Gabriel Garcia Marquez
Récit d'un naufragé
Nous avons lu ce livre en juin 2009.
Françoise G
Décidément nous baignons dans les histoires vraies, mais
Marquez n'en était ici qu'à ses premiers pas, essayant d'écrire
la nouvelle que le journal où il venait d'être embauché
accepterait de publier... et qui aurait de surcroît quelques chances
de succès. J'ai commencé la lecture avec réticence :
une histoire de mer, de naufrage, et des imbrications politiques, ce nétait
pas ma tasse de thé. Par contre Marquez ne se boude pas. J'étais
donc plutôt pleine de curiosité pour découvrir un
de ses premiers écrits, pressée d'y trouver les débuts
de son écriture si particulière et pour moi si envoûtante.
L'histoire de ce Luis Alejandro Velasco sur son radeau est évidemment
captivante. Impossible bien sûr de ne pas penser au livre d'Hemingway
qui contrairement à ce qu'on en dit habituellement m'a barbée,
à celui de Michel Tournier qui m'avait bien intéressée.
Comme les premières pages du Récit d'un naufragé
ne m'enthousiasmaient pas je me secouais un peu en me disant que décidément
j'étais toujours aussi entêtée et que je devrais bien
profiter de cette lecture pour me débarrasser de mes a priori.
Effectivement les dix jours et les dix nuits (ou neuf nuits ?) de
Luis Alejandro Velasco seul sur son radeau sont captivantes, l'histoire
de la mouette apprivoisée très jolie, l'attente de l'issue
palpitante, alors que nous la connaissons dès le départ,
ce qui témoigne effectivement de la qualité du conteur sinon
de l'écrivain. Tout au long de la lecture j'essayais de me représenter
le radeau sans vraiment y arriver, sans doute parce que ces dix jours
en mer me barbaient bien un peu malgré mes bonnes résolutions
et que je tentais ainsi de me construire ma petite maison la plus concevable,
la plus acceptable possible pour tenir. Jai beau être bretonne
je ne suis vraiment pas faite pour naviguer... d'autant moins que de Marquez
je ne reconnaissais pas grand chose, en tous cas pas ce que j'attendais.
Le récit simple et linéaire, les titres des chapitres me
rappelaient une histoire pour enfants. J'ai lu la nouvelle avec une forme
de détachement, de retrait. Le choix de l'auteur d'écrire
à la première personne m'a plutôt gardée à
distance du personnage. Par ailleurs avec ses "salmigondis",
ses "je fus marri d'apprendre", ses quelques imparfaits du subjonctifs,
Luis Alejandro Velasco ne parle pas vraiment comme un marin. Mais surtout,
surtout, on est encore loin des grands livres de Marquez, de ses histoires
époustouflantes, invraisemblables, toujours oscillant entre réel
et imaginaire, humour et gravité, et ce fourmillement de personnages
sidérants, entêtés et tellement humains.
Dans le récit d'un naufragé je n'ai reconnu que très
peu de cette veine souvent propre aux écrivains d'Amérique
latine et particulièrement à Gabriel Garcia Marquez. Je
suis restée sur mon continent, un peu frustrée des attentes
induites par les grands romans de l'auteur, un peu trop exigeante et trop
naïve sans doute. Mais cependant c'est Marquez et puisque je l'aime
à jamais j'ouvre le livre à demi... un peu plus ? Allez...
trois quarts.
Annick
Au début, je trouvais ça "chiant" puis j'ai été
passionnée par la question : qu'est-ce qui fait que ce type
tient le coup ? C'est ce qui m'a fait continuer ma lecture. Le livre
est très bien écrit et la fin est particulièrement
forte. Mais toujours je me suis demandée : pourquoi ne lâche-t-il
pas ? A quoi tient la vie ? Il y a le hasard, mais il s'est
donné la chance de la saisir. Je n'ai pas retrouvé le souffle
puissant des autres livres de Garcia Marquez notamment Cent ans de
solitude qui reste un des livres que j'emporterais sur une île
déserte.
Claire
Ce livre, c'est comme le Titanic, on sait déjà comment ça
va se terminer. Je n'ai heureusement pas lu les préfaces avant.
Le livre est palpitant et le suspense est toujours là. J'admire
le talent pour rendre cette situation extrême mais je n'ai pas visualisé
le radeau, j'ai eu beaucoup de mal à me repérer. Je suis
passée vers le moi narré (les pédantes ont lu
l'article pirse de tête référencé ci-dessous).
J'ai trouvé qu'il y avait des invraisemblances : par exemple
les cartes postales qu'il arrive à relire après avoir séjourné
dans la flotte. Les titres intégrés des chapitres rappellent
Jules Verne. Après ma lecture, j'ai lu les préfaces où
j'ai découvert trois mois narrants, ce qui m'a apporté un
regain d'intérêt. Bon... c'est bien... mais bon... me suis-je
dit en fermant le livre. Mais avec le temps le livre continue à
me faire son effet, et l'histoire de ce naufragé vous suit un peu.
J'ouvre au ¾ car l'auteur a réussi à rendre cette
situation extrême.
Monique
J'ai lu les préfaces avant de commencer... Et je n'aurai pas dû.
Mais j'étais contente de savoir que c'était une histoire
vraie. Le départ m'a un peu ennuyée. Le personnage principal
est mal défini dans la première partie. J'ai adoré
l'écriture de Garcia Marquez, notamment la façon dont il
traite le temps qui passe page 47 et 48, la description du coucher de
soleil et de la tombée de la nuit. Comment il réussit à
faire ressortir le temps qui passe. Surtout j'ai aimé qu'il n'y
ait aucun commentaire de l'auteur ; nous n'avons que les faits. J'ai
appris que les marins faisaient un apprentissage ; j'ai apprécié
la description de la mise en application des consignes de survie.
Manu (qui a fait son service militaire dans la Marine)
Les journées en mer sont toujours ponctuées d'exercices
de sécurité et notamment ce qu'il faut faire si accidentellement
on passe par-dessus bord.
Claire
Tu aurais pu rapporter ton pompon !
Monique
J'ai aimé ce qu'il dit sur la mer. J'ai pensé au Vieil
homme et la mer. Je me suis demandé comment le marin a fait
pour supporter la soif et la faim pendant... 10 jours ! J'ai appris
que l'on pouvait survivre en buvant de l'eau de mer ! Mais je n'ai
pas réussi à ressentir sa souffrance physique comme par
exemple dans le livre La Faim de Knut Hamsun. Je me suis aussi
dit qu'il ne se posait pas beaucoup de questions existentielles, sur la
mort par exemple. Il y a peu de retour sur l'enfance aussi, de scènes
de sa vie antérieure.
Renée
- Il vit dans le présent, dans le " sur-réaliste "
et pour savoir comment survivre. Il n'a pas le temps de penser à
toutes ces choses-là.
Monique
Il a eu quand même un ami, qui le visite en hallucination, son amie
Mary Adress aussi. C'est très intéressant mais est-ce le
reflet de ce qu'on vit dans ces conditions ? Le récit est
d'abord paru en feuilleton, donc ça influence la narration :
un événement par livraison et une relance pour la prochaine
publication.
Christine
J'ai lu la préface du début qui m'a passionnée :
le contexte politique, l'arrivée du naufragé, les "produits
dérivés". La mise en évidence de la cargaison
de contrebande grâce aux photos des autres marins qui ne sont pas
tombés à la mer. Grâce à elles, nous sommes
déjà dans le livre. La forme du feuilleton m'a beaucoup
apporté pour la lecture. Pour moi, ce n'est pas un témoignage,
c'est un livre de Garcia Marquez qui choisit ce qu'il veut raconter. Il
n'est jamais question de Dieu, pourquoi ? C'est très bien
raconté, très malin, très fin. Ça m'a rappelé
Typhon de Conrad. On ressent la façon dont la condition
du naufragé se dégrade. J'ai ressenti la souffrance. J'ai
trouvé très belle la description, au début, des compagnons
qui ne réussissent par à attraper la rame : c'est terrible.
Brigitte
Cette lecture m'a beaucoup rajeunie : j'ai pensé à
Jules Vernes, à Typhon que j'avais lu à 14 ans. J'ai
eu le même plaisir qu'à cette époque, la même
" plongée " dans la lecture. Je pensais en
même temps aux corps qu'on recherchait après l'accident de
l'avion d'Air France qui venait du Brésil. Ce qui est très
surprenant c'est qu'il n'y ait pas eu de tempête mais que les marins
soient passés par-dessus bord uniquement à cause de la houle.
On ressent le moment quand le quiproquo bascule. Pourquoi cet homme a
réussi à vivre ? Parce qu'il est toujours resté
dans le temps présent. C'est peut-être ce qu'on apprend aux
marins. Il y a toujours quelque chose à faire pour survivre. Il
ne se laisse jamais tomber dans la spirale de la dépression. Il
avait toujours un projet. A la fin, quand il est recueilli, on sent qu'il
est quelqu'un qui a vécu un drame. Il fonctionne toujours comme
quelqu'un qui fait partie du monde des vivants.
Manu
J'ai moi-même fait mon service dans la Marine et je suis content
d'avoir lu ce livre même si le début m'a rasé :
trop de personnages mal caractérisés. J'ai eu du mal à
visualiser les situations. Et puis je me suis posé la question :
mais d'où vient le radeau ? Pourquoi le pilote de l'avion
ne l'a pas vu alors qu'il paraissait si proche ? Et puis sans la
préface de Garcia Marquez, je pensais que le navire avait sombré.
Enfin, j'ai trouvé le début laborieux... Ce qui m'a comme
vous autres tenu c'est la situation dans le radeau. Les petites anecdotes :
la mouette "presque" mangée, les requins, la vieille
mouette. J'ai ressenti la souffrance de ce pauvre marin cuit au soleil.
Ça ne m'a pas gêné qu'il ne pense pas à Dieu
ou à son enfance : il pense avant tout à sa survie,
à son quotidien. Le personnage reste après avoir lu le livre.
J'ai également aimé l'humour : lorsque le marin pense
à ne pas perdre ses vêtements pour rester décent s'il
arrive à terre, la mastication de ses chaussures...
Françoise D
J'ai été tenue par le récit. L'écriture est
différente de ce que j'ai lu de Garcia Marquez ; elle est
adaptée à cette situation. L'auteur a beaucoup sélectionné
à partir du récit que le marin lui a fait. Pour la construction
du récit, on sait dès le début qu'il y de la marchandise
de contre bande. J'aurais aimé que dans sa préface, Garcia
Marquez en dise plus sur la situation politique et comment les épisodes
ont été publiés. Je n'ai pas compris pourquoi la
publication du récit n'a pas été interrompue dès
le début car il parle déjà des marchandises de contrebande.
Qu'est-ce qui l'a maintenu en vie ? A certain moments, il n'avait
plus tellement envie de vivre et se sentait parti vers la mort. Un bémol,
il y a des choses qu'on n'arrive pas à visualiser comme par exemple
le radeau et l'épisode où il se renverse. Il y a des passages
très beaux et d'autres terribles et durs. Mais qu'est-il devenu
après ?
Renée
C'est moi qui vous ai proposé ce livre. Je l'avais lu en une nuit
et il m'a aidé à faire face à mes soucis. Ne pas
se laisser mourir, ce n'est pas vouloir vivre. N'est-ce pas la colère
qui l'a tenu ? J'ai été éblouie par ce livre.
J'ai beaucoup apprécié la dimension de contemplation, les
descriptions de la lumière. Cette générosité
de l'auteur vis-à-vis de son interviewé : c'est comme
un cadeau. Il y a une histoire de survie pour Garcia Marquez. C'est un
livre unique.
Françoise O
Je recommence un peu à lire ! Mais je n'ai pas été
émue par ce récit (sauf page 48 : Ma première
impression... ma terreur... été aussi seul...) Je ne sais
pas dire mieux que la page 10 !!! :"une fois à l'intérieur
du récit..."
Pour une analyse savante de la dimension fictionnelle de ce récit,
entre moi narré et moi narrant... :
« Histoire de faits et narration fictionnelle dans Récit
dun naufragé de Gabriel García Márquez »
par Klaus Meyer-Minnemann sur le site VOX
POETICA
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
|
à
la folie
grand ouvert
|
beaucoup
¾ ouvert
|
moyennement
à moitié
|
un
peu
ouvert ¼
|
pas
du tout
fermé !
|
Nous écrire
Accueil | Membres
| Calendrier | Nos
avis | Rencontres | Sorties
| Liens
|