"Avec l'arrivée de Neal a commencé cette partie de ma
vie qu'on pourrait appeler ma vie sur la route. Neal, c'est le type idéal,
pour la route, parce que lui, il y est né, sur la route" Neal
Cassady, chauffard génial, prophète gigolo à la bisexualité
triomphale, pique-assiette inspiré et vagabond mystique, est assurément
la plus grande rencontre de Jack Kerouac, avec Allen Ginsberg et William
Burroughs, autres compagnons d'équipées qui apparaissent ici
sous leurs vrais noms. La virée, dans sa bande originale : un
long ruban de papier, analogue à celui de la route, sur lequel l'auteur
a crépité son texte sans s'arrêter, page unique, paragraphe
unique. |
|
Jack Kerouac
Sur la Route
Nous avons lu ce livre en juin 2012.
Mireille
J'ai lu et vu le film et j'ai donc deux avis. Le livre. Je trouve l'écriture
exceptionnelle : chapeau, je suis admirative, je veux bien croire
qu'il a pris des notes. On est embarqué avec lui mais on ne retient
rien des personnages. Mais je suis allée voir le film avant d'avoir
terminé de lire le livre et le film m'a embrouillée. J'ai
regretté. Ces personnages sont loin de moi, je suis pleine de tabous.
Cela m'a fait un peu peur, c'est épuisant. J'ai lu les 200 premières
pages avec plaisir, c'est fabuleux, mais j'ai continué avec peine.
Les femmes, la sexualité débridée, la drogue, je
n'ai pas connu. Je suis abasourdie par l'écriture. Et le voyage
est fabuleux : j'ai aimé globalement. Je suis assez contente
de l'avoir lu. Je pense à Pérec et sa Vie Mode d'emploi
avec le côté fouillé obsessionnel, mais abandonné.
Jai eu tort de voir le film. J'ai du mal à comprendre ces filles,
leur sexualité, leur amour des hommes.
Françoise D
C'est le regard de Kerouac !
Mireille
Tu as raison.
Françoise D
Je l'avais lu dans ma jeunesse, sans souvenir. Il me reste quelque chose
des Clochards Célestes. Avec la nouvelle traduction, il
m'est tombé des mains. J'ai réessayé jusqu'à
la moitié, mais j'ai abandonné. J'en conclus que je ne me
suis pas identifiée. La route c'est redondant, c'est toujours la
même chose, ce sont des pauvres loosers, cela ne m'intéresse
pas franchement. L'écriture m'a semblé assez plate. On ne
sait pas ce qu'il veut, ses motivations, sa fuite en avant.
Monique
Il écrit, il veut vivre cela par l'écriture.
Françoise D
Je n'ai pas accroché. Il y a des clins d'il sur Burroughs
et Ginsberg, mais sans les clefs. J'ai préféré Les
Clochards célestes : c'est une quête spirituelle.
Je n'ai pas eu envie de voir le film.
Manuel
J'avais lu la première traduction qui était plate. Le livre
m'était tombé des mains. La nouvelle traduction est formidable !
Quel travail ! Le livre est complètement différent !
La traduction est flamboyante. C'est une époque qui m'intéresse,
qui n'était pas marrante juste après la guerre. Tous les
personnages sont excessifs et veulent croquer la vie à pleines
dents, dans les extrêmes. Le début quand il part de chez
sa mère, est très drôle avec le faux départ. Il
y a des personnages magnifiques. Les personnages sont magnifiques. Kerouac
plante vite le décor, on est tout de suite dedans. C'est un livre
sur l'après-guerre, sur l'amitié, un livre qui est fondateur
de la beat generation. Le seul défaut est qu'il y a beaucoup de
personnages et on s'y perd vite. Le livre dans sa nouvelle traduction
est un unique chapitre !
Annick L
A 18 ou 19 ans, c'est mon époque. Mes copains étaient plus
militants mais c'était une utopie. A 19 ans, un copain m'a prêté
le livre. C''était en 1970. Bien sûr on le vivait, on partait
en stop, j'ai claqué la porte de chez mes parents et je suis partie.
C'était une sorte de bible Sur la Route. C'était
une expérience de relire le livre. Mais ça m'est tombé
des mains malgré la nouvelle traduction. On ne lisait pas cela
pour la littérature mais comme une profession de foi. Il y a des
pages que j'ai sautés (le camion avec toute la bande). Ils sont
tous vautrés chez les uns et les autres par manque de fric ;
quant aux filles, comment n'ai-je pas réagi quand je l'ai lu !
Je ne renie pas le côté "vivre intensément"
mais c'est comme le désamour, on est déçu. Je n'irai
pas voir le film car j'ai gardé des images. Il y a un aspect régressif
du retour chez maman qui explique tout. (Annick a lu la première
version et non la deuxième).
Monique
Je n'avais jamais lu Kerouac. Je suis plus jeune que d'autre mais je n'ai
pas eu une jeunesse très drôle ; j'avais découvert
que Kerouac avait écrit des haïkus. Ce qui m'a étonnée,
c'est la recherche de Kerouac du côté du zen. C'est cela
qui m'intéressait. Dans la bibliothèque, il était
pris, je n'ai lu qu'une trentaine de pages dans la nouvelle version. La
puissance énergique de l'écriture est remarquable. C'était
nouveau, comme Céline dans le dialogue. Quant au fond, il est sur
la route, on passe d'un personnage à l'autre, sans le fouiller.
Pour les américains, on doit avoir la curiosité pour aller
voir à l'Ouest. On se dit pourquoi il fait cela. A se faire chier.
Il avait le projet d'écriture, le voyage compte peu par rapport
à l'écriture qui est une seconde vie.
Françoise D
Tu dis que le livre n'est intéressant qu'à condition que
tu confondes le narrateur et l'auteur.
J'ai lu une partie des Anges vagabonds, beaucoup plus intéressant
où il évoque le lâché prise. Il y est plus
"bouddhiste". Le portrait de la mère est très
beau. L'écriture est plus fouillée, moins instantanée.
Les portraits des femmes me posent problème. Il y a une personne
autiste et il y a, dans les anges vagabonds, une bienveillance. Je regrette
qu'on n'ait pas lu Kerouac pour l'été.
Jacqueline
J'ai commencé la nouvelle édition, je suis frappée
par le sens de l'observation, et la capacité de rendre compte d'un
moment c'est en cela que ce n'est pas très loin du haïku.
Mais très vite, ça me plombait car les partouzes et la drogue
m'ont barbée.
Manuel
Je suis étonnée, toi qui aime Bret Easton Ellis...
Claire
Ce n'est pas assez cruel !
Jacqueline
J'ai arrêté pour aller voir le film dont on m'a dit qu'il
était magique. Le film m'a beaucoup intéressée, cela
montre bien l'histoire, très rapidement, cela m'a fait l'effet
de L'Amant de Jean Jacques Annaud qui devient très cru par
rapport au livre.
Annick
Tu veux dire que cela donne une autre lecture ?
Jacqueline
Oui. Car il y a un beau portrait de Neil. L'humour disparaît. Le
film est relativement lourd. J'étais contente de voir les paysages
des États-Unis. Je ne sais quel jugement porter car je suis admirative
de l'écrivain, mais il pose un peu en écrivain.
Annick
C'est vrai qu'il pose...
Jacqueline
C'est un peu fumeux, intello fumeux.
Annick
Je me souviens qu'à la fac, si tu étais monogame, tu étais
débile, niaise. A la fac de Vincennes, c'était un monde
à part. Une sorte de Babel. C'était un conformisme à
l'envers.
Monique
On s'autorisait à dire oui, à dire non.
Claire
Je ne l'avais pas lu à l'époque où il était
à la mode. Je rejoins ce qu'Annick a dit. En première, je
prenais des amphétamines. C'était le mouvement peace and
love avec la musique. Je n'avais pas de références littéraires.
J'ai lu Roland Barthes plus tard. A l'époque c'était la
route des Indes, fumette et compagnie. L'année du bac, mes parents
avaient les boules. J'ai connu La Route grâce à la
fac en sciences éco. Mais j'ai décidé de partir en
Inde. J'ai pris l'Orient-Express à l'époque. Ce qui m'intéressait,
c'était les rencontres, loger chez les gens... J'ai été
rapatriée avant d'arriver en Inde. Je me suis rendu compte que
c'était plus intéressant de rester sur place. Je suis partie
en Afrique mais je suis revenue.
Pour en revenir au livre, il y a cette énorme préface. L'écriture
est formidable. Il n'y a pas de paragraphe, ça entraîne,
on est happé dès le début mais ça m'est tombé
des mains. C'est tout le temps pareil.
J'ai vu le film qui commence par une chanson de blues, on est happé,
mais ça ne tient pas la route. Ça devient chiant. Le formidable
personnage de Lean est plus sexy que Kerouac. Kerouac est pâlichon.
Le film correspond au livre : c'est chiant ! Il n'y a aucune
sensualité des paysages. Pour les femmes, il a une envie compulsive.
Les actrices ont de très beaux rôles. La scène dans
la voiture quand ils sont tous les trois est formidable. Ce qui m'a vraiment
intéressée, c'est la musique, l'écriture et ce qui
est autour du livre.
Marithé (avis transmis de Bretagne)
Il y a quelques années j'avais essayé de lire Sur la
route de Jack Kerouac. Je m'étais arrêtée en chemin.
J'ai donc repris le livre cette année, j'ai "marché"
plus longuement que la première fois, mais je me suis encore arrêtée
en cours de route. Pourtant, j'aime ce que je lis, mais ça devient
long et répétitif au bout d'un certain temps ; je ralentis
et je n'arrive plus à avancer. Alors, je pense à Kerouac
qui écrivait : "Je
suis allé vite parce que la route est rapide. J'ai rédigé
mon livre en 20 jours, sur un ruban de papier de 37 mètres de long
que j'ai fait défiler dans la machine à écrire sans
faire le moindre paragraphe. Je l'ai déroulé sur le sol,
on dirait une route..."
Je trouve vraiment très juste ce que Walter Salles (réalisateur
du film Sur la route, que j'ai vu et aimé, même si
je n'y ai pas trouvé la force sans doute inadaptable qui se dégage
du livre) disait il y a 4 ans : "Ces
récits... parlent d'individus en quête d'expansion dans un
monde qui se crispe et se rétracte". La réponse
à ce monde-là est "dans
l'insoumission de la fuite et dans l'exaltation de la quête personnelle".
"L'euphorie de l'expansion
géographique retombait et ses héros cherchaient, dans l'exploration
et dans l'épanouissement de tous les sens, une réponse à
leurs interrogations." Walter Salles qui disait aussi
qu'il gardait toujours à l'esprit un poème de Constantin
Cavafis évoquant le voyage d'Ulysse vers Ithaque : "N'écourte
pas ton voyage, mieux vaut qu'il dure de longues années et que
tu abordes dans ton île aux jours de ta vieillesse... Ithaque t'a
donné le beau voyage : sans elle, tu ne te serais pas mis
en route. Elle n'a plus rien d'autre à te donner."
Le voyage est une fin en soi, peu importe ce qu'il y a au bout de la route.
Du livre de Kerouac je retiens aussi cette amitié fraternelle unissant
intensément Jack Kerouac et Neal Cassady, "clochards célestes",
puis la fin (?), déchirante de cette amitié, (j'ai lu la
fin du livre).
J'avais lu il y a quelques années Satori à Paris
que j'avais préféré et touvé plus accessible
que Sur la route. Je conseille la biographie d'Yves Buin, Kerouac,
relatant entre autres de Jack Kerouac, "son
parcours terrestre partagé entre solitude, désespoir, extase
et jubilation, au travers de son Amérique tant aimée et
d'une quête divine, car écrire était pour lui une
prière adressée à Dieu." (là
c'est juste la quatrième de couverture).
Nous écrire
Accueil | Membres
| Calendrier | Nos
avis | Rencontres | Sorties
| Liens
|