et j'ai retrouvé
avec plaisir l'atmosphère des romans russes.
J'ai souri au début m'attardant plus sur la caricature de la vie
bureaucratique et de la société pétersbourgeoise
que sur la "folie" du personnage. Après l'épisode
des échanges canins, que j'ai cru être un procédé
comique, mon attention s'est concentrée sur ce personnage, puisque
sans nom, dont le naufrage dans la folie est pathétique.
Tout cela est convenu, mais j'ai quand même été touchée
par cet homme délirant subissant les soins thérapeutiques
effroyables de l'époque.
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