Quatrième de couverture :
À la fois quête des origines,
carnet de bord, récit d'un fait divers et d'une passion amoureuse,
Un roman russe est une uvre autobiographique dense et captivante.
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Emmanuel Carrère
Un roman russe
Nous avons lu ce livre en janvier 2009.
Nous avions déjà lu L'Adversaire en mai 2000 et nous
lirons en mai 2009 Dautres
vies que la mienne.
Françoise O
Je ne vais pas venir ce soir. Je vais expliquer la raison de ma colère
par écrit car je suis trop fatiguée pour défendre
ma position devant le groupe !!! J'ai aimé de nombreux passages...
Mais je pense que personne n'a le droit de raconter (et de publier) des
faits relevant de la vie privée d'un proche contre son avis. Inexcusable
impardonnable... Un fils un peu connu (du seul milieu littéraire).
Et une mère très connue !!! On peut douter de l'éthique
d'un tel comportement !!!
Christine
Javais vu le film Retour à Kostelnitch quand il est
sorti en 2004 qui mavait beaucoup plu. Et jai aimé
le livre, on y retrouve lambiance du livre sauf la partie concernant
Sophie. Ils partent à Kostelnitch sans avoir de projet défini.
Je comprends quon soit agacé son attitude méprisante
et assez antipathique. Ce nihilisme ne magace pas ; sa relation
avec Sophie est extrêmement bien racontée. Jai aimé
aussi lhistoire de la nouvelle que Sophie ne lira même pas.
Jai aimé lécriture. Le personnage dAnia
occasionne un choc quand on apprend sa mort. Il rend très bien
les scènes du cimetière. Sa relation avec la langue russe
est très bien rendue. Le narrateur ne voit rien de Sophie, cest
très bien raconté, cest original. Quant à laspect
moral concernant le fait quil parle de son entourage, la question
na pas pour moi raison dêtre : il est écrivain.
Françoise G à la fois
et
Javais déjà lu un livre dEmmanuel Carrère.
Javais lu la nouvelle dont il est question dans le livre parue dans
Le Monde et je métais demandé pourquoi il écrivait
cela. Sur le livre je suis partagée, cest une écriture
journalistique pas très travaillée. La construction est
intéressante mais un peu trop « montée ».
Le rêve dans le wagon-lit est un bon commencement. Le passage du
rêve à la réalité qui suit est bien fait. Il
rend très bien la réalité russe, le paysage mou,
lennui, la soulographie, les interdits. Il passe tout de suite de
la Russie à autre chose, sa famille daristocrates déchus
(il a envie que ça se sache), la place de la langue russe et de
sa difficulté à le parler, cest très bien rendu.
Les personnages sont très vivants et très touchants, surtout
le grand-père et sa douleur, puis sintercale Sophie, cest
très bien au début, puis quand cet amour se défait
ça devient rasoir. Pourquoi a-t-il tant besoin de tout dire ?
Linsertion de la nouvelle arrive alors comme un cheveu sur la soupe.
Cette partie détonne avec le reste. Cest la cerise sur le
gâteau dans ce livre qui sadresse à sa mère.
Cest difficile de comprendre pourquoi il a besoin den faire
autant pour régler cette douleur. Il est en analyse et il a quand
même besoin décrire ce livre, car il a besoin de mettre
lhistoire de sa famille sur la place publique, sa mère a
voulu le cacher, lui il veut la montrer. Il pense à lui tout le
temps, tout est tourné vers lui. Il est à la fois libérateur
et meurtrier. Cest un livre complètement « dipien »
il est toujours dans les jupes de sa mère. Cest une rivalité
entre eux, lui deviendra célèbre autrement de façon
exhibitionniste. Il y a dans ce livre quelque chose de très risqué,
très dangereux.
Annick L
Difficile de parler après Françoise. Cest une lecture
agréable, mais je me suis ennuyée. Jai aimé
la filiation russe qui ma rappelé Le Testament français
de Makine. Finalement il tourne en rond. Ce personnage dhomme narcissique
en déréliction mexaspère fortement. Ce besoin
de sexhiber sans arrêt ma irritée. Si jai
été jusquau bout, cest à cause de Kostelnitch,
de ces ébauches de portraits. Javais lu La Moustache
que javais trouvée géniale. Ici, ce nest pas
une fiction, jai été jusquau bout pour savoir
si à la fin il résolvait ses problèmes de filiation.
Mais finalement, même le fil russe ne mène nulle part, si
je puis me permettre un jeu de mots audacieux, « il se mord
la queue » !
Claire
Je suis daccord avec tout le monde... Javais trouvé
LAdversaire que nous avions lu ici très fort et La
Classe de neige itou. Je trouve lauteur passionnant. Mais le
passage avec Sophie discrédite le livre pour moi pendant ce long
passage (à ce moment-là, ce nest plus un livre pour
le groupe lecture, cest du Harlequin) : ça prend une
place énorme, ce nest pas intéressant, cest
trop premier degré ; sauf la nouvelle que javais lue
à sa parution et que jai conservée, la voici... Javais
beaucoup aimé ce culot (javais failli lui écrire...).
Jai bien aimé la suite de cette mise en abyme complètement
foireuse, et la suite avec les mèls publiés : jai
aimé tout le montage autour de la nouvelle qui créé
des évènements. Sa relation avec sa mère nous le
montre immature et la relation avec Sophie est insupportable. Quand il
annonce son projet de film on lui répond "cest
bon pour toi"car cest sur lenfermement et cela le gêne,
alors que le thème de lenfermement est très présent
dans le livre. On peut le comparer à Annie Ernaux, mais sûrement
pas à Christine Angot. Sur la question « est-ce un livre
pour le groupe lecture ? », au moins il donne lieu à
débat.
Françoise D
En effet, le débat que ce livre suscite ici prouve que cest
un livre pour le groupe lecture, et même lhistoire avec Sophie,
certes un peu longue et lourde je vous laccorde, mais qui a sa place
dans cette tranche de vie quil nous donne à voir, sans concession.
Il y a deux façons dinterpréter sa démarche,
soit on dit ce déballage est complaisant et insupportable, soit
on dit il se montre tel quil est, sans concession, honnête,
et je penche pour cette dernière version. On voit bien comment
sa relation à sa mère et sa relation avec la langue russe
sont imbriquées, jai aimé sa démarche, et peut-être
que sa relation avec Sophie aurait été autre sil lavait
rencontrée à un autre moment de sa vie. Comment est-il (ou
était-il ?) avec sa nouvelle compagne, Hélène
(tiens, le même prénom que sa mère, je navais
pas percuté au moment où je lai lu) ? Le voyage
à Kostelnitch, je trouve ça fascinant. Quand le livre est
sorti, il a fait du bruit, de même que le film, et je me suis dit
que jattendrai quil sorte en poche, et javais adoré
LAdversaire, il tourne toujours autour de lidentité
(et de la folie ?). Donc je lai proposé, Françoise
O qui lavait lu était contre, mais quand elle a dit quil
y avait des scènes érotiques, plusieurs dentre nous
ont appuyé ma proposition, ah, ah, ah ! Je ne lai pas
lâché, et je ne regrette pas de lavoir proposé,
je trouve que ce récit est très intéressant, en fait
cest la nouvelle qui ma le moins accrochée, mais tout
le montage autour comme le dit Claire, oui, super. Sollers est jaloux
parce quil aurait bien voulu faire la même chose. Carrère
a beaucoup plus dimagination, et cest un meilleur écrivain,
na !
Brigitte
Javais lu La Moustache, LAdversaire, vu La
Classe de neige, javais trouvé bien de partir du concret
et darriver dans la folie. Je nai pas vu le film, mais jai
bien aimé les passages sur Kostelnitch. Ici, beaucoup ont confondu
lauteur et le narrateur... Un type tellement nul, ça mintéresse
de savoir comment il peut faire des choses aussi bien. Il nest pas
adulte et il arrive à faire des uvres dart. Jai
essayé dapprendre le russe, tous les mots en russe, je les
ai compris. Lhistoire avec sa Niania est très émouvante.
Cest ça qui mintéresse. Je ne sais pas comment
qualifier ce livre mais il pose beaucoup de questions. Cest un livre
pour le groupe lecture.
Jacqueline
Jaimais beaucoup Emmanuel Carrère, javais un souvenir
extraordinaire de La Moustache, La Classe de neige, LAdversaire,
à cause de lambiguïté des personnages. Jai
vu une partie de Retour à Kostelnitch à la TV qui
mavait fait limpression dune très bonne traduction
de latmosphère russe. Ce livre rend aussi très bien
latmosphère en Russie. Javais commencé le livre
à sa parution, javais été intéressée
par lambiance, je lai relu et ça ne mintéresse
plus. Sa sincérité est touchante, ses échecs aussi,
mais je naccroche pas. Quant à savoir sil avait le
droit de parler de lhistoire de sa mère, cette histoire lui
appartient autant quà elle. Cest de lautofiction,
je me demande si lhistoire de Sophie est si vraie que ça ?
Il est dommage que cette histoire familiale sous-jacente se termine par
ce livre.
Geneviève
Ce livre est une rencontre ratée pour moi et il raconte essentiellement
des rencontres ratées ; ça mévoque Dubrovsky.
Il ny a pas pour moi de problème moral. Ce qui rachète
le roman, cest la lettre à sa mère à la fin,
ça donne une profondeur au livre. Les histoires avec Sophie sont
lassantes, je naccroche pas. Il y a quelque chose de fabriqué
dans le lien entre les différentes histoires. Il est tout le temps
en train de se regarder en train de regarder. Javais lu la nouvelle
à sa parution, dans un train ! et dans le livre jai
été déçue par cette dimension de manipulation.
Pour moi, ça ne crée pas un véritable univers, ça
manque de force pour que ce matériau quest sa vie devienne
quelque chose qui atteigne à luniversel ; ça
manque damour, sauf quand il parle de sa mère en train de
nager. Est-ce un livre pour le groupe lecture ? Il y a beaucoup à
dire dessus, donc il est pour le groupe lecture.
Manuel
Jusqu'à la moitié du livre, j'ai été exaspéré
par le côté Voici du Quai Conti... Malgré cela,
l'histoire de famille m'a quand même intéressé ;
l'histoire de père disparu pendant la guerre, la collaboration,
le parallèle qu'E. Carrère fait avec le retour du Hongrois,
l'immigration, etc. C'est très malin, mais avec j'ai eu l'impression
étrange d'assister à un strip-tease non consentant. Je me
suis demandé ce que je faisais, moi en temps que lecteur dans ce
peep-show... Suis un voyeur qui prend son pied ? Puis est venu la
nouvelle... Mais qu'est-ce que ça vient faire là ?
Je saute quelques pages... Puis je me prends tout de même au jeu.
Arrive la rupture avec Sophie et cette description d'une histoire qui
se finit... Puis le retour à Koltenich, la projection du film et
la mort d'Ania et enfin le suicide du cousin... La boucle est bouclée.
Je retiens de ce livre sa savante construction, la finesse avec laquelle
est décrite l'histoire de la rupture et aujourd'hui je n'ai pas
honte de dire que j'ai eu un réel plaisir de lecteur et qu'E. Carrère
est un excellent conteur ; certains passages m'ont pris aux tripes.
Lil (du
groupe breton dont des avis suivent)
Un livre sans intérêt, écrit par un petit garçon
de 40 ans qui aime tellement sa maman chérie qu'il publie un livre
pour dévoiler ce qu'elle s'efforce, à tout prix, de cacher :
son père était collabo. C'est ce qu'on pourrait appeler
l'amour-haine ! Quand on sait que le divin bambin a passé
de nombreuses heures sur le divan du psychanalyste, on se demande pourquoi
il n'a pas persévéré plutôt que de nous imposer
ça ! Macho, prétentieux, imbu de son nombril et de son sexe,
sadique, pervers, vulgaire, condescendant, arrogant, fier de sa prétendue
caste et ignoble envers les « autres », même
lorsqu'il fait preuve de quelque lucidité, il est évident
qu'il jouit de se détester : il en devient pitoyable et pathétique.
Quant à sa grande idée de la nouvelle érotique dans
Le Monde, je m'en tiendrai à la réaction de Sollers,
page 310.
On aurait aimé en savoir davantage sur le Hongrois, mais non :
tout, dans ce soi-disant livre n'est que prétexte à se raconter,
à s'étaler, à s'étendre... Une vie basée
sur le mensonge, le non-dit, le déni... Ça ne vous rappelle
rien ? Un autre ouvrage d'Emmanuel Carrère : LAdversaire,
d'une toute autre trempe, celui-là.
Peut-être vaut-il mieux que l'auteur se contente d'écrire
la vie des autres...
Nicole
Je n'avais lu que LAdversaire et j'ai plutôt abordé
ce livre avec intérêt. Hélas, hélas, hélas...
Comme le dit si bien l'auteur p. 203 : quel intérêt
ces mouches sur ce gâteau ? Quel intérêt la fête
de Kotelnitch ? Quel intérêt ce livre ? Sinon de
donner à voir un pauvre type, pardon un artistocrade non
crate russe, qui doit soit mépriser son entourage,
soit régler ses comptes avec ses parents, en particulier sa mère,
pour exister. Quant à la nouvelle érotique...
Marie-Thé
Étonnée quil ait été choisi dans le
groupe... Cest un livre intéressant, mais que je nai
pas aimé, et ça me gêne den parler : cest
lhistoire dEmmanuel Carrère, elle lui appartient. Jai
limpression que cette histoire nous est donnée « en
pâture », E. Carrère parle de Sollers en ces termes :
« cest le chef du parti des railleurs, cest lui
qui désigne à la meute de qui on peut se moquer sans prendre
de risque. » Cétait après la parution de
la nouvelle dans Le Monde. Je pense quà la parution
du livre, les réactions des lecteurs nont pas toujours été
tendres...
Je parlerai tout de même un peu de ce récit (?) plein de
souffrance et compliqué. Je pense dabord au difficile apprentissage
de la langue maternelle. Et je partirai de la berceuse cosaque :
« Ce que les mots de cette berceuse expriment et qui me
serre le cur quand je le reconnais, cest une loi, une loi
archaïque et universelle concernant les relations au sein de la famille :
le père doit être un guerrier, et la mère désirer
que le fils en soit un aussi, sans quoi tout est faussé. Dans mon
cas, tout a été faussé. Jai très tôt
pris conscience que mon père nétait pas un guerrier
et que ma mère préférait que je reste auprès
delle plutôt que daller au combat ».
La relation avec la mère est au centre du livre. Au bout dun
long parcours Hélène sera « lépouse »,
bien distincte dune autre personne, Hélène, la mère...
Je relève au passage le prénom de lenfant : Jeanne.
Et je pense, Jeanne, cest celle qui va au combat, qui ne reste pas
près de sa mère. Cest comme si lhistoire nallait
pas se reproduire. (cf. la berceuse cosaque)
Par ailleurs, des trahisons qui nen sont pas vraiment, apparaissent
dans les « histoires » de ce livre : dès
le début, avec ce vieil hongrois qui sest retrouvé
du côté de lennemi parce quil a obéi au
lieu de se sauver, ce qui lui a valu de disparaître jusquà
la fin de ses jours ou presque. Avec le grand-père de lauteur,
cest un peu la même chose : il disparaît parce
quil a été « au service » de
lennemi, son chemin la conduit là ; ce nétait
pas un traître pourtant, dénoncé sans doute parce
quil navait pas dénoncé une famille juive. Et
du côté de Kotlnitch, Ania naurait-elle pas été
vue comme celle qui parlait trop, qui aurait pu par son imprudence trahir,
et quil fallait donc aussi faire disparaître.
Par ce livre, lauteur ne trahit-il pas aussi sa mère ?
Mais : « trahison salvatrice »... Dans sa vie
de couple, la « trahison » de Sophie est aussi salvatrice ;
en séloignant avec Arnaud, elle met fin à une situation
insupportable.
Je nai pas aimé cette espèce de mépris de lauteur
pour ceux qui ne sont pas de « son monde » et jémets
lhypothèse que lui non plus naime pas ça. Quant
à sa vie sexuelle, si ça marche si bien, pourquoi en parler
tant ? Pour la nouvelle, je ly trouve ridicule et immature.
Annick A
La lecture des débats sur le livre de Carrère m'a donné
très envie de le lire. J'avais un a priori positif ayant lu la
nouvelle parue en 2002 que javais beaucoup aimée. Je l'avais
trouvée très originale, amusante, osée et très
érotique. Par contre le livre m'a beaucoup déçue.
A part la nouvelle que j'ai eu plaisir à relire et l'histoire qui
l'entoure je me suis ennuyée et la jouissance narcissique de l'auteur
m'a plutôt agacée.
Je reste avec une question : quels sont les critères d'un
livre pour le groupe de lecture ? Jaimerais bien en débattre.
Sabine de Nîmes
Tous vos avis m'ont énormément intéressée
(fan de Carrère, j'avais acheté le poche dès sa sortie),
mais je trouve les "récalcitrantes" très féroces !
C'est effectivement assez inégal, mais reste néanmoins digne
du groupe-lecture. Dans le genre "récit-limite-auto-biographico-on-ne-sait-pas-trop",
j'ai fini un livre troublant, recommandé par Le Canard enchaîné :
il s'agit de L'Origine de la violence de François Humbert.
Âmes sensibles, s'abstenir.
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