Henri Barbusse (1873-1935)
Le Feu (1916)

Nous avons lu ce livre en avril 2014.


Muriel
Il donne une très bonne idée de la guerre. Beaucoup d’argot (trop). Ces marches, je ne savais pas que ça existait. Ça m’a plu. Plus le documentaire que le style. Il y a des passages incroyables : l’explosion, l’homme mort à l’envers.

Françoise
Je l’avais chez moi depuis longtemps (il me venait de mes parents), mais je n’avais jamais réussi à le lire. Je l’ai repris et très vite, j’ai été accrochée par le récit et je ne l’ai plus lâché. J’ai été un peu déroutée par les dialogues. Le style est un peu désuet. Il y a un côté documentaire très intéressant, avec cette dimension humaine que l’on devine, la restitution du quotidien, de la fatigue, les descentes saisissantes. Il ne parle que des deux premières années. Je suis contente de l’avoir lu, avec une belle écriture, bien qu’un peu désuète. J’aurais aimé savoir quels étaient les autres livres en lice pour le Goncourt quand il l’a eu (voir en bas de cette page les résultats de "l’enquête").

Eléonore
J’ai beaucoup aimé. J’ai eu du mal au début car je ne comprenais pas tous les mots (Eléonore est américaine), mais j’ai compris le sens général. C’est une très bonne image de la guerre qui est très bien décrite, en particulier le quotidien de la vie dans les tranchées. J’ai été frappée par la lumière grise. En tout cas, c’est un sujet que je découvre.

Annick A
J’avais toujours voulu lire ce livre mais je n’avais eu le temps. J’ai été saisie par ce projet d’écriture exceptionnelle. Il fait entendre la voix du peuple. C’est un chef d’œuvre d’écriture. J’ai été frappée par le côté très concret. On est dans la boue, la souffrance, les poux, la famine, c’est extraordinaire cet hyper réalisme. On a aussi différents points de vue sur la guerre et une forme de critique des injustices qui sont intemporelles même en temps de guerre. Le chapitre sur les planqués est intéressant. On a aussi un point de vue politique. On voit le rôle des officiers, des sous-officiers. Par identification, il plonge le lecteur dans ces conditions. Il parle de l’attente, du rapport au temps, aux saisons... C’est un ouvrage exceptionnel.

Claire
Le livre m’a plu, mais je ne l’ai pas fini car je pensais que ça serait toujours pareil. Je n’ai pas trouvé l’écriture désuète. La transcription des parlers est très savoureuse, très imagée : un vrai plaisir de la langue. Je ne me représente en revanche pas bien les espaces. Je n’arrive pas à me représenter les guitounes ni l’espace que les soldats traversent dans un village pour y manger. Le narrateur me pose un problème : il est dans les tranchées comme un journaliste, il vit cette vie-là mais n’exprime aucun sentiment. C’est moins l’aspect documentaire que l’écriture qui m’a séduite. Cependant, toutes les anecdotes, l’arrivée du courrier, le passage de figures comme les tirailleurs sénégalais, créent une sorte de kaléidoscope. Le livre vaut vraiment la peine – même si j’ai été feignasse – ce que j’ai lu est remarquable, avec des descriptions très délicates.

Annick
On a aussi une vision de l’arrière. La population civile apparaît humblement égoïste. Une scène magnifique, c’est celle où un jeune homme veut voir sa femme avec qui il ne peut avoir aucune vraie intimité.

Jacqueline
Merci au groupe d’avoir choisi ce livre. C’est un livre mythique. Ma grand-mère avait été bouleversée en le lisant, c’était bien ça. Je l’avais commencé mais je ne m’intéressais pas à la guerre. Je l’ai repris et je l’ai lu jusqu’au bout et j’en suis contente. Dès que j’ai commencé, je n’ai pas pu m’arrêter. J’ai été très étonnée par les descriptions concrètes des accoutrements, des paysages. Il y a des dialogues remarquables. On les entend, on y est. Il se passe toujours quelque chose. Il n’y a pas de lassitude, ni de répétitions. J’ai aussi lu les extraits des carnets de guerre de Barbusse, les notes qu’il prenait quand il était au front. C’est un livre très construit. Il s’agit d’un vrai projet d’écrivain.

Brigitte
Je l’ai vu traîner dans des éditions fanées chez mes grands-parents. J’ai rencontré des gens qui avaient vécu cette guerre, je n’avais pas envie de le lire. On m’avait parlé d’un oncle aux pieds gelés, la loterie pour les gueules cassées, tout cela me semblait des trucs de vieux. Quand ils partaient ils étaient enthousiastes. Il y a en a eu dans ma famille.
J’ai décidé de faire un effort. Après le prologue, j’ai été saisie. L’écriture est magnifique. Il y a un passage sur les gros mots qui ne seront pas présents dans le livre dont parlent les camarades soldats du narrateur : c’est formidable comme il en a rendu compte. Les soldats ne sont pas allés à l’école, la profondeur des sentiments, l’ironie, la finesse apparaissent cependant : on n’a plus cette grande richesse. Je suis admirative de ce langage parlé. Ce n’est pas fait pour le pittoresque. C’est une écriture qui n’a pas la recherche du XXe siècle mais elle est classique et grandiose. Je suis admirative. Il y a de l’humour. C’est grandiose. Un bémol pour le délire poético-lyrique à la fin quand le caporal meurt et dit aussi quelque chose sur le sens de la vie. Il y a aussi la proximité des Allemands, les camps sont tous près.

Eléonore
Il voit les deux messes en même temps.

Brigitte
C’est un des rares passages un peu artificiels. Une chose me sépare de ces gens : ils n’étaient pas habitués au chauffage central, au papier hygiénique super, à la douche quotidiennement. Ils étaient habitués à la dure et souffraient moins que nous nous souffririons. Bref ce livre est une surprise. J’admire l’écrivain et sa rapidité.

Monique
Je m’y suis reprise à plusieurs fois. La lecture a été une vraie épreuve. Il faut du courage pour le lire. J’ai été frappée par certains détails : les allumettes, un œuf... Et le mélange des Français et des Allemands dans l’horreur. Une lecture très très dure.

Manuel
Je voulais venir, je n'ai pas finir de lire Le Feu mais je ne m'arrête pas. C'est un très beau livre. Le travail de retranscription du langage des poilus est magistral. J'adore, même s'il faut s'accrocher et relire. Les interventions du narrateur, ses descriptions sur la réalité du front sont pleines de poésie. Je n'en dirai pas plus : je n'ai pas encore terminé.


AVIS DU GROUPE BRETON


Nous étions 13 à Saint-Aignan : face à la maison où se réunissait le groupe, le monument aux morts de la commune et la très longue liste des noms de victimes de la grande guerre.
5 avaient lu Le Feu de Barbusse et 7 Le Grand Troupeau de Giono qui n’a pas déclenché le même enthousiasme.

Les raisons de notre enthousiasme :
- un livre pour le groupe lecture : de la grande littérature ! Écrit en 1915, publié en 1916, il obtient le Goncourt cette même année
- un livre exceptionnel, bouleversant, pathétique... un cri vengeur... une écriture magnifique qui transcende les horreurs décrites ("beauté" du bombardement ! p. 229...)
- la construction du livre qui concentre le récit, à chaque chapitre, sur un aspect de la vie pendant la guerre
- la dénonciation de la guerre, de la folie des hommes... (scènes de combat insupportables comme le nettoyage des tranchées à l'arme blanche...), p. 266 sublime réflexion sur ces hommes envoyés à la mort : "ce ne sont pas des soldats, ce sont des hommes"...
- les conséquences de la barbarie (ou comment chacun peut se transformer en barbare)
- l'atmosphère :

• la vie, au plus près, dans les tranchées, avec les poilus, dans l'obscurité...
• les mille et une stratégies pour échapper au froid, à l'humidité, à la boue, à la faim, à l'attente...
• les dialogues restitués dans les dialectes et patois des personnages
• les portraits de ces hommes, ouvriers ou paysans, perdus dans cette horreur et qui ont renoncé à comprendre..., leur sympathie pour ceux d'en face qui, comme eux, sont paysans, ouvriers, pères de famille, embarqués, malgré eux, dans cette boucherie...
• la solidarité des hommes, leurs espoirs, leurs rêves de retour, leur souhait de la "bonne blessure" qui les éloignera du front, leur fraternité..., leurs petits bonheurs...
• l'indicible à ceux qui sont restés à l'arrière, dans les villages : ils ne peuvent pas comprendre... s'habituer à l'horreur, à la mort, au meurtre...
• l'importance du lien avec la vie d'avant : les lettres, les souffrances de la séparation...
• la démonstration terrifiante qu'ils ne sont que "chair à canon"
• les fusillés pour l'exemple
• l'abomination des blessures
• la dénonciation, par les poilus, des "planqués de l'arrière"

- les descriptions de paysages lunaires, villages rasés et, parallèlement, la beauté de la nature qui traverse les saisons... : la vie est toujours là, prête à reprendre ses droits...
- l'hommage juste, digne et magnifique, de l'un des leurs, à tous ces hommes sacrifiés.

Livre conseillé par Lona : Les Somnambules, de Christopher Clark, une autre lecture de la Grande Guerre.

Claire
J’ai cherché quels étaient les autres livres en lice pour le Goncourt quand Henri Barbusse l’a eu, mais n’ai pas trouvé ; par contre, j’ai trouvé des infos intéressantes. En effet, en 1916 l'Académie Goncourt est encore à ses débuts (premier prix en 1903) et tente de faire connaître de son prix Littéraire. Pour cela, elle s'empare de la thématique guerrière et récompense des œuvres sur ce thème jusqu’en 1918 :
- en 1914 L'Appel du Sol d'Adrien Bertrand (décerné en 1916)
- en 1915 Gaspard, les soldats de la Guerre de René Benjamin
- en 1916 Le Feu d’Henri Barbusse
- en 1917 La Flamme au poing d’Henri Malherbe
- en 1918 Civilisation de Georges Duhamel
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Indigeste ! Heureusement... qui est primé en 1919 ? Notre Marcel ! Avec A l’ombre des jeunes filles en fleur.

Les guitounes ?
Deux citations pour les évoquer concrètement :

- "Même en première ligne chaque groupe de deux, trois ou quatre hommes avait sa guitoune où après les heures de garde ou de corvées on pouvait s’étendre sur une bonne brassée de paille..." (Louis Barthas, Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier)

- "Légère et perméable au froid, notre guitoune. Deux piquets fourchus supportant un rondin en guise de maîtresse poutre, d’autres rondins coupés au hasard, tors, inégaux, s’appuyant du bout à cette maîtresse poutre, et cela fait une maison" (Maurice Genevoix, Ceux de 14)

Voir aussi :

- "Le langage des combattants de la Grande Guerre" (Le Figaro, Camille Lestienne, 3 juillet 2014)
- "Printemps 1915 dans les tranchées : les lettres et le carnet de croquis de Pierre Vergez", Brigitte Fromaget, Situ n° 25, 2014.


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Le feu : journal d'une escouade, Payot.

Quatrième de couverture :
"Rien ne bouge, que le vent qui passe et que l'immense humidité qui s'égoutte. Je lève les yeux. Un deuil épouvantable écrase tout. J'ai l'impression d'être tout seul, naufragé au milieu d'un monde bouleversé par un cataclysme." Prix Goncourt 1916, Le Feuest un chef-d'oeuvre de la littérature de guerre. Il provoqua un choc d'autant plus grand qu'il exprimait le pacifisme des poilus : avec ce livre, ce sont les héros, ceux-là mêmes qui font l'épreuve du feu, qui réclament que cesse le carnage. D'une justesse de ton bouleversante qui empoigne son lecteur et le force à descendre dans les tranchées, à hauteur d'homme, Le Feu alterne l'action, l'attente et l'horreur pour cerner ce que vécurent ces hommes et le sens qu'ils tentèrent désespérément de donner au "cataclysme".