Bohumil Hrabal
Trains étroitement surveillés

Nous avons lu ce livre lors de la deuxième Semaine lecture de juillet 2010. Nous avions lu Une trop bruyante solitude en janvier 1993.

La soirée se déroule chez Marie-Laure, au bord du Golfe du Morbihan.

Marie-Thé
Je me suis beaucoup ennuyée, je me suis endormie. Mais c’est très drôle. Ces boulons qui tombent. Puis c’est ennuyeux. Cela ne décolle pas. Je l’ai repris ce matin, c’était un peu mieux, ça rappelle Herta Müller, mais il y a quelque chose qui manque. Les cachets, c’est très drôle. La scène avec la gaveuse d’oies... Le personnage se sent un homme avant de mourir... tout est consommé. J’ai aimé le petit détail du trèfle, émouvant. Et cette absurdité de la guerre... L’auteur est mort en sautant de la fenêtre de l’hôpital. Dans le livre il y a une scène à l’hôpital avec le pot de chambre. C’est un livre dépaysant. Quant à ces trains, après avoir lu Lanzmann, je les voyais avec des hommes et non des animaux...
Manuel
J’ai beaucoup aimé, j’aime l’ironie, la drôlerie. L’ambiance de fin de guerre... J’ai ressenti du dégoût avec les scènes d’animaux, très gore... On n’est pas épargné. J’ai aimé cette espèce de conte moral, les rapports des Tchèques et des Allemands, les points de vue sont pertinents. La traduction est réussie. L’épisode du pot de chambre est incroyable et celui des tampons jubilatoire. Je n’ouvre pas en entier, car je ne donnerais pas ce livre.
Yolaine
L’équilibre est parfait entre dérision et tragique. On se protège par la dérision. C’est très intéressant. Les animaux ? Ce n’est pas à des animaux que l’on pense. J’ai aimé beaucoup de détails quotidiens (la carpe de Noël). On n’est pas dans le milieu parisien de Lanzmann, on avance dans le tragique, avec cette façon de traiter la guerre. Il y a une compassion pour le soldat, et une distance nécessaire.
Marie-Laure
Je suis mitigée. Je ne suis pas rentrée dedans au départ. J’ai cherché les scènes fortes et le reste ne m’a pas intéressée. J’ai lu en pointillé.
Claire
Nous avions lu Une si bruyante solitude (en 93 !) : nous avions avec nous ce soir-là un spécialiste de la littérature tchèque, Xavier Galmiche qui nous avait apporté un exemple de samizdat, un livre minuscule qui circulait sous le manteau. J’aurais aimé que l’on quitte la gare et qu’on revienne à ces scènes du début, si drôles (et tragiques), grotesques. La fin racontée par un mort, cela ne tient pas debout. Ces réserves faites, tout m’a intéressée : les décalages présent/passé dans la même phrase parfois, les comparaisons ("les doigts dans les cheveux comme si j’étais un piano"), l’humour (le sommeil des cheminots régi par son propre système de signalisation), les images très fortes (le chef de gare couvert d’oiseaux, les 12 pattes de cheval mort comme des colonnes), l’atmosphère macabre.
Françoise
On garde le fil de Sodome et Gomorrhe de Lanzmann. J’admire l’écrivain, l’humour (et non le grotesque) ; la scène des tampons est très drôle. On pense aux humains avec les trains – pourquoi ne pas parler des humains ? Mais c’est trop déjanté, je pense à Emir Kusturica, c’est too much, j’ai du mal à aller dans l’outrance. Il y a peu de tendresse, si, sa mère, sa fiancée. Je vois le talent, mais je ne marche pas à fond. J’ai vu Moi qui ai servi le roi d’Angleterre, je n’ai pas suivi.
Jacqueline
J’ai un petit doute avec le sentiment d’avoir lu trop vite. C’est un livre remarquable. Un modèle d’humanisme dans un monde de gens ordinaires. Au début, j’ai eu du mal. J’ai eu les images de Shoah. Chez ces péquenots, on finit par découvrir une solidarité. Ce pourrait être des collabos. Il y a des choses qui attendrissent, plein de détails. C’est un très grand livre.
Jackie
On retrouve l’orgueil. Avec ce chef de gare qui fréquente la comtesse. J’ai beaucoup aimé M. Hubicka, d’emblée. Invraisemblables sont les tampons, l’enquête, Mme Lansky... "Flétri comme un lys" est une belle expression. C’est très drôle. Milos flatte beaucoup. La fin est très belle avec la mort des deux soldats qui pourraient être amis.
Monique +
Je suis marquée par beaucoup d’images. La description du chef de gare, son bureau, sa femme et son petit quotidien, calme pour trucider les oies, la clôture de 5 kilomètres et le baiser. Ces images très belles m’ont fait penser à Chagall, très coloré, magique, avec des vaches à l’envers sur le toit de l’église ou encore à un conte yiddish. Nous avions beaucoup aimé Une trop bruyante solitude. Je suis encore plus émerveillée, du fait que le livre est différent. Il y a un univers d’artiste qui donne à ressentir l’épaisseur du vivant. C’est un kaléidoscope où l’on passe du cruel au drôle, avec un humanisme à toute épreuve. Le monde est très âpre, avec cette fin ou ils meurent main dans la main. Hrabal transfigure l’enfer en une fête foraine.
Lil
Je ne connaissais pas. Dans l’humain, on passe de l’horreur au sublime, avec une palette de sentiments. Les personnages ont un coté sombre et lumineux. La douleur dans le regard des animaux est impressionnante. J’adore M. Hubicka, grave et drôle. Sodome est mentionnée, p. 78, et le Jugement dernier...
Chantal
Ce que vous avez dit fait écho pour moi. Des personnages introduisent le livre.

Jacqueline
J’ai oublié de dire que j’ai pensé au Brave soldat Chvéïk...

Chantal
J’ai aimé la scène du baiser, le chef de gare, les détails sur les galons, le clin d’œil pour parler du peuple tchèque. C’est un univers dans lequel il faut entrer. J’ai aimé.
Muriel
Ça m’a beaucoup plu, ce mariage de l’humour plébéien et de l’imagination baroque... C’est marrant et on n’y croit pas. J’aurais mieux aimé que tout soit réaliste. La fin atroce m’a fait penser à À l'ouest rien de nouveau, avec l’absurdité, et les derniers mots "vous n’aviez qu’à rester chez vous, assis sur votre cul"... Les animaux, c’est atroce. J’ai aimé les comparaisons (le rai de lumière, les poils pubiens), la balafre qui "enjambe" la bouche. Il y a de longues phrases (plus d’une page p.101) et on ne s’en rend pas compte. Et la scène où il couche avec Viktoria dans le contexte des explosions, et le morse s’y met... Ce que j’ai bien aimé d’atroce est la femme de l’hôpital qui chante "il va mourir"...
Jean-Pierre
C’est très très drôle. L’humour est enchâssé dans une réalité tragique. Je n’ai pas été gêné par des invraisemblances. C’est un vase clos, un microcosme. On est dans la commedia dell'arte. Je n’ai pas pensé que les animaux étaient des hommes, la cruauté est atroce. Le chef de gare est extraordinaire, avec des réparties incroyables, des répliques désopilantes. Il y a des Tchèques collabos, on le voit avec l’épisode des tampons qui révèlent des mots allemands. Le dépucelage du personnage est du grand art. Quelques petits points moins positifs : p. 18 on a du mal à suivre le numérotage des voies, certains dialogues sont sibyllins, p. 39, p. 66.
Renée
On est dans le visuel, le surréalisme et Delvaux qui est sur la couverture. J’ai pensé au film de Buñuel avec la paupière et à Kafka. Il y a l’inextricable de la vie et l’humour qu’on avait après 68, avant le Printemps de Prague et la résistance de l’humour. Je n’ai pas eu assez le temps de le savourer;
Nicole
Je l’ai lu très très vite et ai sans doute loupé plein de choses. Je n'ai pas vu d’humour car je l’ai lu au premier degré. La fin, j’ai trouvé superbe. Je voyais la gare, perdue parmi les rails...

 

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Une petite gare de Bohême pendant la guerre.