Aimé Césaire
a prononcé ce discours
à l'Université Internationale
de Floride (Miami) en 1987.

Comme naguère Jean-Jacques Rousseau dénonçait le scandale d’une société fondée sur l’inégalité, avec la même clarté, et un bonheur d’écriture que seule peut inspirer la passion du juste, Aimé Césaire prend ses distance par rapport au monde occidental et le juge. Ce discours est un acte d’accusation et de libération. Sont assignés quelques ténors de la civilisation blanche et de son idéologie mystifiante, l’Humanisme formel et froid. En pleine lumière sont exposées d’horribles réalités : la barbarie du colonisateur et le malheur du colonisé, le fait même de la colonisation qui n’est qu’une machine exploiteuse d’hommes et déshumanisante, une machine à détruire des civilisations qui étaient belles, dignes et fraternelles. C’est la première fois qu’avec cette force est proclamée, face à l’Occident, la valeur des cultures nègres. Mais la violence de la pureté du cri sont à la mesure d’une grande exigence, ce texte chaud, à chaque instant, témoigne du souci des hommes, d’une authentique universalité humaine. Il s’inscrit dans la lignée de ces textes majeurs qui ne cessent de réveiller en chacun de nous la générosité de la lucidité révolutionnaires.

Aimé Césaire
Discours sur le colonialisme
suivi de Discours sur la Négritude

Nous avons lu ce livre en avril 2013.


Monique S
J'ai lu, non, j'ai écouté sur CD le Discours d'Aimé Césaire dans une collection "Voix au chapitre". J'ai trouvé que c'était un document exceptionnel. Très fort en rhétorique. Mais avec un étonnement aussi de trouver une rhétorique on ne peut plus classique, occidentale et gréco-latine. Je suis impressionnée par la qualité de la pensée, de l'étude, de l'argumentation. Qui aujourd'hui remet ainsi en cause nos façons de penser ? Quel média (radio, journal) donnerait le temps ou l'espace à une telle réflexion ? Une journaliste de RFI me disait qu'une intervention ne devait pas dépasser chez eux 1 min 50 s, qu'ils devaient s'estimer bien lotis, car sur France-info, le max est de 55 s. Cela dit, ce texte n'a jamais été prononcé en public ; il a été édité, et repris et enrichi à trois reprises lors de trois éditions différentes.
Mais quand même : Césaire réussit à démonter de façon implacable un préjugé et une réalité que l'histoire, la mauvaise conscience, les intérêts des nations avaient fini par travestir en bonne action.
Néanmoins, je reste dubitative devant certaines affirmations : faut-il vraiment sacraliser toutes les cultures car anciennes ? Faut-il présenter le nazisme comme une évolution, genre punition inévitable qui devait tomber sur les Européens ? Tous les noirs des victimes ? Tous les blancs des bourreaux ? Je préfère qu'on envisage chaque humain comme porteur de toutes les potentialités, les meilleures et les pires...
J'ai été intéressée et interrogée par l'idée hypothèse qu'une civilisation qui écraserait toutes celles qui l'entourent finirait par s'écrouler en son centre jusqu'à la ruine, que la confrontation des cultures diverses constituerait les digues contre la barbarie. Césaire démontre ici les façons retorses qu'on invente pour travestir la réalité et s'accommoder de ce qui pourrait nous déranger. Dans le livre qui accompagnait le CD, il y avait une analyse du discours de Dakar prononcé par Sarkozy qui montrait que chaque point du discours de Césaire était repris, détourné. On ne refait pas le monde...
Aujourd'hui, dans nos vies, la télévision, les infos de toutes sortes, certaines conditions de travail, la consommation, les modes... ne nous volent-elles pas notre temps de penser ? Notre liberté de penser ?
Je suis admirative de Césaire, je n'ai pas eu le temps mais j'ai très envie de lire sa poésie...

Mireille
Je n’ai pas grand-chose à dire car tout est dit dans le texte même. J’ai été étonnée par Octave Mannoni, j’ai été vérifier et ai lu le texte intégral, édifiant quant à son racisme. Je ne connaissais pas Caillois. J’ai aimé le livre de Césaire, oui, mais c’est plus compliqué, j’ai été époustouflée. Je ne savais pas tout ça. J’ai été moins intéressée par le deuxième discours.
(Mireille lit un extrait du Cahier du retour au pays natal.)
C’est à faire lire à des enfants.

Françoise D
Lang l’avais mis au programme et Bayrou l’a enlevé suite à l’intervention d’un général...

Mireille
En tout cas la comparaison avec Hitler m’a marquée.

Claire
Je n’ai pas lu le livre entièrement, en dépit de ses 92 pages. Je l’ai lu comme un texte en soi, hors connaissance du contexte. Avec, donc, son écriture forte, ses néologismes (les macrotteurs, les matagraboliseurs). Mais tous ces noms d’individus inconnus ne faisaient pas mouche, avec des citations racistes sans référence, en ayant du mal à y croire, jusqu’à ce qu’apparaissent des noms que je connaissais : Mannoni, Caillois, Le Monde... et c’est vrai qu’alors la théorisation psychologique de la dépendance est stupéfiante. Je n’ai pas compris ce que venaient faire Les Chants de Maldoror. Je regrette de n’avoir pas lu le livre avec CD dont parlent Monique, Rozenn et Jacqueline, car j’aurais été beaucoup plus intéressée de pouvoir situer ce texte dans le parcours de Césaire, dans l’histoire, avec l’impact du texte.

Geneviève
Je suis très contente d’avoir lu ce livre et de dépasser ainsi la culpabilité à ne pas l’avoir lu. Le raisonnement d’Hitler m’a estomaquée. En 1955, année de publication du livre, année de ma naissance, on est encore dans la guerre. Jamais j’avais entendu cela, pensé cela, sur Hitler. J’ai été étonné par le conflit malgache. J’ai du mal avec les Français de l’étranger pour avoir vécu à plusieurs reprises leur contact. Notamment en Amérique latine où je me suis trouvée notable, où on m’a expliqué comment traiter les bonnes... Je suis reconnaissante au groupe de l’avoir programmé. Effectivement le deuxième texte est moins fort.
Jacqueline
Je regrette d’avoir été malade et de l’avoir lu trop vite. Je trouve cela extraordinaire, l’éloquence me parle. L’écrivain, son style, sa langue, me parle. J’ai écouté d’abord le CD avec la voix de Vitez, puis je l’ai lu. Je me fichais de ne pas tout comprendre, de qui a écrit quoi. Depuis, j'ai lu une biographie de Césaire qui explique que ce texte , avant d'être revu pour sa parution par un éditeur ami en 55, avait d'abord été écrit à la demande d'une revue à la fin des années quarante et que la polémique vise aussi, à travers les auteurs cités, les autres participants du même numéro. Je n’ai pas été surprise de ce racisme que j'avais vu mis en scène l'année dernière dans un spectacle du Tarmac, déçue bien sûr par Mannoni...
Nous avions lu un livre de Céline écrit aussi dans les mêmes années et ses diatribes contre tous les politiques de l’époque. J’ai été sensible aux propos argumentés de Césaire comme à sa qualité de verbe. Je lis actuellement des extraits de presse de cette époque qui, me semble-t-il, était particulière pour ses propos, partiaux, caricaturaux, pour ses affrontements violents ou cachés. La verve de Césaire pour rétablir une réalité omise fait du bien...

Françoise D
La force du texte, sa violence, prennent aux tripes, à la gorge. J’ai trouvé une grande actualité à ce texte, sur l’économie, la rafle de matière première (les humains), les références, qui pour certaines m’ont fait tomber des nues... Il est visionnaire, en décrivant la colonisation. Il parle de l’universalisme, de la civilisation occidentale et l’argument, utilisé pour justifier des pratiques culturelles, laisse pointer les fondamentalismes religieux. Hitler c’est frappant. Mais quand même, c’est après la guerre qu’est née la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.

On peut entendre ICI le Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire.


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