Quatrième de couverture : L'ultime
roman de W. G. Sebald nous fait connaître la vie de Jacques Austerlitz,
un homme hanté par une appréhension obscure, lancé
dans la recherche de ses origines.
Par ce portrait saisissant d'un émigrant déraciné,
fragile, érudit et digne, l'auteur élève une sorte
d'anti-monument à tous ceux qui, au cours de l'Histoire, se retrouvent
pourchassés, déplacés, coupés de leurs racines -
sans jamais en comprendre la raison ni le sens. La vulnérabilité
douce et secrète de Sebald et de ses personnages hors du commun,
leur façon d'être tour à tour gagnés par la
beauté du monde et la souffrance qu'il engendre contribuent à
inscrire ses oeuvres dans la mémoire comme des événements
majeurs.
La vulnérabilité douce et secrète
de Sebald et de ses personnages hors du commun, leur façon d'être
tout à tour gagnés par la beauté du monde et la souffrance
qu'il engendre font que ses oeuvres s'inscrivent dans la mémoire
comme des événements majeurs.
La page 11 :
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W.G. Sebald
Austerlitz
Nous avons lu ce livre en janvier 2010.
Nous lirons Les
Émigrants en 2024.
Monique
Quand on rentre dans le texte, on étouffe, il ny a pas de
paragraphe ; cest une somme, dans la même phrase on passe
dune chose à lautre, cest dense, on remarque
les dialogues enchâssés. On ne sait rien sur le narrateur,
on ne sait pas pourquoi il fait les choses. À un moment, je me
suis emmêlé les pinceaux concernant Gérald, je me
suis trompée dans les épaisseurs, mais ça na
peut-être pas dimportance ; on ne sait pas dans la conscience
de qui on est. Quand on sait que tout cela est très proche de lauteur,
quest-ce quapporte le narrateur ? On peut penser quon
va découvrir quelque chose à la fin, mais non. Pourquoi
navoir pas fait le choix dAusterlitz comme narrateur ?
Jai été un peu déçue de cela. Austerlitz
a pris du temps pour chercher, jai dabord pensé quil
était du côté des bourreaux. Jai été
déçue quil ne se coltine pas à ce quest
être un enfant de nazi.
Françoise O
Est-ce que si tu ne savais rien sur lauteur tu naurais pas
un autre avis ?
Monique
On ne sait pas pourquoi ce narrateur sintéresse à
Austerlitz. Il ny a rien de relationnel, rien sur les sentiments,
ce ne sont que des descriptions, beaucoup de choses sur les constructions
(forteresses, gares, ponts, bibliothèques...). Heureusement la
nature est présente chez son ami, cest comme un paradis,
mais on est plutôt dans une description darwinienne ; jai
adoré ce passage, il est encore sensible à la beauté
du monde, au vivant. Ça rappelle lenfance ; or il ny
a pas de souvenirs denfance. Malgré tout, il y a un mystère,
on ne sait pas ce quil chercher jusquà ce quil
trouve Véra. Cette lecture me happe, on est sous lemprise
du fait de cette souffrance qui ne se dit pas. Lhistoire du couple
pasteur est extraordinaire, ça ma rappelé Le ruban
blanc. Jai beaucoup aimé lintégration des photos
dans le texte.
Françoise D
Les photos posent problème, elles appartiennent à lauteur.
Monique
Je pense quil écrit à partir des photos, mais qui
ne sont pas nécessairement de sa vie.
Jacqueline
Dans Les
Émigrants il y a les photos des gens dont il parle.
Monique
Certaines photos mont marquée, celles avec le perroquet,
les moulures dun appartement, les sacs mystérieux, et bien
sûr le personnage. A la fin Austerlitz donne la clé de sa
maison au narrateur, lui donnant accès à tout, y compris
aux photos. Quil retrouve à Prague sa maison 20 ou 30 ans
après sans parler de ses parents, je trouve cela invraisemblable !
Il manque lamour dans ce livre. Cest une livre très
sombre, mais jai eu un grand plaisir de lecture ; cest
un univers dartiste, extraordinaire, il y a des traces de lumière,
la thébaïde, les crèches, les étoiles. Il y
a eu à la BNF Richelieu une expo des dessins de Rembrandt. Je me
souviens de plusieurs dessins de la fuite en Egypte, où le peintre
gratte un peu plus à chaque fois, à chaque dessin ;
cest pareil dans ce livre. Mais on est encore du côté
de la victime...
Françoise D
Si tu veux lire un livre qui se place du côté des bourreaux,
tu peux te colleter avec
Les bienveillantes, ce chef-duvre. Tu peux aussi
lire Bernard
Schlink.
Claire
Cest un livre que jai beaucoup aimé. Il ne ressemble
à rien. Les photos sont essentielles. On se pose des questions,
est-ce quAusterlitz existe ? Pourquoi ce double qui fait aussi
de la photo ? Il y a un savoir-faire dans la fiction, lillusion,
on peut croire que les deux « je » se confondent,
auteur/narrateur. Cependant le récit oral narrant les souvenirs
manque de vraisemblance par sa dimension écrite. Comment les souvenirs
peuvent-ils être aussi précis ?
Tout ma intéressée. Tu dis Monique quil ny
a pas damour, mais il y a de la passion, la passion de larchitecture.
Lauteur joue avec le projet littéraire, qui pour moi est
sur le temps (belles pages autour de la 142), et les discours rapportés
rapportés rapportés en sont le comble : par exemple
p. 233 dit Austerlitz, dit Verra dit Maximilian, cest rigolo
et on passe formidablement dune couche du temps à lautre,
de façon tentaculaire. À un moment, il lie lespace
et le temps, larchitecture et le passé dans la salle dattente
« désaffectée
de Liverpool Street Station où viennent des souvenirs derrière
lesquels, et dans lesquels, se cachaient des choses encore plus anciennes,
toujours imbriquées les unes dans les autres, proliférant
exactement comme les voûtes labyrinthiques (...) à linfini
(...) la salle dattente (...) recelait toutes les heures de mon
passé (...) sous mes pieds le motif en losanges noirs et blancs
du dallage était un échiquier étalés sur toute
la surface du temps, sur lequel ma vie jouait sa fin de partie » (p. 190).
Ce narrateur, Austerlitz, est à la recherche de son passé,
mais en même temps il se rapproche de nous (par exemple quand il
parle de la BNF : Annick L qui y travaille ferait bien de ne pas
rater ce long passage p. 374 avec des photos en plus). Au début
il y a des phrases interminables, cest extraordinaire. Labsence
de lumière ne ma pas dérangée. Je suis même
allée voir dans le dictionnaire tous les mots que je ne connaissais
pas (jusquà trois dans une même page, p. 25),
ce que je ne fais jamais dhabitude : par exemple sélénographe,
monoptère, convoluté, marguillier, poliorcétique...) !
Et chaque photo était une surprise. Quel livre !
Annick A
Cest un grand livre. Pas forcément facile, mais que javais
envie de garder (je lai acheté alors quon me lavait
prêté). Cest un livre sur le temps et lespace.
La question du temps est présente tout au long du livre, cest
linconscient dAusterlitz. Jai dabord eu limpression
dun temps immobile. Cest les poupées russes. On ne
peut pas se poser ; il y a une phrase qui fait 10 pages, cest
la description du camp de Térésin ; il fait passer
au lecteur ce temps tyrannique. Austerlitz refuse de se souvenir et la
conséquence pour lui est que le malheur se répète
sans cesse (comme la dame qui est tombée dans la description du
tableau). Quand il se passe le film sur le camp, cest extraordinaire,
il le passe au ralenti, cest un étirement du temps. Le livre
est écrit comme un roman policier ; il place des indices qui
nauront de valeur de signifiant que dans laprès-coup :
le rail sur la photo qui ramène au rail du camp, la salle des pas
perdus, le café de lEspérance, etc.
Françoise D
Je lai lu une première fois car Françoise O me lavait
prêté quand une correspondante internaute nous lavait
conseillé, puis quand il a été mis au programme je
lai acheté et relu, car comme Annick je voulais le garder
et javais limpression de ne pas avoir tout saisi à
la première lecture. Dailleurs, je maperçois
quà la deuxième lecture il y a encore des choses qui
mont échappé. Cest dire combien ce livre est
riche, dense. Cette écriture, les dialogues enchâssés,
cest fascinant. Le récit lui-même est fascinant. Le
trouble vient entre autres de ce que tout est vrai (par exemple, de manière
anecdotique, Fred Astaire sappelait vraiment Frédéric
Austerlitz), lhistoire du camp de Teresin, le musée, etc.
et bien sûr les photos accréditent le récit, et du
coup la photo de couverture introduit le trouble : et si Jacques Austerlitz
était un personnage réel ? On se demande si lauteur
étaye son récit par des photos quil prend à
cet effet, ou si ce sont les photos qui font surgir le récit. Je
nai pas trouvé la réponse mais jai lu quil
nommait lui-même ses écrits « prose fiction »
en combinant les genres et en brouillant la frontière entre faits
et fiction, art et documentaire (il utilisait fréquemment des noms
et des photos réels. Sebald pensait que les écrivains ne
pouvaient sattaquer directement à des sujets comme lhorreur
de lHolocauste sans tomber dans le piège du sensationnel
ou de la sensiblerie. Cest pourquoi pour répondre
à la question de Monique il utilise un narrateur au
lieu de faire directement le récit dAusterlitz (me semble-t-il).
Jai été touchée par la trajectoire de cet enfant,
à qui on retire tout de sa vie antérieure, même son
nom ; ça me semble horrible et incroyable, comme les esclaves
en Amérique à qui on donnait le nom de leurs maîtres.
Comment cet enfant peut-il sen sortir ? Il y a par ailleurs
des descriptions de paysages fabuleux comme celle dun paysage de
centrales thermiques quil rend à la fois très réaliste
et poétique malgré tout.
Jacqueline
Ce livre est très dense et comme je suis fatiguée en ce
moment, je ne lai pas terminé. Jaurais eu besoin de
le lire deux fois. Jétais prise par le projet mais ne pouvais
pas lire vite. Jai beaucoup aimé les descriptions, jai
appris beaucoup de choses, jai visité lEurope. Sans
les photos jaurais un peu décroché. On aimerait savoir
comment il a procédé avec les photos. Il y a un suspens
quand cela va prendre forme. Il y a larrivée à Prague
où quelque chose souvre ; cest glacial jusquà
Prague. Dans les descriptions, je pensais à Proust.
Françoise O
(qui avait proposé ce livre, le premier
proposé par elle, avec angoisse
)
Je lai lu en 2000, sûrement découvert à la librairie
Le Divan. Je lai relu. On voit les cailloux du Petit Poucet. A la
première lecture, jai été avalée, impressionnée.
Jai eu limpression dentrer dans les méandres
de la pensée dun homme. Ni lécrit, ni loral,
la pensée. Travail dune mémoire blindée. Je
suis heureuse que vous layez aimé. Jen ai lu dautres
(Les Émigrants) ;
les essais mont semblé plus intellectuels.
Dans son livre Séjours
à la campagne (Actes Sud, 2005), dont rend compte Le
Matricule des anges,
Sebald parle de lécriture comme dun « trouble
du comportement »...
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
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beaucoup
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