Quatrième de couverture 
:
Vers le milieu du XVIIe siècle, les passagers d'un carrosse qui fait route vers Bordeaux sont attaqués et tués par des voleurs, mais une petite fille de deux ou trois ans est épargnée et bientôt recueillie par le curé d'un village voisin et sa sœur qui la prénomment Marianne. Une douzaine d'années plus tard, elle accompagne à Paris sa mère adoptive qui meurt brutalement. Elle est alors recueillie par un homme de considération, M. de Climal, qui la loge chez une lingère, mais lui fait rapidement la cour. Une cour à laquelle Marianne résiste d'autant plus qu'elle tombe bientôt amoureuse d'un beau jeune homme, Valville, qui n'est autre que le neveu de Climal.
La Vie de Marianne, que Marivaux fait paraître de 1731 à 1741, commence comme un roman d'aventures, mais c'est sa propre vie que raconte la narratrice, une comtesse qui ne connaît ses origines que depuis quinze ans, et s'est décidée à écrire ses mémoires sous la forme de lettres qu'elle rédige pour une amie. Il se peut que La Vie de Marianne fasse place au romanesque et au hasard : c'est aussi finalement un roman d'analyse. Celui dune femme qui raconte son destin avec une lucidité qui n'abolit pas la part du secret ni le mystère de l'incompréhensible.

Marivaux
La Vie de Marianne

Nous avons lu ce livre pendant l'été 2014.


Liz
Je suis vraiment désolée que je ne puisse "point" attendre vendredi soir. Je ne serai "point" à Paris. Je suis particulièrement désolée parce que je me suis battue à travers la vie de Marianne et je voudrais bien parler de ça avec vous et les autres dans le groupe ! C'est amusant que je ne puisse parler bien le français moderne, mais que maintenant j'utilise les mots comme "hardes" au lieu de vêtements... (Liz est australienne)

Manon
Dès le choix de cette œuvre, j'avais un véritable a priori à son sujet : pour moi Marivaux c'est le théâtre avant tout et je pensais alors que si un auteur est connu pour un type d'œuvre et pas pour un autre c'est bien qu'il y a un loup... Les 50 premières pages m'ont fait mentir. J'ai tout de suite adhéré à cette histoire d'orpheline essayant de "récupérer" sa vie et son rang dans la société...
Malheureusement l'enchantement n'a duré que 50 pages laissant la place au désenchantement le plus total ; le personnage de Marianne m'est très vite devenu insupportable : lamentation, pleurs, estime de soi surdimensionné... ce dernier trait de caractère m'empêchant d'avoir toute empathie pour l'orpheline. A chaque début de partie - tout du moins jusqu'à la 7ème puisqu'ensuite j'ai décidé de refermer définitivement ce livre - un petit paragraphe d'introduction nous rappelle combien son récit est intéressant, combien ses réflexions sont de premier ordre, combien nous sommes chanceux de lire ses mémoires... : TOO MUCH !! Si Marivaux a voulu dépeindre la vérité sur son époque, il y est arrivé à force de détails - trop de détails d'ailleurs qui ne permettent pas au récit d'avancer - mais son personnage principal est selon moi l'image de la parfaite "cruche", qui ne mène pas trop mal sa barque puisqu'elle arrive à retrouver son rang semble-t-il. Certains voient en Marianne une femme forte qui récupère sa vie, de mon côté ce personnage me renvoie surtout à son auteur : seul un homme n'ayant pas une considération très élevée pour les femmes pouvait en peindre un tel tableau de niaiserie et superficialité !
Je lui accorderai cependant mon indulgence quand à sa propension à nous faire voir ce récit comme une véritable autobiographie, l'auteur s'effaçant totalement derrière son personnage. Je ne m'attarderai pas sur les personnages qui entourent Marianne car ils ne lui servent que de faire-valoir, lui permettant d'étaler sa bonté, sa beauté...
J'aurais véritablement aimé terminer cette œuvre, mais d'autres livres se sont trouvés sur la route de mon été : Réparer les vivants, Khomeini, Sade et moi, Journal d'un corps... Et entre Marivaux et les autres mon cœur n'a pas balancé bien longtemps... Puisque tout vient de là je conseille comme Manu de regarder La Vie d'Adèle, film qui aura donc pour seul défaut de mentionner Marianne... ?

Brigitte 
Je connaissais Marivaux pour ses comédies. J'ai découvert la vie de Marianne grâce au groupe lecture. J'ai acheté le livre parce qu'il était à notre programme. Je n'étais pas vraiment motivée pour cette lecture, mais je m'y suis quand même engagée. Au début ça ne m'a pas beaucoup plu ; j'étais même assez déçue. Pourquoi cette Marianne ne peut-elle pas déroger à la fierté de son appartenance supposée à la noblesse pour gagner de quoi vivre en travaillant comme lingère chez Mme Dutour ? Cette fierté constitue un absolu auquel elle ne peut déroger : incompréhensible pour nous, de plus ce n'est pas un sujet qui peut éveiller notre intérêt. Nous sommes d'une autre époque : ces filles qui ne peuvent jamais circuler seules dans l'espace public, cette église catholique omniprésente, cette absence totale de services sociaux, c'est vraiment du passé lointain pour nous. Et aussi cette folie des larmes, ces torrents de pleurs qu'on répand à toute occasion, cela nous semble bien ridicule !
Lorsque je suis arrivée à la page 207, tout a changé. J'ai été impressionnée par le commentaire que fait Marianne au sujet de l'embonpoint de la prieure qui l'accueille. Quelle subtilité ! Quelle finesse ! On pense à Proust, à Virginia Woolf. En effet tous les longs dégagements (les phrases interminables) sont des analyses dignes des romanciers modernes. Marivaux fait preuve d'inventivité, il délaisse les formes littéraires classiques pour en inventer de nouvelles. A partir de là, tout devient intéressant, notamment le parti-pris de Marianne de ne jamais réagir comme on s'y attend, et son aptitude à renverser les situations. Elle obtient que Mme de Miran accepte son mariage avec Valville, et même que ce mariage soit pratiquement accepté par la famille plus large de Valville. Dans la Suite de Marianne, l'héroïne réussit aussi à ce que son infidélité devienne insupportable à l'amant coupable.
J'ajouterai que, dans ce livre, les hommes n'ont jamais le beau rôle, alors que les femmes ont des caractères beaucoup plus divers et beaucoup plus approfondis : on voit, par exemple, comment Madame Dorsin possède une personnalité supérieure à celle de Madame de Miran (du point de vue de Marianne). J'ai lu ensuite avec beaucoup d'intérêt la préface, qui inscrit l'œuvre dans l'histoire des idées avec beaucoup de compétence, mais qui me dépasse un peu.

Manuel (qui a proposé ce livre)
J'ai péniblement lu 100 pages. L'amorce est intéressante, les curés, les sœurs... Je l'ai proposé à cause de La Vie d'Adèle car le livre a l'air de passionner les étudiants. Le mélange texte descriptif/dialogue est très bien agencé. J'aime beaucoup la langue.

Séverine 
Je me suis arrêtée quand la mère accepte le mariage. Ça m'a fait bizarre, m'a rappelé mes études de lettres. Ça m'a à la fois plu et fait sourire, de par un décalage. Au fait, comment sait-elle qu'elle est d'extraction noble. On sent l'influence du théâtre (les apartés). Il faut avoir le temps pour le lire…

Jacqueline 
J'ai beaucoup aimé.
J'ai lu d'abord toute la présentation de Deloffre.

Renée
Celui qui a giflé une étudiante en 1968 !

Jacqueline
Peut-être, mais c'est un spécialiste intéressant qui montre la genèse du bouquin, comment le livre a été reçu. Et les notes sont placées à la fin, ce qui fait qu'on peut lire d'une traite, mais aussi se reporter au glossaire si on veut en savoir plus sur un mot qui a un astérisque.

Renée
Je dis à ma voisine étudiante : je ne supporte pas ce prof. Elle me répond : c'est mon père.

Jacqueline
J'ai adoré la langue, une belle langue. C'est pour cela aussi que j'adore les romans de Quignard. C'est un feuilleton, qui éclaire sur la société de l'époque. C'est très ironique sur la situation de la femme. J'ai tout lu avec émerveillement et déception, car cela ne finit pas. C'est plus moderne que ce qu'on a l'air d'en dire...

Françoise D 
Marianne chiale tout le temps ! Je suis allée jusqu'au bout, frustrée car il n'y a pas de bout. On est tout le temps au théâtre. Mais pour moi, la langue n'arrive pas à la cheville de Laclos.

Monique S
J'ai lu 20 pages, pas eu le temps. Je pensais m'ennuyer, elles étaient spirituelles, enlevées. C'est vrai que Marivaux est un grand écrivain. Si j'avais à le lire, je ferais comme Jacqueline.

Rozenn 
J'ai marché, adoré ! Entre les séries que je regardais (je recommande Homeland - Rozenn nous donne le pitch) après mon opération. Marianne se raconte des histoires pour raconter son identité.

Annick A
Je l'ai lu en entier, je n'ai pas arrêté alors qu'au fond ça m'emmerde. J'ai été séduite par la langue, l'analyse psychologique fine, la grande sensibilité, la peinture sociale. La dimension du fric est omniprésente. Notamment avec le mariage (je pense à Anthony Trollope) : le sens du mariage est totalement différent par rapport à aujourd'hui. De Marivaux, je préfère son théâtre. Mais j'ai été étonnée de lire jusqu'au bout.

Lucie
C'est bien illustratif du 18e siècle, les enfants abandonnés, etc. Je vais le terminer, car vous m'avez donné envie de le lire.

Petronela
Dans mon édition, les notes sont aussi à la fin, ce qui est gênant je trouve. J'ai aussi remarqué la belle langue et quand les gens se querellent, quelle politesse ! Je n'ai pas accroché non plus aux 100 premières pages. Si la société est présentée, je ne vois pas le cadre, les couleurs. Je retiens l'analyse psychologique. Mais je dois dire que j'ai lu en diagonale, jusqu'au dénouement, qui n'existe pas...

Claire
J'ai adoré le suspense et les rebondissements incessants, avec des retournements qui compensent les trop de hasards nombreux et des annonces qui font attendre la suite : ainsi on sait dès le début que Marianne est comtesse et on attend de savoir comment elle le devient. Ce feuilleton " haletant " en fait sûrement l'ancêtre des séries... J'ai aimé la langue en retrouvant celle du théâtre et l'analyse ("chez de certaines gens, un habit neuf, c'est presque un beau visage "), les distinctions subtiles, par exemple sur la difficulté à exprimer les sentiments par rapport aux deux dames ("ils se brouillent dès que ma réflexion s'en mêle ; je ne sais plus par où les prendre pour les exprimer : de sorte qu'ils sont en moi, et non pas à moi"). Les phrases sont souvent balancées ("pendant qu'il me parlait, nous avancions ; je me retournais encore, et à force d'avancer, elle disparut à mes yeux, cette maison que je n'aurais voulu ni habiter ni perdre de vue"). J'aime bien le jeu de la vertu : elle est vertueuse par "idéal du moi", mais elle en joue pour séduire ; tout à coup, elle se révèle singulièrement vache avec la chère Mme de Miran, en parlant de la "médiocrité de ses lumières", dont l'esprit, par opposition à Mme Dorsin "bornait la bonté de son cœur". Il y a des portraits succulents, notamment de Mme Dorsin avec l'équivalent de nos soirées lectures (les "intelligences d'une égale dignité, sinon d'une force égale, qui avaient tout uniment commerce ensemble").
La manifestation des émotions, hyper excessive, est proprement exotique : on pleure à tout va, on aime immédiatement. J'ai remarqué une unique touche d'humour dans une note de mon édition très sérieuse (Le livre de poche) : le responsable de l'édition se laisse tout à coup aller dans une note p. 423 : "Marianne pleure quand même beaucoup : de chagrin, d'émotion, de joie et même, ici, de ravissement". Alors que tout le monde pleure (Mme de Miran, Mme Dorsin, Valville est troublé), Marianne dit qu'elle pleurait moins par chagrin "que par mignardise".
Des réserves mais minimes : si mon intérêt a redoublé avec l'entrée en scène de la religieuse, la suite est trop semblable, les deux nanas se ressemblent trop. Et puis, l'artifice de livrer sa suite d'histoire à une interlocutrice je m'en fiche, de même les enchâssements du début. Et bien sûr l'inachèvement est décevant. Enfin, pour ajouter au plaisir, j'ai lu La Vie de Marianne lors d'une randonnée en solitaire de deux semaines de traversée les Alpes le soir dans les gîtes et refuges partageant de force parfois ma "couche" avec des inconnus durs à cuire, dans l'obscurité la lampe frontale sur Marivaux : j'adore...

Renée
Je n'ai pas tout lu, car je lisais en même temps La fin de l'homme rouge : ou le temps du désenchantement.

Rozenn
On le lit ?!

Renée
J'ai lu jusqu'à la page 239. Je trouve que c'est une traversée des apparences, elle veut savoir ce qu'il y a derrière les choses, elle est très lucide. Il y a des passages que j'ai reçus 20 sur 20. Mais c'est une coquette : "Mes yeux avaient plus d'esprit que moi". J'ai apprécié la délicatesse. Oui elle joue avec sa vertu. Et en tire plaisir. Mais j'avais La fin de l'homme rouge...


AVIS DU GROUPE VOIX AU CHAPITRE MORBIHAN
réuni le 12 septembre 2014 (8 PERSONNES)


Cotes d'amour :

: 2 personnes
: 5
: 1
: 2 (petitement ouvert...)

Ce que nous avons apprécié ou adoré
- l'écriture : son élégance, son raffinement... tout, insultes comprises, y est joliment dit... un vrai bonheur à reprendre le livre... une délectation, une vraie gourmandise...
- les portraits : description détaillée des personnages et analyse très fine des personnages, de leurs états d'âme, de leurs sentiments (spectre émotionnel très large), humour et férocité
- l'immersion dans l'atmosphère du 18ème
- la description de cette société de classes très codifiée où chacun a sa place (condition des femmes : sans naissance=aucun avenir, sans fortune=le couvent, sans mari=point de salut), vertus et qualités sont innées dans la noblesse, de même certains défauts sont génétiques chez les gens du peuple, l'importance du rôle de l'église (critique féroce de la charité et des dévots hypocrites)
- le franchissement des barrières sociales dans le salon littéraire de Madame Dorsin et l'accord étonnant de Madame de Miran pour le mariage de son fils avec Marianne
- l'éloge émouvant de Madame Dursan pour sa femme de chambre décédée
- des scènes très théâtrales : l'altercation entre Madame Dutour et le cocher
- le suspense, même si les situations sont convenues et attendues
- les scènes de séduction, identiques aujourd'hui
- les nombreuses réflexions sur la nature humaine qui en font un récit universel, intemporel
- la forme "feuilleton" (qui allège le livre)
- l'érotisme torride de la main... puis du pied !
- la préface très efficace qui donne un portrait de Marivaux ("précurseur de Stendhal et de Proust"), des informations sur le livre (roman galant), sur le sujet et sur les personnes qui ont servi de modèles aux personnages.

Ce que nous avons moins aimé ou détesté
- des longueurs... beaucoup de répétitions...
- très lent, peu d'action
- style lourd (imparfaits du subjonctif, subordonnées, etc.)
- les pleurs comme mode d'expression de tout état émotionnel : ils inondent le texte et le lecteur
- le manque de fin : qu'est devenue la donzelle ???
- le récit autobiographique de la nonne, censé éclairer Marianne sur son choix, lui aussi inachevé
- les portraits d'hommes présentés ici comme proies ou prédateurs
- le babillage de Marianne
- trop de malheurs : c'est agaçant...
- le procédé, parfois irritant : Marivaux parle par la bouche d'une femme et devient insupportable quand il dit "Nous autres femmes..." et nous assène des généralités de son cru.

Marie-Odile, du groupe Morbihan, détaille son avis :

Un texte long, semblable à un feuilleton à paraître dans la presse ou sur une télé du XVIII siècle ! Le but de Marivaux est sans doute de faire long, d'étirer son récit, démarche différente du théâtre qui appelle à une certaine concision. Si Marivaux avait supprimé toutes les phrases où ses personnages pleurent, on gagnerait au moins 150 pages... S'il avait enlevé ou réduit tous les passages où Marianne raconte à une nouvelle personne rencontrée son histoire depuis le début et que nous lecteur on connaît déjà (p. 217, 261, 335 ,371), on aurait gagné beaucoup d'autres pages. Mais c'est peut-être utile pour le lecteur distrait ?
L'histoire de la religieuse, annoncée à de multiples reprises n'intervient pas comme une digression de quelques pages, mais occupe les 3 derniers chapitres, soit 162 pages, et on ne revient à Marianne que dans le dernier paragraphe… Certes, ce personnage est une sorte de double de Marianne mais fallait-il écrire si long ? En même temps, le texte étant inachevé, on reste sur sa fin (lapsus, sur sa faim) quant aux anticipations (Marianne espère que Valville reviendra vers elle devenue une autre Marianne…). Les véritables origines de Marianne ne refont pas surface comme on l'aurait vu chez Molière eu Victor Hugo. Quant à Tervire, on ne va pas jusqu'au bout de son parcours et on ne sait pas comment elle devient religieuse, même si on peut l'imaginer. Attente déçue du lecteur à plusieurs reprises. Pourquoi ce récit est-il inachevé ? Marivaux s'est-il lassé ?
Un récit très ancré dans une époque : le personnage romanesque est celui à qui il manque quelque chose et qui pour cette raison est malmené par la vie : Marianne n'a pas d'origine, pas de pedigree, c'est le manque le plus cruel ; Mme de Tresle et Tervire ont de la naissance mais pas d'argent ; Brunon n'a ni argent ni origine. On compense par la vertu, la beauté naturelle, les 2 étant associés souvent, par l'apparence (vêtements, parure). Le couvent peut être perçu comme un recours, un refuge mais un piège aussi. Il y a une espèce de solidarité de classe entre personnes qui se reconnaissent au gré des rencontres comme appartenant à un même monde, celui des personnes de " qualité ", malgré les manques : par exemple Marianne est " adoptée " par Mme de Miran, Tervire prise en charge par Mme Dursan sa tante, en une sorte d'adoption avec don d'argent, héritage, entraide… Générosité spontanée face à la mère de Tervire, comme si on pressentait qui elle est.
Les personnages :
- Marianne, une sainte, n'a que des qualités : un personnage agaçant, que j'aurais aimé un peu plus garce. Pendant un moment j'ai espéré que sa sainteté soit feinte, une sorte de machiavélisme, de calcul pour parvenir à ses fins, revanche sur ce monde d'hypocrisie et de caste, mais non. De même Mme de Miran que j'ai soupçonnée un moment d'être complice de l'enlèvement de Marianne, et d'avoir aussi feint tout le reste, mais non. La surprise vient de ce que ces personnages sont sans surprise. Profondément agaçante, la relation entre ces deux femmes qui se transforment en "mère/fille" qui disent leur relation plus importante que la relation amoureuse des jeunes gens… (on est loin de Molière).
- Les mères : ou mortes ou abandonnant enfant, ou de substitution. A noter le caractère immoral du 2ème récit où Tervire retrouve, chérit et défend une mère qui a bel et bien voulu se débarrasser d'elle pendant 20 ans ou presque !!! Excuse : une femme victime si peu maître et responsable de son destin ??
A noter, la surabondance de personnages féminins. Quant aux hommes, ils sont soit absents (morts), ou mourants (Climal, Fils Dursan), soit lâches (Valville), soit faux dévots, presque tous nuls ou insignifiants. Ce sont des personnages d'arrière-plan.
L'analyse des sentiments et le style : une grande finesse de cette analyse, la perspicacité de la narratrice quant à ses propres réactions et aussi face au comportement des autres. Toutes ces nuances (que l'on perçoit couramment dans la vraie vie, mais qu'on laisse délibérément de côté parce qu'il faut bien vivre et qu'on ne peut pas rester là à se regarder vivre) sont ici disséquées, exposées, détaillées dans une langue merveilleuse dont on pourrait penser qu'elle n'a été inventée que pour servir cette fin. Et ça c'est l'art de Marivaux, cette adéquation subtile du style au contenu qui fait que rien n'est jamais pesant et que tout se lit comme… un feuilleton !!
Un passage à lire p. 589-590 : celui où Mme Dursan perd sa femme de chambre et ou s'exprime le besoin d'échapper à cette société si codée, si artificielle… pour retrouver un peu de naturel.


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :

à la folie, beaucoup, moyennement, un peu, pas du tout


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