Anne Serre
Petite table, sois mise !
Nous avons lu ce livre en septembre 2012.
Monique
Un titre qui rappelle et annonce un conte, avec ses fées et ses
ogres. Du côté de l'auteur : le choix du thème
de l'inceste : un peu accrocheur, non ? Je ne me pose pas la
question du rapport avec la biographie de l'auteur. J'ai lu ce livre comme
un objet littéraire.
J'ai aimé le point de vue de la narratrice, son point de vue décalé,
par rapport à ce que l'on pourrait attendre, sur les relations
familiales apparemment joyeuses et évidentes. J'ai été
tenue en haleine, par son style, l'inattendu des propos, la force des
images créant un univers inédit, la vivacité des
enchainements, qui nous entraînent sans heurts, loin de nos représentations
habituelles. C'est donc de la grande littérature. Les scènes
sexuelles sont fascinantes, mais à peine dérangeantes, car
vues par l'esprit de l'enfant, qui ne peut penser la vie qu'en partant
des habitudes familiales. Je me demandais comment l'auteur allait arriver
à s'avancer son récit et à le terminer. Et je n'ai
pas été déçue : j'ai beaucoup aimé
l'implicite, cette fugue vers un ailleurs, où il est si difficile
de trouver sa place. Un esprit qui sans trop savoir pourquoi, ni comment,
se jette à corps perdu, vers sa liberté, au prix de l'amnésie
et d'une extrême solitude. Comme dans les contes, les deux ogres
privés de chair fraîche se meurent, mais sans que cela provoque
ici chez la narratrice ni chagrin, ni vengeance. On reste dans une brume
d'anesthésie, qui dit plus que tous les discours... Un tour de
force de nous amener en quelques pages à visiter l'univers d'une
victime de l'inceste et à appréhender quelque chose des
errances de l'après.
Annick A
J'ai eu beaucoup de mal à me défaire d'un regard sur ce
livre. Sur la première partie : je n'y croyais pas, la narratrice
ne peut pas être dans le bonheur qu'elle décrit. Mais la
narratrice, elle, y croit. Elle fait corps avec ses parents. C'est stupéfiant.
Le livre est très bien écrit, avec beaucoup de finesse.
Dans la deuxième partie il y a une phrase page 37 : Elle est
privée de corps et de sentiments. C'est stupéfiant. Elle
rencontre une femme avec qui il ne se passe rien. Elle parle quand même
de ce "désespoir si violent qu'on aurait dit un séisme
en mon cur, comme deux parties détachées" :
la table de sacrifice où elle a été torturée,
démembrée. La table est un thème intéressant.
Elle retrouve sa maison d'enfance, elle veut revenir sur son passé,
malheureusement, tout avait été changé ! Et
la table est effectivement mise. Elle retrouve sa sur et elles ne
parlent pas du passé. Sa personnalité est clouée.
Je pense que c'est autobiographique.
Jacqueline
J'ai lu d'autres livres de l'auteur. Je n'ai pas du tout aimé ce
livre. Je n'y crois pas. La manière dont est traitée cette
histoire m'a désagréablement déçue. Parodie
enfantine : oui on a tout ce qu'on veut sur la table. Mais ça
ne tient pas debout. Je n'y crois pas. C'est bien raconté. Mais
le style m'agace. Langage châtié et d'un autre siècle.
J'ai trouvé le même style convenu dans les autres livres
de l'auteur. Belles images mais qui se répètent.
Mireille
Je l'ai lu à quelques jours du dernier livre de Christine Angot.
Je ne sais pas si ça me plait, mais ça me questionne, c'est
intolérable. Sur Petite table soit mise ! je me suis
demandé pourquoi nous avions choisi ce livre. J'ai lu la première
partie difficilement même si c'est bien écrit. Dans la deuxième
partie, j'ai aimé l'errance. Je me demande si c'est vrai. J'ai
pensé à l'affaire d'Outreau. C'est un objet littéraire
qui me renvoie à son vécu proche du monde. J'ai aimé
l'histoire de l'assistante sociale. " nous n'étions pas
troublés de vivre dans un tel désordre " p.12
et p 13 "Papa et Maman allaient chez les grands parents, s'obligeaient
à la pudeur, à la discrétion." Situation déréglée
et pourtant si réglée où "notre famille
a toujours détesté la haine". Elle parle de la médisance
des voisins, de leur envie. L'assistante sociale se rend compte qu'ils
sont tous d'accord. Les jumeaux éducateurs : je n'y crois
pas du tout. Je refuserai toujours de dire que mon enfance fut nocive.
Je ne l'offrirai pas mais je le ferai lire à des amis. C'est un
livre difficile à lire mais très intéressant.
Claire B
C'est moi qui ai proposé ce livre. La lecture cruelle dAnnick
a beaucoup de force. Mais moi j'y crois complètement. C'est une
uvre littéraire. Quel monde merveilleux dans la famille où
tout le monde se tripote ! C'est écrit en "jeu".
On apprend justement par la femme italienne que la narratrice est drôle.
Il y a un jeu entre l'enfant et l'adulte, entre le temps de l'histoire
et l'après. On a l'impression d'un récit en train de se
faire. Jeu entre ces jeux érotiques et les références
culturelles. Sont évoqués des carnets intérieurs,
des dessins de la narratrice, avec des jeux entre la réalité
et une uvre. C'est très subtil. Jeu entre auteur et narrateur
(est-ce autobiographique ?). Je suis très sensible à
l'écriture qui est très subtile : "le coffre fort
de mon enfance", "tout m'était événement".
Le début, c'est une réussite fracassante, ce jeu avec les
corps, la dissimulation, des personnages hauts en couleur, grotesques.
Sans compter que les enfants ont de bons résulats scolaires, hihi.
J'ai cherché le conte de Grimm "Petite table, sois mise" ...
mais je ne l'ai pas trouvé.
Claire BC
Je me suis trompée de livre... j'ai lu Sophie Calle mais vos échanges
me donnent envie de lire Petite table, sois mise ! J'aime
entendre chacun s'exprimer, j'entre dans l'univers de chacun. L'interdiction
de l'inceste est de l'ordre du fondement.
Henri
Super un petit bouquin ! Le livre m'a énormément plu.
Je n'ai pas du tout cru à l'histoire. C'est un objet littéraire.
Elle nous en met plein la vue avec sa capacité d'écriture.
Il y a beaucoup d'humour, elle nous balade. Elle dénonce le voyeurisme
et l'hypocrisie. Le livre est bien construit. Renversement entre la féminité
et la masculinité : le père déguisé en
femme et la mère masculine ? Ce qui est beau c'est la dimension
existentielle. Il y a une cohésion familiale. Il y a un lien avec
la puissance : c'est une ressource inépuisable dans cette
famille. Il n'y aucun rapport avec d'autres enfants. J'ai surtout aimé
le début mais j'ai apprécié le décalage vers
la fin. Elle vit comme dans un rêve, d'un endroit à l'autre,
sans transition. Quand elle retrouve sa sur, elles ont une sorte
de nostalgie pour cette puissance perdue. Il y a une séparation
entre l'amour et la sexualité qui n'est pas admise par la société :
"Papa agissait avec une certaine brutalité qui nous charmait"
est la seule description un peu érotique. Ce livre est un tour
de force d'écrivain.
Brigitte
Je n'ai pas été embarquée. Je n'ai jamais adhéré.
Belle écriture. A part la narratrice, les personnages sont des
fantômes. La mère ne fait rien d'autre, n'a rien d'autre.
J'ai trouvé la rencontre de la fille avec son père habillé
en femme débile. Le père est-il trans ? Sa transsexualité
n'est pas cohérente avec ce qui se passe dans la maison. Livre
fermé mais j'ai beaucoup aimé l'écriture. Je n'ai
pas fait le lien avec le conte : je suis passée à côté.
Françoise D
Ce n'est pas un objet littéraire. C'est du politiquement correct
à cause de la différence entre les deux parties. La première
partie est très noire. Quand on aborde la deuxième partie,
on dit ouf ! La morale est sauve ! Ce n'était pas le
paradis sont enfance... Est-ce autobiographique ? Ou bien elle n'uvre
plus à maintenir l'atmosphère de la première partie ?
Était-ce que qu'elle voulait faire ou cela lui a échappé ?
Je regrette que l'auteur n'ait pas maintenu le niveau de la première
partie. On entre dans le piège de la réprobation de la première
partie mais pas dans la seconde. Je ne recommanderai ce livre à
personne.
Marie-Hélène
Je ne me suis pas senti piégée. J'ai beaucoup aimé
le livre. Je ne suis pas posé la question de la vraisemblance ni
celle de l'inceste. Dans la première partie, elle s'amuse avec
les clichés. Notamment avec le personnage de l'assistante sociale.
Elle n'a vu aucun mensonge. C'est la deuxième partie qui m'a intéressée,
surtout ce qui est dit sur le langage ; la comparaison de la table
avec un lac. J'ai écouté une interview d'Anne Serre où
elle disait qu'elle ne s'intéresse pas à l'autofiction et
que la table dont il est question est la table de travail.
Manuel
Le livre m'a intrigué. Où veut-elle en venir ? Y aurait-il
une morale ? Dans la deuxième partie elle parle de regrets
et de manque. C'est paradoxal. Elle a vécu quelque chose de très
fort dans son enfance, et paradoxalement, il y a un manque. Cette vie
d'errance, elle doit la vivre intensément. C'est très beau,
on est happé dès les premières pages. Il y a de très
belles images. Je ne pense pas que la narratrice rejette ce qu'elle a
vécu dans son enfance, c'était intense. Pourquoi un livre
pareil ? Où veut-elle en venir ?
Nous écrire
Accueil | Membres
| Calendrier | Nos
avis | Rencontres | Sorties
| Liens
|