Peter Handke
La femme gauchère
Nous avons lu ce livre en mai 2010.
Françoise O
Jai lu ce livre dune traite il y a un mois. Je viens de le
relire... même impression : je suis captivée par une
forme dirréalité. Je nai pas voulu lire Une
Femme à Berlin parce que tous les malheurs de lhéroïne
viennent de lextérieur, là, tous les malheurs viennent
delle-même. Il ny a que des descriptions de faits, de
situations. Pas de commentaires sur tout ce qui se passe. On na
pas daccès aux pensées de cette femme, cest
au lecteur de reconstruire, dinterpréter. Il y a une mise
en place rigoureuse des lieux, comme dans une sorte de pièce de
théâtre. Lextrême banalité des mots, des
phrases, a une portée incroyable. Sous une simplicité apparente :
le désordre intérieur dun personnage très complexe.
Claire
Manuel, Rozenn, Françoise D ont trouvé ce livre "chiant",
pour ma part, je lai plutôt trouvé "daté" :
il date de lépoque du nouveau roman, avec ce regard objectif,
ces "elle" et "il"... Peter Handke était très
à la mode, javais lu Le Poids du monde (jessaie
toujours de suivre les modes...). Cest intéressant ce qui
arrive à cette femme, mais je ressens un artifice qui ne passe
plus. Je vois bien le projet, mais je nadhère pas. Lenfant
est attachant. Il se passe des choses, mais... bon.
Jacqueline
Je suis très contente de lavoir relu. Je me rappelle de lendroit
où je lai lu, en Bretagne. Et de cette histoire de séparation
dune fille qui ne va pas bien... une histoire énigmatique.
Aujourdhui, je trouve cela très visuel, très direct,
mais jhésite à trouver un point de vue dans ce roman.
Peut-être que cela vient de ce quil ny a aucune expression
dun sentiment, pas de narrateur. Jai quand même envie
de midentifier à cette femme. Mais va-t-elle vers une libération
dans cette solitude ou vers une déchéance ? Cette question
qui reste posée jusquau bout rend justement la lecture de
ce roman intéressante.
Et maintenant les deux qui ont fait programmer ce livre... :
Françoise G
Cest une époque merveilleuse dont il est question :
cette histoire denfant, le lent retour, le poids du monde. Je men
suis régalée, mais la chute fut dure. Jai tout de
suite compris pourquoi ce livre mavait séduite, mais aussi
pourquoi il date littérairement et idéologiquement :
post 68... le mouvement féministe... un roman dans lequel une femme
se libère... Handke se sépare de sa femme... cest
un grand dépressif... Cest écrit "bizarrement"
et paraît factice, exagéré. On voit le désir
dêtre tout près du quotidien dune femme, mais
seulement de lextérieur, jamais dans la conscience ;
les réactions, les attitudes, paraissent incompréhensibles
le plus souvent. Dire vrai (en dehors du romancé) était
une sorte de credo. Lécriture est SIMPLISSIME (problèmes
de traduction ?), la présentation des dialogues relève
du scénario, du théâtre, mais pas du roman. On voit,
mais on ne ressent pas. Jai sauté le milieu du roman et nai
pu lire que le début et la fin. Malgré tout, il y a quelque
chose de vrai : ce que nous avons vécu (dans notre génération)
ou la vérité des personnages ? Le plus sensible, cest
la description de la solitude de chacun. Le personnage le plus sensible
et juste, cest lenfant. On perçoit son inquiétude,
sa solitude. Ce qui est plaqué intello : le MLF, la psychanalyse...
Annick A
Je me retrouve dans ce que vient de dire Françoise. Quand il est
sorti, je suis allée voir le film, javais même acheté
laffiche ! Il y avait peu de romans sur la vie de femmes. Jétais
très intello idéologique, lisant des idées. Cétait
génial, le côté écriture hyperréaliste,
détachée du pathos ; le sujet, la forme étaient
nouveaux. Je suis allée le chercher avec plaisir au fond de ma
bibliothèque et... je me suis fait chier ! Il y a une paroi
de verre entre le narrateur et les personnages, entre eux. Le livre est
un univers de dépression, sauf lenfant. Ça ne marche
pas, cest artificiel. Le sujet est passionnant : quest-ce
qui lui prend à cette femme ? Ça tourne en rond. On
sennuie. Il ny a pas de communication. Jai été
déçue. Je me suis posé des questions auxquelles je
ne peux répondre. Je me suis identifiée à cette femme.
Drôle dexpérience.
Françoise O
Moi qui ai moins de culture que vous...
(soupirs du groupe)
...jai lu le livre comme un gauchissement.
Jacqueline
Je préfère quand même à Annie Ernaux (Les
Années).
Avis reçus après la réunion
du groupe
Renée
Chères voix,
Je suis en train de relire La Femme Gauchère et ça
me déprime tellement que je suis pas du tout sûre de venir
ce soir. Je retrouve le malaise que j'ai eu au moment de la parution :
comme une mollesse de tout le corps et une pastèque d'angoisse
dans la gorge. Comme j'étais déjà flagada après
de récentes épreuves, et qu'en plus je m'étais levée
du pied gauche, ça n'a rien arrangé. Cependant je serai
très curieuse de connaître les réactions de notre
belle jeunesse (du groupe L) devant cet apprentissage zombiesque
de la solitude.
Chères voix, je vous embrasse.
Annick L (en réponse à Renée)
C'est bien l'effet que m'a fait ce roman aujourd'hui. Je mesure à
quel point mes goûts mais aussi mon rapport à la vie et à
la lecture ont pu changer (remarque, en presque 40 ans cela n'a rien d'étonnant !!!).
Jacqueline
Il me semble, fatigue ou incapacité, avoir très mal exprimé
mon avis dans le groupe, ce que je ne regrette aucunement. J'ai aimé.
Je considère que ce livre est ancré dans son époque,
ce qui est différent de "daté" et je souhaite
rédiger un avis ultérieur.
Françoise O
Le débat "animé" d'hier a changé mon regard !
Si pour l'auteur, la femme est une "banale gauchère",
la cause des problèmes n'est pas en elle. L'extérieur prend
alors la place centrale. Ma lecture a été faussée
par cette méprise ! Le problème de la cause du féminisme
mapparaît, le livre me semble moins intéressant et
peut semble daté !!!
Alors je reviens sur ma conclusion :
je passe de
à
pour le bonheur de la lecture (bonheur réel pour une lecture biaisée).
Autre leçon : se méfier des traductions.
Claire
Tu exagères de revenir ainsi sur ton plaisir !...
Renée (de
Narbonne, en 2020)
J'ai beaucoup aimé le détachement de l'auteur.
Il regarde cette femme et son enfant comme un entomologiste observerait
une araignée : elle fait, elle fait ça, ça donne
un sentiment d'irréalité. Qu'est-ce qui lui prend ?
On ne sait pas, "une impulsion", que fera-t-elle ? On ne
sait pas. Fin ouverte.
Elle s'est libérée.
Nous, nous sommes libres, mais moi par exemple, pas aussi libre qu'elle.
Enfin, je l'aurais ouvert aux ¾.
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