Jean Hatzfeld
Où en est la nuit

Nous avons lu ce livre en février 2013.

Annick A
J’ai beaucoup aimé ce livre, cette écriture qui met à distance le lecteur, qui n’est pas dans le narratif, ni dans l’identification. J’ai beaucoup aimé le début, la description du désert, de l’oasis. Des phrases courtes, peu de mots, pour évoquer l’oasis, les marchands qui passent, la proximité du front dont on ne parle pas et cette mise à distance de la guerre. J’ai beaucoup aimé ces deux civilisations si différentes. Quant à ce qui arrive à Ayanleh quand le journaliste va le rechercher, il ne raconte rien de ce qu’il a vécu. Les personnages ne disent pas ce qu’ils ressentent. Il ressort un sentiment de fatalisme, de destin. Il y a une mise à distance des personnages et de la manière dont ils sont mis en scène. On vit avec eux sans identification. Je n’ai pas aimé la description de leur séjour à Paris : pour moi, ce n’est pas Paris. Tout ce qui concerne la course, c’est très intéressant, avec le rapport d’Ayanleh à son corps dans la course.

Rozenn
Au début, j’ai cru que le livre me plaisait, puis il m’a agacée. C’est assez froid. Ce qui est en creux est ce qui est fascinant. Notamment cette femme qui est toute la nuit au bar. On ne sait rien sur elle. On ne sait rien de la guerre. Je trouve la vision de l’Afrique stéréotypée. C’est assez gentil ! Pas de sensations, pas de couleurs, pas d’odeurs. Sauf les chameaux. Son histoire avec la kiné, c’est dérisoire, pas crédible. Il se raconte l’histoire, mais on ne la vit pas. J’ai été perpétuellement frustrée : j’ai envie de lire ce qui est en creux.

Mireille
J’ai essayé de voir qui était Jean Hatzfeld. J'ai lu La stratégie des antilopes que j'ai adoré. Dans ce livre-ci, j’ai aimé le désert, ce qu’il en dit, les chameaux, les ânes, les chèvres, les brebis... J’ai aimé ce qu’il dit de la guerre. Ce roman est rythmé par les rencontres de Frédéric, il est un passeur, il s’efface, c’est un reportage. On rentre dans l’histoire au travers de ce que chacun raconte. Et j’ai aimé le mystère, comme la rencontre avec Ayanleh et Frédéric s’engage à retrouver sa femme, puis Tirumesh, puis le prêtre qui parle de la foulée du marcheur dès l’enfance, une autre rencontre avec Tirumesh avant la rencontre avec Anna et l’affaire de dopage ; encore une rencontre avec Tirumesh dans son village et Ayanleh qu’il voit à la fin auprès des chameaux. J’ai noté la parole d’Ayanleh sur les chameaux : "ils savent qu’ils sont nés dans la poussière...". Il parle des chameaux et peu de lui à Frédéric qui s’attache à ses personnages en les laissant vivre, se déplacer librement dans le monde. Au passage sont restitués des événements de chaque pays, en Tchéquie, au Pakistan. Jean Hatzfeld mène ses entretiens au plus près, avec une éthique de journaliste (dont Mireille donne de nombreux exemples). C’est un récit, un roman fictionnel, avec deux aspects très mélangés.
Jacqueline
Grâce au groupe et en particulier à Marie-Jo qui nous avait conseillé fortement le livre de Hatzfeld sur le Rwanda, j’avais lu Une saison de machettes qui m’a bouleversée. Ce sont des interviews où il arrive à laisser parler et nous confronte à ce que peut être la pensée d’un bourreau. Il y a un travail d’écriture. Il a interviewé des Tutsis, puis des Hutus avant qu’ils soient jugés. J’avais donc un préjugé favorable sur Hatzfeld et j’avais lu Où en est la nuit quand c’est sorti. Ce roman m’a énormément accrochée. Il m’en est resté des images du désert, des images d’une situation politique épouvantable, que sa femme était un peu persécutée, j’avais un vague souvenir du "trafiquant" russe. Je l’ai relu et je pense que c’est un grand roman, tout en me sentant incapable d’un jugement littéraire. Je m’identifie assez à la femme d’Ayanleh. Il y a un très grand respect des uns et des autres. Le personnage russe, on ignore tout à fait ce qu’il fait, mais dans ce roman, il a un beau rôle. On ne connaît pas tout à fait les gens. Pour moi c’est un texte très philosophique. Comment réagir devant les choses auxquelles on ne peut rien ?

Henri
Au début, j’ai été sous le charme, j’aimais l’écriture, la guerre à distance, le désert. Je me suis très vite ennuyé. Deux choses m’ont influencé dans mon approche du livre : le souvenir d’un très beau reportage sur toute la lignée des coureurs de fond dont Abebe Bikila et le fait que j’ai un ami grand reporter qui a couvert la moitié des pays d’Afrique (et qui a écrit un livre). L’esthétique de la course de fond et du dépassement de soi, c’est un sujet assez connu ; je vois beaucoup de clichés. Ce type (le reporter) est payé à quoi ? Que fait-il ? Il n’est pas stressé... J’ai été progressivement de plus en plus agacé. L’auteur fait du name-dropping, passant de pays en pays, il balance à chaque page des lieux en nous citant les cafés, les hôtels, les pizzerias qu’il connaît comme sa poche. Quand il est arrivé à l’explication du « dopage » par la malaria, l’affaire était bouclée et mon intérêt a vite chuté. L’allusion à Lucy, aux hominidés et à la sagesse ancestrale d’un peuple qui aurait gagné la station debout, m’a semblé trop appuyée et sonne faux. Pourtant l’écriture distanciée est intéressante et Hatzfeld est sûrement un type bien. Mais on ne sait jamais ce qu’il pense, et les personnages n’ont pas de consistance. Le livre n’a pas tenu sa promesse des premières pages. Je suis très déçu.
Françoise D
Je connaissais Jean Hatzfeld. J’avais refusé de lire Une saison de machettes sur le Rwanda. J’ai été tout de suite prise par le récit. On sent qu’il aime l’Afrique. Les descriptions sont poétiques, suggestives. J’aime cette écriture. J’ai été intéressée par l’histoire du marathonien. L’histoire avec Anna est un peu superflue. Il est intéressant que le narrateur se mette en retrait. Je suis d’accord avec Josyane Savigneau qui dit qu’il n’est pas très doué pour les dialogues. J’ai aimé la rencontre avec le prêtre, le récit de Tirumesh. A eu du plaisir à lire ce livre.

Brigitte
Je ne connaissais pas. J’ai été très frappée par le début et admiratrice des premières pages sur le désert. L’écriture est légère telle la course du marathonien. J’aime qu’il ne fasse que passer, qu’il y ait du creux : l’écriture est adaptée au sujet. L’histoire d’amour d’Anna est, c’est vrai, lourdingue. J’ai découvert le monde des champions, le choc des cultures : de nombreux Éthiopiens pourraient être le héros. C’est normal que l’on ne reconnaisse pas Paris, c’est un Paris qui n’est pas le nôtre. La femme va au jardin du Luxembourg avec les nounous et rencontre le soir les plus hautes personnalités. Le marathonien va au front, il est malheureux parce qu’il a mal aux jambes, ce détail nous plonge dans un autre monde. Je suis informée, ouverte sur le monde, et à côté de moi il y a ce que je ne connais pas. Il parle des sportifs de haut niveau et forcément du dopage ; mais il ne réagit pas comme nous après la découverte du dopage. Et la grand-mère qui apprend le français... Le livre met en cause ma manière de juger, avec cet abord d’un monde que je ne connaissais pas. Ces personnages sont capables de supporter ce passage d’un monde à l’autre, sans barguigner. Ce livre, léger, touche des choses fortes. C’est vrai, le récit du dopage, on aurait pu s’en passer.

Imanol
Je ne connaissais pas cet auteur. Mais je connais le monde de la course (j’ai couru le demi-marathon). Cette description de l’athlétisme ne me plaît pas. Ça raconte l’histoire d’Abebe Bikila, qui est la vie d’Ayanleh. Je trouve le livre "journalistique". Un jour on est un héros, et le lendemain on est dans les enfers. David et Goliath ! La guerre, l’histoire d’Anna constituent un potentiel qui n’est pas exploité. C’est un journaliste de guerre qui n’a jamais de contraintes. Ce choc des cultures, comment il a accepté cette accusation de dopage, cela paraît normal dans ce type de culture. C’est un livre plus journalistique que littéraire.
Monique S
J’ai peu de choses positives à dire. J’ai beaucoup aimé le début. C’est un lieu de vie que je ne peux pas connaître. J’étais sur le front, avec lui. J’ai aimé comme Ayanleh hantait le journaliste. L’enquête ne m’intéresse pas. La course, je n’en ai rien à faire. On a plusieurs fois la même description du "coureur mystique". Je me suis ennuyée, je ne "vois" pas Tirumesh. Les chapitres sont découpés de façon bizarre. N’a rien ressenti par rapport à la vie à Paris. Le journaliste, c’est le "bobo qui se la pète", agaçant ! Les dialogues, c’est l’horreur ! Avec Anna, on peine. Dans les dialogues, il s’ennuie, donc il parle carrément "en récit". Comment Gallimard peut-il accepter de l’éditer ?!

Claire B
Très vite j’ai été gênée par Frédéric, presque dès le premier paragraphe... Je trouve que dans le choix de la première ou de la troisième personne, il s’est planté et je me suis sentie mal à l’aise, dans un artifice mal fichu ; il renonce à la première personne pour distinguer cet essai de fiction du reportage et il a tort (je trouve). J’ai apprécié de retrouver beaucoup d’éléments que j'ai rencontrés en Afrique. Nous n’avons pas dû choisir le bon livre. C’est un registre bâtard, car ce qui intéressant c’est quand il fait œuvre de journaliste mais pas d’écrivain. C’est un monde où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, sans souffrance. Quand l’auteur présente son livre sur Arte, il semble magnifier l’Afrique, berceau de l’humanité. Le lecteur est mis à distance ? Cette distance est gênante, elle sonne faux comme une maladresse. Le prêtre coach, l’histoire d’amour avec Anna, les dialogues, nuisent à la vraisemblance.
Monique D
J'ai été vite embarquée par l'histoire, le reportage dans ces pays en guerre, la description réaliste, l'atmosphère très bien décrites. Puis ensuite j'ai été intriguée par l'histoire de ce marathonien accusé de dopage et son parcours si particulier. L'enquête menée par le journaliste Frédéric m'a déçue. J'ai suivi le parcours à Adis Abeba, en France auprès de la femme du marathonien, de son ostéopathe, du prêtre qui l'a entraîné. J'attendais plus de révélations inattendues sur les raisons de cette déchéance. Je suis restée sur ma faim. Au milieu du livre, j'ai décroché même si j'ai tout lu. Je trouve que l'auteur ne nous tient pas en haleine. Sans doute est-ce son choix de faire plutôt un reportage mais alors pourquoi les intrigues avec les deux femmes ? Il me reste les détails des pays traversés, des mondes et des personnes rencontrés et aussi les particularités des sensations de ceux qui courent les marathons. De très beaux passages.

Geneviève
C’est moi qui ai proposé le livre. J’avais pensé à Ébène. Pour moi on est en Afrique du début à la fin. L’épisode d’Anna ne m’a a pas tellement plu. Ce que j’ai aimé c’est cet enracinement dans le désert, dans le sol et l’acceptation du destin, télescopé avec le marathon et le lecteur est interpellé par ce coureur devenu immobile. Ayanleh ne veut pas savoir, pour le dopage, il s’en fiche. Il est manipulé du début à la fin. On le monte en épingle et on le laisse tomber. Le télescopage entre deux mondes est impressionnant. J’ai un faible pour les chameaux, ils représentent ce mouvement lent, inéluctable, et ils transportent des téléphones portables ! Hatzfeld est meilleur dans l’extériorité et son intérêt pour ce pays est évident. Il le respecte. Pour moi, il n’y a pas de froideur. Ayanleh sait que sa femme se prostitue pour vivre, mais il ne veut pas le savoir, il sauve la face. J’ai beaucoup aimé.

Claire BC
Je me suis trompée de livre et ai lu Coetzee. Après avoir entendu tout le monde, je ne lirai pas le livre d’Hatzfeld. Certains ont dit qu’ils se sont ennuyés. Le point de vue de Geneviève est intéressant, il révèle son univers intérieur plus intéressant que le livre...



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Frédéric, journaliste, se retrouve coincé quelques jours dans une oasis à la frontière entre l'Éthiopie et la Somalie, où se déroulent des combats. Là, il partage quelque temps la vie des Bédouins et des soldats, en attendant de pouvoir rejoindre Addis-Abeba. Passionné de sport, il va faire la connaissance d'Ayanleh Makeda, une légende vivante de la course à pied, ne pouvant plus pratiquer.