Akira Yoshimura
Le Convoi de l'eau
Nous avons lu ce livre en juin 2012.
Annick A
C'est un très beau livre, j'ai bien aimé. Le parti-pris
est de nous faire endurer un suspense très fort. De ces habitants,
on ne sait presque rien, le mystère restera. L'ignorance de l'autre
laisse place à des mécanismes de projection, des réactions
qu'on pourrait avoir. Au début, il y a de la peur et de la méfiance.
Il y a deux événements importants : l'explosion
entraînant la chute des mousses et le viol. La chute des mousses
entraîne une réaction de malentendu, le sens du sacré
va peu à peu susciter plus de compassion et moins de moquerie.
Le viol : pris dans les règles sociales. Un renversement de
sentiment s'opère. Le héros narrateur est en position de
miroir inversé. Peu à peu, il se rapproprie son passé :
il enterre la femme pendue, il accède au pardon. Il inscrit un
don contre un don. C'est très beau : le symbole du faisan.
Jacqueline
Je ne dirai pas que c'est un très beau livre car il y a une certaine
distance dans la manière de raconter. C'est un livre extrêmement
intéressant. J'y vois plus un rapport entre des sociétés
différentes car le personnage est pris dans un jeu conventionnel
(il est normal de tuer la femme qu'on trompe).
Annick
Il l'a déterrée, ce n'est pas commun.
Jacqueline
L'auteur nous le rend proche. J'ai commencé à lire La
Guerre des jours lointains, je retrouve les mêmes thèmes.
Manuel
J'ai trouvé intéressant le parallèle entre ce type
banal et son histoire. J'ai aimé les scènes de tension et
de suspense, comme par exemple la chute des mousses. En peu de mots, l'auteur
nous dit tout, comme des haïkus. Les nouveaux arrivés se moquent.
Il y a plein d'opposition et de rapports de hiérarchie comme dans
l'équipe, et également dans le village.
C'est un roman qui est presque fantastique. Certaines scènes et
détails m'ont fait penser à Ogawa, comme les os dans la
boîte ou la décomposition du corps. J'aimais bien ne pas
tout comprendre, la part de mystère.
Monique
Le frottement des deux civilisations fait bouger des êtres.
Manuel
Le personnage se construit au fur et à mesure du déroulement
du livre. Le mensonge des enfants qu'il décrit est terrible. J'ai
trouvé intéressant de voir que le développement durable
n'empêche pas la destruction de la nature.
Claire (qui découvre des années après que son
avis ne figure pas et qui ne retrouve pas le livre incluant ses notes)
Je me souviens d'une découverte forte qu'a constituée ce
livre, pour moi et dans le groupe, et d'un charme constant.
Monique
Ce livre m'avait été conseillé et prêté.
J'ai bien aimé ce récit, non pas pour son style qui se fait
oublier ("normal", diront certains à la mode d'aujourd'hui)
mais par la création d'images, d'univers. Tout est dans la création
de ce frottement de deux mondes : l'un réaliste et moderne
d'un grand chantier avec la technologie de pointe d'aujourd'hui, et l'autre :
immuable, étrange et mythique.
Le village et le type de maisons m'ont rappelée quelques villages
des Alpes japonaises, aujourd'hui protégés par l'Unesco,
où les grandes maisons, très hautes, couvertes d'épais
chaumes, avaient de larges greniers aérés pour la culture
du ver à soie (voir photos ci-dessous).
Malgré l'absence d'échange verbal, on saisit bien comment
les deux communautés, les deux cultures agissent l'une sur l'autre.
Voir l'autre suffit à ébranler, à questionner sa
vision du monde de chacun. En même temps, chaque individu est fait
de sa propre histoire, de ses actes (le narrateur qui sort de prison,
ou d'autres du village ou du chantier...) et sera "travaillé"
par ce contact, ce simple voisinage.
Il y a des temps très forts : la chute des mousses des toits
et la réparation des villageois, les expressions des visages lors
de la confrontation de la jeune fille et de son violeur, le cadavre de
la pendue, la cérémonie dans le cimetière... On décrit
ce qui se passe, ce qu'on voit, et on est face à un mystère.
J'ai trouvé la fin très réussie, étonnante,
une échappée...
J'ai lu aussi du même auteur :
- Voyage
vers les étoiles : très réaliste et
mystérieux aussi. C'est l'histoire d'un groupe de jeunes qui décident
de partir en WE pour se suicider, en se lançant d'une falaise dans
une zone connue pour ses tourbillons. On les suit dans leur dernier voyage,
leurs derniers repas, scrutant les uns les autres des traces d'hésitation,
de peur, sur les visages des autres, jusqu'à la chute des corps...
- Un
spécimen transparent : une histoire bizarre, où
un homme qui a honte de déclarer son travail s'occupe de préparer
des squelettes abimés de la morgue pour les laboratoires de sciences
naturelles. Il est pris d'une fascination, d'une obsession pour les beaux
os blancs et fera des folies pour avoir un squelette "frais"
pour en faire un spécimen transparent comme du verre.
On voit que dans ces trois récits, l'auteur a une fascination pour
la mort, les cadavres.
- J'ai lu aussi Naufrages
que je conseille très vivement à ceux qui voudraient lire
un autre livre du même auteur : une histoire très forte
d'un village très pauvre en bord de mer, qui ne trouve d'autres
expédients pour vivre durant des décennies, que d'attirer
les nuits de tempête un des navires chargés de riz qui passent
le long de leurs côtes, en allumant des feux pour les attirer sur
les rochers. L'histoire est vue par un très jeune garçon.
On est scotché par la qualité de la vie communautaire dans
le village, le courage face à la famine, et l'organisation amorale,
mais efficace, à rencontre des marins.
Dans ces livres, on est souvent amené à repenser les limites
du possible et de l'imaginaire, du bien et du mal.
Un lien sur cet auteur, avec les films
adaptés de son uvre : ICI
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