Qu'est-ce qu'un grand peintre, au-delà des hasards du talent personnel ?
C'est quelqu'un sans doute dont le trop violent appétit d'élévation
sociale s'est fourvoyé dans une pratique qui outrepasse les distinctions
sociales, et que dès lors nulle renommée ne pourra combler :
telle est l'aventure du peintre qui dans ces pages porte le nom de Goya... |
|
Pierre Michon
Maîtres et serviteurs
Nous avons lu ce livre en mai 2008.
Nous avons pu en voir une adaptation, mise en scène
de Patrick Sommier, au Théâtre
MC93 de Bobigny.
Jacqueline
Ce nest pas une lecture facile. Michon a une langue très
travaillée, écrite. On ne peut pas le parcourir, on doit
le lire. On ne peut le lire à voix haute. Il y a des choses que
lon ne comprend quà cause des accords orthographiques.
Sans rien connaître à la peinture, je repère plein
dallusions à des tableaux. Je suis allée voir des
reproductions et jy ai retrouvé les récits. Il y a
bien des choses inattendues, mais difficiles... Restent des sensations :
Goya, je le vois. Dans le dernier texte, il y a des choses touchantes
mais je nai pas vraiment été touchée. Je louvre
aux ¾ pour lintérêt de la langue, originale,
qui fait image, ça ne coule pas comme ça. Il y a quelque
chose de Quignard dans cette recherche de gens qui ont vécu, peut-être,
peut-être pas.
Au théâtre, jai adoré et lémotion
non ressentie à la lecture ma été donnée
par lacteur. Un très bon spectacle.
Françoise D
Javais lu Vies
minuscules et javais été absolument emballée,
séduite par lécriture. Ici, je suis moins enthousiaste,
peut-être parce quil ne sagit pas justement de vies
minuscules, et pourtant... cest peut-être ça le message
de Michon : toutes les vies sont minuscules... ou pas ? Comme
le dit lun des critiques que jai lu « cest
la faux et le sablier ». Jaurais aimé savoir ce
qui a motivé les choix de lauteur : un peintre espagnol
du 19e siècle, un français du 18e, un italien du 15e...
deux célèbres, un inconnu. Tout nous ramène à
la dérision et la création, à son devenir. Grande
question. Qui est maître, qui est serviteur ? A travers ces
trois exemples, je dirais ils sont les deux à la fois. Evidemment,
lauteur se la pose certainement aussi concernant la création
littéraire et ce quil laissera derrière lui. Jai
particulièrement aimé la description de la disparition de
la toile du petit peintre italien, cest sublime et extrêmement
touchant ; je crois que là Michon nous dit tout, et ce nest
pas un hasard sil le fait à la fin du livre, comme un point
dorgue. Quant à lécriture, difficile, elle ne
vous lâche pas, chaque mot compte, vous pouvez lâcher Michon,
mais lui ne vous lâche pas, il exige toute votre attention. Cest
un livre qui se mérite, et qui mûrit en vous. Cest
pourquoi je pensais louvrir aux trois-quarts, mais avec le recul,
je louvre en grand.
Concernant la pièce - qui ne relate que le récit du
disciple dArezzo - bien que le comédien soit très
bien -, elle napporte strictement rien, la mise en scène
est inexistante, encéphalogramme plat. Même pas de cochon !
Reste lécriture quon écoute, alors mieux vaut
parler de lecture.
Rozenn
On peut se passer de ce livre. Au début, je lai lu en marrêtant
sur lécriture. Jai eu limpression dune
meringue, dune pièce montée. Je ne comprends rien,
je nai rien à en dire. Je me suis arrêtée à
la page 99.
Françoise G
Jai découvert Michon par hasard, il y a dix ans, par les
couvertures, cétait Rimbaud le fils. Jai lu les 30,
40 premières pages puis je me suis arrêtée car le
choc physique était trop fort. Puis jai lu Vies
minuscules, La
Grande Beune, et là encore... Il y a toujours une entrée
difficile, il faut faire un effort pour être à laise,
pour être au niveau de leffort décriture, cest
ciselé. Les trois biographies sont très émouvantes,
cest une écriture personnelle, les chutes de phrases sont
souvent déroutantes. Il y a beaucoup de points virgules, cest
étonnant. La précision du vocabulaire, lécriture,
pèsent comme ce qui compte vraiment. Il y a des références
culturelles non-stop, et derrière ces références
- avec un certain étalage - les siècles défilent,
on y est. Il y a de la grandeur mais aussi du quotidien, du sensuel. Des
moments éblouissants, comme lorsque Goya entre là où
il y a toutes les grandes fenêtres, et une grande page sur le noir
et lombre. Jai déjà ressenti cette expérience
dans certaines salles de musée, cest très visuel.
Et dans Watteau quand le prêtre donne la clé de la chambre
secrète...
Jai lu le dernier texte à moitié, et entendu la fin
au théâtre : la pièce a une économie de
moyens qui va avec lunivers de Michon et qui met en valeur les mots.
Les livres de Michon demandent un effort, mais on est payé de ses
efforts.
Christine
Jai adoré. Je ne lai pas trouvé difficile. On
ne lit pas rapidement, mais on déguste, en prenant le temps dapprocher
le projet. Trois récits courts, avec deux peintres connus avec
des narrateurs proches, puis le dernier avec un peintre inconnu et un
narrateur extérieur.
Jadore ce que Michon nous fait voir de la vie de ces peintres, la
nature, les lieux, parfois de lhumour et beaucoup dhumanité.
Questionnement sur la vocation de ces peintres, ce qui les a attirés,
poussés vers lart ; cest dur, mais ils ne renoncent
pas non plus. Cette lecture a été pour moi plaisir++ et
émotion. Jai besoin de lire de temps en temps des livres
comme ça. Jai aimé aussi au théâtre entendre
le texte dit.
Monique
Jai entendu parler de Michon il y a 20 ans dans les ateliers décriture,
Vies minuscules cétait le grand truc et je ne suis
jamais rentrée dedans. Jai suivi un séminaire où
on essayait dexpliquer la création chez les écrivains.
Il y avait une séance sur Pierre Michon ; il utilise beaucoup
les mots des autres, il pique des morceaux de phrases chez Rimbaud, etc.
Au début il les mettait en italique et puis il a décidé
de les intégrer tels quels dans ses récits. Il corrige très
peu, il travaille beaucoup sur la musique des mots, il prend beaucoup
de notes, de citations. Quand il écrit, cest dans la linéarité
et il ny revient pas. Il écrit peu à la fois, cest
gravé dans le marbre. La lecture de Michon nest pas facile.
Ce qui est touchant chez lui, cest la grâce, le sacré.
Jai adoré le troisième récit. Ce tableau personne
ne la vu, cétait peut-être le plus beau de tous
les temps, et il est tombé en poussière. Il y a certainement
quelque chose à voir avec sa recherche personnelle. Goya, installé
dans sa maison, a peint des fresques murales, les peintures noires, jaurais
aimé que lauteur en parle. Pour Watteau, cest le thème
de la virilité, ça ma gênée. Michon a
une écriture dhomme dans laquelle je ne me retrouve pas toujours,
cest une course sans fin derrière le désir. Dans le
dernier récit, tout est bon, lhistoire du cochon, le miracle,
il ne restera peut-être rien de ce que chacun fait de sa vie, mais
il peut y avoir un moment de grâce. Michon crée un univers
particulier, reconstruit un monde qui est le sien.
Françoise O
Je suis très ennuyée. À vous entendre, je crains
dêtre passée à côté de quelque
chose. Jaime beaucoup la peinture. Je suis des cours dhistoire
de lart. Au début, je nai pas pu mintéresser
à Goya, mais je me suis laissé prendre par les mots, les
couleurs, jai eu limpression dêtre dans un musée ;
mais la vie du peintre ne ma pas intéressée. Je me
suis arrêtée à la troisième histoire. Jai
lu les critiques emballées sur internet, alors je suis revenue
au troisième récit, mais rien à faire.
Claire
Si la qualité dun livre est à limage des commentaires,
cest un beau livre. Mais, je naccroche pas beaucoup aux livres
édités par Verdier : cest un univers de méditation,
il ny a pas vraiment de fil narratif. Cest un livre qui a
plein datouts : une écriture, la peinture, un texte
court, une mise en scène au théâtre, mais ça
me tombe des mains ; je ny comprends rien, à part quelques
"éclairs".
Au théâtre, ça ma barbée, exactement
comme le livre, pas de souffle. Jai vu Michon à Beaubourg,
parmi une foule de groupies. Il a fait une lecture devant des tableaux
de Bacon ; pas de ce livre, mais dun autre livre quasiment
in extenso. Je nen pouvais plus. Les femmes (et les hommes) se pâmaient...
Mais je conviens de ma cécité et de ma surdité.
Annick
Je navais jamais entendu parler de Michon. Jai adoré.
Jai beaucoup aimé lécriture, les procédés
de narration, comme dans le premier récit le « nous »,
« nos mères », « nos grand-mères »
comme un livre pour les femmes. Jai plus aimé la première
et la troisième histoire. Quest-ce que peindre ? Quest-ce
qui fait quon est maître ? Limportant nest
pas de réussir socialement. La richesse dune création
cest « donner le meilleur de soi », pourquoi
on crée ? Dans le récit sur Watteau il y a la question
de la dette ; le désir ne peut jamais être comblé.
Jai été fascinée par ce texte, malgré
des passages difficiles où on ne comprend rien. Pourquoi lauteur
a-t-il présenté Goya comme un arriviste, alors quil
était pour la révolution. Je louvre en grand pour
la découverte.
Quelques éléments de documentation
- Une revue de presse concernant ce livre, sur le site de léditeur,
Verdier : http://editions-verdier.fr
- Un article dans le magazine Lire qui dévoile un peu Pierre
Michon : "Pierre
Michon, une vocation tardive", Marianne Payot (1er mai 1997)
ou une
interview par Catherine Argand (1er décembre 1999)
- Le dossier de presse concernant ladaptation au théâtre
que nous avons vue : ICI
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
|
à
la folie
grand ouvert
|
beaucoup
¾ ouvert
|
moyennement
à moitié
|
un
peu
ouvert ¼
|
pas
du tout
fermé !
|
Nous écrire
Accueil | Membres
| Calendrier | Nos
avis | Rencontres | Sorties
| Liens
|