Où en est la nuit
Frédéric, journaliste, se retrouve coincé
quelques jours dans une oasis à la frontière entre l'Éthiopie
et la Somalie, où se déroulent des combats. Là, il
partage quelque temps la vie des Bédouins et des soldats, en attendant
de pouvoir rejoindre Addis-Abeba. Passionné de sport, il va faire
la connaissance d'Ayanleh Makeda, une légende vivante de la course
à pied, ne pouvant plus pratiquer.
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Jean Hatzfeld
Où en est la nuit
Nous avons lu ce livre en février
2013.
La journaliste Sophie Herber a assisté à
une partie de la séance en vue de son livre Guide
des amateurs de littérature à Paris (Parigramme,
2013) qui présentera Voix au chapitre (voir l'extrait ICI),
présentation qui sera reprise dans Paris
des amateurs de littérature à Paris (Parigramme,
2018).
Annick A
Jai beaucoup aimé ce livre, cette écriture qui met
à distance le lecteur, qui nest pas dans le narratif, ni
dans lidentification. Jai beaucoup aimé le début,
la description du désert, de loasis. Des phrases courtes,
peu de mots, pour évoquer loasis, les marchands qui passent,
la proximité du front dont on ne parle pas et cette mise à
distance de la guerre. Jai beaucoup aimé ces deux civilisations
si différentes. Quant à ce qui arrive à Ayanleh quand
le journaliste va le rechercher, il ne raconte rien de ce quil a
vécu. Les personnages ne disent pas ce quils ressentent.
Il ressort un sentiment de fatalisme, de destin. Il y a une mise à
distance des personnages et de la manière dont ils sont mis en
scène. On vit avec eux sans identification. Je nai pas aimé
la description de leur séjour à Paris : pour moi, ce
nest pas Paris. Tout ce qui concerne la course, cest très
intéressant, avec le rapport dAyanleh à son corps
dans la course.
Rozenn
Au début, jai cru que le livre me plaisait, puis il ma
agacée. Cest assez froid. Ce qui est en creux est ce qui
est fascinant. Notamment cette femme qui est toute la nuit au bar. On
ne sait rien sur elle. On ne sait rien de la guerre. Je trouve la vision
de lAfrique stéréotypée. Cest assez gentil !
Pas de sensations, pas de couleurs, pas dodeurs. Sauf les chameaux.
Son histoire avec la kiné, cest dérisoire, pas crédible.
Il se raconte lhistoire, mais on ne la vit pas. Jai été
perpétuellement frustrée : jai envie de lire
ce qui est en creux.
Mireille
Jai essayé de voir qui était Jean Hatzfeld. J'ai lu
La stratégie des antilopes que j'ai adoré. Dans
ce livre-ci, jai aimé le désert, ce quil en
dit, les chameaux, les ânes, les chèvres, les brebis... Jai
aimé ce quil dit de la guerre. Ce roman est rythmé
par les rencontres de Frédéric, il est un passeur, il sefface,
cest un reportage. On rentre dans lhistoire au travers de
ce que chacun raconte. Et jai aimé le mystère, comme
la rencontre avec Ayanleh et Frédéric sengage à
retrouver sa femme, puis Tirumesh, puis le prêtre qui parle de la
foulée du marcheur dès lenfance, une autre rencontre
avec Tirumesh avant la rencontre avec Anna et laffaire de dopage ;
encore une rencontre avec Tirumesh dans son village et Ayanleh quil
voit à la fin auprès des chameaux. Jai noté
la parole dAyanleh sur les chameaux : "ils savent quils
sont nés dans la poussière...". Il parle des chameaux
et peu de lui à Frédéric qui sattache à
ses personnages en les laissant vivre, se déplacer librement dans
le monde. Au passage sont restitués des événements
de chaque pays, en Tchéquie, au Pakistan. Jean Hatzfeld mène
ses entretiens au plus près, avec une éthique de journaliste
(dont Mireille donne de nombreux exemples). Cest un récit,
un roman fictionnel, avec deux aspects très mélangés.
Jacqueline
Grâce au groupe et en particulier à Marie-Jo qui nous avait
conseillé fortement le livre de Hatzfeld sur le Rwanda, javais
lu Une
saison de machettes qui ma bouleversée. Ce sont des
interviews où il arrive à laisser parler et nous confronte
à ce que peut être la pensée dun bourreau. Il
y a un travail décriture. Il a interviewé des Tutsis,
puis des Hutus avant quils soient jugés. Javais donc
un préjugé favorable sur Hatzfeld et javais lu Où
en est la nuit quand cest sorti. Ce roman ma énormément
accrochée. Il men est resté des images du désert,
des images dune situation politique épouvantable, que sa
femme était un peu persécutée, javais un vague
souvenir du "trafiquant" russe. Je lai relu et je pense
que cest un grand roman, tout en me sentant incapable dun
jugement littéraire. Je midentifie assez à la femme
dAyanleh. Il y a un très grand respect des uns et des autres.
Le personnage russe, on ignore tout à fait ce quil fait,
mais dans ce roman, il a un beau rôle. On ne connaît pas tout
à fait les gens. Pour moi cest un texte très philosophique.
Comment réagir devant les choses auxquelles on ne peut rien ?
Henri
Au début, jai été sous le charme, jaimais
lécriture, la guerre à distance, le désert.
Je me suis très vite ennuyé. Deux choses mont influencé
dans mon approche du livre : le souvenir dun très beau
reportage sur toute la lignée des coureurs de fond dont Abebe Bikila
et le fait que jai un ami grand reporter qui a couvert la moitié
des pays dAfrique (et qui a écrit un livre). Lesthétique
de la course de fond et du dépassement de soi, cest un sujet
assez connu ; je vois beaucoup de clichés. Ce type (le reporter)
est payé à quoi ? Que fait-il ? Il nest
pas stressé... Jai été progressivement de plus
en plus agacé. Lauteur fait du name-dropping, passant de
pays en pays, il balance à chaque page des lieux en nous citant
les cafés, les hôtels, les pizzerias quil connaît
comme sa poche. Quand il est arrivé à lexplication
du « dopage » par la malaria, laffaire était
bouclée et mon intérêt a vite chuté. Lallusion
à Lucy, aux hominidés et à la sagesse ancestrale
dun peuple qui aurait gagné la station debout, ma semblé
trop appuyée et sonne faux. Pourtant lécriture distanciée
est intéressante et Hatzfeld est sûrement un type bien. Mais
on ne sait jamais ce quil pense, et les personnages nont pas
de consistance. Le livre na pas tenu sa promesse des premières
pages. Je suis très déçu.
Françoise D
Je connaissais Jean Hatzfeld. Javais refusé de lire Une
saison de machettes sur le Rwanda. Jai été
tout de suite prise par le récit. On sent quil aime lAfrique.
Les descriptions sont poétiques, suggestives. Jaime cette
écriture. Jai été intéressée
par lhistoire du marathonien. Lhistoire avec Anna est un peu
superflue. Il est intéressant que le narrateur se mette en retrait.
Je suis daccord avec Josyane Savigneau qui dit quil nest
pas très doué pour les dialogues. Jai aimé
la rencontre avec le prêtre, le récit de Tirumesh. A eu du
plaisir à lire ce livre.
Brigitte
Je ne connaissais pas. Jai été très frappée
par le début et admiratrice des premières pages sur le désert.
Lécriture est légère telle la course du marathonien.
Jaime quil ne fasse que passer, quil y ait du creux :
lécriture est adaptée au sujet. Lhistoire damour
dAnna est, cest vrai, lourdingue. Jai découvert
le monde des champions, le choc des cultures : de nombreux Éthiopiens
pourraient être le héros. Cest normal que lon
ne reconnaisse pas Paris, cest un Paris qui nest pas le nôtre.
La femme va au jardin du Luxembourg avec les nounous et rencontre le soir
les plus hautes personnalités. Le marathonien va au front, il est
malheureux parce quil a mal aux jambes, ce détail nous plonge
dans un autre monde. Je suis informée, ouverte sur le monde, et
à côté de moi il y a ce que je ne connais pas. Il
parle des sportifs de haut niveau et forcément du dopage ;
mais il ne réagit pas comme nous après la découverte
du dopage. Et la grand-mère qui apprend le français... Le
livre met en cause ma manière de juger, avec cet abord dun
monde que je ne connaissais pas. Ces personnages sont capables de supporter
ce passage dun monde à lautre, sans barguigner. Ce
livre, léger, touche des choses fortes. Cest vrai, le récit
du dopage, on aurait pu sen passer.
Imanol
Je ne connaissais pas cet auteur. Mais je connais le monde de la course
(jai couru le demi-marathon). Cette description de lathlétisme
ne me plaît pas. Ça raconte lhistoire dAbebe
Bikila, qui est la vie dAyanleh. Je trouve le livre "journalistique".
Un jour on est un héros, et le lendemain on est dans les enfers.
David et Goliath ! La guerre, lhistoire dAnna constituent
un potentiel qui nest pas exploité. Cest un journaliste
de guerre qui na jamais de contraintes. Ce choc des cultures, comment
il a accepté cette accusation de dopage, cela paraît normal
dans ce type de culture. Cest un livre plus journalistique que littéraire.
Monique S
Jai peu de choses positives à dire. Jai beaucoup aimé
le début. Cest un lieu de vie que je ne peux pas connaître.
Jétais sur le front, avec lui. Jai aimé comme
Ayanleh hantait le journaliste. Lenquête ne mintéresse
pas. La course, je nen ai rien à faire. On a plusieurs fois
la même description du "coureur mystique". Je me suis
ennuyée, je ne "vois" pas Tirumesh. Les chapitres sont
découpés de façon bizarre. Na rien ressenti
par rapport à la vie à Paris. Le journaliste, cest
le "bobo qui se la pète", agaçant !
Les dialogues, cest lhorreur ! Avec Anna, on peine. Dans
les dialogues, il sennuie, donc il parle carrément "en
récit". Comment Gallimard peut-il accepter de léditer ?!
Claire B
Très vite jai été gênée par Frédéric,
presque dès le premier paragraphe... Je trouve que dans le choix
de la première ou de la troisième personne, il sest
planté et je me suis sentie mal à laise, dans un artifice
mal fichu ; il renonce à la première personne pour
distinguer cet essai de fiction du reportage et il a tort (je trouve).
Jai apprécié de retrouver beaucoup déléments
que j'ai rencontrés en Afrique. Nous navons pas dû
choisir le bon livre. Cest un registre bâtard, car ce qui
intéressant cest quand il fait uvre de journaliste
mais pas décrivain. Cest un monde où tout le
monde il est beau, tout le monde il est gentil, sans souffrance. Quand
lauteur présente son livre sur Arte, il semble magnifier
lAfrique, berceau de lhumanité. Le lecteur est mis
à distance ? Cette distance est gênante, elle sonne
faux comme une maladresse. Le prêtre coach, lhistoire damour
avec Anna, les dialogues, nuisent à la vraisemblance.
Monique D
J'ai été vite embarquée par l'histoire, le reportage
dans ces pays en guerre, la description réaliste, l'atmosphère
très bien décrites. Puis ensuite j'ai été
intriguée par l'histoire de ce marathonien accusé de dopage
et son parcours si particulier. L'enquête menée par le journaliste
Frédéric m'a déçue. J'ai suivi le parcours
à Adis Abeba, en France auprès de la femme du marathonien,
de son ostéopathe, du prêtre qui l'a entraîné.
J'attendais plus de révélations inattendues sur les raisons
de cette déchéance. Je suis restée sur ma faim. Au
milieu du livre, j'ai décroché même si j'ai tout lu.
Je trouve que l'auteur ne nous tient pas en haleine. Sans doute est-ce
son choix de faire plutôt un reportage mais alors pourquoi les intrigues
avec les deux femmes ? Il me reste les détails des pays traversés,
des mondes et des personnes rencontrés et aussi les particularités
des sensations de ceux qui courent les marathons. De très beaux
passages.
Geneviève
Cest moi qui ai proposé le livre. Javais pensé
à Ébène.
Pour moi on est en Afrique du début à la fin. Lépisode
dAnna ne ma a pas tellement plu. Ce que jai aimé
cest cet enracinement dans le désert, dans le sol et lacceptation
du destin, télescopé avec le marathon et le lecteur est
interpellé par ce coureur devenu immobile. Ayanleh ne veut pas
savoir, pour le dopage, il sen fiche. Il est manipulé du
début à la fin. On le monte en épingle et on le laisse
tomber. Le télescopage entre deux mondes est impressionnant. Jai
un faible pour les chameaux, ils représentent ce mouvement lent,
inéluctable, et ils transportent des téléphones portables !
Hatzfeld est meilleur dans lextériorité et son intérêt
pour ce pays est évident. Il le respecte. Pour moi, il ny
a pas de froideur. Ayanleh sait que sa femme se prostitue pour vivre,
mais il ne veut pas le savoir, il sauve la face. Jai beaucoup aimé.
Claire BC
Je me suis trompée de livre et ai lu Coetzee. Après avoir
entendu tout le monde, je ne lirai pas le livre dHatzfeld. Certains
ont dit quils se sont ennuyés. Le point de vue de Geneviève
est intéressant, il révèle son univers intérieur
plus intéressant que le livre...
Nos
cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
à la folie, beaucoup,
moyennement, un peu, pas du tout
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