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Knut Hamsun
La Faim
Nous avons lu ce livre en décembre
2013.
Ce livre avait déjà été programmé dans
le groupe en février 1994*.
Il la été à nouveau dune
part parce quil y a peu de survivants de cette soirée datant
de presque 20 ans et dautre part parce que le roman a été
adapté par Jon Fosse au Théâtre Sylvia Monfort (titre
de la pièce : Ylajali)
et que plusieurs dentre nous sont allés voir la pièce.
Jacqueline
Cest un très beau roman, qui rend bien cette répétition
de la faim : cest très prenant physiquement ; cela
rend le livre un peu difficile à lire. Cest un livre remarquable.
Je lavais lu dans ma jeunesse et lavais oublié. Ca
résonne beaucoup surtout actuellement.
Manon
Je ne mattendais pas du tout à cela. La recherche de nourriture
et son aspect psychologique. Dès que je louvrais, javais
envie de le fermer. Il se donne en permanence en spectacle aux yeux des
autres. Cest un orgueil perpétuel. Il est en permanence dans
la recherche de ce que les autres penseront de lui. Et les autres voient
le costume élimé, la maigreur.
Jacqueline
Je ressens cela comme un acte de désespoir. Il na plus rien
à attendre donc il peut gaspiller.
Manon
Il n'y aurait pas eu le groupe, je naurais pas terminé le
livre. Le personnage mest insupportable. Jai de la peine pour
lui dans les scènes avec la femme. Sinon, jai envie de le
gifler. Il ne prend pas de décision.
Monique
Ce sont des opportunités.
Séverine
Ce livre aurait du sappeler Lorgueil ou le martyre. Son orgueil
le tient et le force à maintenir sa dignité. Cest
quand il le perd quil touche. Cet orgueil vire parfois au martyre.
Je trouve quon ne ressent pas tant que ça la faim. Il sagit
de la recherche de solutions du lendemain. Cela mévoque Le
Horla. Je fais un parallèle avec le film Inside Llewyn Davis. Dans
les deux cas, il y a la même fin. Ca date, donc on a du mal à
sy retrouver. Le personnage narrive pas à demander
de laide.
Mireille
La pièce ma fait plus apprécier le livre qui va plus
loin que la pièce, avec une exaltation mystique sur le martyr,
son orgueil quil place tellement haut quil donne son peu dargent.
Je lai resitué au XIXe siècle où les structures
sociales nexistaient pas. Je suis intéressée par lécriture
tantôt possible tantôt impossible. Il est agaçant avec
son honnêteté sublime. Il y a une très belle description
de ce quest la nourriture, les vomissements. A-t-il un comportement
normal vis-à-vis de la nourriture ? Parfois il simpose
chez cette femme qui na rien pour vivre. Cest un personnage
paradoxal : cet homme est un cas clinique qui est très bien
décrit. La fin ma étonnée. Il part en bateau.
Cest un funambule entre la vie et la mort.
Jacqueline
Cest un effet physiologique lié à la faim.
Mireille
Il y a de très belles descriptions de ce que le corps éprouve
quand il souffre de la faim.
Brigitte
Je nai pas retrouvé mon livre et reste sur ma mémoire
dil y a 20 ans. Javais beaucoup aimé. Ce qui m'avait
plu, cest que par lécriture, il a fait ressentir comment
on ressent la faim. Cest comme la drogue, un état second.
Jai trouvé cela magistral. Un souvenir magnifique et un peu
dur.
Claire
Jai retrouvé quant à moi le livre que nous avions
lu en 1994. Jy avais mis des notes que je nai plus comprises.
Je nai pas retrouvé denthousiasme. Cest un livre
difficile à lire. Le personnage est extraordinaire, avec un tragique
qui transcende le temps et les lieux. Son orgueil lui donne de lénergie
pour tenir. Primo Levi dans Si cest un homme montre quil
y a une hiérarchie dans les manques ; pire que la faim, il
y a le froid ; certaines souffrances en effacent presque dautres.
(Il y a des fautes dans le livre qui a été mal
relu...)
Ce qui est incroyable est cette force qui le pousse à écrire.
Cest à travers lécriture quon devine quil
est cultivé, quil a eu une autre vie, dont lauteur
ne nous dit rien. Cest ce qui est original aussi dans ce livre,
de nous placer immédiatement dans la situation du personnage, sans
nous raconter ce qui a précédé pour lui. Même
si cest poignant, je nai pas ressenti la souffrance. Mais
la fin soulage. Ladaptation du livre est austère. Le fait
de faire de la femme une prostituée nemporte pas ladhésion.
Le rôle de lécriture est absent. Mais on retrouve la
dureté du livre.
Monique S
Je lavais aussi lu en 1994. Jen ai relu environ 80 pages.
Je lavais trouvé criant de vérité : le
vécu dune personne qui ne sait pas le matin si elle dormira
au chaud le soir, si elle trouvera 2 ou 3 € pour manger. A la fin
du XIXe on trouvait plus facilement que maintenant à vendre un
article. Les problèmes psychologiques de son attitude (délire,
paranoïa) sont dus à la faim. Cest toujours dactualité.
Cest ce que vivent de nombreux SDF. Dans le monde actuellement,
des millions de personnes crèvent de faim. Le livre aide à
comprendre comment on vit dans son corps la faim. La relecture ma
cependant déçue.
Geneviève
Jai eu beaucoup de mal à me mettre à cette lecture.
Je me suis forcée un peu. Et petit à petit, je me suis laissé
prendre dans le cycle, il récupère de largent, il
le donne et laisse toujours passer sa chance. Pour moi, le héros
est hanté par la folie, il a peur dêtre fou. Ses réactions
sont exacerbées. Il a peur de lui-même, comme dans la réaction
avec la femme. Il a besoin de contrôle de lui-même et a peur
de ne pas y arriver. Il na pas de rapport de désir à
la nourriture ; il lui faut juste se remplir et se vider. Le rapport à
lécriture est le même. Il a eu une autre vie avant.
Tous les personnages quil rencontre sont comme des fantasmes, des
marionnettes. Jai eu du mal à entrer dans le livre, le personnage
est exaspérant. Puis cela devient intéressant, avec cette
oscillation permanente de lesprit humain. Finalement, il en reste
beaucoup de choses. Je n'aurais jamais lu ce livre sans le groupe lecture.
Françoise D
Je ne suis pas emballée. Je ne comprends pas lengouement
pour ce livre. Lécriture, comme le personnage, sont exaspérante.
(Françoise cite des commentaires de Gide sur ce livre.)
Le personnage est instable, orgueilleux. Cest surement très
autobiographique. Jai été jusquau bout car le
livre nest pas gros ! Ce que fait le personnage ne sexplique
jamais. Il se contredit sans arrêt. Il change davis constamment.
Ce nest pas une description clinique de la fin.
Monique
Si.
Mirelle
Tout à fait !
Claire
Il ny a pas la déchéance physique (sauf la perte des
cheveux).
Françoise
Comment dans létat où il est le héros peut-il
entamer cette relation avec cette fille ?
Séverine
La déchéance, cest quand il envisage de vendre ses
boutons.
Geneviève
Je rappelle quil essaie de sauver la face vis-à-vis de lui-même
quand il vend son gilet.
Manon
Il veut vendre sa couverture, la seule chose dont il naurait pas
du se séparer.
Discussion plus générale sur la déchéance.
Claire
Son état borderline, cest plutôt pour ne pas voir les
choses en face.
Séverine
Est-il dans lanorexie ?
LES AVIS DU GROUPE BRETON
Sur 11 personnes présentes :
- 2 ouvert en entier
- 6 ouvert aux ¾
- 3 ouvert à la moitié
- 1 ouvert au ¼
- 1 fermé.
La complexité du personnage et l'envie de le cerner au plus près
nous ont entraînés dans un long questionnement...
La récente biographie, Knut
Hamsun rêveur et conquérant, par l'écrivain
norvégien Ingar Sletten KOLLOEN, résumée par Nicole,
nous a éclairés sur l'auteur (La Faim étant
largement autobiographique ; petite précision : le titre
du livre en norvégien est Faim).
Les enthousiastes ont aimé
- L'écriture : le talent de l'auteur, et ce pendant 285 pages,
à décrire, minutieusement, non seulement, les effets de
la faim sur :
=> le corps (une lectrice a ressenti les mêmes sensations physiques
que le personnage)
=> le psychisme (extraordinaire description de la folie : un véritable
cas clinique !)
=> les capacités intellectuelles
=> le comportement
=> le regard porté sur le monde
mais aussi, tout le corollaire : la misère et la honte qui l'accompagne,
les stratégies de survie, le conditionnement des relations humaines
dans ce contexte spécifique et le questionnement qu'il suscite...
A noter également de magnifiques descriptions (par exemple le temps
subjectif, la venue de l'automne, l'inspiration, sa mansarde, etc.), des
portraits saisissants (par exemple : le pauvre p. 225, la famille sordide
de la 4ème partie)... Hamsun sait créer des atmosphères.
- Le personnage : séducteur, attachant, courageux, honnête,
généreux et cependant troublant ! Un personnage qui ne laisse
pas indifférent et suscite intérêt ou rejet...
- L'humour - l'invention de mots - scènes sympathiques : quelques
instants lumineux au milieu de l'obscurité de l'uvre...
- Le crescendo dans le récit
- La fin : il largue les amarres ! Le dernier paragraphe qui résume
le drame de Hamsun.
Les réserves
- Redondant, fatigant, ennuyeux (une seconde lecture a plusieurs fois
été synonyme d'ennui), sans intérêt, rebutant,
peu inspirant
- Exercice de style digne d'un lycéen
- Des changements de temps, du présent au passé, sans aucune
raison, dans le même paragraphe
- Le manque d'émotion : l'homme sait se défendre et ne suscite
pas d'émotion chez le lecteur
- Les errances pathologiques récurrentes
- Lecture perturbée par l'ombre prégnante des affinités
nazies de l'auteur.
Les questions suscitées
- Le titre ne semble pas très représentatif : la faim est-elle
ici cause ou conséquence d'une personnalité perturbée
?
- L'épisode amoureux est-il réellement vécu ou la
simple production d'un esprit délirant ?
- La 4e partie était-elle indispensable ?
- Sommes-nous totalement dépendants de notre chimie corporelle
si, comme Hamsun, un manque de nourriture peut affecter toutes les composantes
de notre être ?
- Nos valeurs résistent-elles lorsque nous sommes soumis à
des situations extrêmes ? cf. La Faim p. 155
Étaient présents
le 4 février 1994 : Henri-Jean, Sabine, Anne, Marie-Claire,
Jacques, Chantal Catherine, Marie-Pierre, Anne-Marie, Claire, Brigitte,
Christine, Élisabeth, Dominique
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