Troy Blacklaws
Karoo Boy
Points
Lil
Un roman qui vient à point, en écho à l'élection
de Barack Obama. Je n'ai pas retrouvé la force des écrits
des grands écrivains sud-africains : Coetzee, Gordimer, Brink...
d'où l'ouverture du livre à moitié. Je suis consciente
que cette « douceur » s'explique probablement par
le regard adolescent qui revisite le récit, mais, néanmoins,
la déception demeure.
Cependant, j'ai beaucoup aimé la réflexion sur la gémellité
(illustrée de très jolies phrases telles que « avoir
un frère jumeau, c'est être libre de faire des autoportraits
sans se regarder dans un miroir, l'impression d'être amarré
à une autre âme... »). Ce récit d'initiation,
de passage à l'âge adulte, de deuils à faire, m'a
particulièrement touchée dans la part qu'y prend Moses (magnifique
chapitre p.105 où le vieil homme, en racontant sa propre histoire,
ancre Douglas dans la sienne, lui donne les repères nécessaires
pour qu'elle fasse sens à lire le dernier paragraphe
du chapitre. Jai aimé :
- la façon dont l'Afrique du sud, terre rude et sauvage, ses
habitants, l'apartheid, sont posés, en toile de fond du récit,
comme partie implicite de l'histoire, ce qui montre combien ce racisme
odieux fait partie de l'inconscient collectif des Noirs et des Blancs,
même les plus progressistes
- les rappels, en italique, des souvenirs de Douglas, de sa vie d'avant,
qui peu à peu nous renseignent que le deuil se fait et que la page
se tourne enfin lorsque le souvenir occulté du suicide du père
lui revient en mémoire
- le personnage de la mère, progressiste, rebelle, courageuse
(qui n'est pas sans rappeler Ceux de July de Nadine Gordimer).
Rozenn
Jai beaucoup aimé, tout aimé, jai dégusté,
je le donne à lire aux gens que jaime.
Lona
Cest une histoire (ce sont des histoires !) damour, daffection,
damitié en Afrique du Sud, entre le Cap et Karoo, une région
désertique et hostile. Une famille assez ordinaire dont le père
est écrivain, la mère artiste peintre. Deux jumeaux garçons,
solides et en bonne santé. Lun des jumeaux meurt accidentellement
par une balle de cricket lancée par le père : la famille
se déchire, se quitte.
Pays de lapartheid, de la violence, de la haine : haine entre
blancs et noirs, écoliers et profs ; violence sanglante jusque
dans les salles de cours lors des dissections, chez le boucher, dans les
townships, dans les mines. Le jumeau survivant va apprendre à vivre
seul toutes les séparations : la perte de son demi, le départ
et le suicide du père, labsence affective de la mère
quil ne peut pas rendre heureuse. Ce sera la fuite en avant. Il
y a de belles descriptions de la mer, des requins du lagon, des séances
de surf ; la croyance afrikaner dans les lutins ; mais surtout
lamitié de Malika, et du vieux Blake Moses... Ce nest
pas un livre sur lapartheid, ni sur la violence : même
si sen est la trame. Mais sur lamitié, sur la souffrance.
Il est aussi plein despoir. Certes, un peu compliqué à
lire, à cause des expressions afrikaner, (qui mont régulièrement
renvoyée au lexique), à cause de linhumanité
et de la haine aussi.
Annick LJ.
Je passe mon temps à lire des livres pour adolescents. Je le trouve
très réussi, délicat, avec des touches, sans construction.
Des bribes - 3 pas en avant, 3 pas en arrière - et cette
danse ressemble à la vraie vie. Cette façon de raconter
par petites touches est très agréable. Ce nest pas
du tout une famille ordinaire, cest une famille évoluée,
non conventionnelle, originale ; cest un milieu privilégié,
protégé ; ils sont à la marge, ce sont des intellectuels
pas assimilés à la société blanche. Je navais
jamais lu dhistoire sur cette marge ; la relation avec le pompiste
par exemple nest pas banale ; avec la fille idem. Je ne le
mettrais pas non sur le même plan que dautres écrivains
dAfrique du Sud. Jai dégusté. Jai envie
douvrir en grand quand il y a une dimension universelle.
Françoise O.
Jai été en Afrique du Sud en 75, je vous ai apporté
des pièces de monnaie du royaume du Swaziland avec leffigie
du roi. Ce voyage ma pesé comme lorsque certains refusaient
daller en Espagne du temps de Franco. Ce livre ma fait replonger
dans lhistoire. Cest un drame terrible dans une histoire terrible.
Haine et mépris. Jai vu les panneaux dinterdiction
pour les Noirs, les autobus... Et le week-end pas dalcool !
Ce qui était totalement hypocrite car on apportait des bouteilles
pour boire en cachette. Cétait un pays très oppressant.
Jai beaucoup aimé la construction du livre : le voyage
avec des petites bulles, des îlots où il entend son père.
Les Britanniques avaient un pays de retour, une solution de repli, pas
les Boers, ce qui explique les différences de comportement. Jai
aimé quelque chose de lordre de luniversel : les
conséquences dun petit acte qui tourne au drame. Jai
été impressionnée par le refoulement. Mais jai
été gênée par les archétypes :
le bon Noir, Moses, le méchant Afrikaner (le père de Marika),
cest un peu trop facile.
Annick LJ
- Quand je suis revenue du Cap, il y avait un groupe dAfrikaners
dans lavion, cétait des bufs !
Annick A
Je suis influencée par ce que je viens dentendre. Je maperçois
que ce livre ma marquée après coup et je lapprécie
mieux. Jai été gênée par limpossibilité
de midentifier. Lenfant vit des choses terribles, mais il
ny a pas de possibilité de sidentifier. Il ny
a pas danalyse, pas démotion, mais une force plus importante
que ce que jai cru. Quand sa mère décide de déménager,
cest très violent, cest une horreur pour lui ce nouveau
pays. Ce nest pas analysé, cest des faits, du réel.
Annick LJ
- Le roman pour la jeunesse limite lunivers à ce que
voit le héros, sans commentaire, sans analyse.
Monique
Quest-ce qui te manque ?
Annick A
- Lanalyse ; ça me désarçonne.
Françoise D
Jaime bien la couverture (édition américaine Harcourt,)
elle est plus belle que la vôtre, très colorée comme
le récit ; cest une photo de lauteur lui-même
dailleurs, avec une citation de Chris Martin (le chanteur du groupe
Coldplay) : « Karoo Boy est le livre le plus coloré
que jaie jamais lu ». Jajoute que cest aussi
très sensuel. Comme vous lavez dit, par petites touches le
récit se construit sans lourdeur et on comprend très bien.
La façon dont lapartheid apparaît en toile de fond
est largement suffisante pour nous faire sentir ce que vivaient les Noirs...
et les Blancs. Et aussi lécole, les punitions corporelles,
la dissection des lapins etc.
Rozenn
- Ça ma fait rigoler
Françoise D
Pas moi. Tout ce que vous dites prouve que cest une réussite
en ce sens que cette voix dun enfant de 14 ans, on y croit. Lauteur
a trouvé le ton juste. Jaimerais bien savoir quelle est la
part autobiographique dans tout ça.
Annick A
- Il y a beaucoup de non-dit dans cette famille
Françoise D
- Comme dans toutes les familles
Rozenn
- Pourquoi tu voudrais que tout soit dit ?
Annick A
- Il y a un minimum, la mère nentend plus son fils
Annick LJ
- Elle nest plus là, mais elle dit des choses
Françoise D
Je nai pas cru au suicide du père, sans doute que je ne le
voulais pas. Mais il est vrai que du coup, le départ de la mère
est plus compréhensible. Cest une femme exceptionnelle, elle
ose peindre une femme nue NOIRE et elle envoie paître le pasteur
qui vient la réprimander ; elle sauve Moses. Elle est paumée
mais elle ne perd rien de sa générosité, elle ne
se replie pas sur elle-même pour autant.
Monique
Je nai pas grand-chose à dire car je nen suis quau
début, mais je louvre dores et déjà au
¾ pour les premières lignes (Monique lit page 10 « ...je
peux voir ma mère... ») : cest très
sensuel, coloré, cest épuré, lécriture
me plait. Est-ce que la relation gémellaire compte pour la suite ?
(Monique lit page 21 « ma mère sapproche de moi...
comme du lait abandonné au soleil... ») : je trouve
cette écriture extraordinaire.
Claire
Jai lâché assez vite sans trop savoir pourquoi. Jai
trouvé lécriture intéressante mais le thème
de lapartheid sur quoi semble porter le livre ma cassé
les pieds, excusez-moi...
Jacqueline
Je lai proposé car je lai beaucoup aimé. Je
craignais quon trouve que cest un livre de bons sentiments.
Je ne suis jamais allée en Afrique du Sud mais jai limpression
dy être allée. En 61-62, jétais en classe
avec une fille qui y était allée et qui défendait
lapartheid en disant que les Blancs étaient une poignée
et quils devaient se protéger, sinon ils auraient disparu.
Cest un roman dapprentissage juste et bien décrit.
On compare son écriture à celle de Camus dont le héros
ne sent rien. Ici, on ne décrit pas ce quil sent, mais on
le sent. Il y a toujours quelque chose qui se passe. Jai lu aussi,
après, Oranges sanguines. Ce pourrait être la suite,
à la même époque, la même sensibilité,
le même style, sans drame. Le père est un fermier, pas caricatural.
La relation mère-fils est importante aussi.
Jean-Pierre
J'ai lu ce livre comme un plongeon dans l'apartheid par le petit bout
de la lorgnette, mais je suppose que l'auteur ne voulait pas faire uvre
journalistique ni documentaire. C'est cependant difficile pour moi, vu
de loin dans le temps ou dans l'espace, d'entrer, dans des circonstances
semblables, dans des histoires individuelles. L'Histoire avec un grand
H me submerge, trop sans doute.
Ce préalable énoncé, je trouve ce roman émouvant,
ce drame familial terrible et les rencontres du jeune héros édifiantes.
Et puis les moments où la discrimination raciale se révèle
dans ses horribles aspects, révoltants, évidemment.
Mais l'Afrique du Sud, c'est loin, sa géographie étrangère,
ses langues exotiques. D'ailleurs le parti-pris de l'emploi de mots en
sabir avec renvoi au lexique m'a paru tout à fait inopportun :
ce doit être pour faire plus couleur locale ? En outre, lire
des paragraphes entiers qui racontent par le menu le moindre épisode
quotidien et sans aucun intérêt, en employant des phrases
lapidaires, ça me fatigue.
Mais je suis quand même allé au bout du livre. C'est bien,
non ?
Nicole
Pourquoi à moitié ? Parce que ce livre m'a paru un
peu facile. Est-ce parce qu'il est sensé être écrit
par un adolescent ? Certains passages sont très forts en particulier
l'amitié entre le pompiste et l'adolescent, la force de la mère
devant à la fois son drame personnel et ses convictions anti-apartheid.
Mais l'ensemble ne m'a pas convaincue. Il faut dire que j'ai lu ce livre
juste après La Route qui m'avait bouleversée. Ceci
explique peut-être cela.
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