La quatrième de couverture :
"L'idée de Samuel était belle et folle : monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé. Samuel était grec. Juif, aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m'a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l'a fait promettre, à moi, le petit théâtreux de patronage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982, main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m'offre brutalement la sienne."
(Sorj Chalandon)

Ce livre a eu le prix Goncourt des lycéens en 2013.


 

Sorj Chalandon
Le Quatrième mur

Nous avons lu ce livre en décembre 2015.

Voir en bas de page des infos sur le livre et l'auteur. 

Ultérieurement (le 2 mars 2017), nous avons vu une adaptation théâtrale, Le Quatrième mur, de Julien Bouffier au Théâtre du Tarmac, suivie d'une rencontre avec Sorj Chalandon.

Le nouveau groupe lira en novembre 2023
Retour à Killybegs.

Brigitte (avis transmis)
Pas de chance, ce vendredi, je ne serai pas avec vous. Je le regrette car j'aurais beaucoup aimé participer à la discussion sur l'ouvrage de Sorj Chalandon. Les hasards de la vie scolaire d'une de mes petites-filles m'avaient conduite à relire Antigone d'Anouilh il y a quelques mois. Lors de notre visite à Milly-la-Forêt, nous avons pu voir des affiches de l'Antigone de Cocteau ; j'étais donc mûre pour lire ce Quatrième mur... Le livre m'a beaucoup intéressée, notamment par tout ce qu'il met en évidence sur le rôle et la force du théâtre.
J'ai cependant été un peu gênée par les divers procédés romanesques utilisés pour mettre en situation son expérience théâtrale. Tout le monde n'a pas la maîtrise de l'écriture de Julien Gracq !

Claire
T'as un exemple de procédé qui t'a gênée ?

Brigitte
Les procédés sont partout. Il commence par une scène de violence, qui est aussi la scène finale, comme dans un film d'action. Il "démystifie" les manifestants gauchistes. Il fait manger à sa petite fille une glace à la terre, etc. Tout cela ne sonne pas comme "authentique" dans le fil du roman.
Je l'ai cependant recommandé à une autre de mes petites-filles qui veut faire du théâtre pour ce qui est dit de la résonance de la situation décrite par Anouilh dans Antigone avec la situation réelle à Beyrouth en 1982.
Claire-Lise (avis transmis)
J'ai lu Le quatrième mur sans aucun plaisir. Je n'ai pas aimé son style. Il veut écrire de façon dépouillée, aller jusqu'à l'os, faire des phrases courtes, choc. Oui mais parfois, ça nous perd. Cela nuit au déroulé du récit.
Personnellement, ce récit de jeune - puis moins jeune - homme exalté ne m'a pas beaucoup touchée. Il se bat contre l'injustice, puis il se range, puis il se retrouve pris dans le combat, la vraie guerre, une guerre qu'il n'a pas choisie, pour faire plaisir à Sam avec qui il n'a pas parlé pendant deux ans ? Cela ne tient pas vraiment debout. C'est un roman (?) de l'absurde. Pour moi, ce jeune homme Georges, gauchiste, cherche le sens de la vie. Il ne la saisit pas - la vie - alors qu'elle lui est donnée auprès de sa femme et de sa fille. Il se laisse happer par quelque chose de plus grand, qui le dépasse. Il subit l'attraction mortifère de la guerre, il devient un assassin "comme un autre". C'est absolument désespéré. Au bout d'un moment, en tant que lecteur non spécialiste de la guerre du Liban, on ne comprend plus trop qui est qui (je m'y perds entre Druzes, phalangistes, Palestiniens), bref, finalement, tout le monde meurt, c'est la cata. Je n'"ouvre pas du tout", peut-être que j'avais envie de plus de légèreté et d'optimisme dans le climat ambiant...

Serge d'Avignon (avis transmis)
J'ai repensé à la phrase de la chanteuse Barbara : "Rien de mal ne peut arriver dans un théâtre. Rien, on y est protégé de tout". L'idée de mettre le théâtre comme force de résistance à la guerre m'a captivé. Mais, sur le traitement, j'ai trouvé que sa façon d'annoncer une scène puis de la mettre en scène (exemple p. 70 : "Et moi ? J'étais armé au Luxembourg ? je lui ai répondu" et page suivante on a l'explication du fait qu'il est "entré au jardin du Luxembourg comme on se réfugie dans une église" et ce n'est qu'un exemple, pas très heureux pour la lecture). J'ai été interpellé par sa constatation "Quand on a plus d'idée, on invente un personnage", ému par l'évocation du mur des fusillés, le groupe Manouchian, le mont Valérien, très ému par le passage "Et si c'était Georges qui montait Antigone ? Dis oui, Georges." Sam avait pour moi le visage de Patrice Chéreau dans l'exposition de la Fondation Lambert. C'est donc un roman vertigineux dont l'architecture me rappelle celle du film Ma vie est un roman d'Alain Resnais. J'ai eu envie de vomir à certains moments, comme toujours avec la guerre. J'ai trouvé très juste et très bien écrit le traumatisme de ceux qui ont à affronter la guerre. A la fin, cependant, la mort de Georges m'a semblé un peu trop : était-ce bien nécessaire d'aller jusque là, est-ce que la mort de Georges apporte quelque chose à la fin du livre ? Pour moi, non.

Claire
Je n'avais pas remarqué le procédé dont tu parles, mais je ne le trouve pas, du moins pour l'exemple du Luxembourg, gênant pour la lecture, je dirais même au contraire : "Et moi ? J'étais armé au Luxembourg ? je lui ai répondu." est une phrase qui intrigue et, par un flash-back, on a l'explication, c'est pas mal pour justifier le flash-back.
Serge
Il fait ça très souvent, comme un effet de style, le Luxembourg n'étant qu'un exemple sur 30 : il annonce une scène, parle d'autre chose et enfin met en scène cette scène dont on avait oublié l'annonce : ça ne gêne pas la lecture mais ça assomme, cela crée de l'ennui (une sorte de "Moi, Président" qui tomberait à plat...) ; c'est très important de faire attention à bien épousseter ces moments d'ennui, à choisir les ressorts de son suspens : ne pas le faire, c'est une vraie faute professionnelle de l'écrivain ! Je regrette qu'il n'y ait plus des Françoise Verny dans les maisons d'édition actuelles...
Denis (avis transmis)
Je le dis d'emblée, je n'ai pas aimé la façon dont ce livre est écrit et je ne suis pas arrivé à le lire entièrement. J'ai pourtant essayé loyalement de m'accrocher, à plusieurs reprises, en ouvrant à des endroits différents. A l'exception des parties qui sonnent comme des reportages sur la situation de guerre à Beyrouth - et je me suis rappelé avoir souvent vu la signature de Sorj Chalandon dans Libé. C'est certainement un bon reporter. La scène avec les snipers miliciens est impressionnante, de même que ses descriptions des déplacements en ville. Des images provenant de documentaires vus à la télé sur la guerre de Beyrouth me revenaient en tête et se superposaient au texte.
Mais la partie romanesque m'est tombée des mains. Son écriture à l'emporte-pièce ne convient absolument pas (alors qu'elle passe bien dans les scènes d'action de guerre). Elle donne un caractère uniformément emphatique à tous les événements de sa vie ordinaire, qu'ils soient grands ou petits. Pour moi, impossible de suivre une narration quand la moitié des phrases ne comportent pas de verbe.
Je suis allé voir de quoi il est question dans Antigone d'Anouilh, espérant que cela relancerait ma lecture de Chalandon, mais là aussi j'ai été déçu. La pièce m'a paru terriblement sentimentale et larmoyante (la chère vieille nourrice, le fils que nous n'aurons pas...) et je ne l'ai pas aimée non plus.
J'ouvre le livre d'un quart, pour les textes sur la guerre.
Nathalie
Je n'ai jamais lu d'œuvre de Chalandon et je n'ai rien lu autour du livre. Je partage depuis de nombreuses années des liens étroits avec la diaspora Libanaise (de toutes confessions) qui se trouve en Afrique subsaharienne. Pour moi, il est souhaitable qu'on aille chercher des informations précises sur la nature des groupes en présence et sur les événements historiques auxquels il est fait allusion. Toutefois je trouve que le roman parle moins du Liban que du parcours d'un homme. Il ne m'a pas semblé que ce roman était ce qu'on appelle une œuvre littéraire. Le personnage masculin, pour qu'il quitte tout c'est qu'il y a un vide en lui, c'est un double d'Antigone ; je l'ai trouvé soit courageux, soit inconscient. Je n'ai jamais trouvé qu'il était metteur en scène, cela me semble un artifice. Par contre j'ai particulièrement aimé la notion d'indicible : ce que l'on ne peut pas partager, ce que l'on ne peut pas dire à l'autre. Qui que ce soit : reporter, médecin, infirmière ; conflit, catastrophe, attentat... : celui qui revient ne peut rien dire. Mais d'autre part, j'ai trouvé énormément d'invraisemblances ; son épouse lui dit des choses aberrantes ("ouvre la fenêtre" quand il revient)...

Rozenn
... je trouve pas ça invraisemblable !

Nathalie
Elle a un manque d'empathie vis-à-vis de lui, sans parler de l'absence de communication au sein du couple. Ce personnage de Georges m'a gênée. Par contre, j'ai énormément aimé quand il dit "j'ai eu honte, j'étais en enfer et j'étais bien" : on voit combien on peut vouloir être au cœur du conflit parce qu'on ne peut pas supporter d'être impuissant à l'extérieur. C'est une question de sensibilité au monde. A force d'attendre la catastrophe, on se ronge. Quand elle est là, on n'a plus peur. On agit. Rien de pire ne peut arriver. Quant à Samuel, pour moi il n'a pas d'étoffe, je ne comprends pas son rôle. Mais ce livre m'a forcée à comprendre Sabra et Chatila. Si l'auteur a cherché à faire une construction, il me semble qu'on peut y voir une sorte de "machine infernale" chère à Cocteau, dont le ressort une fois déroulé (la mise en place des tous les personnages et les factions qui vont avec) n'a plus qu'à se détendre violemment dans les dernières pages du roman.
Fanny
Une semaine après les attentats, j'ai été saisie par les premières pages... Mais après, je n'ai pas trouvé ça bon. Si la scène de l'aéroport est réussie, beaucoup de passages sont inutiles. Je me souviens au Liban, alors qu'on était en temps de paix (j'y étais 2001), on sentait la tension, la peur de l'autre, avec beaucoup de différences de cultures. L'intrigue, je n'y ai cru à aucun moment. L'auteur peint un personnage censé être intelligent alors qu'il est grotesque quand il mélange les cinq laissez-passer…

Rozenn
Je me vois bien faire ça…

Fanny
Il y a trop de pathos. J'ai lu Antigone, et je n'ai pas vu de parallèle. Dans les interviews, on comprend qu'il y a effectivement des correspondances avec la vie de l'auteur, voire que le roman joue un rôle apparemment cathartique pour lui.
C'est plein de bonnes intentions, mais ce n'est pas réussi.
Françoise
Quand il a été question de lire du Chalandon, j'étais partante car j'avais aimé Mon Traître. Il est meilleur quand il parle de lui. Là je n'ai rien retrouvé, ni l'écriture ni de quoi m'accrocher. C'est artificiel. Je rejoins ce qu'a dit Nathalie. Sur le Liban, il ne nous éclaire pas sur une situation où on ne comprenait rien, du moins moi. L'écriture, il en fait trop, c'est too much à tous égards. Il ne m'a pas donné envie de lire Antigone, si en plus il fallait se farcir la pièce ! Tout est exagéré. Et la fin où Georges meurt alors qu'il raconte sa propre histoire !

Claire
Y a pas besoin de Françoise Verny pour voir ça !

Françoise
Bref, c'est mal fichu, mal ficelé !
Richard
Jusqu'ici, j'ouvrais les livres lus dans le groupe au ¼ et cette fois c'est ¾ ! Antigone m'a rappelé que j'ai joué Créon à la fac britannique... J'avais deviné que Georges mourrait à la fin. C'est vrai, c'est surfait. Les petites phrases courtes que vous n'avez pas aimées me vont bien, même si le procédé dure trop. Mais c'est important pour moi ce qui reste quand le livre est fermé. Et des scènes me sont restées : quand il assiste à se première action de guerre. Et dans la scène où il rencontre les acteurs pour la première fois, j'ai ressenti du soulagement.
Jacqueline
Je ne connaissais pas Chalandon, ni la situation au Liban. Je me suis plongée dans ce livre et j'ai marché, j'ai été prise. C'est un roman extraordinaire de formation. Le point de vue de ce maoïste qui se trouve confronté à la réalité, son désespoir, ça recoupe ce que Chalandon - l'auteur - dit. Je suis très contente d'avoir lu ce livre qui m'a obligée à aller voir ce qui s'était passé au Liban. C'est fort émotionnellement ; du coup, je n'ai pas vu "comment il écrit" et n'ai pas eu le temps d'y retourner. C'est un vrai roman : à la fin quand le chœur annonce la mort de Georges, j'ai eu un choc et cela m'a paru une trouvaille littéraire.
Rozenn
Je ne le relirai pas, je ne le conseillerai à personne, mais j'ouvre aux ¾.
Manon
Les 150 premières pages m'ont fait chier. Les personnages sont plats, tout est plat. Et puis, cet après-midi, je l'ai continué et là j'étais à fond ! Je l'ai dévoré jusqu'à la fin. Le narrateur s'entoure de personnages intéressants, Marwan par exemple est un homme intéressant. Mais c'est un témoignage de guerre plus qu'un roman. J'ai été déçue que la pièce ne soit pas jouée. J'ai envie de le faire lire à plein de gens.
Monique L
Je suis moi aussi enthousiasmée. Les phrases courtes donnent du rythme. J'ai vécu auprès de gens qui ont vécu de genre de violences. Le personnage pour moi est plausible. J'ai vu la pièce d'Anouilh l'année dernière et j'ai adhéré aux passages sur Antigone dans le livre. C'est un livre fort, que j'ai fait lire à plein de gens. Finalement, après vous avoir écoutés, je n'ai rien dit de ce que j'avais prévu par écrit...
Emmanuel
En ouvrant les premières pages, ce qui m'a plu au-delà du contexte, c'est que le réflexe d'ouvrir la bouche pour décompresser (pour éviter que les tympans n'explosent) montre la connaissance au quotidien de ces situations ; après, je vois dans la table des matières que tous les chapitres portent un prénom ; d'où un premier a priori, c'est très incarné. Oui, le style est journalistique ; oui, certains personnages/certaines scènes ne sont pas forcément crédibles, mais ce qui m'a ému, c'est qu'on sent bien le Liban multiconfessionnel (sur la carte d'identité, la religion est nécessairement mentionnée) ; on sent dans le livre l'absence de rêve ; personne d'ailleurs n'adhère vraiment au projet, Antigone. La profondeur va manquer, car il essaye d'introduire la tragédie (Antigone) et quand on vit le drame (la guerre), ça ne marche pas. Ce Liban complexe, on en goûte une complexité. Je pense aussi à l'étreinte avec Marwan qu'il n'a pas avec sa femme. Il y a de belles images, c'est très riche d'humanité.
Lisa
Dès les premières pages j'ai été happée. Je ne savais pas qu'il y avait eu une dictature en Grèce - on ne l'apprend pas à l'école. Et les idéaux gauchistes parisiens, je les connaissais de loin. Il écrit bien, et je suis d'accord, les passages d'Antigone aèrent. J'ai bien aimé la différence montrée entre les idéaux et la confrontation avec la guerre : ce livre est génial.
Claire entre et
J'ignorais tout du livre et de l'auteur, à part qu'il avait eu le Goncourt des lycéens. Dans l'ensemble, j'ai l'impression d'un livre pénible. Une écriture d'abord plate - évidemment par rapport à Gracq... - et quand il s'essaie à faire du style, c'est dramatique ("Sam a laissé mon silence lui murmurer le reste. Personne ne pourrait rapiécer l'écolier qui cueille une fleur pour dire adieu à sa mère" p. 35). Dans la 1ère partie, le contexte gauchiste est bien reconstitué, mais j'ai eu une double impression : d'une part de corvée - ça n'en finissait pas - et de lecture primaire (=j'aime pas le livre parce que j'aime pas le personnage) au long de l'itinéraire de ce militant borné, violent (qui veut "obliger à la béquille, à la chaise, à la douleur à la vie"), stalinien : le personnage déclenche ma haine. Autre réaction assez vite, d'interrogation sur le lien entre fiction et biographie en raison de la façon dont le narrateur se situe, ça me met mal à l'aise. Dans le parcours de l'"intellectuel précaire", la paternité m'a touchée. Sam, une sorte de saint, me paraît irréaliste, encore plus avec son Antigone. On est au Liban p. 130 et j'ai écrit rageusement "j'en ai marre !"... Puis vient la guerre, ça change, c'est bien rendu, l'écriture est là, et l'émotion : ce sont les moments les plus réussis. Je n'ai pas fait attention aux procédés, mais la fin avec ce chœur et le narrateur qui dit je est tué, c'est débile.

Nathalie
Mais c'est souvent dans les livres...

Claire
Mais au moins on finit par dire qu'on a retrouvé le manuscrit dans une malle ! Antigone, une pièce formidable : il en tire pas grand-chose, de son contenu. Le quatrième mur, belle idée, mais peu utilisée. J'ai pensé aussi - tu en parlais Annick - à Valse avec Bachir. J'ai lu des choses après, qui ajoutent à la déception : on sent moins un projet littéraire qu'un projet thérapeutique. Il n'a pas de distance sur l'écriture, la seule chose qu'il sait dire c'est que la différence entre l'écriture journalistique et le roman, c'est qu'on ne dit pas je quand on est journaliste ; quand on lui demande son rapport à l'autofiction, il répond "je suis loin de l'autofiction. Je suis loin de la fiction. Certes Georges est mon deuxième prénom, mais..." Il ferait bien de faire un stage chez Delphine de Vigan suite à son magistral et manipulateur A partir d'une histoire vraie (justement !)
Geneviève
Je me suis demandé si j'allais venir car je ne voulais pas entendre comparer ce livre avec Gracq et que ça me gonfle… Oui il y a eu des petits cailloux dans la chaussure, mais chaque point a une résonance pour moi. A chaque fois je sens que je devrais réagir, mais je m'en fous. Je ne suis jamais saturée quand il s'agit de la l'histoire : la Grèce, Sabra et Chatila. Comme toi Richard j'ai joué dans Antigone dans un stage franco-britannique. Georges a fait son choix ce qui me ramène à ma jeunesse. Et c'est vraiment une affaire de génération et c'est bien que pour les jeunes comme Lisa ce soit différent. La fin c'est vrai n'est pas terrible, mais ça a un sens.

Claire
Et ça t'a gonflée finalement de nous entendre ?

Geneviève
Oui... mais même quand il y a eu des points de vue avec lesquels je suis en désaccord, il y a des choses dites auxquelles j'adhère.
Henri
J'ai vu tout de suite que c'était un livre de journaliste donc juge sur 3/4, en laissant ¼ littéraire de côté... Je me suis dit qu'avec l'arrivé de Sam, là il y avait un projet littéraire ; j'ai pensé à un parapentiste qui, lui, a réussi après avoir prévenu tout le monde à provoquer un cessez-le-feu au Moyen-Orient quand il a atterri. Oui, on est pris, on est saisi, mais une fois le livre fini, j'ai été gêné par l'idéologie sous-jacente, machiste, sur l'intensité de la vie dans la guerre. J'attends un livre écrit par une femme. J'ai trouvé qu'il était naïf, tout le monde est sur un pied d'égalité, quelle est l'épaisseur de tout cela ? Il ne mûrit pas. Quel est l'intérêt ?
Annick A (qui a proposé ce livre)
J'ai trouvé ce livre très puissant, le rapport de la culture à la violence m'a intéressée. J'adore la pièce Antigone. La première partie m'a ennuyée par rapport à la personnalité de Georges. C'est le côté emphatique qui me gêne. Par rapport à l'idéologie, Georges est insupportable, dans ce rapport de jouissance à la mort.

Claire
À la mort ou à la violence ?

Annick
À la mort.

Henri
Pour dire son amour à sa fille, il dit d'ailleurs qu'il tuerait pour elle.

Annick
Ce n'est donc pas étonnant qu'il revienne à la mort, il est tout le temps là-dedans. Ceux qui sont dans la guerre n'en sortiront jamais. Avec Sam et Georges, on a la pulsion de vie et la pulsion de mort. Les personnages de la pièce sont idéologiquement différents et quand il les fait jouer, il les rend tous sympathiques. Je suis passionnée par le théâtre. Au-delà des positions qu'on peut avoir, on est quoi ? Ils oublient ce qu'ils sont quand ils jouent, pour approcher une certaine forme d'humanité. Il y a des moments forts, beaucoup de vous les ont aimés. J'avais lu ce livre il y a longtemps, je ne me souvenais plus que Georges mourrait.

Claire
Et nos avis ?

Annick
Je n'ai pas été étonnée…

Claire
Au début c'était craignos tous les avis négatifs…

Annick
J'ai pris mes distances… Ce qui m'intéresse c'est qu'il veut créer un choc. Ce livre permet au lecteur de pouvoir se représenter ce qui se passe là-bas.



AUTOUR DU LIVRE

Le Quatrième mur se réfère, tout au long du livre, à Antigone d’Anouilh : le texte de cette pièce est ICI.

Beyrouth
Pour obtenir l'aval des miliciens pour jouer Antigone, le narrateur traverse le secteur des chiites, des nassériens, des phalangistes, des chrétiens..., doit manger au sens propre son sauf-conduit palestinien avant d'être introduit dans le "palais" des miliciens, "une superbe maison jaune de trois étages. L'immeuble Barakat en dentelles de guerre. (...) Cette maison n'était pas une ruine de guerre. Elle était la guerre. De la terrasse au sol, les combats l'avaient martelée comme un plateau de cuivre. Pas un pouce intact. Partout sur ses colonnes fragiles, ses balcons, ses fenêtres romanes les pointillés des rafales, les impacts des tirs de précision, les écorchures de grenades, les déchirures de roquettes, les cicatrices ouvertes par les mortiers." (p.149)

Présentation en vidéo de cette architecture art nouveau des années 20 : ICI

Le cinéma où Antigone est répétée
"Je regardais la façade lunaire du cinéma Beaufort, de l’autre côté de la rue. (...) Le cinéma n'avait pas de fenêtres. Les obus s'étaient chargés d'en dessiner partout, ouvrant aussi des portes et creusant des terrasses." (p. 178 et 180)

Le peintre libanais Elie Kanaan (1926-2009)
Simone, ancienne ouvreuse du cinéma, dit à Georges :
"– Vous connaissez Elie Kanaan ? m’a demandé Simone.
Non, je ne connaissais pas.
– C’est l’un des plus grands peintres de notre pays, m’a-t-elle expliqué sans quitter son ouvrage.
Elle travaillait au point lancé, offrant à la laine la grâce du lavis.
– Je me suis inspirée de l’une de ces toiles. Deux femmes qui attendent. Mais qui attendent je ne sais quoi
."
(p. 184)
Des œuvres de ce peintre : ICI

Le Requiem de Maurice Duruflé
"Le disque avait été enregistré en 1959. Hélène Bouvier chantait, Duruflé lui-même conduisait l'orchestre Lamoureux. Je me suis assis dans la pénombre. J'ai écouté le Requiem." (p. 117)
On peut entendre des extraits de cette version ICI.

Mahmoud Darwich, poète palestinien (1941-2008)
Il fut une voix de la résistance palestinienne : le poème "Identité", évoqué par Imane p. 138, paru dans le recueil Rameaux d'olivier (1964), dépassa rapidement les frontières palestiniennes pour devenir un hymne chanté dans tout le monde arabe.

"Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais ce qui m'attends..." a récité le tueur.
Le poème complet de Victor Hugo, évoqué p. 160, "Demain, dès l'aube" :

Et ce titre, "Le quatrième mur" ?
Cette notion a été esquissée par Diderot dans De la poésie dramatique (1758) : "Imaginez sur le bord du théâtre un grand mur qui vous sépare du parterre : jouez comme si la toile ne se levait pas" puis systématisée par André Antoine qui a donné son nom au Théâtre Antoine à Paris et qui fut directeur de l'Odéon de 1906 à 1914. Ce mur, imaginaire, conventionnel, parcourt le devant de la scène du théâtre, frontière entre la fiction qui se déroule sur scène et le public.

Deux interviews de Sorj Chalandon
À découvrir, de préférence après avoir lu le livre :
- à lire : dans CQFD (mensuel de critique et d'expérimentation sociale), en octobre 2013 : ICI
- à écouter et voir, sur le site de la librairie Mollat à Bordeaux en octobre 2013 :

 

Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :

à la folie, beaucoup, moyennement, un peu, pas du tout


Nous écrire
Accueil | Membres | Calendrier | Nos avis | Rencontres | Sorties | Liens