Une femme à Berlin :
Journal 20 avril-22 juin 1945
Nous avons lu ce livre en mai 2010.
Brigitte
Je sais bien qu'on en a marre de lire toujours des livres tournant autour
de la guerre de 40. Mais là je ne regrette pas que nous ayons fait
ce choix. Jai vraiment apprécié la qualité
de ce journal. Est-ce une uvre littéraire ? Je ne sais
pas. Cependant il faut noter que le style n'est jamais un obstacle à
l'accès du lecteur au contenu. C'est un journal écrit chaque
jour avec certaines fois des retours en arrière dus aux épreuves
de la vie quotidienne. J'admire la fluidité du style et l'humilité
de l'auteur qui ne se met pas en avant, elle ne bascule pas dans la haine.
Les nombreux récits de viol ne sont jamais impudiques, même
s'ils n'éludent pas leur brutalité. Dans cette description
d'une vie hors des repères habituels, où le viol est devenu
habituel, de même que les rapines, vols, etc., tous les codes sont
abolis. Il redevient difficile de se remettre à payer sa nourriture
et d'exiger un paiement pour son travail. Les codes du langage eux aussi
sont bouleversés : les anciens amis sont choqués par
les conversations explicites au sujet du viol. La narratrice, par sa connaissance
des deux langues (allemand et russe) est dans une position qui lui permet
de saisir encore mieux que les autres les contradictions entre les diverses
positions des Russes vainqueurs (travaillés par le communisme),
des Allemands (de lancien pays nazi) vaincus, de la ville partagée,
détruite, ravagée, où les communications sont totalement
interrompues.
Cette lecture m'a remis en mémoire mes séjours d'enfant
à la cave sous les bombardements : on nous descendait la nuit
à moitié endormis. Chaque cave avait ses habitudes, dans
la mienne, on mangeait des bonbons en chantant des cantiques !!
Jacqueline
Je nai pas de sympathie pour cette femme. Elle a un jugement dédaigneux
pour ceux qui sont dans la cave. Cest un livre terrible, qui fait
réfléchir sur lincommunicabilité. Je pourrais
être comme elle, cest ce que je ne supporte pas. Elle ne se
plaint pas, cest un bon point. On a limpression quils
sont tous très victimes.
Lola
Tu veux dire quoi ?
Jacqueline
Cest vrai, les viols, la faim. Jai peut-être une dose
de naïveté, je ne veux pas voir.
Claire
Quest-ce que tu ne veux pas voir ?
Jacqueline
Cette situation dêtre réduire à subir ce quelle
subit. Mais il y a des passages qui magacent, des jugements.
Françoise D
Elle a de la compassion pour ses violeurs potentiels, elle ne demande
pas quon sapitoie sur son sort.
Jacqueline
Je le reconnais. Jai des réticences qui font que je ne suis
pas touchée. Sans le groupe lecture, jaurais arrêté
au début.
Claire
Le livre me plait énormément, mais... jai dû
lire un tiers seulement, cest trop répétitif, jai
sauté finalement pour voir les événements. Jaime
son regard, son humour, son ton, sa force tirée de lépreuve
constante, elle a une énergie pas possible. Cest ce regard
distancié, lécriture, qui doivent lui permettre de
tenir le coup. On a les informations au compte-gouttes pour découvrir
qui elle, sa culture, son âge. Par ailleurs, lhistoire du
livre est passionnante, les raisons de lanonymat. Bref, jaime
mais cest trop long...
Lola
Cela ma beaucoup secouée. Je lai lu dune traite.
Elle est dun mépris pour la veuve... Avec les Russes, elle
est dune humanité... Cest très fort, pas manichéen,
courageux. Elle choisit son violeur, jai été scotchée.
Je ne recommanderai ce livre à personne, car cest trop dur.
Françoise D
On me la offert une amie américaine dorigine
allemande. Je lai lu en anglais. Je me suis dit ouh la la quand
jai vu le contexte. Mais jai été scotchée
dès le départ, par le ton qui décrit de façon
remarquable la faim perpétuelle, lhumour. Le viol est maintenant
une arme de guerre...
Lola
... il la toujours été.
Françoise D
Je nai pas trouvé le livre atroce.
Claire
Cest à cause de la façon dont cest raconté.
Françoise D
Elles se parlent entre elles, ce qui est très important. Cest
une journaliste, elle sait écrire. Je ne trouve pas ça répétitif,
il se passe plein de choses. Il y a après les Américains
qui arrivent et rebelottte pour les viols. Il y a aussi la peur perpétuelle.
Et les Russes qui boivent pour violer.
Jacqueline
Je pense au jeune soldat dans Pierre de patience et à un
livre de Graham Green, je ne sais plus lequel...
Françoise D
Jai été très intéressée par cette
uvre unique. Elle était sacrément forte pour raconter
ainsi.
Lola
Elle écrit en un mois. Après je suis allée me faire
couler un bain et me suis dit jai des conserves, jai de leau
chaude...
Jacqueline (deux semaines plus tard)
Il me semble, fatigue ou incapacité, avoir très mal exprimé
mon avis dans le groupe, ce que je ne regrette aucunement. J'ai été
intéressée par ce livre que je n'ai pas aimé, ce
que je souhaite pouvoir mieux expliciter plus tard.
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