Jean-Paul Sartre
Les mots

Nous avons lu ce livre en octobre 2009.

Claire
Je l’avais déjà lu autrefois. Je n’ai pas pu finir le livre, court pourtant, mais qui ne peut se lire vite tellement il se savoure. J’aurais dû lire 30 pages par jour pour le finir, mais je me suis endormie dessus, c’est pas malin d’être aussi fatiguée... Cependant j’adore ce livre, son écriture, le jeu avec la langue, la façon de se présenter, le cabotinage de Sartre, ça pétille d’esprit. J’apprécie son anti-conformisme : il n’a pas de père ? Tant mieux ! Il fait des mots. Les phrases sont souvent balancées en deux parties, on peut en faire des citations. J’ai aimé aussi l’histoire et l’élaboration de ce livre.

Françoise G
J’ai beaucoup aimé les premières pages. Dans mon souvenir, il parlait du remariage de sa mère et du changement que ça fait pour lui. Mais non. Mais ce livre est bien plus fondamental que le souvenir que j’en avais. Il jongle avec les mots de façon brillantissime. C’est un texte magnifique. Il y a quelque chose d’irritant, ça tombe dans le narcissisme. Il a énormément d’humour et de distanciation. Il jongle entre les contraires. Son histoire est bouleversante. Il se fait déposséder de son existence par la captation des adultes. Il faut leur faire plaisir, être ce qu’ils attendent qu’il soit : brillant, cultivé... Quand il écrit, il n’est pas dupe. Il explique comment à travers la lecture et les mots, il a eu accès à l’écriture. Son assurance est sidérante : il sait qu’il sera écrivain. Un enfant qui n’a pas de père, dont la mère est restée une petite fille ne peut pas grandir, ne peut pas devenir un homme. Il raconte l’évolution de son écriture depuis l’enfance. Dès le départ il a une intelligence rarissime, il apprend à lire tout seul dans Sans famille. C’est très oedipien l’amour qu’il a pour sa mère. Il parle de son père de façon bouleversante, sans son père, il devient « abstrait ». Les mots sont ce qui le sauve. Il fait des phrases courtes, souvent terminées par deux points, il donne une sorte de preuve, de déduction, une démonstration. Chaque phrase a une dimension universelle. Les mots l’ont sauvé d’un état de dépossession par les adultes ; il n’est jamais lui-même dans ce qu’il fait. Il dit « j’étais un imposteur », il se donne un rôle sans jamais trouver la place qui est la sienne. Les mots deviennent des objets, voire des personnes. J’ai remarqué le passage où il va au Luxembourg et où il regarde les autres enfants « avec des yeux de pauvre »... Les 5 dernières pages sont très poignantes, il fait des pirouettes sans arrêt tout en délivrant des vérités tragiques et essentielles. Comment avec un esprit aussi lumineux a-t-il pu être le militant maoïste que nous avons connu à la fin de sa vie ? Etait-ce pour lui une sorte de religion qui l’avait saisi à la fin de sa vie ? Simone de Beauvoir vient prendre auprès de lui la place de la mère.

Jacqueline
J’ai beaucoup aimé ce livre autrefois. En le relisant, je l’aime autant, mais ma lecture a changé. A la première lecture, je prenais tout au pied de la lettre et ne voyais pas ce qui est profondément vrai et profondément faux dans la lecture. C’est une réflexion sur ce que représentent les mots, les livres, les histoires racontées. Je n’ai pas eu le temps de finir, c’est trop dense.

Françoise D
Je n’étais pas d’accord sur le choix de ce livre que tout le monde avait déjà lu autrefois. Comme moi, qui l’avais beaucoup aimé. Mais il souffre de la relecture. Je suis beaucoup plus critique et je regrette de l’avoir relu, j’aurais préféré rester sur mon impression première. Cette fois je l’ai trouvé ennuyeux, verbeux. Il recréé les situations au moment où il écrit, c’est une élaboration de pensée qu’il n’avait pas - tout génie qu’il fût - étant enfant. Comme Françoise, je croyais qu’il abordait le remariage de sa mère, c’est en partie pour ça que je l’ai terminé. Les tirades contre son père me semblent complètement fabriquées, je peux croire qu’il ait été indifférent à l’absence du père (et encore), mais de là à s’en féliciter... ça c’est une réflexion d’adulte. Cela dit son humour le sauve, cette ambivalence entre complaisance et ironie, cette distance par rapport à l’enfant qu’il était. Certes il sait manier les mots, mais parfois trop, c’est lourd, alambiqué. Je n’aime pas cette écriture.

Françoise O
J’ai commencé le lendemain de la lecture d’Obama. Ce gamin est une tête à claques, il est manipulateur. L’auteur a une grande complaisance pour cet enfant insupportable, ce manipulateur. Donc j’ai cessé ma lecture une semaine, puis je l’ai repris. J’ai trouvé prodigieux ce qu’il dit sur les livres, j’ai aimé l’écriture « l’éclatante vérité de la chose écrite ». Les livres sont ses seuls amis, il est terriblement lucide : « je me voyais lire comme on s’écoute penser », « j’étais un faux enfant ». J’ai apprécié cette lucidité ; il faisait des grimaces pour effacer la honte d’avoir joué la comédie : « enfant imaginaire, je me défendais par l’imagination ». On voit apparaître ses fêlures, quand il regarde les autres enfants avec des yeux de pauvre. Ensuite vient la partie « écrire », là il a recommencé à m’agacer, mais j’ai adoré la phrase « l’idée ne me vint pas qu’on peut écrire pour être lu », puis « écrire pour me faire pardonner mon existence ». La fin est un peu confuse, il parle alors de l’enfant, ce n’est plus l’enfant qui parle.

Monique
Je l’avais lu il y a 20, 25 ans et j’avais aimé. C’est une histoire de la vocation littéraire. Je n’ai relu que quelques passages. Je suis fâchée avec Sartre. J’ai lu pas mal de livres de lui, mais je n’aime pas lire la philosophie. L’écriture est brillante, mais il fait le paon, ça ne me touche pas, ça m’agace. Je ne sais pas si je le conseillerais.

Brigitte
Je suis surtout venue pour vous voir. Je l’avais lu dans les années 70. On pouvait le gagner avec des points d’essence et je l’avais gagné comme ça et lu un été. J’avais lu Les Chemins de la liberté, La Nausée, Les Mains sales, Le Diable et le bon dieu... C’était un livre inattendu dans un contexte inattendu. J’avais beaucoup aimé, lu au premier degré, sans comprendre pourquoi je l’aimais, je n’arrivais pas à mettre de la distance. Enfance de Nathalie Sarraute a des ressemblances. C’est un cas intéressant.



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