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        Un camion de cirque débarque un jour de neige trois hommes sur 
        le bord d'une route : Hésior, le magicien, Zeppo, le clown, 
        et Nabaltar, le soigneur de fauves. Ils vivent là, dans une ancienne 
        cabane de chantier, en désaccord avec le temps. Mira, leur amante 
        est morte. Que subsiste-t-il de cette trapéziste extraordinaire, 
        qui leur permettait l'envol sur terre ? 
       Les 
        demeurées, ce sont une idiote du village et sa fille, fruit d'un 
        contact éphémère avec un ivrogne de passage. Entre 
        ces deux êtres d'infortune, nulle parole. Leur amour est silencieux, 
        bâti sur leur seule présence l'une à l'autre. Leur 
        vie recluse, solitaire, doit cependant prendre fin lorsque la petite Luce 
        prend le chemin de l'école. 
         
        1958. 
        Une petite fille est arrachée au pays où elle est née, 
        l'Algérie. exilée avec sa famille en métropole, dans 
        une ville de la façade atlantique, elle découvre qu'ils 
        ne sont que des à moitié, des demi. Quand seront-ils entiers ? 
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      Jeanne Benameur 
        Les Reliques 
        Les Demeurées 
        Ça tapprendra à vivre 
      
      Nous avons lu ces livres en avril 2008. 
         
        La séance a lieu en présence de l'auteure.
      Françoise G 
        Dans Les Reliques, la poésie qui devient un roman, cest 
        quelque chose dinconnu un peu difficile au début, puis merveilleux. 
        On va à lessentiel et les gens sont très vivants, 
        très présents. Avec la mère des Demeurées 
        et dans les trois hommes des Reliques, on a lhumanité 
        même. Mira me paraît mystique
 
        
      Jeanne Benameur 
        ... Mira=Marie... 
        
      Françoise G 
        ... les trois noms font penser aux Rois mages : il y a quelque 
        chose de religieux, des relations entre le haut et le bas. En voyant le 
        mot "roman" sur les livres, on sinterroge. Ces personnages 
        qui sont là, pourraient être pour des enfants... 
        
      Jeanne 
        ... une amie me disait "il faudrait trouver un nouveau mot" 
        concernant pour moi le texte pour enfants : jécris dans 
        ce lieu de linfans, "davant le langage" pour amener 
        à lécriture quelque chose qui est dans le blanc, dans 
        le silence. Il faut beaucoup travailler. Mon travail, cest denlever. 
        Je nécris pas pour ceux qui nont pas la parole. Jécris 
        pour ceux qui lont, la perdent, retournent au lieu davant. 
        Pour moi, chaque être humain est profondément divin. Par 
        un lieu, une histoire, une espèce de présence, on refait 
        alliance avec quelque chose au fond de nous. Mira, ce quelle fait 
        est miraculeux avec son trapèze et les gens retournent différents 
        chez eux. Cest le vertical... 
       
        
      Françoise G 
        ... en vous lisant, jai retrouvé des choses que je faisais 
        moi-même enfant, je my revois... 
        
      Jeanne 
        ... ce texte des Reliques, je lai écrit il y a longtemps, 
        dabord sous forme dun texte théâtral sauf que 
        les trois hommes attendaient "la petite" : la fille de 
        Mira et des trois hommes, puis je lai fait disparaître. 
        
      Monique 
        Moi jai trouvé quil était encore là, 
        cet enfant. Je croyais quils étaient auprès dun 
        enfant : les Rois mages viennent pour un bébé aussi. 
        Jai beaucoup aimé vos livres. Jaurais voulu avoir le 
        temps de mieux préparer. Avec des élèves à 
        Villeneuve-la-Garenne, jai lu Samira des quatre-routes ; 
        dans un manuel de 4ème, il y a un extrait de Ça tapprendra 
        à vivre, très beau, sur le mensonge. Jadore limage 
        de la couverture de lédition folio. Jai lu Les Demeurées, 
        qui me rappelle une élève borderline avec une mère 
        dingue : les premières pages sont magnifiques. Mots cailloux, 
        mots-galets. On est dans cette femme et à lextérieur, 
        dans lintériorité de cette petite fille. Lécriture 
        est magnifique. Jai lu Les Reliques qui ma rappelé 
        La Loutre de Mingarelli (avec les trois dans le camion)... 
        
      Jeanne 
        ... nos univers sont très proches. Il ny a pas de femmes 
        chez lui, pas dhommes chez moi... 
        
      Monique 
        ... il y a une page (29) que je pourrais apprendre par cur 
        comme un poème. Léjaculation collective ma plu 
        et ma rappelé Michel Tournier quand Robinson fait lamour 
        avec la terre... 
        
      Jeanne 
        ... je narrivais pas à lécrire, cest 
        Alain André qui ma aidée à lécrire... 
        
      Monique 
        ... je vois cela comme un rituel cosmique ; je pense à 
        quelque chose de la préhistoire, un culte de quelque chose. Cest 
        écrit par une femme mais cest puissamment masculin... 
        
      Jeanne 
        ... ah, écriture masculine ou féminine... Quand on 
        écrit on nest plus personne et même pas une personne 
        (une pierre ?). Pourtant comme jai connu la maternité, 
        les règles, mon écriture est donc féminine... 
        
      Françoise G 
        ... si Alain André vous a aidée, cela veut dire que 
        ce nest pas évident... 
        
      Monique 
        ... jaime les textes poétiques, donc jaime cette 
        écriture. Donc jai envie de lire dautres livres de 
        vous. Lécriture est à los. Je suis très 
        contente de vous lire et de vous voir. 
        
      Jacqueline 
        Je ne vous connaissais pas. Cest une chance de rencontrer lécrivain 
        des Reliques. Jai pensé aussi à Mingarelli 
        à la première lecture. Jai eu quelques difficultés 
        à entrer dans cette histoire : Mira semblait irréelle. 
        Il y a une grande sobriété décriture mais pas 
        toujours la sensation de réalité. Je nai pas vu la 
        signification religieuse. Et le cirque ? Le cirque refuse la mort, 
        il la laisse au village, aux sédentaires. Le langage des personnages ? 
        Ils sont souvent dans des instincts : au fond tout ça lhistoire 
        de lécriture. Les Reliques, cest ce que fait 
        lécrivain et alors tout le livre a pris sens : quest-ce 
        que le livre deviendra ? Cest désespéré... 
        
      Jeanne 
        ... pour moi, cest une espérance. On fabrique de fausses 
        reliques qui nous relient avec le haut et le bas et dautres personnes 
        en feront quelque chose. Pour écrire ce texte, je suis passée 
        par des passages très difficiles, cela emmène près 
        de la folie : le fait de vivre après la mort de ceux quon 
        aime parce que la mort continue. Cest un texte violent et âpre. 
        Dans Les Reliques, ils sont tout seuls. Ils ne peuvent que "faire 
        uvre". Ce texte peut faire peur. Moi aussi je lis beaucoup 
        et des textes mont tenue à lécart... 
        
      Jacqueline 
        ... le groupe permet ça, de sapproprier du texte que 
        lon naurait pas lu seul. 
        
      Claire 
        Je me sens proche de la petite fille demeurée. Souvent je ne comprends 
        pas. Par exemple, je ne plaisante pas, je nai pas vu quils 
        se masturbaient... La poésie me barbe. Jai lu Ça 
        tapprendra à vivre, plein de réel, qui ma 
        plu. Jai juste eu un problème, avec la voix : qui parle 
        me disais-je ? La petite fille ? Ce nest pas possible. 
        La narratrice faisait lenfant... 
        
      Jeanne 
        ... cest une sacrée critique, car cest la femme 
        que je suis aujourdhui qui écrit la légende des émotions 
        de la petite fille dautre fois... 
        
      Claire 
        ... je remarque les très beaux cailloux de lécriture 
        à los : "on mangera triste" ; je minterroge 
        dautres fois : "ton regard me noie dans les draps"... 
        
      Jeanne 
        ... je voulais rendre les échos des voix des différents 
        âges qui nous traversent ensemble ; je ne nie pas limportance 
        de la psychanalyse. La réalité je men fous, cest 
        la vérité que je veux. Je pense à Nathalie Sarraute 
        avec les pronoms différents. Jai essayé décrire 
        ce livre à la troisième personne, mais cétait 
        trop distancié, cela ne marchait pas. Je voulais "descendre" 
        dans la tête de la petite fille... 
        
      Claire 
        ... puis jai lu Les Demeurées comme une histoire 
        symbolique, formidable, puis jai attaqué Les Reliques... 
        
      Jeanne 
        ... la face nord... 
        
      Claire 
        ... je reconnaissais lécriture travaillée, le 
        rythme, avec les phrases nominales qui scandent, lunivers, les morceaux 
        de musique (Claire lit un petit passage quelle trouve "typique") ; 
        mais ne sont-ce pas des sortes dhabitudes décriture ? 
        Je me suis surtout posé des problèmes... de réalité : 
        comment ces trois hommes vivaient-ils ? de quoi ? ils ne peuvent 
        pas être amoureux de la même femme sans jalousie, etc... 
        
      Jeanne 
        ... il faut parfois lire sans "raisonner"... 
        
      Claire 
        ... cest un livre, je suis dedans ou dehors, parfois je ny 
        suis pas... 
        
      Françoise G 
        ... moi aussi parfois je ne suis pas loin de cette impression car 
        l'auteur rend par les mots très émouvants ce qui nest 
        presque plus rien... 
        
      Claire 
        ... par exemple ce nest pas possible de prendre terre et poussière... 
        
      Jeanne 
        ... mais si ! Les mots sont différents des choses ! 
        Cest comme quand je vais voir un tableau, je vais voir luvre 
        et je ne recherche pas la copie du réel. Mon prochain livre est 
        différent. Ici javais besoin de cette scansion. Mais parfois 
        je ny arrive pas. Et puis cela dépend bien sûr comment 
        cela résonne avec chaque lecteur... 
        
      Annick A 
        Jai lu Ca tapprendra à vivre qui ma très 
        touchée car lenfant est véritablement là. A 
        quel point on est dedans ? Avec le choix du "je" et de 
        ladresse à dautres « tu », les 
        frères et surs. Jai été touchée 
        par la solitude de la petite fille, qui se met à lextérieur 
        de la famille... 
        
      Jeanne 
        ... en exil... 
        
      Annick A 
        ... mais il manque de cette enfance les mots de plaisir et de jeux... 
        
      Jeanne 
        ... maintenant je les ai retrouvés, je pourrais les écrire, 
        mais pas à lépoque, avec la nécessité 
        décrire : cétaient ces choses difficiles, 
        cest de lécriture que vient le sens, on cherche quelque 
        chose... 
        
      Annick A 
        ... avec Les Reliques, jai eu plus de mal. On est dans 
        larchaïque, "davant la parole". Mais quand 
        on y allé voir, on na pas envie dy retourner. Pour 
        moi, lanimalité, ce nest pas plaisant, je men 
        suis défendue, de cette idée de la préhistoire. Ils 
        sont "brutes" et le crime bestial. Il y a beaucoup de sensualité, 
        par rapport à larbre, à lodeur... 
        
      Jeanne 
        ... le coté bestial est aussi grand raffinement. Limmanent 
        et la transcendance : javais envie de mapprocher de « ça », 
        de ce quil y a eu en nous. 
        
      Geneviève 
        Javais lu Les Demeurées : javais énormément 
        aimé. Je lai fait beaucoup lire. Et Samira des quatre-routes 
        puis Présent ? Que je nomme toujours Pour. Il 
        y a un sens qui me soulageait, par rapport aux Reliques où 
        je ressens les deux aspects de tout ce qui a été dit. Jai 
        aimé mais je lai aussi repoussé, cest beau mais 
        cest en dehors de moi. Jai un vrai problème avec la 
        poésie et le regrette, car jaimerais aimer ça, cest 
        comme si je restais à la porte. Dans ce livre, cela fait écran, 
        jai besoin dun univers réel... 
        
      Jeanne 
        ... en fait dans Les Reliques, il ny a pas denfant. 
        
      Annick L 
        Javais lu Jeanne en jeunesse, comme Même si les arbres 
        meurent, le livre que je préfère sur le deuil avec une 
        finesse, une délicatesse et jai été émerveillée 
        par lattention aux petits objets, au quotidien. Il y a une sensualité 
        de la vie dans ce quelle a de plus simple et de plus profond. Après 
        jai lu Les Demeurées, je lai lu et relu. Un 
        des plus beaux livre, un joyau - cisellé, raboté - 
        sur lavènement du langage que linstitutrice a fait 
        advenir. Le travail de lécriture est un travail de laccouchement. 
        Quelque chose advient de larrachement (sans perte de la mère). 
        Les Reliques, cest plus sombre trop triste. Ils sont vieux, 
        mais gardent une « sève de vie », ils gardent 
        vif le désir quils avaient de cette femme... 
        
      Jeanne 
        ... je nai peut être pas réussi. Dans cet obscur, 
        ils créent une autre dimension. Ils nont plus que leur enveloppe 
        corporelle, mais ils font uvre. La quête nest pas forcément 
        dans les bonheurs conventionnels. On est dans le blanc, le noir et le 
        rouge. IL ny a pas de soleil. Jai été marquée 
        par Giono et surtout Un Roi sans divertissement... 
        
      Françoise G 
        ... car Giono met sur les choses des mots un peu décalés 
        qui nous font voir autre chose... 
        
      Jeanne 
        ... jai beaucoup de mal avec le "familier", je déménage 
        beaucoup... 
        Je minterroge sur le titre de mon prochain livre : 
        - Laver les ombres 
        - Cest comme pleurer 
        - Déliées 
        Quest-ce que vous préférez ? 
        
      Le groupe 
        Cest comme pleurer. 
        
      (suite des avis de ceux qui nont pas rencontré lauteur) 
        
      Françoise D 
        Tout simplement je n'ai pas accroché, ce langage pseudo fantastico-poétique 
        m'a gonflée, et l'histoire m'a semblée pareille et incomplète 
        (moi j'ai besoin qu'on m'explique tout, je suis un peu demeurée). 
        Bref, je me suis ennuyée... aucun intérêt. 
        
      Françoise O 
        J'ai beaucoup aimé Les Demeurées. Jai courageusement 
        lu Les Reliques. Mais je n'ai jamais aimé le cirque. Tout, 
        profondément est pour moi pénible. Le Clown me serre le 
        cur et ne me fait jamais rire. Un animal dressé est, pour 
        moi, un animal qui a été battu. Le pire est le numéro 
        de trapéziste. Le public me semble attendre le drame, trouvant 
        que sans filet, cest tellement mieux !!!!! Affreux. 
        
      Lona 
        Les Reliques, cest de la vraie poésie ! Cest 
        léger, aérien, accessible, comme un conte pour enfants. 
        Cest bien écrit. Cest une histoire damour ! 
        Une histoire originale, qui se déroule dans un petit cirque rural : 
        un magicien, un clown et un dresseur de fauves. Ces personnages assez 
        rustres, vivent en marge de la société ! Tous les trois 
        sont amoureux et ils se partagent la même femme : Mira la trapézite, 
        la femme de lair ! Mira meurt : accident ou suicide ? 
        Les trois resteront siamois : trois 
        curs collés ensemble. Et ça bat. Ils sont devenus 
        cette étrange chose vivante Trois curs ensemble, pour une 
        seul : Mira. Ils sont liés pour toujours. Chacun deux 
        est trois, chaque fois et ils seront trois à continuer à 
        pousser devant eux leur vie, une grosse boule passée détoiles. 
        Mira, lamante parfaite, comme tous les hommes en rêvent sans 
        le dire, car les hommes savent quil existe cette sorte damour, 
        un amour qui nattend rien, un amour qui sespère lui-même 
        dans chaque étreinte. 
        Mira devient la relique, celle qui leur permet de vivre : une relique 
        qui demeure bien après que tout a disparu. Derrière le verre, 
        la relique est là, protégée. On la vénère... 
        On ne garde pas lair qui passe... On peut croire à lhorizon. 
        Il faut laver la mort... Cest un hymne à lamour ! 
        Les sujets récurrents de Jeanne Benameur : la vie, lenfermement, 
        la marginalité, laffection, le regard de lautre, lamour, 
        le souvenir, la reconstruction, la mort, la filiation. 
        Jai lu aussi Ça tapprendra à vivre : 
        cest bien écrit : les phrases sont courtes, la lecture 
        est facile, le ton est juste. Beaucoup de retenue dans les émotions. 
        On balance entre le là-bas dAlgérie et le ici en France. 
        Les deux récits se superposent... Rappels historiques : la 
        guerre dAlgérie, un couple mixte, des enfants mélangés. 
        La petite porte le prénom dune tante décédée : 
        est-elle une enfant de substitution ? Chacun cherche sa place : 
        dans la famille, dans le couple, dans la fratrie, dans la société. 
        Silences, mensonges, complicités, non-dits, violence, enfermement... 
        La quête de lamour maternel ; un besoin de mère, 
        un besoin égoïste, possessif, une mère à ne 
        pas partager. Lécriture va être salvatrice. Une biographie. 
        Une belle histoire ! 
        
      Marie Thé 
        Ça t'apprendra à vivre  
        J'ai aimé ce récit de l'enfance. Je l'ai trouvé triste, 
        le déracinement, les murs de la prison, mais aussi la prison intérieure... 
        L'auteur cherche sa place... Jeanne Benameur a trouvé les mots 
        justes pour décrire son univers. Cependant, je n'ai pas vraiment 
        trouvé d'émotion dans ce livre : la peur, tellement 
        présente, masquerait-elle cela ?  
        Les Reliques  
        Je n'ai pas aimé l'atmosphère, ce côté morbide ; 
        déjà avec un titre pareil, j'y allais à reculons ; 
        insupportables reliques... Je n'ai pas aimé non plus le monde du 
        cirque ; j'ai pensé : pourquoi tout ce cirque ? 
        Après Les Reliques jai lu Ça t'apprendra 
        à vivre et c'est comme si tout à coup ça s'éclairait : 
        ainsi, dans un chapitre intitulé "Le faux journal" je 
        lis : « JE dis tout mais je maquille. Jamais à 
        nu... Je suis dans ces pages mais il faut savoir m'y trouver ». 
        Mira, le cirque, n'y aurait-il pas de l'auteur et de son histoire cachées 
        derrière ? 
        Pour revenir aux Reliques, je note qu'il est souvent question d'espace, 
        de temps, même si au début tout semble seffacer (avec 
        la neige, la montre). Mais l'espace est toujours délimité. 
        (Comme jadis l'habitation dans la prison ?). Pour ce qui est du temps, 
        on "voyage" dans sa vie. (Cela fait penser à la psychanalyse) : 
        "Zeppo rentrera à nouveau dans son corps de vieil homme. Les 
        cris du petit garçon s'affaibliront..." "Zeppo, lui, 
        est " là depuis l'enfance... " Les 3 personnages 
        masculins (qui je pense n'en font qu'un) peuvent aussi représenter 
        différents âges de la vie. Autre exemple de ce "voyage" 
        dans la vie, les photos enlevées des albums par Zeppo, la vie à 
        rebours. "Ils ne se rendent pas compte qu'il leur donne l'unique 
        possibilité d'en finir avec la peur. On commence par la fin et 
        on remonte..." 
        Autre chose qui a retenu mon attention, c'est la légèreté 
        de Mira qui s'élève, "comme si elle quittait cette 
        terre qui s'engloutissait sous elle." L'aérien, le souterrain, 
        reviennent souvent, de même le souffle. Mira est "un souffle 
        qui passe" ou : "le cirque ne sut pas la garder. On ne 
        garde pas l'air qui passe." Plus tard "eux creusent pour déposer"... 
        En lisant tout ceci j'ai pensé yin, yang, qi. 
        Beaucoup de choses dans ce livre que je n'ai pas beaucoup aimé... 
        Je retiens encore "C'est l'absence qui les garde. Mieux que n'importe 
        quel geôlier". Ou : "Seuls de leur espèce 
        errante." L'espace, la place, encore... 
        Vers la fin, tout se sang, puis le sperme, les larmes, et ce refrain "oh! 
        La vie !" (p92), j'ai trouvé cela insupportable. Finalement 
        ces reliques sont un trésor, quelqu'un frémira un jour en 
        les découvrant, et Mira sera vivante... Je rapproche ceci de la 
        fin de Ça t'apprendra à vivre : le briquet enterré 
        sous le sable, c'est une flamme enfouie, de même la tombe du père... 
        Tout cela annonce Les Reliques. 
        
      Jean-Luc 
        Ça t'apprendra à vivre  
        Ce n'est pas très gai. Le début de ce livre me rappelle 
        tristement une époque que j'ai vécue sur place, et qui à 
        l'évidence a profondément marqué l'auteure. C'est 
        une longue plainte dans un langage vif, simple, naturel pour décrire 
        la méchanceté et la bêtise humaines. On a l'impression, 
        et pour cause, d'avoir là, la description d'un "monde-prison"qui 
        tourne en rond sans espoir. C'est aussi un livre de l'exil d'une famille 
        qui, à travers son histoire et ses péripéties, reste 
        fermée sur elle-même et figée dans l'impossible oubli 
        du déracinement. C'est le récit d'une souffrance. 
        Les Reliques  
        Un huis-clos ? Sorte d'élégie moderne qu'on pourrait 
        imaginer accompagnée du Stabat Mater de Pergolèse. 
        Les 3 compères (clown, dompteur, magicien) qui ne vivaient que 
        par une passion commune envers leur "amie-amante" trapéziste, 
        allant jusqu'à provoquer sa mort et quasiment la leur par jalousie, 
        nous décrivent ainsi un drame à base d'amour fusionnel dans 
        un ménage à quatre. 
        J'ai lu ce livre comme une fiction illustrant la misère humaine 
        et son antidote à travers l'amour commun et possessif d'une trapéziste. 
        Dans le noir de la dure existence du cirque, nos trois artistes ont quelqu'un 
        à aimer, à admirer, qui réchauffe leurs curs, 
        pour qui ils tremblent tous les soirs, pour qui ils lèvent les 
        yeux au ciel plein d'admiration : c'est une chance inouïe. 
        Malheur à qui brisera leur rêve car cet amour est vital, 
        et en ce sens tragique. 
        Un soir c'est la chute provoquée par une tourterelle "téléguidée", 
        conséquence de la jalousie : c'est aussi la chute de tout 
        le monde. 
        Restent les reliques récupérées et enterrées 
        dans un rite funéraire et quasiment sacré. 
        Nicole  
        J'ai lu Ça t'apprendra à vivre avec beaucoup d'intérêt 
        et d'émotion, comme une biographie. Javais lu deux ouvrages 
        de l'auteure (Les Demeurées et Les Mains libres) 
        et j'étais curieuse de connaître ce qui avait marqué 
        son enfance, afin d'avoir un éclairage supplémentaire sur 
        ses romans. J'ai retrouvé l'écriture que j'aime, de cette 
        auteure, avec l'importance donnée à chaque mot, mots qui 
        lui ont permis d'exister et de survivre au contexte difficile de son enfance. 
        Quant aux Reliques, un vrai bonheur de lecture, même si le 
        thème côtoie constamment le malheur. Grâce à 
        l'écriture, j'ai emprunté le trapèze de Mira pour 
        les personnages, bien sûr symboliques, que j'ai imaginés, 
        surtout Nabaltar et Hesior. J'ai eu plus de mal avec Zeppo. J'ai été 
        très sensible à leur amour pour Mira, à leur souffrance 
        muette quand cette dernière les a délaissés pour 
        le dompteur et à leur souffrance active (l'épisode de la 
        mort du dompteur est un passage fascinant) quand ce dernier l'a laissée, 
        provoquant son abandon de la vie. 
        J'ai été très sensible aussi à la façon 
        dont ils ont transformé leur cahute en "demeure" (le 
        coffre qui crée le chez-soi) en enterrant le coffre au centre de 
        la pièce. "La seule magie qui existe sont les images qui dorment 
        dans la tête de chacun" et que le cirque est là pour 
        les réveiller dans la tête des petites gens, qui n'ont pas 
        "d'habits du dimanche". 
        Pourquoi livre ouvert aux ¾ ? Parce que j'ai trouvé 
        trop long l'épisode du sang de Saint-Janvier. Peut-être ne 
        l'ai-je pas très bien compris. 
        Lil  
        Il me faut tout de suite prévenir : je suis une inconditionnelle 
        de Jeanne Benameur, de cette écriture concise, forte, dense, toute 
        de poésie qui vous remue le cur et les tripes ! Cette 
        auteure possède l'art de dire le silence. (Combien j'ai aimé 
        Les Demeurées et Les Mains libres !) 
        Dans ce livre autobiographique, Ça t'apprendra à vivre, 
        chaque mot pèse son poids. J'ai cheminé tout près 
        de cette petite fille, avec beaucoup d'émotion : comme elle 
        nous parle vrai de toutes les violences faites à cette famille, 
        ligotée dans le silence et les non-dits dont chacun souffre à 
        sa façon. J'ai adoré la manière dont se dessinent 
        peu à peu, au fil d'anecdotes quotidiennes, les portraits des parents 
        et de la fratrie, toujours avec cette écriture économe qui 
        condense et suggère à la fois, avec beaucoup d'élégance 
        et de sensibilité (par exemple les 4 dernières lignes du 
        livre qui nous apprennent la mort du père). Cette petite fille 
        découvre la violence de la guerre, l'ambivalence des adultes, leurs 
        mensonges, leur égoïsme, leurs souffrances, leurs contradictions, 
        leurs ruses... tout ce dont chacun se sert pour survivre et exister, et 
        elle, ce sont les mots : magnifique passage où l'enfant capte, 
        pour elle seule, l'attention de la mère, en lui lisant ses rédactions 
        - "Nous appareillons ensemble , loin de l'appartement, dans 
        mes mots " ou encore, le récit du vrai/faux journal  ou 
        encore la façon dont elle séduit ses camarades de classe 
        en leur brodant des histoires de palais orientaux et de princesses voilées... 
        Que de sensibilité et de justesse dans la description de l'exil, 
        (par exemple p.110  l'installation sur la plage), de l'enfermement, 
        de la difficulté à s'acclimater, à s'ancrer, à 
        se forger une identité lorsque trois pays d'origine sont à 
        disposition : Arabe ? Française ? Italienne ?... 
        La lecture de ce livre m'a été indispensable pour entrer 
        pleinement dans l'uvre de Jeanne Benameur, suivie de Comme on respire. 
        Et malgré la douleur qui perle à chaque page : un vrai 
        bonheur de lecture ! 
        Pour Les Reliques, à la première lecture, j'ai trouvé 
        quelques longueurs, des passages un peu confus. 
        Je l'ai relu, me suis laissée totalement porter par le texte et 
        ce fut l'éblouissement, comme d'habitude ! 
        On y retrouve la qualité d'écriture de Jeanne Benameur : 
        concision, densité, poésie, sensibilité... 
        Il y a tout dans ce livre : une superbe réflexion sur la mort, 
        l'absence de l'être aimé, les souffrances induites chez ceux 
        qui restent et la façon dont ils s'en arrangent, la difficulté 
        à vivre, la solitude profonde de chacun, la différence, 
        l'exclusion, le silence, la légèreté (ceci m'a particulièrement 
        touchée), le temps, l'animal et l'humain, et l'amour qui nous rend 
        vivants ! J'ai adoré ces trois hommes, unis dans leur amour 
        fou pour Mira, si touchants dans leur tentative de la garder vivante à 
        jamais, solidaires et cependant si seuls... Quelle magnifique histoire 
        d'humains qui nous renvoie à notre propre finitude et à 
        la mort de ceux qu'on aime ! 
      
        
       
       
      
       
       
      
      
        
       
 
     
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