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Richard Ford
Un week-end dans le Michigan
Nous avons lu ce livre en janvier 2013.
Ce livre est le premier des romans dont le héros est Frank Bascombe
(tous publiés par L'Olivier) :
- Un
week-end dans le Michigan (The Sportswriter, 1986)
- Indépendance
(Independence Day, 1995)
- L'État
des lieux (The Lay of the Land, 2006)
- En
toute franchise (Let Me Be Frank with You, 2014)
Manuel
Je ne serai pas là ce soir pour vous parler de ce week-end dans
le Michigan. J'étais enthousiaste à lidée de
lire ce récit dun journaliste sportif qui part faire un reportage
sur un footballeur américain paraplégique sur fond de questions
existentielles. De plus ça se passe aux États-Unis et pour
moi cest toujours une fête que de lire un auteur américain.
Merci à Henri davoir proposé ce livre.
Pour le narrateur, cest un nouveau départ, une belle aventure.
Lambiance très américaine et poisseuse me fait penser
aux tableaux de Hopper (superbe expo au Grand Palais !). Lincommunicabilité
tellement présente est bien rendue dans les premières pages.
Le malheur a frappé son couple. Est-ce que lui et sa femme était
fait lun pour lautre ? Malheureusement ma lecture s'essouffle...
Et je traîne le livre comme un boulet. Au bout de 200 pages, il
ne se passe pas grand chose. On se dit chouette, il est arrivé
à Détroit... Mais ça ne décolle toujours pas.
Mais je me trompe peut-être, je ne suis pas arrivé à
la moitié du livre.
Le narrateur ne m'est pas du tout sympathique. Il pose un regard froid
et clinique sur les choses et son entourage. Des formules surnagent dans
cette espèce de dialogue intérieur interminable... Comme
celle qui figure en 4ème de couverture : "Je
considère ma propre histoire comme une carte postale : dun
côté, des paysages et, de lautre, aucun message significatif."
Je nouvre pas le livre : je nai quune impression
parcellaire et nai pas encore compris où lauteur veut
en venir, quel est le projet du livre. J'aurais souhaité partager
cette soirée au moins pour connaître la fin...
Monique D
Après avoir été irritée et déprimée
par le personnage de Frank Bascombe qui semble être à côté
de sa vie et très velléitaire, jai été
touché par ses failles. Il aime toujours sa femme et ne se remet
pas de son divorce pas plus de celle de la mort de son fils mort très
petit. Ses relations avec les femmes tournent court : il ny
croit pas vraiment, ne ninvestit tel ce fameux week-end raconté
qui est un fiasco. Ses relations amicales avec les hommes dans ce club
des divorcés ne fonctionnent pas car il ne sintéresse
pas aux problèmes des autres, telle la relation établie
avec cet homme divorcé qui se suicide. Son métier de journaliste
sportif parait satisfaisant après les échecs décrivain
et denseignant. Pourtant son interview avec ce sportif handicapé
tourne court. Et ses problèmes avec lécriture sont
largement évoqués. Rien ne fonctionne vraiment pour lui.
Le narrateur pointe derrière tout cela une solitude profonde qui
montre quil nest pas dupe de lui, des autres et de la vie.
Et ce sont toutes ses limites quil avoue si franchement qui mont
plu en dépit du caractère désespérant du livre.
Françoise D
Ce nest pas mon auteur américain préféré.
Je ne retrouve pas lAmérique que je connais. Jai déjà
lu du même auteur Péchés
innombrables (A Multitude of Sins), des nouvelles que jai
totalement oubliées.
(Henri nous les raconte.)
Françoise D
Je nai pas lu tout le livre dont lécriture me paraît
laborieuse : il transparaît un effort, des tournures un peu
lourdes. Il paraît que cest dû au fait que lauteur
est dyslexique... Jai interrompu ma lecture à la moitié,
je ne réussis pas à mintéresser à lhistoire
de cet homme. Il est englué dans un truc et je nai pas accroché.
On attend ce week-end dans le Michigan, et là-bas, il ne se passe
rien. Jai lu les dernières pages et a jai vu quil
ne sinstalle pas avec Vicki. Un passage est touchant quand il rencontre
son fils Paul devant la maison de sa femme.
Jacqueline
Jai limpression que cest un roman très américain.
Je ne connais pas du tout les USA. Cest un roman où il y
a beaucoup de choses. Je lai lu dune manière hachée
et ça rend la compréhension difficile. Jen suis arrivée
à la visite chez les parents de Vicki. Le narrateur décide
de ne pas devenir un grand écrivain, il prend le contre-pied des
héros écrivains habituels. Il y a une peinture qui me semble
remarquable de la vie américaine. On voit les personnages, on y
est. Le narrateur est partout en porte-à-faux : il fait leffort
dêtre « normal » et les autres sont
« bien gentils ». Le reportage chez lancien
sportif, le ton de celui-ici, tout me semble très bien rendu. Ça
ne peut pas se lire vite. Le narrateur est touchant par ses efforts pour
quil ne se passe rien de catastrophique et en même temps par
sa maladresse.
Monique S entre
et (dans
létat actuel de ma lecture)
Je nai lu que 58 pages. Jai été étonné
dans le bon sens : souvent les romans américains me déplaisent :
les personnages sont transparents et lon sait tout. Ici cest
différent. La manière dont on aborde la psychologie du narrateur
est très intéressante. La fêlure cest la mort
de son fils, et il essaie de se récupérer en saccrochant
à des riens, il lui reste la banalité de sa vie. Jaime
beaucoup ce type de récit, ce type de narrateur. Il y a des choses
pas banales, comme le rendez-vous au cimetière pour lanniversaire
de la mort de son fils. La dilatation du temps évoque pour moi
Tristram Shandy.
Geneviève
(dans létat actuel de ma lecture).
Jai lu 1/3 du livre. Cest un auteur dont javais lu des
critiques (jaime lire des critiques...) qui mavaient donné
envie de le découvrir. Jai été un peu déroutée
au début. Chaque fois quon le reprend, on ne se rappelle
plus où on est. Jai été intéressée
par ce personnage américain atypique, sa revendication permanente
de normalité, létrangeté constante du personnage,
toujours à côté de lui-même. Il aime son ex-femme,
ses enfants et en même temps il nest jamais dedans. Et la
manière dont il raconte sa rupture, il na pas su dire à
sa femme que les lettres quelle a trouvées sont dune
femme avec qui il ne la pas trompée. La relation avec Vicki
est intéressante, il la voit comme elle est sans aucune critique.
Il a une extériorité à soi-même, un regard
sur soi très intéressant. Les thèmes me touchent :
la mort dun enfant, écrire ou pas, ce regard très
masculin : aimer vraiment en étant incapable dêtre
en relation. Je pense aller jusquau bout de sa lecture.
Claire
Je lai lu dans lavion, dans des conditions idéales
en une journée et jai bien oublié. Je suis étonnée
pour une fois que vous trouviez que la lecture ne soit pas facile (quest-ce
quune lecture facile ? quon peut lire vite ?). Je
rapprocherai ce livre de
La Couleur des sentiments...
Cris de protestation...
Parce que la lecture est fluide, et donne envie davaler le livre...
Nous avons lu cette année plusieurs livres avec un personnage qui
écrit : Petite
table sois mise, La
Couleur des sentiments, Agua
viva, Un
garçon près de la rivière, Avant
la nuit...
Brigitte
Et bientôt Victoire,
les saveurs et les mots.
Claire
Je nai donc pas eu du tout envie dinterrompre sa lecture.
Le narrateur mest sympathique, un peu dépressif. Leffet
sur la lectrice que je suis est que ce narrateur a-quoi-boniste déteint :
à quoi bon ce livre ? Je me pose la même question que
Manuel sur le projet. Jai lu des avis enthousiastes sur Internet
comme peinture de la société américaine qui ne mont
pas convaincue. Le narrateur est lâché dans des situations
diverses, mais me manque une dynamique narrative. Si cest une trilogie,
il va falloir lire trois fois cette "absence de projet" ?
Jai écouté une vidéo
de cet auteur mais je nen ai rien tiré. Il dit avec passion
des choses plates...
Brigitte
Jai été piégée en manquant de temps ;
jai lu 285 pages. Cétait le premier livre proposé
par Henri ! Jai lu 200 pages avant de my intéresser,
et maintenant je suis très intéressée. Cest
une écriture aux antipodes de ce que je crois aimer, stylisée,
avec une économie de moyens. Je me suis habituée à
ces détails. Le club des divorcés à la pêche
a commencé à mintéresser ; jai commencé
à comprendre quil sagit dune vie quon croit
maîtriser et on ne la maîtrise pas. Quand il a du temps, il
lit des catalogues (moi aussi jen lis davantage maintenant...).
Claire
Tu lis quels catalogues Brigitte ?!
Brigitte
De voyages ou de Franprix...
Le texte ma paru caractéristique de linconsistance.
Cela ma fait penser au livre de Françoise Giroud Une poignée
deau. Cest une description de notre monde non pas en miettes
car il aurait été organisé, mais un coup on fait
ci, un coup on fait ça. Il enseigne à un moment dans une
université où il na rien à dire ; cest
sidérant de voir cet homme sans aucune motivation. Il décrit
un monde désespéré. Cela mintéresse.
Mais jai mis le temps à le comprendre. Quels sont les gens
structurés dans le livre ? Ces octogénaires qui font
du tennis, lisent des journaux. Cest très réussi de
faire apparaître linconsistance. Hemingway est cité.
Jacqueline
Il ne la pas choisi par hasard.
Brigitte
Jai trouvé quelques fulgurances dans ce texte, mou mou mou.
Cest un entomologiste qui soccupe du monde dans lequel nous
vivons. Mais il ma fallu 200 pages...
Henri
Cest moi qui ai proposé le livre. Javais commencé
par lire le deuxième de la trilogie (Indépendance
qui a eu le prix Pulitzer), puis le troisième (État des
lieux) avant de lire le premier (Un week-end dans le Michigan).
Lensemble de la trilogie sétire sur 17 ans. Les trois
romans déploient un point de vue à partir dune tranche
de temps limité (un week-end, le jour de la fête de lIndépendance,
quelques jours). De tous les romans que jai lus je nai jamais
rencontré un personnage qui soit aussi incarné et « réel »
que Frank Bascombe. Il y a parfois des romans dans lesquels on se projette.
Ça a été le cas pour moi. Je suis presque persuadé
que Frank existe, que je peux le rencontrer et jaimerais encore
avoir des nouvelles de lui. Jaime le rythme lent et détaillé
de cette écriture, avec des dialogues "ciselés"
où tout est dit en creux. Il y a une épaisseur, une texture
de lécriture et une narration dune justesse magistrale.
Cest pour moi ce que jattends de la littérature :
quelle me perfuse la philosophie de la vie au goutte-à-goutte
et sans prétention argumentative. Cest lhistoire dune
quête, à la fois vers la maturité, et surtout vers
un lieu où senraciner dans le monde, où pouvoir se
poser en étant bien. Frank, chroniqueur sportif dans le premier,
est ensuite agent immobilier dans le deuxième et le troisième.
II y a des dialogues mémorables avec des personnes qui cherchent
à acheter la maison de leurs rêves sans en avoir les moyens,
mais surtout sans savoir ce quils veulent du fait de leurs contradictions
internes. À la lecture de cette trilogie, jai "métabolisé"
des moments inoubliables : ce que ça fait quand lenvie
décrire sarrête ; larrière-plan
des banlieues et petites villes américaines et de la vie tranquille ;
la volonté de se sentir intégré dans une communauté
didentité mixte blancs/noirs ; les échecs, les
maladresses éducatives et le lâcher prise dans les tentatives
pour sauvegarder un lien avec sa progéniture, le lien indissoluble
et la rupture indépassable avec son ex-femme, létrangeté
de laltérité des proches et les coups du sort, la
violence banale de lAmérique, une rixe dans un bar entre
pochetrons démocrates et républicains, la maladie, etc.
bref, toutes les confidences de Frank dont on ne sait rien faire mais
dont tout est fait, un regard sur lexistence emprunt à la
fois de "dépressivité"et de bonhomie, profondément
humain. Jai également lu de ses nouvelles que jai trouvées
très fortes.
(Je vais écrire à Richard, pour savoir comment va Paul et
si Frank survit à ses blessures par balles à la fin dÉtat
des lieux).
Voici un bonus issu de Télérama :
Des nouvelles de Frank Bascombe, héros récurrent de Richard
Ford
L'état des lieux dont il est ici question, donnant
son titre au nouveau roman de Richard Ford, semble faire directement écho
aux rendez-vous que nous donne l'écrivain, plutôt rarement,
à intervalles réguliers - histoire, dirons-nous, de faire
le point de temps à autre, de mettre les choses à plat et
d'évaluer comment va la vie, comment marche le monde, mieux ou
moins bien que la dernière fois que l'on s'est vus, moins bien
sans doute... C'est il y a plus de vingt ans, en 1986, que fut inauguré
le rituel : parut cette année-là, aux États-Unis,
The Sportwriter (en français, Un week-end dans le Michigan),
où l'on fit connaissance de Frank Bascombe, alors journaliste sportif,
en pleine banqueroute sentimentale et professionnelle. Sans savoir encore
que le rendez-vous avec ledit Bascombe en préludait d'autres :
Indépendance, dix ans plus tard, et aujourd'hui, L'État
des lieux.
La récurrence du personnage de Frank Bascombe, devenu agent immobilier,
incarnation formidablement individualisée de l'homme moyen américain,
loin de toute caricature et de toute mauvaise sociologie, a fait parfois
comparer Ford à John Updike et son inoubliable double romanesque
Rabbit. Pourquoi pas ? Il y a de pires références...
Même si, profondément, c'est du côté de Tchekhov
que regarde Ford - Tchekhov car, explique-t-il, "il
a toujours cherché à rendre accessible toute la complexité
du monde, sans jamais simplifier les choses ; parce qu'à sa
lecture, on sent qu'il y a quelque chose à découvrir, même
s'il ne dit jamais quoi". Ce "quelque
chose à découvrir",
dans L'État des lieux, Richard Ford ne nous accorde pour
le trouver que quelques jours dans la vie de Bascombe : à
la veille de Thanksgiving, année 2000. Bascombe a désormais
55 ans, un cancer de la prostate, de grands enfants aux vies compliquées...?
En toile de fond, c'est le pays tout entier qui s'apprête à
tourner la page : dans quelques jours, Clinton donnera les clés
la Maison-Blanche au candidat républicain nouvellement élu,
George W. Bush. Croisant cette dimension collective et nationale avec
les réflexions intimes de l'ironique Bascombe, multipliant les
apparitions de formidables seconds rôles, manifestant une confiance
saisissante dans sa maîtrise de l'art romanesque, Richard Ford brosse
ici une fiction d'une remarquable densité. Trop long, cérébral,
bavard, diront les esprits grincheux. Tant pis pour eux.
(Nathalie Crom, Télérama, n° 3059, 27 août
2008)
Mireille
Le premier chapitre mélancolique et sensible ma beaucoup
touchée. Le mariage brisé de Frank Bascombe avec X est une
source de tristesse empreinte de nostalgie comme une vieille chanson que
vous aimiez autrefois écouter tard le soir sauf que maintenant
vous êtes tout seul. Il a eu lidée de se
retrouver avec X, chaque année avant laube, sur la tombe
de Ralph, pour commérer lanniversaire de sa mort et de lexistence
de leur couple révolue. Tandis qu X pèle son uf
dur, lentame puis le jette, ils échangent sur Ralph avec
pudeur. Ce matin X sest réveillée pensant à
lui en train de rire. Ils lisent un poème, à haute voix,
chacun leur tour, se demandent sils vont se remarier, sils
se sentent vieux, si Frank comprend tout ce qui leur est arrivé,
sil consulte toujours sa voyante et sil samuse suffisamment
ces temps-ci. Frank évoque Paul, leur deuxième fils, qui
est persuadé quils peuvent entrer en contact avec son frère
en envoyant un pigeon voyageur à Cape May. En quelques pages ces
personnages attachants me donnent envie de connaître mieux cette
famille désunie et encore si reliée...
Ensuite jai lu avec intérêt ce qui suit, si dense,
si riche, Il me faudrait laisser le livre ouvert et le reprendre. Le personnage
de Frank Bascombe est complexe avec ses cogitations, ses affirmations
(sur les enseignants, la psychanalyse etc.), son vague à lâme,
sa crise existentielle non dépourvue dune volonté
davancer coûte que coûte. Brusquement
vous sortez de cette pellicule, de cette peau de vie... Une sensation
de vent sur le visage... damarres rompues, de libération,
de coudées enfin affranchies de toute entrave... Les
lieux sont détaillés, ses rencontres commentées,
avec des retours en arrière ou, pendant quil les expérimente.
Notamment avec Vicky avec qui il doit passer un week-end prévu
pour être romantique. Formeront-ils ou ne formeront-ils pas un couple ?
La mort du fils plane de même celle de Walter du club des divorcés
qui se suicide. Le héros ma parfois dérangé.
Le sport ne ma pas passionné - sauf linterview
de Herb - les confrontations chez les parents de Vicky étaient
trop bavardes.
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