Le
livre des éloges se meut entre la fiction et l'essai, et doit
probablement son heureux titre à un livre de poèmes que, sous
le même intitulé, publia en 1908 un écrivain argentin
très curieux, Enrique Banchs, auteur de quatre ou cinq livres de
poèmes qui étonnèrent Borges, lequel en fit grand éloge... |
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Alberto Manguel
Le Livre des éloges
Nous avons lu ce livre pendant notre
semaine lecture de juillet 2008. Nous
avions lu Une
histoire de la lecture en avril 2001.
Nicole
J'aurais dû le lire à l'avance. J'ai aimé l'éloge
du livre de poche auquel il donne ses lettres de noblesse, c'est très
élégant. Le texte sur les libraires est très beau.
Le parallèle entre Gilgamesh et E.T. est émouvant,
le texte sur les dodos succulent. C'est un livre pour la table de chevet,
à reprendre.
Yolaine
Je n'ai pas eu vraiment le temps avec le festival de jazz. C'est un peu
difficile, le texte sur la bible ; j'ai décollé avec
les foires, puis l'ai lu à l'envers : le texte sur les dodos
m'a beaucoup plu. Ça m'a donné un peu le tournis, le vertige.
C'est à déguster dans une retraite... Je suis mitigée
comme pour Annie Ernaux. Il y a des moments très chouettes, mais
les livres ce n'est pas la vraie vie, opinion dont je changerai peut-être...
Michèle
J'ai bien aimé. Il y a beaucoup de références. Il
manque l'odeur des livres dans le texte sur les libraires. J'ai aimé
le passage sur les morts d'Egypte que l'on enterre avec leur livre, la
date limite de vente dans les foires, feue la librairie Maspero, la cinémathèque
à laquelle j'allais en même temps que Manguel. Mon grand
père m'avait appris à lire dans 93 de Victor Hugo,
mais je n'ai pas suivi toutes les références.
Monique
Je suis partagée, j'adore Manguel. J'avais lu Le Dictionnaire
des lieux imaginaires, puis L'Histoire de la lecture que nous
avons lu avec le groupe, puis le Livre d'images un peu moins réussi.
J'avais beaucoup aimé Chez Borges que nous avons lu sur
une proposition des Bretons en même temps que Conversations à
Buenos Aires. Ce livre-ci m'a un peu déçue, car il est
moins fort. Je suis gênée par les références
hispaniques. Il y a moins d'anecdotes. J'aurais préféré
lire un chapitre par soir. J'aime les titres, mais quand on lit le texte,
ils ne sont pas forcément adéquats. L'éloge de
la France est plus inattendu, avec la rue du Chat qui pêche
à coté du groupe lecture
Jackie
Je ne connaissais pas Manguel. J'ai aimé. Il désacralise.
Il fait tomber de son piédestal par exemple la Bible, présentée
comme un fourre-tout. Le livre de poche est présenté comme
un ami, alors que j'ai été élevée dans le
seul respect des livres reliés. J'ai été étonnée
par le chapitre des foires et les livres d'enfants qui changent en même
temps que nous
Jacqueline
Je ne sais pas si c'est parce que je suis fatiguée, mais je n'ai
pas beaucoup aimé. J'ai souri. Le chapitre sur l'horreur est à
côté de la plaque. Auschwitz aussi. Il parle des librairies,
mais pas des libraires. La France c'est sympa, avec son inventaire à
la Borges. J'avais aimé Une
histoire de la lecture, mais sans plus. Je sauve l'éloge
de l'impossible et la librairie Maspero.
Marie-Thé
Eh ben voilà. Je n'ai pas tout lu. J'ai commencé par les
dodos, puis ai lu à rebours, crescendo. Il faut avoir le temps
de lire, car on a envie de s'arrêter. J'ai bien aimé le fond
et la forme. Je me suis identifiée aux dodos et aux mésanges... :
le côté boulimique avec les livres et l'envie de mettre de
l'ordre. L'éloge de la France est un peu facile : il
aurait pu parler à Beaune de l'hospice et à Sélestat
de la bibliothèque... Quant au blasphème, l'éloge
n'est-il pas le contraire du blasphème ? J'ai aimé
l'éloge de l'impossible. L'éloge du cadeau m'a rappelé
le passage d'Amélie Nothomb où l'on ne sauve pas la vie
de quelqu'un qui aurait une trop grande dette envers vous...
Lona
L'éloge du plaisir m'a plu. Les notes d'humour sont à souligner
et le fait d'avoir un livre pour chaque instant. J'ai peiné pour
les références, snobinardes. Il aurait pu développer,
continuer indéfiniment. Les foires, c'est amusant. De même
Bush, Pinochet et Ben Laden au même niveau...
Marie-Laure
Contrairement à ce que la quatrième de couverture me laissait
penser, ce n'est pas un livre intello. J'ai eu beaucoup de plaisir, merci
Claire. Je me suis perdue dans les références, mais ce n'était
pas grave. J'ai été sensible au mémorial des libraires,
aux librairies virtuelles, au labyrinthe d'idées qui aide à
penser : oui, ce livre m'a aidée à penser, résumant
la semaine. Certaines pages sont source de sagesse.
Fanfan
J'ai buté sur des références et je ne connaissais
pas Manguel. Je n'étais pas émue, mais à chaque fin
de chapitre, je refermais le livre pour réfléchir. Les éloges
ne pourraient pas continuer indéfiniment, car ils tournent uniquement
autour du livre. Le chapitre sur les libraires est magnifique. Les dodos,
j'ai adoré.
Muriel
J'ai beaucoup aimé. J'ai reconnu des références espagnoles.
J'ai trouvé des passages émouvants (l'Argentine). C'est
souvent très amusant. Et bien écrit. Contrairement à
Bouvier, c'est vivant, avec de l'esprit, de l'allant. J'ai bien aimé
les dodos. Et les réflexions sont intéressantes.
Lil
Le Monbazillac m'a achevée... Cette lecture correspond à
ce que j'attends d'un livre. Il rend intelligent. Si j'ai été
écrasée par les références, j'ai été
contente de retrouver Mallea. Le livre m'embarque, mais m'apporte aussi
des connaissances. Merci. C'est une belle clôture pour cette semaine.
Françoise D
J'ai envie de faire l'éloge de la préface : elle fait
partie du livre, est un éloge parfait. Je n'ai pas été
gênée par les références ; il est savant
sans être pédant. J'ai été émue par
l'Argentine. Borges est cité sans cesse, on sent l'admiration que
Manguel lui porte. Je l'ai presque lu deux fois. On se sent intelligent,
c'est un bonheur. Je n'aime que les livres de poche ; la France c'est
un peu facile. J'ai aimé le dialogue de Brod et Kafka sur l'espoir.
Et on découvre aussi des connaissances (sur Gutenberg par exemple).
C'est un livre qu'on peut garder, très réconfortant.
Claire
Ce livre ne serait-il pas fait pour nous ?... En tout cas, la préface
rappelle doublement le groupe lecture : "Lorsque s'achève
la lecture d'un livre, on a aussitôt envie d'en parler à
quelqu'un" ; elle parle aussi de risque et lorsqu'on propose
un livre au groupe, on prend le risque de l'entendre assassiner ;
c'est moi qui ai proposé ce livre, de plus sans l'avoir lu...
Le texte de Manguel rappelle aussi les pas du groupe lecture à
Paris : la librairie Shakespeare & Cie et l'hôtel ou descendait
Borges devant lesquels nous sommes passés à Paris lors de
la visite des Bretons.
Même si comme pour Bouvier ce livre rassemble des textes épars
à l'origine, contrairement à l'édition Zoé,
l'Escampette nous donne une uvre, une composition, chaque texte
valant en soi et le tout étant plus qu'une somme. L'ensemble constitue,
non pas comme Lazarillo
de Tormes un monument historique, mais un monument de grâce :
gracieux et musical. Et pour une préface ou une postface, contrairement
à Chaves ou Bouvier, quel hors d'uvre !
Je parle de musique, mais il ne s'agit pas d'une note tenue ; le
plaisir au fil des éloges a pour moi varié : exquis
pour les animaux, savoureux pour les libraires, délicat pour les
contes, succulent pour les dodos...
Constante, l'érudition est goûteuse : sans la prétention
de Bouvier, elle est légère, n'exclut jamais, car on retrouve
les siens, et meme l'oncle Picsou a sa place.
Comme Doris
Lessing, il nous parle de famille, celle des livres, où l'on
couche... sur les pages des chroniques, où l'on emballe... des
rouleaux, et où " c'est dans la poche " a un
autre sens.
Comme Alain
Rémond, il raconte son autobiographie, mais à travers
sa bibliothèque.
Et avec encore plus de malice que Lazarillo
de Tomes, il se moque de l'église par la bouche de Mme
du Deffand : " quel dommage que le Saint-Esprit eût
aussi peu de goût ! "
Différemment d'Annie
Ernaux, il sait rendre l'histoire contemporaine (les caricatures de
Mahomet, la situation de la petite édition) et la société
de consommation ("l'aspect grand bijoutier des pâtisseries").
Il sait meme donner la parole à Mallea, l'abonné à
l'autisme...
Fantaisie, humour, esprit constants surgissent sous sa plume, sous son
coup de pinceau. La gravité, voire le tragique ne sont pas absents,
comme dans ce condensé d'émotion à propos des libraires
argentins exilés, torturés, assassinés : "les
livres qu'ils m'avaient vendus, et que je garde encore, constituent pour
moi leur mémorial".
Pourquoi ce livre me plaît tant ? Parce que le monde y est
vu comme un livre : la Bible est "un des livres de Dieu ;
l'autre, celui que nous appelons monde". Parce que je sens le
plaisir de qui écrit et qui donne du plaisir à longueur
de phrase. Je perçois l'art de vivre de cet auteur ou "chaque
créature (comme chaque geste, chaque objet, chaque saison) prend
une signification littéraire". Le monde de Manguel est
"contaminé par la littérature" et cette contamination,
je la sens comme une forme d'hédonisme qui nous contamine à
notre tour.
Enfin, comme le montre bien la préface, Manguel crée un
genre à la Montaigne, entre essai et fiction : des histoires
démarrent à tout bout de champ. Et ce flirt entre les genres
ajoute au plaisir de la promenade d'un genre à l'autre. Manguel
est vraiment tout à fait mon genre...
Jean-Pierre
Le livre des éloges m'a d'emblée paru trop court.
Il me semble que bien des domaines ou des personnages eussent mérité
d'être élogeasionnés. A titre d'exemple, j'eusse aimé
qu'y figurassent : l'éloge du fox à poil dur, l'éloge
de la Franc Maçonnerie ou des concierges, l'éloge du point
G, l'éloge du museau à la vinaigrette, l'éloge du
vélib, etc. etc.
Il est vrai qu'on ne peut pas tout élogé dans un petit ouvrage,
fût-il de haute tenue. Il est probable également que les
innombrables citations d'auteurs, d'uvres, de lieux ont dû
tarir la source qui les inspira, c'est-à-dire l'érudition
exotique et littéraire de l'auteur, que, cette veine peut-être
épuisée, il lui eut fallu recourir à des recherches
improbables, et que, de surcroît, la limite qu'il s'est lui-même
fixé dans le choix des dits éloges lui aura sans doute paru
suffire pour étaler son talentueux éclectisme.
Cependant, et à titre d'exemple, je voudrais vous montrer, avec
mon manque total de savoir-faire, ce qu'il aurait pu dire de l'éloge
de l'éloge : " Comme l'a écrit le Maréchal
de Hurle-Pêts dans son célébrissime ouvrage :
" Sous la griffe du serpent ", il en est de l'éloge
comme de la soupe aux poireaux : plus " vous touillez,
plus vous touillez. Aussi bien, on ne prétendra pas ici avoir de
regret " inconsolable pour le défunt moulin à
légumes. Aucun esprit éclairé ne pourra " ignorer
ce qu'il ne sait pas, ainsi que les frères Brisons-là et
leur cousin Cétacé l'ont " si expressément
vécu lors du voyage qu'ils firent en Absurdie pendant la décennie
" de mai à juillet 912, et qu'ils ont résumé
dans leur récit posthume : " Nous ne dirons "
rien, mais nous n'en pensons pas plus ".
" En réalité, l'éloge, car rappelons-le,
c'est de lui dont nous parlons céans, ne vaut " que par
son silence. Et si le silence est à l'or ce que la moutarde est
au lapin, la " raison n'est pas suffisante pour rendre l'éloge
triste, voire funèbre. Affirmons ici " avec Platon, Nietzsche,
BHL, Frédéric Dard, Kierkegaard, le douanier Rousseau, "
BHV et des tas d'autres qu'il serait fastidiable de nommer, que l'éloge
de l'éloge ne " saurait être que réciproque
et circulatoire, et pour tout dire giratoire. "
Mais je ne veux pas lasser l'assistance publique, et j'arrêterai
là ma prétendue et cependant docte démonstration,
pour revenir à l'ouvrage qui nous occupe aujourd'hui, et pour ma
part me préoccupe.
Après une première partie dédiée à
des éloges quasi religieux aux livres, aux bibliothèques,
aux libraires, enfin à tout ce qui touche à la littérature,
véritable spécimen de masturbation intellectuelle, il est
heureux que l'auteur, hélas toujours bardé de références,
de souvenirs, de connaissances, apparemment véritable globe-trotter
de sa littérature, qui nous assomme d'exemples puisés dans
son éléphantesque mémoire et dans son effrayante
culture livresque et touristique, ait tout de même consacré
la seconde partie du livre à d'autres éloges plus universels,
émaillés de phrases chocs comme "les mérites
douteux de l'originalité et de la nouveauté", "les
subtilités d'une langue sont une gêne lorsque la communication
se réduit à la pure et simple transmission de données
techniques", "Tout le monde se moque que tu sois né
honnête", "tresser le sable, ce n'est pas une impossibilité,
c'est un défi", "La survivance d'êtres comme
Pinochet, Bush et Ben Laden montre que Dieu a une patience assurément
singulière". De même son éloge à l'Argentine,
émouvant et plein de chair, ainsi qu'une liste de photographies
saisissantes de la France, tout cela m'empêche de ne pas aimer un
peu ce livre. Eu égard à cette dernière partie et
aussi au style (il écrit très bien), je l'ouvre donc à
moitié.
Programme de la
semaine lecture
du 26 juillet au 1er août 2008
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