Jon Kalman Stefansson
Entre ciel et terre

Nous avons lu ce livre en octobre 2013.


Annick A.
Je n’ai pas trouvé ce livre très bien écrit. Ce qui est intéressant c’est d’être plongé dans un monde qu’on ne connaît pas, c’est une peinture sociale. Je m’attendais à une écriture plus poétique. J’ai eu des difficultés à me repérer dans les noms. L’auteur fait parler les morts de manière récurrente et ça ne me plait pas ; bref, ça ne m’a pas passionnée, je l’ai lu à cause du groupe lecture, peut-être qu’à un autre moment j’aurais plus apprécié. Seul un passage m’a plu : la description de la tempête qui est très bien faite. Le reste ne m’a pas accrochée, je ne me suis pas prise au jeu. Tous ces morts, c’est macabre. Quel espoir ? Le livre aborde la poésie, le pouvoir des mots, mais ne les met pas en valeur, c’est pauvrement dit, ce thème du livre n’apparaît pas.

Mireille
Moi, j’ai aimé l’écriture, c’est une odyssée glacée, sauvage (j’adore la mer)... dans une terre que je ne connais pas. Ça se passe au 19e siècle, ça m’a fait penser à Toni Morrison ces gens modestes, fracassés. Il y avait beaucoup de morts, le scorbut, etc. C’est une odyssée fantastique. J’ai aimé les éléments. Ils aiment les mots mais ne savent pas nager, et ce mec qui oublie sa vareuse et qui va mourir. Les personnages parlent peu. J’ai lu la suite, le deuxième livre (La tristesse des anges) : là les mots parlent, c’est plus rond, comment on tient debout, c’est ce dont parle ce livre, j’ai été emballée.

Françoise D.
Je n’ai pas été emballée, mais j’ai bien aimé. On comprend ce qu’est la vie très dure de ces pêcheurs et des habitants en général. L’hiver est noir et horrible. J’ai accroché à ce récit, je voulais savoir comment ce gamin (qui n’a pas d’autre nom) allait (ou pas) s’en sortir, tout est possible. Ça m’a fait pensé à un autre récit encore plus palpitant et que je vous conseille qui s’appelle Karitas, l’esquisse d’un rêve (de Kristin Marja Baldursdottir) qui raconte – à la même époque – l’histoire d’une petite fille puis d’une femme qui voulait être peintre, mais vit aussi la vie des femmes de pêcheurs seules 6 mois de l’année et devant se débrouiller et survivre avec leurs enfants. On ne le lâche pas, c’est ébouriffant.
Bon, pour en revenir à ce livre, oui, il n’est pas parfait, il y a des répétitions, mais je pense que c’est exprès, elles scandent le récit. Oui, l’importance de la poésie, de la lecture, avec le gamin qui va faire la lecture au capitaine aveugle comme on lisait à Borges ; mais j’ai du mal à croire que pour un poème on puisse oublier sa vareuse quand sa vie est en jeu, ou alors on est suicidaire... ?

Séverine
Je n’ai pas beaucoup aimé. Le début est plus poétique, avec un ciel bas, on ressent bien l’atmosphère ; après on n’est plus dans le même registre et j’ai décroché. Ce n’est pas très bien écrit. Poésie, fable, roman : c’est un mélange de tout cela qui fait qu’on a du mal à le situer. Cette bibliothèque fabuleuse, la place des livres, etc. c’est pas creusé, les personnages ne sont pas développés, du coup on a du mal à se les approprier, tout est trop évanescent.

Claire
Comme Françoise, je ne suis pas « emballée », mais j’ai aimé. Les éléments ont une force réelle, mais quel est l’objectif de ce livre, autrement dit « quel est le projet de l’auteur? »... J’ai été assez sensible à l’écriture et à l’adresse au lecteur. Dans ce passage où les habitants se réjouissent d’un naufrage, il y a de l’humour. Les personnages, les situations, les éléments, l’écriture donnent au livre une singularité, on découvre un univers... j’aurais voulu être aussi passionnée que les Bretonnes du groupe qui ont proposé le livre, mais non.

Les avis des Bretons
entier : 10 tout ouvert, 2 trois quarts, 1 un quart

CE QUE NOUS AVONS AIME :
- le style fort, rythmé (avec des litanies), la prose poétique, de superbes images, la force de la langue et du récit qui embarque le lecteur, le "happe"... Les mots sont la mémoire. Le texte est dense, compact, avec très peu de paragraphes : les dialogues sont insérés, sans signes de ponctuation spécifiques, uniquement des groupes de mots, avec des virgules, ce qui donne au texte ce rythme très particulier, avec la sensation que le narrateur s'introduit dans les pensées des uns et des autres (cette technique d'écriture serait spécifique à Stefansson - son traducteur, Éric Boury, salué par plusieurs d'entre nous pour son travail, en a dit un mot lors d’une interview).
- la pudeur et la retenue du récit qui en font sa force
- les personnages complexes, crédibles, émouvants, attachants...
- le dépaysement total
- les questions existentielles posées tout au long du livre : la condition humaine, la brièveté et le sens de la vie, le désir, l'impuissance, la souffrance, la douleur, le bonheur, la mort, l'oubli, l'absence, l'amour, l'amitié, la culpabilité, la solitude, la part "nécessaire" du rêve et de l'imaginaire, le pouvoir, l'injustice, la solidarité, etc.
- un livre universel, qualifié par certaines lectrices de "viatique", d'essentiel : "un livre qui élargit la vie"
- les nombreuses voix entremêlées du récit ; le narrateur, le héros, les morts, le "nous" islandais...
- la musique
- l'omniprésence de la nature (mer, relief et climat), un personnage à part entière, qui décide de la vie et de la mort des Islandais. La nécessaire connivence avec cette nature, question de survie
- l'évocation constante du temps, subjectif ou objectif, qui régit la vie
- l'importance du silence
- le pouvoir de la littérature et de la poésie (très présente en Islande) : soutien ou destruction, mais impossibilité de se passer des mots !
- de très beaux portraits de femmes : fortes, elles prennent leur vie en mains
- de belles pages sur l'enfance
- les vies de pêcheurs et de village au 19ème (qui sonnent familièrement et douloureusement aux oreilles des Bretonnes du groupe), la dureté de la vie, la présence de la foi religieuse (les rituels de protection en mer), le pouvoir des prêtres ou pasteurs... : microcosmes où s'affrontent tous les sentiments humains...
- la présence des morts chez les vivants, aidante ou plombante mais constante ! (très islandais : pas de frontière entre les vivants et les morts - les fantômes les accompagnent partout)
- l'humour
- les références bibliques.
Pour clore, cette très belle phrase : « Il est sain pour un être humain de se tenir seul au creux de la nuit. Il s'unit alors au silence et ressent comme une connivence, pourtant susceptible de se changer instantanément en une douloureuse solitude. »

LES RÉSERVES :
- plat, répétitif, sans force
- mal écrit, mal traduit
- un documentaire
- le troisième tiers du livre un peu confus
- difficulté à repérer les prénoms islandais.


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Certains mots sont probablement aptes à changer le monde, ils ont le pouvoir de nous consoler et de sécher nos larmes. Certains mots sont des balles de fusil, d’autres des notes de violon.