Quatrième de couverture
: Un soir de février, deux frères prennent la route pour rejoindre le village de leur enfance, un hameau oublié du temps. L'un d'eux vient d'hériter d'un cousin qui vivait là en ermite et nos citadins se prennent à rêver d'un magot, de quelques pièces d'or cachées dans la masure du vieil homme. Comme dans les anciennes tragédies, l'action se déroule sur deux journées d'hiver, au coeur de montagnes désertes. Les dieux qui régissent cette terre sont à la fois grotesques et terrifiants. On les nomme Alcool, Hiver, Solitude... Mais ceux qu'ils soumettent à leurs caprices savent aussi faire preuve d'une véritable grandeur.

Quatrième de couverture : Dans ces terres reculées, dans ces pays perdus, on vit toujours plus ou moins dans une légende, dans l'image d'un chapiteau roman historié de scènes naïves et cruelles...»
Pierre Jourde revient sur des événements qui en 2005 ont défrayé la chronique. Lors de la parution d'un de ses livres, Pays perdu, une partie des habitants du village d'Auvergne dont il était question dans le récit s'est livrée à une tentative de lynchage de l'auteur et de sa famille.
Pierre Jourde y décrivait la rudesse de la vie dans ce hameau lointain dont il est originaire, mais aussi une fraternité archaïque à l'occasion de la mort d'un enfant. Célébration d'un village aimé, le livre y a été reçu par certains comme une offense. La première pierre propose une analyse passionnante de cette incompréhension. Il offre aussi une magnifique démonstration des puissances de la littérature et un récit vibrant d'admiration pour ces gens qui vivent dans un temps différent de celui des villes.

Pierre Jourde est romancier et critique littéraire. Il enseigne la littérature à l'université Grenoble III.

Pierre Jourde

Pays perdu
et
La première pierre

Nous avons lu ces deux livres pour le premier soir de la Semaine lecture de juillet 2014.

Lil
Je parle des deux en même temps. J'ai aimé la description du pays perdu. Pierre Jourde a mis un beau chaos. Le fils a dit son fait à son père. J'ai aimé l'évocation, les vieilles qui à 90 ans vivent seules, la solitude propre aux campagnes, apprendre que les journaliers n'avaient pas le droit au cimetière, le café restaurant : on sent son amour pour tout cela. La relation au père est magnifique. J'ai détesté certains passages, beaucoup de blabla, des phrases alambiquées, une composition elle-même alambiquée, des images bizarres (les bouses vautrées) et des portraits insultants : qu'il ne vienne pas se plaindre ! Cela m'a mise mal à l'aise, cela me rend voyeuse. Le second livre m'a mise très en colère, il est puant. Le passage sur le gendarme (immigré moldave, etc.) est ignoble.

Marie-Odile pour Pays perdu et pour Première pierre
On rentre dans le premier livre comme dans le village. Cela me fait penser au pain perdu. L'intrigue est simple et m'a plu, avec l'unité de temps et d'action. Les vivants entrent l'un après l'autre, mais aussi les morts. Jourde mêle le vivant et le mort, le sacré et le sordide, l'animal et le dieu. J'ai ressenti répulsion et fascination, avec une grande désacralisation des choses d'une part mais d'autre part ces créatures sont des Titans, hors du temps. Ces paysans deviennent réels dans le fait divers, avec le deuxième livre. Le livre pose la question : peut-on tout dire ? avec quel destinataire ?

Fanfan pour Pays perdu et pour Première pierre.
Dès les premières pages, j'ai été happée comme dans un film. Je l'ai dévoré, mais une sorte de malaise a grandi : avec cette dégueulasserie, n'y aurait-il pas un peu de voyeurisme ? On sent qu'il règle des comptes, Monsieur l'Intello à la campagne. La description des bouses est extraordinaire ; mais à la relecture c'est convenu. La merde dans L'œuvre au noir, c'est mieux. Dans le deuxième, il brise le culte du secret. Le premier utilise le je et le nous, le deuxième le tu. Il essaie de se justifier. S'il m'a énervée dans le 2e, je n'ai pas envie qu'on tape sur les intellos et ai donc envie de le défendre un peu.

Mone
J'ai été d'abord séduite par le talent d'écrivain, c'est très travaillé. J'adore son art des portraits. Ce qui m'a frappée, c'est un livre cruel sans méchanceté, sans jugement, sans désir de ridiculiser, sans mépris. Encore aujourd'hui, quand on va en Puisaye, dans la journée deux mondes co-existent. Ce qui m'a gênée est son obsession de la mort, des cimetières. Il fait œuvre d'anthropologue, en montrant un pays de façon très intime. J'ai remarqué une obsession de la saleté : il en remet une couche avec une espèce de satisfaction. A la mort de Lucie, il y a une espèce d'impudeur. J'ai aimé ce livre.

Nicole
Si j'ai aimé les descriptions de nature et de personnes, j'ai trouvé que le livre manquait de subtilité, il pouvait dire les choses autrement. Sa façon d'appuyer (la dent par exemple) m'a choquée. Il règle des comptes me semble-t-il dans le premier, ce que le deuxième me confirme : il se contredit, il cherche des arguments fallacieux. Des choses m'ont frappée : les fourches patibulaires par exemple. Il y a parfois des charabias, exotiques et obscènes. Ce qui lui arrivé, il l'a mérité, même si je ne suis pas d'accord avec ce que font les villageois. Avec ce livre, il a dichotomisé la vie du village. L'ensemble m'a fichue en boule.

Annick
J'ai beaucoup aimé les deux livres. J'ai aimé ce que d'autres n'ont pas aimé. Je suis entre l'enchantement (des paysages notamment) et l'effroi. Il y a peu d'auteurs qui se coltinent ainsi au réel. Oui, c'est dégueulasse : les corps pourrissent, sont déchiquetés. A certains moments, il file la métaphore de façon un peu prétentieuse. J'ai aussi aimé le deuxième livre. Je ne sais pas s'il savait ce qu'il faisait, s'il était naïf. Il y avait en effet de quoi réagir pour les paysans. Mais pas une seconde, j'ai trouvé cela négatif. Il chemine, il s'analyse en un cheminement, il ressasse, il répète comme une analyse. Il fait le lien entre les secrets et montre comment l'inconscient surgit. Ce qu'il dit de la littérature avec la division du sujet je/tu est très intéressant.

Manon pour Pays perdu et pour Première pierre
Je sépare les deux livres. Dans le premier, la description est fantastique. Je veux bien croire en sa naïveté. Quant au deuxième, un procès je ne trouve pas ça terrible ; au fur et à mesure j'avais envie d'aider les paysans à le gifler. Les éditeurs servent à quoi ? Ça se répète, le style est pompeux ! Quand je pense que j'ai des amis qui ne peuvent pas publier ! Il se met en opposition avec ces gens, ils ne sont pas allés à l'école, il les insulte. Les auto-citations, c'est le pompon et ce je qui revient. Il ne se met à la place d'autrui à aucun moment. SOS sortez-moi de là ! Je ferme et enterre le deuxième...

Séverine pour Pays perdu et pour Première pierre
J'ai bien aimé, cela me parle énormément. Je ne trouve pas cela méprisant. Il y a un attendrissement. Ce monde fini crée de l'émotion. J'ai connu ce monde, les commerces qui ferment. Il avait une vision positive. Comme lui, j'en suis partie. Le deuxième livre n'était pas nécessaire. Il en a rajouté une couche. Il reste seulement universitaire.

Muriel pour Pays perdu et pour Première pierre
J'ai aimé les passages sur la merde et l'alcool. Mais le style est prétentieux, avec une fausse poésie. Parfois c'est incompréhensible comme dans cet exemple : "Montagnes, forêts, villages et murets demeurent discrets, ne se séparent qu'avec peine de ce qui les entoure. Se dégageant si difficilement de la gangue du monde environnant pour devenir eux-mêmes, ils ne cessent de nous renvoyer à lui. Se tirant de lui, ils le tirent vers nous. Ce n'est pas seulement la terre qu'ils retiennent et empêchent de glisser, mais le réel même que leurs racines agrippent pour nous". Quant au deuxième livre, tout le monde s'inspire du monde réel, la littérature c'est ça. C'est la liberté de la littérature de parler des gens. Il a changé les noms. Ce n'est pas vrai que c'est une ode au village. Même s'il aurait pu s'abstenir, le deuxième, je l'ai trouvé plus marrant : il y a de l'ambiance !

Monique S pour Pays perdu et pour Première pierre
Cela ne m'a pas étonnée qu'il se fasse casser la gueule. Ce qui m'étonne, c'est qu'il ne l'ait pas prévu : ce qui veut dire qu'il ne les connaît pas si bien que cela. Il est capable de décrire. S'il voulait faire un objet littéraire, il aurait pu faire en sorte qu'on ne reconnaisse pas les personnages. Il pouvait dire ce qu'il avait à dire autrement : pourquoi ne pas en avoir fait un roman ? Mais ce qui s'est passé n'est pas propre à la campagne. Il y a aussi le secret... Henri et Jeanne... l'enfant de l'inceste... Dans le deuxième livre, je sens une grande souffrance ; mais ce livre ne m'a pas convaincue, ses arguments sont contradictoires. Le deuxième, je l'enterre.

Françoise D pour Pays perdu et pour Première pierre.
Le premier j'ai beaucoup aimé, je ne le trouve pas alambiqué, mais très bien écrit. Il m'a rappelé des souvenirs. J'ai été influencée par l'histoire (le procès, etc.) : dans le récit, je me disais il fait fort (on est un peu pollué par le fait qu'on connaît la suite). On ne peut enlever qu'il aime ce village. Pourquoi changer les noms ?
Dans le deuxième, il a du mal à assumer, ce n'est pas un objet littéraire. Ce qui m'a agacée, c'est la volonté de se justifier. Mon p'tit' gars, arrête de pleurnicher : assume !

Monique D
Le premier ne m'a pas trop emballée, le deuxième m'a emballée -ce que peut la littérature - cela m'a passionnée. J'ai relu le premier et je l'ai alors aimé. Je ne vois pas que ce soit insultant. Je lui fais crédit qu'il n'était pas conscient. Il se pose des questions sur ce que peut la littérature.

Claire pour Pays perdu et pour Première pierre.
Le premier m'a beaucoup plu, j'ai été fréquemment émue. Il ressuscite, il sauve ce passé et me rappelle que moi-même sur les chemins je le cherche et aime le retrouver (souvenirs d'enfance en Savoie avec des paysans de ces âges anciens). Le narrateur, lui, appartient à deux mondes. Les descriptions sont passionnantes. Le style est souvent réussi, par exemple : " la mère Chassang accueille toujours le visiteur avec le même bavardage familier, et les années passées entre deux conversations sont comme des jours ". Il désigne bien aussi à côté de la dureté de la vie la " fadeur ", mot subtilement préféré à " ennui ". Le deuxième livre commence par un vrai suspense, avec la castagne ; la catégorisation des réactions au livre est intéressante, la critique de J.Savigneau est stupéfiante. Mais l'ensemble est décevant, avec des justifications, des reprises (l'estive), l'amertume, la prétention à faire des mythes, les secrets nœuds du livre qui ne m'intéressent pas, le tu (bof)…

Jacqueline
J'ai aimé Pays perdu. Non Muriel, pas parce que je suis de la campagne ! Justement pas. Il parle de choses qui me touchent. Liliane ne jurait que par Jourde. J'ai lu son pamphlet sur la littérature (La Littérature sans estomac) disant que tout est mou et j'attendais sa leçon de style : je ne serais pas si critique s'il n'avait pas tant critiqué les autres. Le deuxième livre je ne l'ai pas aimé car il règle des comptes. J'ai été touchée par sa naïveté. Je comprends que les gens de son pays réagissent mal. Je suis sensible au déchirement de l'auteur. Le deuxième livre n'est pas un livre. Son étonnement me touche : deux mondes ne se rencontrent pas. Cela forme un tout.

Marie-Thé pour Pays perdu et pour Première pierre
J'ai aimé la beauté du livre, la construction théâtrale, la célébration. Certes l'offrande est reçue comme une offense. L'écriture a souillé certains. Il y a quelque chose de viscéral. J'ai pensé à Bergougnoux (Miette), Depardon (Paysans). Dans le deuxième, il cherche à se défendre et se défend mal. On pense à Annie Ernaux qui s'est déclassée par le haut. J'ai pensé aussi à Jankélévitch qui dit qu'il n'y a pas de pardon quand les gens ne se sentent pas coupables. Il n'y a donc pas de pacification possible.

Jackie
J'ai commencé le deuxième, je n'ai lu qu'un chapitre. On retient les personnages. Ça a l'air extraordinaire.



Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :

à la folie, beaucoup, moyennement, un peu, pas du tout



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