Quatrième de couverture :
À quelques mois d'intervalle, la vie m'a rendu
témoin des deux événements qui me font le plus
peur au monde : la mort d'un enfant pour ses parents, celle d'une
jeune femme pour ses enfants et son mari. Quelqu'un m'a dit alors :
tu es écrivain, pourquoi n'écris-tu pas notre histoire ?
C'était une commande, je l'ai acceptée.
|
|
Emmanuel Carrère
D'autres vies que la mienne
Nous avons lu ce livre en mai 2009. Nous
avions déjà lu en janvier 2009 Un
roman russe et L'Adversaire en mai 2000.
Sabine
Javais un préjugé plus que favorable sur Emmanuel
Carrère ayant adoré L'Adversaire. La Classe de
neige m'a moins emballée. Un Roman Russe m'a beaucoup
plu, même si j'ai quelques réserves sur le fait qu'il ait
dévoilé LE secret de famille.
Le point commun de tous ces livres (à l'exception de la classe...),
c'est l'absence de frontières entre le romanesque et le biographique.
Je pense même que la signature de Carrère c'est : ses
livres ne sont NI des romans, NI des biographies, NI des enquêtes
policières, NI des recherches journalistiques, ils sont TOUT à
la fois. Et c'est ce que j'aime avant tout. Cela invite à réfléchir
sur les notions de "réalité" et "réalisme"
(quest-ce qui se nourrit l'un de l'autre, qui se rapproche du vrai),
de "héros" et "anti-héros" (Jean-Claude
Roman n'est qu'un pauvre type qui devient par le livre et la prison un
type " extra-ordinaire"). Par ailleurs, en suivant les trajectoires
croisées des personnes (ou personnages ?), Hélène,
la petite Juliette, la sur Juliette, Etienne, Emmanuel (narrateur
interne, témoin, "cueilleur" de faits divers ?),
je me suis demandé s'ils prenaient plus d'épaisseur du seul
fait qu'ils existent. En d'autres termes, quelle aurait été
ma lecture si j'avais su qu'ils avaient été totalement inventés.
Bien sûr, comme l'a dit Kundera (et d'autres), les personnages sont
souvent le fruit de plusieurs personnes réelles. Le talent de Carrère
tient à plusieurs choses :
- la proximité des personnages (il les a connus, interviewés)
et leur mise à distance (Juliette malade présentée
par différentes personnes) ; Carrère s'inclut même
par le biais du pronom personnel ON dans une conservation qu'on lui a
rapportée ;
- les coïncidences "romanesques" de la vie réelle :
deux Juliette qui meurent à six mois d'intervalle, la rencontre
de deux éclopés de la vie, Juliette et Etienne ;
- les réflexions sur le sens de la vie : c'est banal
à dire, mais les interrogations de Carrère me parlent !
- la naissance du livre : le père de Delphine qui invite
Carrère à faire le livre, puis Etienne et enfin Patrice
qui trouvent dans la rédaction du livre un moyen de transcender
la douleur et l'absence ;
- la pudeur : il n'y a pas de voyeurisme dans les deux drames
évoqués ;
- l'écriture enfin : je la trouve fluide, avec des phrases
qui ont plus de cinq mots (!), et qui suivent les méandres de sa
pensée, de ses explications.
En tous points, c'est un livre original et riche.
Katell
Sur les conseils de Manu, je suis allée acheter D'Autres Vies
que la mienne que j'ai lu en une journée.
C'est un bouquin formidable si on est un peu déprimé et/ou
fatiguée... C'était mon cas. Donc, une journée au
lit avec Emmanuel... mon rêve. Quand j'avais 20 ans, j'étais
secrètement amoureuse de lui. Depuis qu'il s'est répandu
sur ses aventures et fiascos conjugaux, je le suis un petit peu moins
(j'aime plus souffrir), mais quand même... Il me fait un petit quelque
chose (avec sa grande bouche !) et son livre... aussi.
Bon, c'est vraiment un genre inclassable. J'ai chialé grave...
Moi, ces histoires d'enfants qui meurent, de mamans qui meurent... Il
y a trop d'identification...
Je disais... Genre inclassable. Emmanuel Carrère n'est pas un romancier
(ce n'est pas de la fiction). Ce n'est pas un journaliste, bien qu'il
fasse des témoignages et des interviews. Il invente un genre hybride
(déjà avec L'Adversaire), où il excelle. Ce
genre que j'aurais aimé écrire : la vraie histoire,
bien racontée, simple avec pleins de digressions personnelles toujours
intéressantes, marrantes, touchantes. Il a aussi pas mal d'humour
sur lui-même.
Enfin, un bon bouquin sur la vie, lamour, la mort, avec un petit
bémol toutefois : parfois je trouve son écriture un
peu pauvre.
Je l'ouvre en entier (merci Manu !)
Françoise D
Je suis d'accord avec les deux avis de Sabine et Katel ; il faut
dire que je suis une inconditionnelle. Ses livres sont tous très
différents : ici, il est témoin, il n'est plus au centre.
La façon dont il raconte est formidable : le personnage d'Etienne
par exemple devient personnage du roman. C'est sa force. Je ne trouve
pas l'écriture pauvre. Ça coule, c'est haletant sur Etienne,
les sociétés de crédit. Je suis tout à fait
enthousiasmée. On ne peut pas lui reprocher son nombrilisme : ce
sont les malheurs ordinaires, l'amour, la vie, et la mort des autres.
C'est son art de raconter qui me plaît, le style n'est pas époustouflant
mais ça suffit. Pour Un Roman russe, quelqu'un avait dit
que le style était journalistique... Non, c'est autre chose. Je
suis accro car il m'embarque. Il y a des passages étonnants et
la mort est bien rendue par sa façon de raconter.
Françoise C
Je suis dans une ambiguïté avec cet auteur qui m'embarque...
Donc c'est difficile d'être critique. L'écriture est simple,
narrative, efficace et j'aime bien. J'ai eu des moments de lassitude (les
jugements, Cofinoga... m'ont bassinée ; il s'empêtre
sans prendre de distance avec ses personnages). Il a du respect vis-à-vis
des personnages mais j'ai à dire là-dessus. Les Juliette,
oui, c'est bien dit ; les personnages sont attachants, humains. Mais
l'histoire de la famille de Juliette est trop idéale : c'est
un miracle. Un personnage se détache : Etienne qui a une épaisseur.
Personnage du roman auquel, pour moi, Emmanuel Carrère s'identifie
le plus. C'est un personnage très fort, peut-être la source
de l'écriture. L'énergie de Juliette et Etienne vient peut-être
de leur handicap. La première nuit à l'hôpital, c'est
très beau, où Etienne se pense de façon très
différente. La visite au psy François Roustang est extra
et drôle avec l'histoire du Renard et le passage sur " comment
on fabrique un cancer ". La construction du livre m'a beaucoup
intéressée. Il part d'un personnage puis passe à
ceux qui les côtoient comme des poupées russes. D'autres
vies que la sienne ? Je ne trouve pas tellement, il utilise les autres
vies pour se ressourcer. Tout à la fin, il se débarrasse
du renard. Il a besoin de coller à la réalité pour
écrire. Je finis par trouver ça louche... Oui, je trouve
ça louche. Je connais des gens qui n'arrivent pas à écrire
et qui vont dans les maisons de retraite pour faire de beaux textes...
car toutes les vies sont des romans. Je pense qu'il manque d'imagination
car il parle des autres pour parler de lui. Je trouve cette démarche
un peu vampire. Je ne suis pas sûre qu'il ne soit pas le personnage
principal. Le livre commence où finissait Un Roman russe. Devant
ces morts, la vie a une autre valeur. Le livre commence par l'histoire
d'un couple au bord de la rupture pour finir par une réconciliation.
Il peut enfin se voir vieillir à côté de quelqu'un
qu'il aime.
Jacqueline
Je n'ai pas grand-chose à dire... Françoise D donne la tendance.
J'ai passé une journée à le lire ; je ne le
lâchais plus. Je suis contente qu'Emmanuel Carrère ait enfin
trouvé le bonheur... Grâce au tsunami. Les histoires de juge
ne m'ont pas barbée car je connais des gens qui sont dans ce genre
de situation. Je l'ai lu il y un moment mais je n'ai eu envie de le relire
car je n'aime pas relire ce que j'ai lu vite. Il a beaucoup de talent.
C'est une demande d'écrire qu'on lui a faite. C'est un livre tonique,
tourné vers les autres. Ce qui plombait le précédent,
c'était des gens dans une situation terrible. J'ai apprécié
son empathie qui n'est pas pour moi du vampirisme. J'ai eu peu d'émotion
et je ne trouve pas l'écriture pauvre.
Geneviève
J'ai eu plaisir à le lire. J'avais déjà aimé
L'Adversaire. J'ai également aimé Un Roman russe,
mais avec agacement. L'histoire de la biographie de sa mère, les
journalistes... Il y avait comme une espèce d'autopromotion, une
complaisance à révéler un secret de famille. J'ai
été tout de suite prise et c'est vrai que le fait que les
histoires sont vraies me fascine. J'aime son positionnement, sa distance ;
c'est comme s'il se rachetait par rapport au livre précédent.
Je suis à la limite gênée par le côté
rural et le bénéfice secondaire : ça le délivre
de sa névrose. Je n'adhère pas à l'idée du
cancer qui délivre de la névrose car elle est enfin extériorisée.
J'aime son écriture, sa façon d'utiliser les temps. Le juge,
les problèmes sociaux quotidiens, tout est intéressant.
Mais à un moment donné, je me suis dit comme Françoise
G, il s'est trop documenté et n'a pas assez digéré
et c'est vrai qu'un moment donné j'ai senti qu'il s'engluait. Oui,
il s'est vraiment mis au service des personnages. Il a bien tenu son fil
entre le début et la fin. C'est un roman fort, agréable,
très intéressant... Mais sans crier au chef d'uvre.
Il reste une dimension de journal intime.
Françoise D
C'est vrai que comme dit Françoise G, Etienne est le personnage
principal et dont Emmanuel Carrère est le plus proche.
Manuel
Je l'ai lu juste après Un Roman russe et il fait figure
de suite. À la lecture des deux livres, c'est le personnage Emmanuel
Carrère qui m'intéresse. L'écriture c'est sa thérapie.
Et il nous la fait partager. Ce partage, c'est ce qui m'a le plus intéressé.
Et puis l'écriture est loin d'être pauvre à mon humble
avis. C'est facile à lire mais c'est d'une efficacité redoutable.
Les fins de chapitre tombent toujours juste. Parfois j'ai été
submergé par l'émotion... J'ai refermé le livre non
par lassitude mais par le trop plein d'émotion que je n'ai jamais
trouvé vulgaire ou facile. Les explications juridiques sont passionnantes.
Je partage le point le point de vue de Carrère qui ne comprend
pas comment ces gens se font arnaquer. Je ne pense pas qu'il soit condescendant.
Pour moi c'est une lecture " vitale " : ça
me fait du bien. Emmanuel Carrère se tourne vers les autres et
constate qu'en fin de compte... il n'est pas si mal. Je n'ai pas du tout
été gêné par le côté vampire...
Je pense que tout le projet tient à cause de ça. Chaos
Calme m'a paru à côté bien fade, les tranche de
vie n'avaient pas la même saveur. Pour moi, c'est un chef d'uvre...
J'ai également pris beaucoup de plaisir à lire à
haute voix. Carrère a un vrai savoir-faire. Quel conteur remarquable !
Et puis j'aime les livres qui parlent des livres ou qui sont leur propre
miroir. Un peu comme le dernier film d'Almodovar Etreintes brisées
qui parle du film
Et des films. Les personnages secondaires, à
peine évoqués m'ont beaucoup plu par leur épaisseur.
Vivement la suite d'un Carrère guéri et heureux.
Claire
Après ce concert de louanges, vais-je vous rejoindre ? Je
l'ai lu pendant les vacances, j'étais donc parfaitement disponible
et positivement conditionnée par l'enthousiasme de Manuel... Bien
partie avec le tsunami, puis de moins en moins retenue. Le document sur
le surendettement est intéressant mais sans grand talent. Mais
pour le reste, j'ai trouvé ça chiant, casse-pieds et barbant.
Pour Roman
russe j'étais plus ou moins enthousiaste et j'ai moins
apprécié celui-ci. Je l'ai lu juste après Chaos
calme et ça lui a nui : des personnages qui gravitent
autour du personnage principal qui a un gros Je. Tout ce que vous avez
dit est convaincant, mais ce livre m'a barbée. J'aurais aimé
rejoindre votre enthousiasme.
Sandrine
Écriture agréable mais thème carrément barbant.
On a limpression, que lauteur en quête de sujet a débuté
avec le tsunami, puis son inspiration sessoufflant, sest retourné
vers le décès de sa belle-sur. Le livre manque dunité.
Les explications sur les rouages juridiques de lendettement en France
sont interessants, dans un premier temps, mais deviennent vite ennuyeux.
De ce livre, je ne garde quune seule phrase de lauteur en
mémoire, celle ou il explique, quà 40 ans passés,
il est pour la première fois de sa vie confronté à
la mort. Jai à la fois été touchée par
son honnêteté à le dire et à lécrire
mais jai aussi halluciné en me demandant comment cela était
possible, quand on a une vie familiale, amicale et sociale ???
Jai lu ce livre car jai voulu comprendre lengouement
autour de lui. Je comprends que lon puisse apprécier - encore
une fois lécriture est agréable - mais je ne
suis pas du tout sensible à son approche, voire carrément
hermétique à sa raideur froide et distante dans lanalyse
des situations.
Nous écrire
Accueil | Membres
| Calendrier | Nos
avis | Rencontres | Sorties
| Liens
|