Quatrième de couverture : "Grande famille, écrit Jean, ils ont beau dire grande famille, on ne se connaît même pas, entre nous ; même pas tous ceux du bloc B. Ils peuvent bien nous rassembler une fois par an pour les vœux du président, ce jour-là on reste groupés par service. Au-delà des services, on ne fait que s'observer."
Jean, Domi, Philippe, Suzanne… Depuis quand travaillent-ils ensemble au Bureau ? Ils ne s’en souviennent pas. Nicole Malinconi, de sa plume minimaliste et pourtant furieusement tendre, décortique une vie de bureau après l’annonce d’une restriction de personnel. Et c’est comme si, dans une partie de cartes, le jeu que vous aviez en main change de figures et de couleurs. Au bureau est un petit chef-d’oeuvre d’empathie, dans un monde trop souvent en peine de tendresse et de générosité.

Quatrième de couverture : "Vous vous appelez Michelle Martin. Vous êtes détenue à la prison de Namur, en Belgique, depuis 1996. Condamnée à trente ans de réclusion criminelle. Cette année-là, les journaux et les télévisions d'Europe et peut-être d'au-delà ont rendu votre nom indissociable de celui de Marc Dutroux, alors votre mari".

Ainsi commence ce texte de Nicole Malinconi. Il a été inspiré à l'auteur par des rencontres régulières avec Michelle Martin en 2006 et 2007, dans la prison où elle purge sa peine pour complicité de viol et de séquestration, avec, dans un cas, celui des jeunes Julie et Mélissa, des «circonstances aggravantes ayant entraîné la mort».
C'est, au départ, Michelle Martin qui a souhaité parler avec un écrivain afin d'évoquer un projet de livre encore imprécis. Les entretiens qui ont suivi ont conduit Nicole Malinconi à rédiger ce texte très personnel, à partir des propos échangés au cours de leurs rencontres. Et en particulier à partir de cette interrogation centrale maintes fois évoquée : jusqu'où une femme peut-elle se laisser contraindre par un homme à accomplir, fût-ce par défaut, des actes monstrueux? En résulte un texte sobre, précis, plein de retenue, mais qui affronte de face, à partir d'une histoire singulière, des questions radicales touchant à ce qui fait le propre de l'humain et de l'inhumain.
Nicole Malinconi
Vous vous appelez Michelle Martin (Denoël)
Au Bureau (L’Aube)

Nous avons lu cette auteure en juin 2008.

Renée 
J’ai lu Vous vous appelez Michelle Martin : j’ai été touchée et enlisée. Je l’ai lu cet après-midi, avec une impression d’intensité, de tourbillon avec ce "vous" qui s’adresse à Michelle, mais aussi au lecteur. On ne sait plus très bien si on s’intéresse à une femme (aux rapports épouvantables avec sa mère) qui a laissé mourir deux enfants. C’est une expérience très forte que de lire ce livre. L’auteure a dû vivre quelque chose d’ahurissant. Est-ce que j’aurais tenu le coup ? Je ne peux pas dire où j’en suis car il n’y a pas de moment décisif, c’est comme de l’eau qui coule, il y a un rythme. J’en suis là où elle raconte pour la deuxième fois l’accident de son père, s’accusant constamment. On a l’impression qu’elle est plus responsable de la mort de son père que de celle des enfants.
Françoise D 
J’ai lu les deux livres. Le problème avec Au bureau, c’est que ça m’avait bien plu, mais je ne me souviens de presque rien. Il y a peu de livres qui parlent du milieu du travail – le bureau en tout cas - et c’est très réaliste, fidèle en ce qu’on voit bien qu’il y a la vie au bureau et la vie à l’extérieur, sans communication ou interpénétration des deux. On croit connaître ses collègues, mais non. Ce sont deux mondes séparés et très différents. Je trouve que l’auteure montre bien ce phénomène ; ça se lit très bien.
Puis j’ai attaqué Vous vous appelez Michelle Martin. Et alors là on change de dimension. C’est beaucoup plus grand, on passe au braquet supérieur. J’ai été remuée, fascinée, pas tant d’un point de vue émotionnel que par rapport à l’auteure. Sa démarche. Comment reproduire fidèlement ce qui s’est joué entre ces deux femmes. Est-ce vraiment un dialogue ? Y-a-t-il manipulation, et de la part de qui ? Michelle Martin parle de son enfance car elle ne peut pas parler du motif pour lequel elle est là. C’est elle qui a fait venir Nicole Malinconi, elle avait donc besoin de parler ; ça m’a éclairée, j’ai compris comment cette femme n’a pas pu descendre donner à manger aux enfants. Evidemment, le rapport à sa mère nous éclaire. Elle est passée de sa sujétion à sa mère, à sa sujétion à Dutroux. Ce que lui fait subir sa mère est abominable. Cette femme (MM) est humaine. Elle fait partie de l’humanité, et c’est terrible, et c’est ce qu’arrive à faire passer l’auteure qui à la fois s’implique et se tient à distance. C’est très fort. Je n’avais jamais rien lu de tel. Tout ça nous est totalement étranger, et l’auteure nous y emmène. On pense évidemment aussi à Monique Olivier avec Fourniret. On pense aussi au livre d’Emmanuel Carrère, L’Adversaire, c’est très différent, fascinant aussi, mais on n’approche pas le sujet, on reste à l’extérieur, c’est factuel ; alors que là on est dedans, ça m’a beaucoup intéressée. Je trouve que la démarche est réussie.
Annick A 
J’ai lu Au bureau. J’ai peu de choses à dire. Une écriture un peu pauvre. C’est un livre sympathique, une peinture sociale décrite avec finesse. L’auteure s’occupe d’une couche de la population, les employés. Le vide, l’ennui, la rumeur, les mesquineries sont bien rendus. C’est un livre engagé et ça m’a plu.
Françoise G 
J’ai lu Vous vous appelez Michelle Martin. C’est vraiment une drôle d’expérience de lecture. Au début, j’ai été irritée : pourquoi elle a eu besoin de fourrer son nez là ? Elle n’avait pas de sujet ? C’est un style très à la Duras, qui irrite. Marguerite est présente ; des phrases simples mais suffisamment tarabiscotées pour faire poétique. Petit à petit, j’ai marché, à cause de l’écriture, et parce que le sujet est terriblement humain, alors que c’est monstrueux. Elle amène avec subtilité, courage et honnêteté à cette Michelle Martin et aux difficultés de cet écrivain. Elle est réceptive à la demande et fait preuve d’ouverture sans complaisance, d’honnêteté sans haine, de discernement. On comprend que Michelle Martin fait une thérapie en prison ce qui éclaire son passé, sa mère folle. Elle a suivi sa mère, comme elle suivra Dutroux. On finit non pas par la comprendre, mais par comprendre sa folie. La sympathie de l’auteure ne l’amène pas là où Michelle Martin veut l’amener. L’enfance est une explication mais pas une excuse. Quelque chose entre elles s’imbrique, comme entre Michelle Martin et sa mère, entre Michelle Martin et Dutroux. L’auteure reste forte.

Françoise D
Au départ Michelle Martin voulait que Nicole Malinconi soit son nègre.

Françoise G
Quelle que soit la monstruosité de Michelle Martin, elle paraît humaine (voir la phrase de Robert Antelme en exergue). Reste la question "qu’est-ce qu’elle allait faire là ?".

Claire
On est venu vers elle.

Renée
Elle a un passé consacré au social.

Jacqueline
On ne sait pas si Michelle Martin a lu ses livres.

Françoise
Elle est belge, donc plus connue en Belgique qu’ici.

Claire et Françoise D
Et L’Adversaire ?

Françoise G
Il n’y a pas la même complaisance

Claire
Tu dis qu’il n’y en a pas.

Françoise G
Il y a manipulation. Michelle Martin pose une demande et elle compte sur le bouquin pour arranger sa cause.

Jacqueline
Elle ne peut pas parler des enfants qu’elle a laissé mourir.

Renée
Elle n’est pas culpabilisée, il y a une sorte d’autisme.

Françoise D
Les détenus sont souvent dans le déni ou refusent d’en parler.

Françoise G
On a l’impression que la thérapie a avancé, mais en profondeur, non.

Jacqueline
C’est une rencontre avec Nous deux. Il y a moi et ce livre. Je suivais un séminaire en Belgique et l’attaché culturel est venu parler de ce livre qui représente la "belgitude" ; il a parlé de la langue belge. C’est un livre sur la mère et la mort de la mère, avec une relation exclusive. La mère, servante, après un premier mariage, a Nicole d’un deuxième mariage. Nicole nomme l’homme dans ce livre, avec beaucoup de discours rapporté, c’est une merveille. La mort de la mère est émouvante. Ce livre compte beaucoup pour moi. Il a été republié avec un deuxième texte Da Solo, sur son père. Dans Nous deux, on entend la voix de la mère, dans Da Solo, celle du père. Puis j’ai lu Hôpital silence, ce sont des flashes dans un service d’avortement. On y retrouve cette faculté à se mettre à la place des gens. J’ai bien aimé Au bureau, sans la force des autres livres, on est en empathie, il y a le narrateur Jean, un loser, dont on croit que ça va mal finir. Je ne l’ouvrirai pas en grand, mais ¾. Nous deux en entier. Pour Vous vous appelez Michelle Martin, il mérite d’être lu plus sérieusement que je ne l’ai fait.


 

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