Reinaldo Arenas
Avant la nuit

Nous avons lu ce livre en décembre 2012.


Philippe
Je l’avais lu il y a deux ans. Ce livre a un style exceptionnel, il exprime une sensualité (pour la nature et pas uniquement en terme de sexualité). Son destin est incroyable, sa trajectoire, son homosexualité, son opposition à Fidel Castro. Est-ce d’une certaine manière une « haine du père » qui l’inspire ? Il y a des passages merveilleux surtout quand il traverse l’océan entre Cuba et Guantanamo. Il essaie de partie à la nage. Sa vitalité est extraordinaire. A New York, il vit de petits métiers, dans la solitude. Un livre vrai et réussi. J’ai vu le film qui porte le même titre. J’ai envie de lire d’autres livres de lui.

Mireille
J’ai été frappée par la vitalité, la volonté de cet homme, son œuvre qu’il essaie d’envoyer en France, ses livres qu’il réécrit plusieurs fois, son honnêteté intellectuelle et politique admirables. J’ai découvert l’importance de la délation : on ne peut jamais se fier à aucun de ses amis. Toute sa vie, il a dû lutter contre la mort. Quand il est à l’hôpital, le médecin chante pour lui, c’est une scène émouvante. Il y a beaucoup d’anecdotes. Ce qu’il raconte de sa prison est impressionnant. Il cite de nombreux auteurs. Il n’est pas misérabiliste. L’homosexualité tient une grande place. Il a une capacité érotique phénoménale...

Manu
Merci d’avoir proposé ce livre. J’ai adoré. J’ai appris plein de choses. L’auteur est acerbe, critique des intellectuels occidentaux face au régime de Castro. C’est quelqu’un qui est vraiment acteur de sa vie. Il tient à ses opinions. J’ai aimé tout ce qui concerne l’homosexualité. Tout est interdit à Cuba, alors c’est la profession d’écrivain et la sexualité qui deviennent infinies. Il descend Garcia Marquez, il est contre Fuentes. J’ai adoré la fin, des pages magnifiques sur New York : la neige, le verre qui explose… C’est d’une grande pudeur, avec un grand talent d’écrivain. On se perd un peu dans les personnages.

Jacqueline
J’ai lu très vite, car c’est un livre prenant. Je n’ai pas eu le temps de revenir dessus. J’ai ressenti la vitalité, la force de l’auteur, sa dignité en prison.

Françoise D
Je suis d’accord avec ce qui a été dit : c’est un personnage attachant, avec un parcours incroyable. On connaissait déjà en 70 ce qui se passait à Cuba. Ce qui est malheureusement banal, c’est ce que vivent tous les opposants aux dictatures. Cette homosexualité exacerbée m’a dérangée : Cuba est-il un vaste lupanar ? Était-ce nécessaire d’insister autant ? Il y a beaucoup de répétitions ; l’attitude de sa tante qui le loge et le dénonce est souvent répétée. Le récit est quant même prenant. Il y a de très belles pages. Mais il y a un côté compulsionnel un peu fatigant.

Brigitte
Je ne connaissais pas du tout. Nous avions lu Zoé Valdes ici : il y a rien à manger (à Cuba). C’est intéressant. Souvent les auteurs ont envie de transmettre un message, mais lui non, ça passe très bien, il arrive à nous dire en trois phrases l’essentiel (ex : page 110 sur l’agriculture ou l’élevage). Il est capable de donner un coup de phare en arrière (page 140 sur Lezama, quelqu’un qui donne sens à la vie des autres). C’est une grande maîtrise, c’est très bien résumé. C’est « très magnifique »...« Oui, le courage est une folie, mais pleine de grandeur » ; sur l’exil : « je n’existe pas depuis que je suis en exil ».

Henri
Je ne connaissais pas l’auteur. J’ai lu le livre d’une traite. J’ai été touché par cet ancrage (il mange de la terre) dès l’enfance à sa terre cubaine. En prison, ce qui faisait la jouissance de la vie, la beauté, sa sexualité débridée, tout s’arrête car il ne veut pas être contaminé par la noirceur et le sordide de la prise (page 144) « la beauté est dangereuse […] pour les dictatures. La beauté échappe à leur pouvoir ». La lecture est facile. Je voudrais lire un autre de ses livres pour mieux connaître son style, hors biographie. Merci de m’avoir fait connaître cet auteur. C’est très beau, la trahison et le pardon. Je me demande quel lien on peut faire entre la marginalité liée à l’homosexualité et la capacité de résistance de cet homme.

Claire B
J’ai appris beaucoup de choses comme Manu, en découvrant de l’intérieur ce que vivaient les Cubains (ou vivent). Ce livre est captivant, on oublie que c’est un gros livre ! Plaisir de l’écriture, du récit... Sont mêlées les violences de toutes sortes et cette joie de vivre et cette passion pour l’écriture. On voit comment l’écriture naît chez lui et comment elle le tient, quand le manuscrit disparaît, quand il réécrit plusieurs fois son livre (Encore une fois la mer). Et les rencontres clandestines pour se lire des textes. Quel périple : il commence frustre, baisant les chèvres, et termine raffiné, parmi l’élite intellectuelle internationale (peut-être encore avec les chèvres). A Cuba, il donne l’impression que tout le monde est homosexuel ! (Je n’ai pas remarqué quand j’ai été à Cuba...). Sa vie sexuelle disparaît quand il est en prison, car là, il n’y a pas de joie et donc plus de place pour cette jouissance. Car même les pissotières sont sous le signe de la joie, de la jouissance. C’est un personnage plus qu’attachant, je l’aime. C’est un livre extraordinaire, foisonnant, passionnant. Je suis contente de l’avoir découvert à travers le récit de sa vie.

Claire BC
C’est moi qui ai proposé le livre.

Claire B
Tu as réussi ton coup !

Claire BC
J’ai vécu un an à Cuba en 1978. J’ai lu ce livre il y a une dizaine d’années. Il met en mots de façon magistrale comment une dictature arrive à désagréger un peuple aussi pétulant que les Cubains. C’est un champ de contrôle. J’ai constaté la présence constante des soviétiques. Tout le monde se connaît, tout le monde peut parler, être traitre : cela, il le décrit très bien. Ce qu’il raconte sur le onzième festival de la jeunesse où toute la Havane avait été écrémée. Tout est vrai. J’ai relu le livre, j’ai été plus attentive à cette économie libidinale du héros (de l’auteur). Le désir n’est pas vivant en soi. Cette sexualité flamboyante qui disparaît en prison, c’est extraordinaire.

Philippe
Il y a un moment pour jouir, et un moment pour arrêter de jouir, donc c’est la mort

Claire BC
Ouvert en grand. Oui, mais il y a aussi le travail, quand il ne peut plus écrire, il n’y a plus de raison de vivre. Quand il arrive à Miami, il a un regard magnifique sur Miami. Il conserve sa distance. Il ne sombre pas dans cette vie facile. Ce livre m’a frappée comme Si c’est un homme de Primo Levi. J’aime cette écriture, mais je n’aime pas Encore un fois la mer à cause de son côté fantastique : la langue est trop chargée, je n’aime pas cette écriture trop décorative.

Monique
Fiévreuse et grippée, je ne peux pas venir pour Avant la nuit que j'ai découvert ainsi que l'auteur et aimé j'ai appris beaucoup de choses sur le régime castriste et sa cruauté. J'ai apprécié la sincérité d’Arenas et son désir de tout dire et raconter : sa sensualité exubérante, sa lutte à vie, son acharnement à attaquer Castro, ses moments de colère et de déception vis-à-vis des amis. L'écriture est directe et proche de la nature qu'il décrit très bien. Merci de me l'avoir fait découvrir.


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De l'enfant nu qui mange de la terre dans une vieille ferme de Holguín à l'exilé cubain qui, à quarante-sept ans, malade, se donne la mort à New York, l'existence de Reinaldo Arenas est guidée par l'anticonformisme viscéral de qui a osé prendre tous les risques.