|
|
Herta Müller
L'homme est un grand faisan sur terre
La soirée se déroule chez Lil et
Nicole.
Jackie
Je n'ai lu que la moitié. De page en page, j'ai trouvé des
phrases, des paragraphes entiers que je ne comprenais pas. Par exemple :
"Le vent coud un sac
dans la terre."
Monique
Tu n'as jamais été saoûle, Jackie ?
Jackie
Non. Dans l'épisode du pommier, tout me semble ridicule. Ce qui
est assez sympa, ce sont les petits textes qui se succèdent.
Jean-Pierre
C'est une torture ! On est priés de décrypter. Les
phrases sont du type télégramme, il ne manque plus que le
mot STOP. Je suis maso d'avoir lu jusqu'au bout.
Monique
J'ai eu du mal, il faut s'accrocher certes. On avait lu La
Convocation, pas de lecture facile non plus. Je vois des transfuges
humain/minéral/végétal ; il faut accepter de
se laisser dérouter. On voudrait savoir comment elle a écrit
ce livre. C'est une artiste, mais à l'univers trop noir.
Lil
J'avais aimé La Convocation. Le personnage principal est
aussi le temps. La nature est toujours là. J'adore l'écriture
très étrange. Économe. La cruauté, la peur,
la délation... sont présentes en permanence. C'est sordide.
Et superbe. "Ligne noire dans les champs. La houle herbeuse le
soulève au-dessus de la terre."
Nicole
Mauvaise élève, je n'ai lu que la moitié. J'ai bien
aimé les petits chapitres. Comme une BD. J'ai beaucoup de plaisir
en dépit de ce qu'elle raconte. "Les coqs ont encore la
nuit dans le gosier."
Muriel
Je n'ai pas aimé du tout. Je n'aime pas ce qui s'explique à
la fin. J'ai trouvé intéressante l'espèce de comptine,
mais la poésie que vous voyez ne me touche pas, je ne la vois pas.
Il paraît que le style relève de la parataxe avec ces phrases
courtes. Les métamorphoses sont difficiles à comprendre.
J'ai trouvé le pommier rigolo. Mais la lugubrité ne m'a
pas séduite.
Claire
J'avais abandonné La
Convocation, dont j'avais apprécié le style, mais
je n'avais pas tenu la route, avec l'histoire du tramway qui n'en finissait
pas. Ces phrases brèves sans presque de " subordonnées "
créent un rythme - d'où notre rap... -, c'est
vrai qu'on cherche le sens, mais on le trouve. Peu à peu, le décor
et les types sont installés (le veilleur, le juge, la postière,
le curé...) et l'ambiance (corruption, attente de l'immigration) :
la cruauté, la crudité, se succèdent. Je suis impressionnée
par l'audace de cet auteur. Quand on lit interview et discours du Nobel,
cela redouble. C'est une lecture qui ne s'adresse pas à un lecteur
passif (hélas).
Manuel
Pour moi, c'est un vrai projet. Le projet d'une nouvelle écriture.
On ne comprend pas tout, mais on ressent tout. Par exemple, avec l'épisode
de la voiture rouge, on ressent ce que l'ambiance de la surveillance en
Roumanie. C'est le témoignage d'une époque, qui fait froid
dans le dos. J'aime les courts chapitres, les personnages qui apparaissent,
disparaissent, le temps qui change avec des décalages. En période
de boulot, j'aurais certainement abandonné : il faut être
disponible. Pour moi, c'est un livre à connaître.
Renée
C'est comme si je ne l'avais pas lu. Je n'ai pas eu le temps de le savourer.
J'ai lu la documentation sur l'auteur qui montre comment elle s'est accrochée
aux mots ; le livre en est le réceptacle. Il donne la parole
à des gens qui ne l'ont pas. Je vais le relire, je suis éblouie
par les images. C'est une plongée poétique. J'ai besoin
de reprendre mon souffle. "Il enterra sa toux."
Marie-Thé
J'ai aimé et pas aimé. J'ai pris comme cela venait, c'est
accessible, il y a beaucoup d'images. La nature est belle en opposition
aux humains. Le pommier est l'arbre du fruit défendu. J'ai adoré
la commission d'une nuit d'été, le brouillard de pomme,
une atmosphère à la Magda Szabo. Je pense aussi à
Lucian Pintillé, en plus sombre. Par rapport à Hrabal hier,
on a fait un pas de plus vers l'Est. Au chapitre intitulé "une
grande maison", l'évocation de la Roumanie de Ceaucescu, du
culte du chef, m'a fait penser à un film dont l'action se situe
en Yougoslavie sous Tito : Tito et moi. J'avais aimé
ce film.
Jacqueline
J'ai eu beaucoup de mal avec cette vision désespérée,
sans avenir. J'ai beaucoup d'admiration pour l'écriture, ces phrases
courtes qui restent au ras de ce qu'on voit. J'ai eu du mal au début,
puis j'ai été prise par les images, le titre des chapitres
en léger décalage. Petit à petit donc, j'ai été
prise par l'écriture, même s'il y a des tas d'images que
je ne comprends pas. Le vent qui coud la terre fait image pour moi (Jacqueline
fait le geste du vent qui rabat les feuilles comme s'il cousait la terre...).
Chantal
J'ai été déroutée par la construction et en
même temps saisie, fascinée. Avec la nature, le quotidien,
le familier des gens. Des gens attachants. Une atmosphère mêlant
le réel et l'irréel, la mort, avec des images puissantes.
La mouche, c'est très fort. J'irai en relisant vers le sens. Je
ne suis pas pareille après avoir lu le livre.
Marie-Laure
J'avais aimé La
Convocation, l'écriture, son rythme, les couleurs, la lumière,
la poésie, l'aspect surréaliste. La vie n'est pas plus morbide
qu'ailleurs. Je me sens à l'aise. J'adore quand il est assis au
bord de la mare. Et l'épisode des oignons.
Cheryl
Je l'ai lu en entier (The passport). Pour moi, il faut une approche
différente pour lire ce livre. Il faut surmonter la compréhension.
C'est une prose audacieuse et austère. C'est le reflet d'une époque
avec ces personnages forts. J'aime bien le style. Même s'il n'y
a pas d'avenir. Tout est symbolique des forces des ténèbres :
la chouette (la Stasi), l'arbre (le régime qui mange ses enfants).
Elle écrit pour se protéger, avec ce langage imagé.
Le froid et le chaud alternent. C'est un mélange de conte de fée
et d'exposé politique.
Françoise
J'ai eu plus de plaisir qu'hier avec Hrabal. C'est très concis,
très direct. Au début, on ne comprend pas très bien
et petit à petit émerge le tableau qui vous est livré
sans pathos, mais avec une force d'évocation. J'avais aimé
La Convocation. Cela va au-delà de ce que contient ce livre.
La mère d'Herta Muller a fait 5 ans de goulag comme Katharina.
Elle puise dans son vécu, ce qui ajoute une dimension. Je ne suis
pas transportée transportée. Chaque chapitre ajoute une
touche supplémentaire.
Nathalie
J'ai aimé car je l'ai lu comme un livre fantastique (au sens sortilège,
magie) mais on est ramené à la noirceur. J'aime les phrases
courtes, j'ai zappé parfois. J'ai pensé à des haïkus
qu'on ne comprend pas d'emblée. J'ouvre à ¾ car je
n'ai pas réussi à décoller avec la magie.
À LIRE
- Interview
d'Herta Müller publiée dans Le Monde
(4 décembre 2009)
- Discours
d'Herta Müller lors de la remise de son prix
Nobel le 10 décembre 2009.
Nous écrire
Accueil | Membres
| Calendrier | Nos
avis | Rencontres | Sorties
| Liens
|