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Léon Tolstoï
Le Père Serge
Manuel
Ce qui m'a intéressé, c'est la culture du mysticisme, la
ferveur, la superstition, dont on se demande si elle est au premier ou
au second degré. L'embarras de Tolstoï est aussi en question,
par rapport à la célébrité : s'est-il
vendu en étant célèbre ? Ce qui m'a éloigné
du texte, c'est la traduction qui fait buter ; il y a des scènes
que j'ai dû relire. Ce livre ne m'a pas plu, ce n'est pas un des
textes les plus réussis de Tolstoï pour moi. C'est concis,
mais il y a encore à retirer : j'enlèverai la scène
du Français par exemple ; la fin d'ailleurs arrive comme un
cheveu sur la soupe.
Marie-Laure
Ce qui m'a amusée c'est l'ego surdimensionné, comme Lanzmann.
Il jette celle qu'il choisit, il est à la recherche du parfait.
La rencontre avec l'amie d'enfance m'a aussi amusée. Mais je n'ai
pas accroché. La dernière phrase est la seule honnête.
Nicole
Le début est un conte léger. Je préfère ne
pas relire Guerre et paix et rester sur mes souvenirs. J'ai suivi
avec de plus en plus d'intérêt Le Père Serge,
cet homme qui a une vie dure et j'ai passé un bon moment.
Cheryl
J'ai lu vite et assez facilement en français et ai donc relu en
anglais ce texte qui fait partie d'une trilogie d'histoires "sexuelles".
J'ai lu "Le Diable" et "La Sonate à Kreutzer",
dont le thème est le même, l'orgueil et la passion sexuelle.
C'est un débat que Tolstoï a eu avec lui-même, avec
un questionnement sur l'Église qui exploite. C'est aussi un thème
de tragédie grecque avec la "chute" du héros.
J'aime bien les dialogues simples, les fins de dialogues abruptes.
Lil
Ça m'a beaucoup plu, je l'ai lu comme un conte, en dépit
des problèmes de traduction. J'ai aimé cette histoire d'ego
à abattre, cette alternance intérieur/extérieur qui
invite à réfléchir sur les motivations de l'engagement,
pas toujours pures. L'Abbé Pierre en parle pour lui-même,
Kouchner parle du panache de l'humanitaire. La femme est évidemment
le diable. Une telle admiration pour Nicolas 1er ferait frétiller
notre Nicolas. Le livre dénonce l'Église également
qui exploite le Père Serge comme Sur Sourire. J'ai marché
complètement.
Jean-Pierre
Ce livre ne fait que 100 pages, c'est grosse qualité et rien que
pour ça je l'ouvrirais en grand ! L'auteur aurait du s'abstenir
d'écrire les 100 premières pages. Le personnage est maso.
Il est marqué par son époque certes. Je me suis ennuyé
d'un bout à l'autre. Les phrases sont indigentes.
Monique
Passer après toi Jean-Pierre, c'est difficile. J'ai bien aimé
ce livre. Au début, j'ai trouvé ça lent, trop ressemblant
à d'autres livres russes. Mais apparaît la quête profonde
du personnage, très lucide. Il ne se laisse pas avoir. Je trouve
cela remarquable. Le niveau mystique me parle. Le récit suit un
schéma narratif qui n'est pas si original, mais il y a des surprises
en permanence. La fin me déçoit : je ne suis pas emballée
par le fait que le Père Serge retrouve Pachenka, j'aurais aimé
quelque chose de plus lumineux. Le fond autobiographique correspond à
une quête très profonde et l'auteur a été en
lien avec Gandhi en effet. Mais c'est une nouvelle, genre qui me déçoit
toujours.
Chantal
La traduction est décevante. La vie du personnage ressemble à
un conte. J'ai remarqué la phrase " Il la regarda moralement
de bas en haut. "
(Le groupe repère la traduction de Garnier Flammarion qu'a Jacqueline :
regarder "avec ferveur du bas en haut" discrédite là
aussi la traduction de l'édition du Temps qu'il fait comme c'est
le cas pour la fin : "un étranger, évidemment
un Français", vraiment raté par rapport à "un
Français, sans doute un voyageur")
J'ai trouvé des descriptions cucul, par exemple la description
du rossignol et d'autres réussis, ainsi pour la fille "courte,
très développée de formes". J'ai bien aimé.
Marie-Thé
J'ai trouvé intéressant le parallèle avec Tolstoï
dans les premières pages.
Sur le fond, ce n'est pas un livre pour moi... J'ai eu du mal à
supporter ces tourments et ces luttes incessantes du Père Serge,
ce sentiment de culpabilité qui l'enchaîne. Je le vois comme
un veilleur, essayant de repousser l'orgueil qu'il sent poindre en lui,
et recherchant l'humilité... Mais il me semble que s'il renonce
aux honneurs ce n'est pas pour Dieu, mais par orgueil. " Le
jour de l'intercession de la Sainte-Vierge, Kassatzky entra au couvent,
afin de s'élever au-dessus de ceux qui avaient voulu lui montrer
qu'ils étaient plus hauts que lui. " Mary, sa fiancée,
n'est plus vierge, intéressant, cette entrée au couvent
le jour de cette fête de la Sainte-Vierge.
Il se réfugie dans la prière et le travail pour repousser
des pensées " impures ", résister à
la tentation. Il est effrayé par le désir charnel, le diable
est derrière cela. Pour moi c'est du déjà entendu...
Ne pas être orgueilleux (attention à l'ambition aussi), rester
humble.... Je l'ai entendu aussi.
Je préfère quand il doute, quand il mange avec plaisir (je
pense au Festin de Babette), quand il devient las, quand il remarque
le non-croyant en paix...
Je l'imagine avec la tête de Raspoutine.
Jackie
Tu juges, Marie-Thé !
Renée
L'histoire du doigt est une histoire d'eunuque, ça m'a intéressée
en tant qu'athée. Mon avis défavorable au début a
évolué : je me suis laissé entraîner dans
un flux, comme une rivière entre les pierres, et je l'ai suivi
jusqu'au bout. Il y a à comprendre et à méditer.
Tolstoï était un révolté, cela existe en arrière-fond
du livre. J'ai pensé à L'Idiot.
Jacqueline
Je pense comme toi Renée, mais pas en si bien imagé. J'ai
beaucoup aimé. Je l'ai lu dans un recueil de nouvelles de la fin
de sa vie, dont " La Sonate à Kreutzer " qui
m'avait barbée dans ma jeunesse parce que je l'avais réduite
à un exposé d'idées. En relisant du Tolstoï,
je me dis : quel écrivain ! Comment arrive-t-il à
faire une uvre où les personnages poussent jusqu'au bout
ce qu'il a ressenti ! En lisant Le Père Serge, je suis
admirative. Il n'y a pas de longues descriptions, je découvre cette
société que je ne connais pas et il me la fait vivre avec
les tenants et des détails significatifs : le prélat
les mains croisées, le moineau... C'est comme dans " La
Dame au petit chien " que nous avions lu et le groupe était
horrifié par son machisme. L'histoire est remarquable, avec cette
quête de la recherche de l'autre.
Cheryl
Tolstoï était en avance pour son époque en abordant
des sujets "interdits".
Claire
Je rejoins ceux qui ont été déçus par la fin,
mais j'ai beaucoup aimé ce livre. C'est moi qui l'ai proposé,
qui ai pris ce risque... Il y a un lien avec Lanzmann, car Tolstoï
aussi a eu une vie émaillée de rencontres remarquables,
de dialogues avec des grands (Gandhi). Je trouve cette nouvelle formidable
à partir d'un thème qu'il décline dans une série
de situations dans lequel il place son personnage : la vanité
dont Tolstoï dit qu'elle fait partie des " maux comme les
épidémies, la famine, les sauterelles, la guerre "...
J'aime suivre ce personnage qui réussit tout, qui atteint toujours
la perfection, premier de la classe, y compris dans les ordres et là
fasse aux devoirs qu'impose la vie monastique il doit lutter contre son
côté premier de la classe, il y arrive avec la rencontre
qui le fait déchoir... mais la fin se délite pour moi...
Muriel
Ça m'a beaucoup plu. Je suis admirative de personnes telles que
le Père Foucault qui quittent tout alors que tout leur réussit.
La lutte entre l'orgueil et le fait de tout faire toujours bien donne
une fable admirable. Le fait qu'il entre dans les ordres est un peu risible
cependant. Il n'y a pas de dévouement pur. Celui qui se fait fusiller
à la place de son frère le fait pour sa propre image. Quant
au doigt coupé, cela m'a rappelé l'Introduction à
la vie dévote de Saint-François de Salle où le héros
au moment où la belle qui l'a attaché (sur un lit de plumes)
va le violer se mord et se coupe la langue et lui jette sa langue au visage.
Je l'ouvre aux trois quarts car ce n'est pas un chef d'uvre du fait
du style raplapla.
Françoise
Je m'attarderai moins sur la dimension sexuelle car pour toute religion,
le mal absolu c'est le sexe. Je rejoins le club des athées pour
dire que la problématique est intéressante, universelle,
humanitaire, etc. avec la critique de la religion. Le Père Serge
ne croit pas en Dieu en fait. Ce jeune homme qui passe et qui paraît
aller très bien alors qu'il affirme son athéisme a son importance.
Le thème, intéressant, concernait sans doute Tolstoï.
Je l'ai lu comme un conte, une parabole. La traduction ne m'a pas gênée.
Je me suis attachée à l'histoire. Évidemment le fait
que le narrateur rejoigne l'auteur ajoute à l'intérêt
du récit car il pose des questions fondamentales. Si j'avais à
croire en Dieu, je trouverais Dieu dans chaque homme et pas ailleurs,
comme Serge après qu'il ait rendu visite à Pachenka. Ce
livre m'a plu.
Jackie
Je suis d'accord, il ne croit pas en Dieu. Ceux qui vont dans un couvent
sont en général "appelés". Serge y va par
rancur, jalousie. Comme il est orgueilleux, il va jusqu'au bout.
Le fait de coucher avec la fille du marchand est comme un sésame,
il résout quelque chose. Tant qu'il a conscience de son humilité,
il n'est pas humble. Il y a plein de gens qui agissent ainsi, par orgueil.
Je suis athée, mais j'admire les gens qui ont la foi... Lui, il
rame.
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