Quatrième de couverture :

L'apocalypse a eu lieu. Le monde est dévasté, couvert de cendres. Un père et son fils errent sur une route, poussant un caddie rempli d'objets hétéroclites et de vieilles couvertures. Ils sont sur leurs gardes car le danger peut surgir à tout moment. Ils affrontent la pluie, la neige, le froid. Et ce qui reste d'une humanité retournée à la barbarie.

Cormac McCarthy
La Route

Nous avons lu ce livre en novembre 2008.

Annick A
Absente de Paris, je suis désolée de ne pouvoir être parmi vous ce vendredi car j'aurais bien aimé connaître vos impressions sur La Route. J'ai conseillé la lecture de ce livre car j’ai été très touchée par sa dimension philosophique. L'auteur nous plonge dans la situation la plus extrême, le monde post-apocalyptique et nous confronte aux questions existentielles essentielles : qu'est-ce qu'un homme ? Qu'est-ce qui fait son humanité ? Dans une ambiance gelée, mécanique, glaciale, il campe un père et son enfant livrés à la barbarie et dont l'essentiel de l'existence se réduit à manger, dormir, se protéger. Aucun espoir, aucun avenir et pourtant ils marchent. Qu'est-ce donc qui nous fait vivre ? La vie pour la vie ? Vivre pour vivre ? Dans cet instinct de survie, peut-il encore exister une éthique, des valeurs humanistes ? Le père dans un désir de protéger son fils à tout prix en vient à s'isoler totalement et à perdre le sens de l'autre. Mais n'agissons-nous pas comme lui, nous qui continuons à vivre en nous protégeant de notre impuissance face aux affamés et aux mourants ? Ce livre m'apparaît comme la métaphore poussée à l'extrême d'un monde dans lequel nous sommes déjà. Il pose aussi la question de la transmission : quelles valeurs transmet-on à nos enfants ? Quel monde leur prépare-t-on ? La lueur d'espoir se trouve chez l'enfant qui incarne le futur. Lui qui n'a rien connu hors l'apocalypse a le sens de l'existence de l'autre et l'intuition que l'isolement et le repli sur soi ne mènent à rien. La fin du livre ouvre-t-elle à la rédemption ?
Au début du livre, l'angoisse me nouait les tripes et me donnait envie de fuir, puis peu à peu j'ai accepté de prendre la route et d'avancer avec eux. Je crois avoir fait un bout de chemin.
Jacqueline
Je l’ai lu avec un petit peu d’ennui ; je suis désolée, je trouve cette route ennuyeuse, il ne se passe pas grand-chose. Pour que ça marche, il faudrait que j’adhère à l’apocalypse, des choses me paraissent invraisemblables, comme les provisions découvertes au moment limite.
En entendant dire que c’est un livre extraordinaire, j’ai commencé à le relire et j’ai trouvé des passages faisant ressentir le jour le jour. La pudeur du père, les dialogues père/fils, c’est bien, mais je préfère Hemingway, avec du très fort mais en filigrane. C’est pas mal fait, mais je n’arrive pas à prendre ce récit métaphoriquement, ce qui lui enlève de sa valeur. La fin, je n’y crois pas avec la rédemption ; l’enfant paraît sauvé, mais pas vraiment. Je suis à côté de ce livre.
Françoise O
J’ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce livre. J’ai pris des dispositions pour me protéger... Pour moi ce n’est pas une métaphore. On voit la fin d’un monde, il fait froid, on ne sait pas exactement comment ça a commencé, on sait qu’il va se terminer. Que s’est-il passé ? Une catastrophe nucléaire ? Une météorite ? Est-ce que quelque chose est arrivé au soleil ? C’est pensable. Chacun des moments, il ne se passe rien si ce n’est ne pas mourir. Ils vont vers la mer, pourquoi ? Pourquoi il ne tue pas l’enfant ? Qu’est-ce que j’aurais fait si ça m’arrivait ? J’aurais peut-être tué l’enfant et je me serais laissé mourir. La fin paraît arbitraire. Je me suis investie mais j’ai souffert.
Françoise D
Je reproche à ce livre de ne pas expliquer ; on est propulsé dans une situation d'hypothèse d’école. L’auteur se laisse aller à la facilité, c’est très allusif : et sa femme ? Que s’est-il passé ? Pourquoi il y a des cendres partout ? Ce n’est pas structuré et la fin est tout à fait invraisemblable : tout à coup ils tombent sur "les bons", d’où ils sortent ? Comment font-ils pour survivre quand tout est mort autour ? J’ai été déçue car j’ai lu d’abord No country for old men qui est beaucoup plus fort, avec une écriture serrée, travaillée, cinématographique, qui rend bien l’atmosphère de chaleur et de violence. Ce n’est pas la fin du monde, mais la fin de l’humanité.
Je ne me suis pas posé les questions philosophiques d’Annick ; la métaphysique je veux bien, mais pour que ça marche, il faut rester dans le réel, le logique ; si c’est une fable où tout est possible, l’intérêt se dilue, se perd. Si c’est une explosion nucléaire, il ne peut pas y avoir de survivants, cette errance dure plusieurs années et dans ces conditions c’est impossible. Ils trouvent de quoi se nourrir comme par hasard à la dernière limite de leur survie. Quant à la fin, c’est le plus improbable. Cependant on s’attache à ces personnages, j’ai bien aimé leurs dialogues. Ce sera peut-être mieux au cinéma.
Claire
Je ne savais rien de cet auteur. Je ne me suis posé aucune question métaphysique et j’ai failli l’abandonner en me disant "j’ai compris", mais j’ai continué et je ne me suis pas ennuyée. Je me suis trouvé une explication : il y a eu une guerre, le monde est ravagé, en ruine. (Là, Claire parle du petit robot d’un film d’animation dont elle a oublié le nom...). Du coup ça nous ramène à un monde primitif. (Claire lit le passage sur la caravane de guerriers, avec les chiens et les esclaves) : ça fait penser aux Romains ; ça me suffit comme explication. On va vers la mer, on se dit il va se passer quelque chose, mais il ne se passe rien, aucun nouveau but. J’ai suivi les pérégrinations, ça m’a plu. En effet c’est comme un cas d’école, c’est la survie, avec cette relation qui les tient. Les dialogues font un peu procédé, avec le discours indirect libre. Le petit est touchant. De temps en temps ça m’a fait penser à Sérénissime assassinat, il y a des expressions inconnues comme "attestât", "andins de broussailles" et des expressions techniques "bossoirs", "mistons", "ridoirs". Les réminiscences avec sa femme, ça fait un peu vaudeville, vous trouvez pas ?
Lil
Voici une œuvre littéraire : une œuvre magistrale servie par une superbe écriture qui tient la route (244 pages), et mixe, avec talent, lyrisme, poésie, beauté, à cet univers apocalyptique. Un récit haletant, prémonitoire ? On en tremble ! J'ai marché, j'ai eu froid, faim, soif, peur, j'ai poussé le caddie dans la cendre, la neige, le sable, la boue... Pouvoir d'un grand livre qui vous fait oublier la chaleur du salon et le confort du fauteuil et vous transporte, chiffons aux pieds, sur la route, face à vous-même : que devient l'homme lorsque tous ses repères ont disparu (plus d'identité, plus de nation, plus de statut, plus de place sûre, rien...) ; pour tout environnement, une nature hostile et dévastée, l'insécurité permanente, la confrontation avec la barbarie, le mal, la mort possible à chaque instant... Qu'advient-il de notre humanité, de nos valeurs, dans ces contextes extrêmes ?
Ce qui sauve ces deux-là, c'est indéniablement l'amour qu'ils se portent, amour magnifié par les circonstances du récit. J'ai aimé cette transmission de "l'homme" au "petit", ce garçonnet qui incarne l'espoir, l'avenir de l'humanité : lui, conserve les valeurs (par exemple la bonté) que son père, dans sa perpétuelle angoisse de survie, semble avoir perdues. C'est si vrai que le "petit", de temps en temps, devient l'adulte.
J'ai adoré la brièveté et la profondeur des dialogues entre le père et le fils ( dialogues parfois à la Ionesco). Confiance totale et absolue, lien indéfectible que rien ni personne ne peut détruire.
Cormac Mac Carthy, dans une interview donnée à une journaliste américaine, décrit ce livre comme un chant d'amour à son petit garçon.
Merci à celui ou celle qui nous a conseillé la lecture de ce très grand roman.

Brigitte
Un petit mot sur le livre que je n'ai lu que partiellement, en raison d'un gros souci oculaire : La Route me rappelle le film russe Stalker, où les personnages erraient dans des ruines dans le noir et sous la pluie, dans une espèce de no man's land, qu'on appelait la zone. C'était la même ambiance.
Jean-Pierre (du groupe breton)
Au début, j'étais content : voilà un roman qui raconte une histoire, qui nous projette dans un monde imaginé certes terrible et désespéré, mais qui porte à réfléchir à notre destinée, à l'inanité des gesticulations humaines, à la vacuité de nos idéaux, à la vanité de nos croyances, de nos espoirs, bref un monde sans nous, détruit par nous...
C'est un thème traditionnel de la science fiction : l'après cataclysme nucléaire, quand les civilisations ne sont plus que ruines et désolation, qu'une poignée de survivants retombent dans la barbarie primitive et que quelques individus seulement restent porteurs des valeurs humaines. J'ai lu des dizaines de romans traitant de ce sujet, toujours avec intérêt, car je suis un adepte de ce genre de littérature.
Allais-je donc bouder mon plaisir avec La Route ? Eh bien oui ! La route est longue, très longue, trop longue... On attend plus d'épisodes que cette errance redondante, dans un paysage de désespoir incommensurable répété à longueur de page, dans ces descriptions à n'en plus finir, émaillées de temps à autres de péripéties bien sûr horribles et alléchantes, mais qui n'ont pas de suites. De plus, les invraisemblances sont légion : il faudrait des siècles pour que tout soit à ce point en déliquescence, pourri, rouillé, pillé, et pas ces quelques années (quel âge a le petit, dix, douze ans ?) ; les caddies sont de bonne composition pour rouler dans ce magma de cendre, de neige, de boue, de troncs d'arbres pétrifiés ; curieusement, on trouve quand même du bois pour faire du feu ; les conditions de vie : le froid, la pluie, la neige, la faim, la maladie, les plongeons dans l'eau glacée, les pollutions de l'air et de l'eau ne permettraient pas de survivre plus de quelques jours... ça, c'est pour le fond.
Quant à la forme, ce n'est guère mieux. Bien sûr il s'agit d'une traduction, mais enfin... Ponctuation quasiment inexistante, ce qui rend la lecture malaisée ; dialogues minimalistes et parfois ésotériques également privés de guillemets, merci pour la clarté ; trop de phrases sans verbe ; profusion de "et", jusqu'à l'indigestion... Voilà, dommage, j'aurais aimé aimer...
Nicole (du groupe breton)
Au départ, je me suis dit : le couple père-fils, le caddie et la route, ça va être long, très long. Et, en quelques pages, je me suis laissée prendre, j'ai marché, au propre et au figuré. Aucun repère : on est plongé dans un "rien".
Bien sûr, comme le dit Jean-Pierre, il y a beaucoup d'invraisemblances. Mais il faut me les faire remarquer, car au cours de la lecture je ne les ai pas vues, l'angoisse de cette apocalypse et les questions qu'elle suscitait sur la conduite des humains étaient trop prégnantes.
Je ne peux que saluer le talent de l'écrivain qui m'a menée si intensément tout au long de cette route. Merci à qui l'a proposé.


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !


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