Dans un fort du Sud américain, un meurtre est commis : drame passionnel dirait-on d'abord. Le capitaine Penderton tue le soldat Williams qu'il trouve une nuit près de sa femme endormie.
Carson McCullers
Reflets dans un œil d'or

Nous avons lu ce livre en octobre 2011.

Claire
Ce livre a été choisi à la suite de la lecture de la bio d’Anne-Marie Schwarzenbach à laquelle il est dédié. J’ai beaucoup aimé le récit, j’ai adoré l’ambiance de la caserne (j’ai lu le livre dans la cité fortifiée de Montdauphin...). C’est un livre mystérieux, un peu envoutant...

Jacqueline
A côté du Cœur est un chasseur solitaire, les reflets m’ont paru fades.

Annick A
J’ai beaucoup aimé. On est tout de suite pris dans une tension dramatique. On sait d’emblée qu’un meurtre va avoir lieu, le suspens est très fort. Les personnages sont très bien campés sur le plan psychologique, avec les tréfonds humains. Ils sont intéressants, comme le capitaine qui refoule ses pulsions homosexuelles. Les personnages sont plus agis par les évènements qu’acteurs ; le soldat est dans une position passive, les femmes aussi. La scène avec le cheval est très sensuelle, à la vie à la mort.

Rozenn
Je suis plus réservée : de grandes douleurs humaines pour un livre très léger. La scène du cheval est trop facile. J’ai d’abord été prise par la lecture, mais après ça s’effrite, je voulais que les personnages passent à l’acte. J’ai lu le Journal d’un raté d’Emmanuel Carrère qui a écrasé celui-ci.

(À la fin de la soirée, Rozenn dira qu’elle a changé d’avis et s’est réconciliée avec le livre.)

Françoise D.
Je l’avais déjà lu, il y a très très longtemps et je l’avais oublié. En peu de pages, Carson arrive à faire monter la tension et à nous captiver. Bien sûr, elle annonce un meurtre dès le départ, et elle nous tient ainsi, mais pas seulement ; elle a l’art de cultiver l’ambiguïté des personnages mais qui sont tous différents. La violence est toujours sous-jacente... ou pas, la scène du cheval en est l’apothéose, mais il y a aussi les rapports de couple – le capitaine dit à sa femme qu’il l’a tuera – ou l’automutilation d’Alison. Le personnage d’Anacleto est très singulier. Le soldat a déjà tué... Je ne sais pas si tout cela est vraisemblable, mais on ne se pose pas la question à la lecture, on est toujours porté par le récit, et on se demande comment tout ça va finir, mais mal forcément.
C’est un univers de vase clos et de touffeur du Sud (des US) ; le mal et la perversion rôdent. Malgré tout, je ne l’ouvre pas en grand, car je suis restée un peu sur ma faim : c’est en effet un récit très dense, très concentré, ce qui en fait sa valeur (comme le dit Tennessee Williams dans la préface), mais qui aurait pu justement s’étendre un peu plus.

Monique
En ce moment, je lis de la poésie. Je m’ennuie un peu dans les récits, mais celui-ci m’a plu, surtout pour ses analyses psychologiques, surtout celle du capitaine, mais aussi celle du soldat : il est très différent des autres mais on le laisse tranquille, contrairement à ce qui se passe souvent dans ce genre de milieu quant on n’est pas comme les autres. Il aime se mettre nu dans la forêt. On ne sait pas pourquoi on lui fait faire certaines tâches. Les deux femmes et le serviteur ne m’ont pas intéressée. La scène du cheval est magnifique, Carson McCullers a dû être cavalière... Et ce décalage avec l’homosexualité, elle a dû vivre ce genre de situation. Elle a dû apprendre à écrire à l’université, c’est une façon d’écrire convenue, du début du siècle.

Claire (après avoir lu la biographie de Josyane Savigneau)

Pas du tout ! Je trouve l’écriture formidable, intense, tendue.
Quant à sa vie amoureuse, elle est passée d’une passion à une autre (souvent des femmes), bien qu’en fait tout cela fût assez « asexué ». Comme Anne-Marie Schwarzenbach, elle devait être hyper chiante à vivre... Cependant elle eut de grandes amitiés. Quand à l’histoire de son couple avec Reeves, elle est aussi passionnante que celle d’Anne-Marie Schwarzenbach avec son mari : une force extraordinaire, au-delà de grandes séparations.

Les Bretons
Livre très apprécié puisque 4 d'entre nous l'ont ouvert en entier, et 6, aux ¾. Deux autres l'ont entrebâillé au ¼ et une dernière a poussé jusqu'à la moitié !

Les points forts du livre et de l'auteure, selon les amateurs :
- Analyse psychologique très fine des personnages et de leur évolution, jusqu’au drame final (personnages très complexes. Aucun ne laisse indifférent, preuve du talent de l'auteure). Tous ont une frange d'ombre (un livre d'ombre et de lumière).
- Cadre très bien posé
- Le crescendo de l'angoisse, de la folie, fort habilement mené, par petites touches...
- Ecriture très efficace, très visuelle. Les descriptions de la nature sont de véritables tableaux, et le roman entier, un synopsis idéal. Des passages superbes (ex, la folle chevauchée du Capitaine Penderton et de Firebird - que vous pouvez voir en sépia sur le net.)
- Le rythme soutenu du récit qui entretient efficacement le suspense
- Un livre qui pose la question de la norme (dans cet huis-clos militaire de 1937), et de la différence. Dans ce contexte donné, s'autorise-t-on à transgresser la norme et comment
- Des thèmes majeurs : l'amour, la haine, la mort, la solitude, la souffrance, le racisme (Etats du sud) et les rapports d'autorité (entre les différents grades de l'armée, les hommes et les femmes, les maîtres et les serviteurs)
- L'une d'entre nous a souligné l'humour de l'auteure
- La perfection de la fin (très surprenante !).

Les points faibles selon les détracteurs :
- Une histoire banale sans intérêt
- Peu de suspense (certaines éditions révèlent la fin, dans la préface !)
- Huis-clos étouffant, atmosphère glauque. Trop de non-dits, trop de lâcheté
- Personnages peu intéressants
- La tendance de l'auteure à humilier les hommes
- Un talent d'écriture qui n'est pas totalement exploité.


Marie-Thé
J'ai aimé la manière dont l'auteur restitue ici une atmosphère pesante, oppressante ; de lourdes menaces pointent à l'horizon, comme avant un orage (on ne sait ni où ni quand il éclatera, mais on sent que quelqu'un sera foudroyé) ; je dirais aussi que le feu couve sous la braise... Et qu'inexorablement cela nous mène vers un drame.
Le cadre a retenu mon attention, cette garnison isolée (au début j'ai même pensé au Désert des Tartares), bordée par la forêt, avec ses allées, ses rangées d'arbres et de maisons. Tout semble quadrillé, encadré. Comme s'il fallait aussi rentrer dans le rang. "Pour des raisons morales, mieux vaut-il s'astreindre à entrer dans le moule uniforme que de courir le monde pour trouver chaussure à son pied ?" À cette question du capitaine le commandant répondra : "C'est exactement cela." La nature est merveilleusement décrite, tantôt hostile, tantôt flamboyante. Je pense au paon peint par Anacleto : "Un paon d'un vert sinistre, avec un immense œil d'or."
Intéressants les portraits des personnages, mais comment en parler en quelques lignes ? J'ai été impressionnée par le soldat William, inquiétant, à "l'agilité silencieuse d'une bête sauvage ou d'un voleur." "Son visage avait l'étrange expression absente d'un primitif de Gauguin." L'image donnée du commandant n'est pas très reluisante, c'est un "buffle." "Etre un bon animal et servir mon pays... santé et patriotisme." Ceci semble être une devise pour lui. Anacleto, protecteur et protégé d'Alison, attachant dans "son art de faire une fête de l'acte le plus simple," semble pourtant un "pantin contorsionné." Le capitaine, tourmenté, en proie à d'intenses souffrances intérieures, s'infligeant souvent "de bizarres petites punitions", s'en prenant même au cheval, égoïste, poltron, faible, humilié aussi, cherchant sa place dans un environnement qui lui est hostile, se voyant tel "le moineau dans le caniveau", est pour moi le personnage émouvant de ce livre. Les deux personnages féminins, si différents apparemment, ne me sont pas plus sympathiques l'un que l'autre. Quant au cheval, soupirant "un peu à la façon d'un jeune époux, ayant cédé à l'humeur capricieuse d'une femme adorée," etc. l'auteur le met sur un piédestal.
Ceci m'amène à dire que j'ai eu du mal à supporter la façon dont l'auteur parle des hommes, les humiliant, les atteignant dans leur virilité, par petites touches et régulièrement, je trouve cela plutôt perfide. Ainsi le capitaine est un "cul-croulant", un "vieux pisse-froid". "Mon petit, une femme ne t'a-t-elle jamais traîné dans la rue pour te flanquer une raclée ?" lui dit Léonora. Elle, par contre est appelée la "Dame", est superbe, (même si peut-être un peu "demeurée"). Un peu mieux traité, le soldat William vit dans la crainte des femmes (peur de la maladie et de l'enfer), et ne peut que contempler Léonora. Et Anacleto ? Et le lieutenant Weinchek ?... Il y a bien le commandant, mais il apparaît comme une espèce de brute, responsable par ailleurs de tous les maux d'Alison.
A noter encore l'importance des regards, les problèmes liés à la filiation... Entre constellation et consternation...

 


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