Herta Müller
L'homme est un grand faisan sur terre

Nous avons lu ce livre pendant la semaine lecture de juillet 2010.
Nous avions lu antérieurement La convocation, en janvier 2010.

La soirée se déroule chez Lil et Nicole.

Jackie
Je n'ai lu que la moitié. De page en page, j'ai trouvé des phrases, des paragraphes entiers que je ne comprenais pas. Par exemple : "Le vent coud un sac dans la terre."

Monique
Tu n'as jamais été saoûle, Jackie ?

Jackie
Non. Dans l'épisode du pommier, tout me semble ridicule. Ce qui est assez sympa, ce sont les petits textes qui se succèdent.
Jean-Pierre
C'est une torture ! On est priés de décrypter. Les phrases sont du type télégramme, il ne manque plus que le mot STOP. Je suis maso d'avoir lu jusqu'au bout.
Monique
J'ai eu du mal, il faut s'accrocher certes. On avait lu La Convocation, pas de lecture facile non plus. Je vois des transfuges humain/minéral/végétal ; il faut accepter de se laisser dérouter. On voudrait savoir comment elle a écrit ce livre. C'est une artiste, mais à l'univers trop noir.
Lil
J'avais aimé La Convocation. Le personnage principal est aussi le temps. La nature est toujours là. J'adore l'écriture très étrange. Économe. La cruauté, la peur, la délation... sont présentes en permanence. C'est sordide. Et superbe. "Ligne noire dans les champs. La houle herbeuse le soulève au-dessus de la terre."

Nicole
Mauvaise élève, je n'ai lu que la moitié. J'ai bien aimé les petits chapitres. Comme une BD. J'ai beaucoup de plaisir en dépit de ce qu'elle raconte. "Les coqs ont encore la nuit dans le gosier."
Muriel 
Je n'ai pas aimé du tout. Je n'aime pas ce qui s'explique à la fin. J'ai trouvé intéressante l'espèce de comptine, mais la poésie que vous voyez ne me touche pas, je ne la vois pas. Il paraît que le style relève de la parataxe avec ces phrases courtes. Les métamorphoses sont difficiles à comprendre. J'ai trouvé le pommier rigolo. Mais la lugubrité ne m'a pas séduite.
Claire 
J'avais abandonné La Convocation, dont j'avais apprécié le style, mais je n'avais pas tenu la route, avec l'histoire du tramway qui n'en finissait pas. Ces phrases brèves sans presque de " subordonnées " créent un rythme - d'où notre rap... -, c'est vrai qu'on cherche le sens, mais on le trouve. Peu à peu, le décor et les types sont installés (le veilleur, le juge, la postière, le curé...) et l'ambiance (corruption, attente de l'immigration) : la cruauté, la crudité, se succèdent. Je suis impressionnée par l'audace de cet auteur. Quand on lit interview et discours du Nobel, cela redouble. C'est une lecture qui ne s'adresse pas à un lecteur passif (hélas).
Manuel 
Pour moi, c'est un vrai projet. Le projet d'une nouvelle écriture. On ne comprend pas tout, mais on ressent tout. Par exemple, avec l'épisode de la voiture rouge, on ressent ce que l'ambiance de la surveillance en Roumanie. C'est le témoignage d'une époque, qui fait froid dans le dos. J'aime les courts chapitres, les personnages qui apparaissent, disparaissent, le temps qui change avec des décalages. En période de boulot, j'aurais certainement abandonné : il faut être disponible. Pour moi, c'est un livre à connaître.
Renée 
C'est comme si je ne l'avais pas lu. Je n'ai pas eu le temps de le savourer. J'ai lu la documentation sur l'auteur qui montre comment elle s'est accrochée aux mots ; le livre en est le réceptacle. Il donne la parole à des gens qui ne l'ont pas. Je vais le relire, je suis éblouie par les images. C'est une plongée poétique. J'ai besoin de reprendre mon souffle. "Il enterra sa toux."
Marie-Thé 
J'ai aimé et pas aimé. J'ai pris comme cela venait, c'est accessible, il y a beaucoup d'images. La nature est belle en opposition aux humains. Le pommier est l'arbre du fruit défendu. J'ai adoré la commission d'une nuit d'été, le brouillard de pomme, une atmosphère à la Magda Szabo. Je pense aussi à Lucian Pintillé, en plus sombre. Par rapport à Hrabal hier, on a fait un pas de plus vers l'Est. Au chapitre intitulé "une grande maison", l'évocation de la Roumanie de Ceaucescu, du culte du chef, m'a fait penser à un film dont l'action se situe en Yougoslavie sous Tito : Tito et moi. J'avais aimé ce film.
Jacqueline 
J'ai eu beaucoup de mal avec cette vision désespérée, sans avenir. J'ai beaucoup d'admiration pour l'écriture, ces phrases courtes qui restent au ras de ce qu'on voit. J'ai eu du mal au début, puis j'ai été prise par les images, le titre des chapitres en léger décalage. Petit à petit donc, j'ai été prise par l'écriture, même s'il y a des tas d'images que je ne comprends pas. Le vent qui coud la terre fait image pour moi (Jacqueline fait le geste du vent qui rabat les feuilles comme s'il cousait la terre...).
Chantal 
J'ai été déroutée par la construction et en même temps saisie, fascinée. Avec la nature, le quotidien, le familier des gens. Des gens attachants. Une atmosphère mêlant le réel et l'irréel, la mort, avec des images puissantes. La mouche, c'est très fort. J'irai en relisant vers le sens. Je ne suis pas pareille après avoir lu le livre.
Marie-Laure 
J'avais aimé La Convocation, l'écriture, son rythme, les couleurs, la lumière, la poésie, l'aspect surréaliste. La vie n'est pas plus morbide qu'ailleurs. Je me sens à l'aise. J'adore quand il est assis au bord de la mare. Et l'épisode des oignons.
Cheryl 
Je l'ai lu en entier (The passport). Pour moi, il faut une approche différente pour lire ce livre. Il faut surmonter la compréhension. C'est une prose audacieuse et austère. C'est le reflet d'une époque avec ces personnages forts. J'aime bien le style. Même s'il n'y a pas d'avenir. Tout est symbolique des forces des ténèbres : la chouette (la Stasi), l'arbre (le régime qui mange ses enfants). Elle écrit pour se protéger, avec ce langage imagé. Le froid et le chaud alternent. C'est un mélange de conte de fée et d'exposé politique.
Françoise 
J'ai eu plus de plaisir qu'hier avec Hrabal. C'est très concis, très direct. Au début, on ne comprend pas très bien et petit à petit émerge le tableau qui vous est livré sans pathos, mais avec une force d'évocation. J'avais aimé La Convocation. Cela va au-delà de ce que contient ce livre. La mère d'Herta Muller a fait 5 ans de goulag comme Katharina. Elle puise dans son vécu, ce qui ajoute une dimension. Je ne suis pas transportée transportée. Chaque chapitre ajoute une touche supplémentaire.
Nathalie 
J'ai aimé car je l'ai lu comme un livre fantastique (au sens sortilège, magie) mais on est ramené à la noirceur. J'aime les phrases courtes, j'ai zappé parfois. J'ai pensé à des haïkus qu'on ne comprend pas d'emblée. J'ouvre à ¾ car je n'ai pas réussi à décoller avec la magie.

À LIRE
-
Interview d'Herta Müller publiée dans Le Monde (4 décembre 2009)
- Discours d'Herta Müller lors de la remise de son prix Nobel le 10 décembre 2009.

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Roumanie. Windisch veut émigrer.