Entre
ciel et terre, Folio, 272 p.
Quatrième de couverture :
"Certains mots sont probablement aptes à changer le monde,
ils ont le pouvoir de nous consoler et de sécher nos larmes. Certains
mots sont des balles de fusil, dautres des notes de violon. Certains
sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le cur et
il est même possible de les dépêcher comme des cohortes
de sauveteurs quand les jours sont contraires et que nous ne sommes peut-être
ni vivants ni morts."
Parfois les mots font que lon meurt de froid. Cela
arrive à Bárður, pêcheur à la morue parti
en mer sans sa vareuse. Trop occupé à retenir les vers du
Paradis perdu, du grand poète anglais Milton, il na pensé
ni aux préparatifs de son équipage ni à se protéger
du mauvais temps. Quand, de retour sur la terre ferme, ses camarades sortent
du bateau le cadavre gelé de Bárður, son meilleur ami,
qui nest pas parvenu à le sauver, entame un périlleux
voyage à travers lîle pour rendre à son propriétaire,
un vieux capitaine devenu aveugle, ce livre dans lequel Bárður
sétait fatalement plongé, et pour savoir sil
a encore la force et lenvie de continuer à vivre.
Par la grâce dune narration où chaque mot est à
sa place, nous accompagnons dans son voyage initiatique un jeune pêcheur
islandais qui pleure son meilleur ami : sa douleur devient la nôtre,
puis son espoir aussi.
Entre ciel et terre, dune force hypnotique, nous offre une de
ces lectures trop rares dont on ne sort pas indemne. Une révélation
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Jon Kalman Stefansson
Entre ciel et terre
Nous avons lu ce livre en octobre 2013.
Annick A
Je nai pas trouvé ce livre très bien écrit.
Ce qui est intéressant cest dêtre plongé
dans un monde quon ne connaît pas, cest une peinture
sociale. Je mattendais à une écriture plus poétique.
Jai eu des difficultés à me repérer dans les
noms. Lauteur fait parler les morts de manière récurrente
et ça ne me plait pas ; bref, ça ne ma pas passionnée,
je lai lu à cause du groupe lecture, peut-être quà
un autre moment jaurais plus apprécié. Seul un passage
ma plu : la description de la tempête qui est très
bien faite. Le reste ne ma pas accrochée, je ne me suis pas
prise au jeu. Tous ces morts, cest macabre. Quel espoir ? Le
livre aborde la poésie, le pouvoir des mots, mais ne les met pas
en valeur, cest pauvrement dit, ce thème du livre napparaît
pas.
Mireille
Moi, jai aimé lécriture, cest une odyssée
glacée, sauvage (jadore la mer)... dans une terre que je
ne connais pas. Ça se passe au 19e siècle, ça ma
fait penser à Toni Morrison ces gens modestes, fracassés.
Il y avait beaucoup de morts, le scorbut, etc. Cest une odyssée
fantastique. Jai aimé les éléments. Ils aiment
les mots mais ne savent pas nager, et ce mec qui oublie sa vareuse et
qui va mourir. Les personnages parlent peu. Jai lu la suite, le
deuxième livre (La tristesse des anges) : là les mots
parlent, cest plus rond, comment on tient debout, cest ce
dont parle ce livre, jai été emballée.
Françoise D
Je nai pas été emballée, mais jai bien
aimé. On comprend ce quest la vie très dure de ces
pêcheurs et des habitants en général. Lhiver
est noir et horrible. Jai accroché à ce récit,
je voulais savoir comment ce gamin (qui na pas dautre nom)
allait (ou pas) sen sortir, tout est possible. Ça ma
fait pensé à un autre récit encore plus palpitant
et que je vous conseille qui sappelle Karitas, lesquisse dun
rêve (de Kristin Marja Baldursdottir) qui raconte à
la même époque lhistoire dune petite
fille puis dune femme qui voulait être peintre, mais vit aussi
la vie des femmes de pêcheurs seules 6 mois de lannée
et devant se débrouiller et survivre avec leurs enfants. On ne
le lâche pas, cest ébouriffant.
Bon, pour en revenir à ce livre, oui, il nest pas parfait,
il y a des répétitions, mais je pense que cest exprès,
elles scandent le récit. Oui, limportance de la poésie,
de la lecture, avec le gamin qui va faire la lecture au capitaine aveugle
comme on lisait à Borges ; mais jai du mal à
croire que pour un poème on puisse oublier sa vareuse quand sa
vie est en jeu, ou alors on est suicidaire... ?
Séverine
Je nai pas beaucoup aimé. Le début est plus poétique,
avec un ciel bas, on ressent bien latmosphère ; après
on nest plus dans le même registre et jai décroché.
Ce nest pas très bien écrit. Poésie, fable,
roman : cest un mélange de tout cela qui fait quon
a du mal à le situer. Cette bibliothèque fabuleuse, la place
des livres, etc. cest pas creusé, les personnages ne sont
pas développés, du coup on a du mal à se les approprier,
tout est trop évanescent.
Claire
Comme Françoise, je ne suis pas « emballée »,
mais jai aimé. Les éléments ont une force réelle,
mais quel est lobjectif de ce livre, autrement dit « quel
est le projet de lauteur? »... Jai été
assez sensible à lécriture et à ladresse
au lecteur. Dans ce passage où les habitants se réjouissent
dun naufrage, il y a de lhumour. Les personnages, les situations,
les éléments, lécriture donnent au livre une
singularité, on découvre un univers... jaurais voulu
être aussi passionnée que les Bretonnes du groupe qui ont
proposé le livre, mais non.
Les avis des 13 Bretons
entier : 10 tout ouvert - 2 trois quarts - 1 un quart
CE QUE NOUS AVONS AIME
- le style fort, rythmé (avec des litanies), la prose poétique,
de superbes images, la force de la langue et du récit qui embarque
le lecteur, le "happe"... Les mots sont la mémoire. Le
texte est dense, compact, avec très peu de paragraphes : les dialogues
sont insérés, sans signes de ponctuation spécifiques,
uniquement des groupes de mots, avec des virgules, ce qui donne au texte
ce rythme très particulier, avec la sensation que le narrateur
s'introduit dans les pensées des uns et des autres (cette technique
d'écriture serait spécifique à Stefansson - son traducteur,
Éric Boury, salué par plusieurs d'entre nous pour son travail,
en a dit un mot lors dune interview).
- la pudeur et la retenue du récit qui en font sa force
- les personnages complexes, crédibles, émouvants,
attachants...
- le dépaysement total
- les questions existentielles posées tout au long du livre
: la condition humaine, la brièveté et le sens de la vie,
le désir, l'impuissance, la souffrance, la douleur, le bonheur,
la mort, l'oubli, l'absence, l'amour, l'amitié, la culpabilité,
la solitude, la part "nécessaire" du rêve et de
l'imaginaire, le pouvoir, l'injustice, la solidarité, etc.
- un livre universel, qualifié par certaines lectrices de
"viatique", d'essentiel : "un livre qui élargit
la vie"
- les nombreuses voix entremêlées du récit ;
le narrateur, le héros, les morts, le "nous" islandais...
- la musique
- l'omniprésence de la nature (mer, relief et climat), un
personnage à part entière, qui décide de la vie et
de la mort des Islandais. La nécessaire connivence avec cette nature,
question de survie
- l'évocation constante du temps, subjectif ou objectif, qui
régit la vie
- l'importance du silence
- le pouvoir de la littérature et de la poésie (très
présente en Islande) : soutien ou destruction, mais impossibilité
de se passer des mots !
- de très beaux portraits de femmes : fortes, elles prennent
leur vie en mains
- de belles pages sur l'enfance
- les vies de pêcheurs et de village au 19ème (qui sonnent
familièrement et douloureusement aux oreilles des Bretonnes du
groupe), la dureté de la vie, la présence de la foi religieuse
(les rituels de protection en mer), le pouvoir des prêtres ou pasteurs... :
microcosmes où s'affrontent tous les sentiments humains...
- la présence des morts chez les vivants, aidante ou plombante
mais constante ! (très islandais : pas de frontière entre
les vivants et les morts - les fantômes les accompagnent partout)
- l'humour
- les références bibliques.
Pour clore, cette très belle phrase : « Il est
sain pour un être humain de se tenir seul au creux de la nuit. Il
s'unit alors au silence et ressent comme une connivence, pourtant susceptible
de se changer instantanément en une douloureuse solitude. »
LES RÉSERVES
- plat, répétitif, sans force
- mal écrit, mal traduit
- un documentaire
- le troisième tiers du livre un peu confus
- difficulté à repérer les prénoms islandais.
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