La quatrième de couverture :
"1957. A Alger, le capitaine André Degorce retrouve le lieutenant
Horace Andreani, avec lequel il a affronté l'horreur des combats
puis de la détention en Indochine. Désormais les prisonniers
passent des mains de Degorce à celles d'Andreani, d'un tortionnaire
à l'autre : les victimes sont devenues bourreaux. Si Andreani
assume pleinement ce nouveau statut, Degorce, dépossédé
de lui-même, ne trouve l'apaisement qu'auprès de Tahar, commandant
de l'ALN, retenu dans une cellule qui prend des allures de confessionnal
où le geôlier se livre à son prisonnier
Sur une scène désolée, fouettée par le vent,
le sable et le sang, dans l'humidité des caves algéroises
où des bourreaux se rassemblent autour des corps nus, Jérôme
Ferrari, à travers trois personnages réunis par les injonctions
de l'Histoire dans une douleur qui n'a, pour aucun d'eux, ni le même
visage ni le même langage, trace, par-delà le bien et le
mal, un incandescent chemin d'écriture vers l'impossible vérité
de l'homme dès lors que l'enfer s'invite sur terre."
Né à Paris en 1968, Jérôme Ferrari a enseigné
en Algérie en Corse, puis à Abou Dhabi (Émirats arabes
unis).
Il a reçu le prix Goncourt en 2012 pour Le Sermon sur la chute
de Rome.
Ce roman, Où j'ai laissé mon âme, a valu à
son auteur le grand prix Poncetton de la SGDL, le prix France Télévisions,
le prix Initiales et le prix Larbaud.
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Jérôme Ferrari
Où j'ai laissé mon âme
Nous avons lu ce livre en octobre
2015.
Manon (avis transmis)
Je ne serai pas là ce soir alors que j'aurais vraiment beaucoup
aimé vous dire à quel point j'ai été passionnée
par ce livre.
Ce sujet encore douloureux pour certains - cette semaine j'ai d'ailleurs
revu différents courriers au travail concernant la guerre d'Algérie...
(Manon travaille maintenant au service du courrier du Président
de la République
) comme quoi tout cela reste d'actualité... -
n'est que très rarement abordé ou alors avec un grand nombre
de pincettes. Selon moi, la force de Ferrari est justement de n'en prendre
aucune, de décrire sans complaisance les actions et les pensées
de chacun des protagonistes, de décrire des scènes de tortures
insoutenables - les dernières pages ont bien failli me faire
vomir - tout en ne stigmatisant pas les acteurs de ces crimes.
Et quels acteurs ! Vraiment ce duo fonctionne à merveille :
tant d'opposition et tant de similitude... une relation amour/haine extrêmement
forte ! Presque une relation sentimentale finalement... un vieux
couple qui ne se reconnaîtrait plus avec le temps... Ou encore une
fratrie qui se serait perdue de vue et qui ne comprendrait plus bien les
connivences qu'ils ont pu avoir enfant..., des frères d'armes :
"je connais vos remords parce que je suis votre frère,
rappelez vous nous avons été engendrés par la même
bataille" (p. 152)
Bref, j'ai adoré ! Et je le savais avant même d'avoir
ouvert le livre tant j'avais aimé Le
Sermon sur la chute de Rome auquel notre roman n'a cessé
de me faire penser... En espérant que le prochain livre me procure
le même plaisir !
Mireille (avis transmis)
Ma plongée en apnée dans le climat poisseux et violent de
ce livre, dans les sentiments d'amour et de haine d'Andreani pour Degorce
et de Degorce, lâche et méprisant, pour Tahar, ne m'ont laissé
aucun répit. C'était salutaire pour moi de revenir à
la surface et de retrouver une atmosphère plus supportable, plus
respirable et de terminer Confiteor...
Je vois bien la qualité littéraire de ce livre mais je ne
l'ouvre qu'à moitié.
Jacqueline
Je suis très contente que ce livre ait été proposé
: merci au groupe ! Je suis intéressée par cette époque
et par le regard apporté par une floraison de romans récents
sur la guerre d'Algérie, par exemple Laurent Mauvignier avec Des
hommes, Stéphane Chaumet Même
pour ne pas vaincre, Catherine Lépront
Le Beau visage de l'ennemi...
Françoise
... dont tu nous avais fait lire Les
Gens du monde.
Jacqueline
Ce n'était pas une réussite...
Françoise
Si !
Jacqueline
Toi tu l'avais aimé, mais je n'avais pas fait un bon choix dans
son uvre. Mais bref... J'étais étudiante au moment
de cette guerre et d'ailleurs ça ne m'a pas forcément aidée
pour mes études... Le temps a passé, il y a maintenant une
génération postérieure.
Claire
Et t'as pensé quoi du livre de Ferrari ?
Jacqueline
C'est un très beau livre, qui est entré pour moi en résonance
avec le livre de François Bizet sur Pol Pot Le
Silence du bourreau. À cette époque ou peu après,
dans l'immédiat, il y avait eu Elise
et la vraie vie de Claire Etcherelli ou La
question d'Henri Alleg, le premier et le seul à parler
de la torture...
Annick L
et qui a été interdit.
Jacqueline
C'est très rare qu'un livre donne le point de vue des bourreaux,
comme dans Les
Bienveillantes, qui à cet égard m'a paru peu convaincant.
Claire
Et t'as pensé quoi du livre de Ferrari ?
Jacqueline
C'est un très grand livre, alors que c'est un "petit"
livre. Il donne à réfléchir, avec plein de pistes.
C'est une lecture difficile à soutenir. Les deux points de vue
différents sont dans le même camp, avec cette histoire d'amour
entre les deux hommes. C'est un roman de formation : Andreani va rompre
avec celui qu'il considère comme son père. Pour Degorce,
il me manque la culture catholique pour apprécier en finesse ses
états d'âme.
Annick L
Et tu apprécies le travail de l'écrivain ?
Jacqueline
J'admire le travail de l'écrivain, notamment, pour ne citer que
cela, dans la parole d'Andreani, les choses sont énoncées
de façon crue.
Claire
Cet auteur m'était inconnu. J'ai lu d'abord un tout petit livre
pour me mettre dans l'ambiance, Un
Dieu un animal : la violence est présente aussi et le récit
est à la deuxième personne ; il faut trouver qui est
ce "tu". J'ai senti un cousinage avec Jaume Cabré, parce
que le lecteur doit être actif, pour reconstituer un récit,
pour se retrouver dans la composition (c'est fatiguant, mais en même
temps, lire un résumé ou une 4e de couverture qui effectue
le travail, ça met tout par terre). J'ai ressenti un certain artifice
dans cette adresse d'Andreani à son capitaine, et ce jusqu'au bout.
Je ne connais pas bien les faits, mais à mon avis cela n'a pas
d'importance pour apprécier ou non le livre avec les questions
d'éthique qui apparaissent : "aucune victime n'a jamais
eu le moindre mal à se transformer en bourreau, au plus petit changement
de circonstances" (p. 23) ou l'efficacité de la torture
pour éviter que des personnes soient tuées. Pour citer à
mon tour d'autres livres, ça m'a rappelé le livre de Ruwen
Ogien L'Influence
de l'odeur des croissants chauds sur la bonté humaine qui
met justement en scène des dilemmes moraux de ce type. Et puis
nous avions lu dans le groupe d'Alice Ferney Passé
sous silence.
Jacqueline
Ah oui, sur l'attentat du Général de Gaulle.
Claire
Quant aux références bibliques et en dépit de ma
riche vie spirituelle..., bof, j'ai trouvé ça lourd, il
aurait pu s'en passer... J'ai trouvé touchant ce qui concerne la
femme, avec tout à coup de la douceur. Mais psychologiquement,
j'ai trouvé les parcours, les personnages, outrés et j'ai
moins adhéré par rapport au personnage plus "tenu"
d'Un Dieu un animal qui du coup m'a plus captivée. A cela
s'ajoute la voix à la deuxième personne qui m'empêche
de bien adhérer, et surtout, comme Mireille, j'ai trouvé
le livre souvent insoutenable, ce qui nuit au plaisir possible de la lecture...
J'ajoute que le texte
de la blogueuse que je vous ai transmis + l'entretien
avec Ferrari que je vous propose de regarder m'ont semblé plus
intéressants que le livre lui-même, un peu comme parfois
l'art contemporain...
Liz
C'était un très bon livre pour moi, car j'ai fait un voyage
en Algérie et j'avais ce livre et celui de Kamel
Daoud qui est programmé. Pour ce sujet difficile, je trouve
le style un peu lourd et avec seulement deux personnages et l'horreur ;
j'aurais voulu en suivre d'autres...
Henri
...ils disparaissent...
Liz
Il y a le chauffeur de taxi, mais pas longtemps. C'était intéressant
pour moi, par rapport à cette période de l'histoire de France
que je connaissais mal
Claire (s'adressant aux "nouvelles")
Liz est australienne.
Liz
Ces hommes ont connu la guerre avec les Allemands, puis l'Indochine et
après l'Algérie. Le point fort, avec le contraste de leurs
points de vue, c'est la relation entre les deux hommes : est-elle
homosexuelle ? Est-ce une relation forte maître/subordonné ?
Est-ce la fraternité au combat ? J'ai écrit un petit
texte pour mon professeur de français qui me dit que non c'est
pas homosexuel.
Claire
Ah ton professeur a la vérité sur ce livre !
Liz
En tout cas, je trouve que c'est une très bonne idée de
lire après le livre Meursault,
contre-enquête, avec cette fois le point de vue de l'Arabe.
Mais mon avis est négatif sur le livre de Ferrari.
Nathalie
J'ai regardé la couverture, intriguée, puis en commençant
à lire, j'ai pensé que je n'avais pas envie de lire sur
la torture
Mais finalement je me suis plongée dedans car
le livre dépasse ce sujet pour parler de la nature humaine. Je
trouve le livre nourrissant par rapport à la situation actuelle,
avec la montée de l'islamisme. Quelqu'un de ma famille a vécu
cette situation à l'époque (un militaire en désaccord
avec De Gaulle). Et à mon avis, il faut connaître un militaire
pour comprendre ce qu'est la relation très forte de "frères
d'armes". La relation est en fait triangulaire, avec Tahar qui est
un double du capitaine, dans lequel il se reconnaît et sa disparition
le fait s'anéantir. J'ai aimé la réflexion sur la
responsabilité humaine. J'ai été sensible à
la beauté, à préserver, pour le capitaine. J'ai juste
été gênée par l'évocation de l'enfer
à la fin, l'absence de Dieu
Sarah
J'ai été tout à fait embarquée, même
si j'ai trouvé que l'auteur en faisait trop. J'ai lu à la
suite Le
Sermon sur la chute de Rome et Balco
Atlantico et ce qui est incroyable c'est qu'on retrouve les mêmes
personnages d'un livre à l'autre : c'est une série !
Par exemple, on lit la rencontre de Jeanne-Marie avec Degorce. Les personnages
manquent de consistance, mais ce qui m'intéresse ce sont les thèmes
que l'on retrouve dans ses autres livres + Dieu dans tout ça !
Mais c'est vrai qu'il y a un aspect un peu fabriqué.
Claire
Tu "ouvres complètement" le livre alors que tu as des
réserves.
Sarah
J'ai été embarquée et ça n'a pas de prix !
Fanny
Il y a beaucoup de références religieuses, avec aussi la
figure de sainte de la mère, et la question du bien et du mal.
Quant aux deux personnages, on pourrait les voir comme deux facettes d'un
même (cf. la voix d'Andreani, permanente et accusatrice). C'est
une lecture difficile, avec les descriptions récurrentes de scènes
de torture... Mais il y a une profondeur de la réflexion, qui en
fait sans doute un livre à relire. Je suis gênée par
le fait de ne pas ressentir d'empathie pour Degorce, sans doute parce
qu'il a perdu sa part d'humanité. Où a-t-il laissé
son âme ? Au moment de la première scène de torture
subie par lui-même ?
Jacqueline
Le titre "Où j'ai laissé mon âme" n'est
pas une question.
Françoise D
A moi !
Henri
Tu ne l'as pas lu en anglais ?
Françoise
Non... mais j'aurais dû ! Je n'ai pas été embarquée
du tout. On retrouve des archétypes dans ces deux figures de militaires.
Mais le plus intéressant, c'est le cheminement du personnage de
Degorce, qui est plus complexe. Les références religieuses
me sont passées par-dessus la tête. Quant à la construction,
après Jaume
Cabré, Ferrari peut aller se rhabiller. Ne parlons pas des
insertions en italique. Même s'il n'y a pas tant que ça de
scènes de torture...
(suit une discussion sur le nombre de scènes...)
Une question reste en suspens pour moi concernant les scènes de
torture est : est-ce de la part de l'auteur une forme de complaisance ?
Plusieurs
Non !
Françoise
Le sujet a une actualité très forte, c'est donc important
d'en parler.
Henri
J'ai beaucoup aimé ce livre qui m'a marqué. J'ai plongé
tout de suite. J'ai apprécié le choix du point de vue d'Andreani
pour entrer, sans fard. Que peut-on sauver quand on est plongé
dans ce type de situation, jusqu'au bout de l'horreur de la condition
humaine ? Degorce est prisonnier de son outillage intellectuel et
spirituel, ce qui entraîne un déni de ce qu'il est amené
à faire comme militaire ; or on ne peut pas se laver les mains.
C'est vrai qu'il y a des effets un peu outranciers dans l'écriture,
mais des phrases sont manquantes, relevant presque de l'essai philosophique
qui passe pour une narration. Le personnage de Tahar est une clé,
figure de pureté supérieure pour Degorce ; et l'histoire
lui donnera raison (le peuple algérien). Cela renvoie pour moi
au concept de "fortune morale" développée par
le philosophe Bernard
Williams ; par exemple un artiste commet des horreurs :
s'il est génial comme artiste, ça n'a pas les mêmes
conséquences que si c'est un inconnu.
Pour ce qui est de la torture...
Nathalie
Cela me fait penser qu'il y a de vrais tableaux dans le livre, par exemple
ce clair-obscur : "Un pied s'échappe de la couverture,
et sa blancheur laiteuse est comme une tache de lumière dans l'obscurité"
(p. 144)
Henri
Les gars se refont le match : "il a bien tenu".
Sarah
Ils sont boulot-boulot...
Henri
Ils disent et celui-là, il m'a bluffé... Il y a une escalade
salvatrice...
Annick L
C'est une expérience de lecture un peu troublante. Je l'ai lu avant
l'été, ça m'a marquée. Je l'ai relu partiellement.
Je pensais qu'il y avait plus de scènes de torture que vous dites,
mais il y a aussi la torture morale : c'est insoutenable. J'ai plus
souffert à la relecture, comme si je m'étais d'abord auto-protégée
C'est un livre très intéressant par les partis-pris. Je
conçois que vous trouviez le livre un peu fabriqué, "trop"
construit, mais en même temps, c'est une construction qui a du sens
par rapport à la complexité du sujet. La forme permet de
croiser les points de vue ; le dialogue à sens unique, c'est intéressant
; les parties avec un narrateur installent une distance : on voit
qu'il y a un système mais c'est intéressant pour tourner
autour des points de vue. C'est vrai que dans les familles de militaires,
on comprend la camaraderie entre "frères d'armes" :
mon père militaire a fait la guerre d'Algérie, mort trop
tôt pour que je l'interroge ; le livre m'a renvoyée
à des questions que je m'étais posées, ma question
première étant : est-ce qu'il a torturé ou pas ?
Robert Lacoste qui était ministre résident en Algérie
est également un cousin. Ce qui est gênant aussi, au-delà
du sujet insoutenable, ce sont les corps nus dans leur plus simple expression.
J'ai besoin d'éprouver de l'empathie : or j'étais extérieureà
ces deux personnes et extérieure à la religion ; les
états d'âme finissaient par m'irriter et Degorce fait les
mêmes saloperies. Je ne pouvais qu'être en dehors. C'est une
lecture qui fut une épreuve ; l'auteur plonge dans le sujet, comme
peu de romanciers le font. Je n'ai pas lu Les Bienveillantes, je
suis une petite nature, je l'ai sur ma table. Bref, le livre de Ferrari
est intéressant et original ; c'est un livre remarquable.
Sarah
Tu l'offrirais ?
Annick
En choisissant à qui, oui. On sort de l'ordinaire, oui, il y a
de l'outrance (j'ouvre aux ¾), des effets, des ficelles, qui apparaissent.
Sarah
De belles ficelles !
Annick
Et qui ont du sens
Annick A
Je l'ai lu il y a deux ans et il m'a fallu du temps pour le proposer au
groupe.
Claire
Comment tu réagis à nos réactions ?
Annick A
C'est vrai que j'appréhendais
Mais j'aime bien prendre ce
risque. Je l'ai relu. Ce livre m'a mise dans un très grand malaise.
On ne sait plus où on en est. Degorce m'a été absolument
odieux, il est même d'une grande lâcheté, avec tous
les honneurs à la fin ; finalement, c'est Andreani qui est
dans une forme de vérité par rapport à lui-même.
La dimension religieuse est trop affirmée dans le texte, il aurait
pu s'en passer (+ les inserts en italique). Un autre centre d'intérêt,
c'est la relation d'amour entre Andreani et Degorce (c'est de l'amour),
mais aussi entre Degorce et Tahar. C'est un livre très fort, mais
littérairement ???
Sarah
Et de Bayard, vous avez lu Aurais-je
été résistant ou bourreau ?
Personne...
Claire
Et le Mauvignier, vous l'avez lu ?
Jacqueline et Annick A
Des
hommes, oui, c'est un très beau livre !
Claire
Et si on le programmait ?
Plusieurs
On laisse passer quelques mois sur l'Algérie...
Serge d'Avignon (avis transmis)
Le récit s'ouvre au présent de conversation, au "vous",
et le lecteur est transformé en Capitaine Degorce (ex-résistant,
nous en faudrait-il un peu plus aujourd'hui). Un lieutenant, Andreani,
lui parle en le qualifiant de bigot, de la pendaison d'un prisonnier,
Tahar, qui fut l'un des leaders de l'ALN, de la vie de Tahar, en un style
qui n'est pas sans rappeler un mélange de L'île au trésor
de Stevenson et de Nocturne Indien d'Antonio Tabucchi. Et ça
fonctionne, le style nous entraîne comme sur des skis sur une pente
noire pleine de dangers, de violences et de passions. Puis, tout commence
le premier jour, le 27 mars 1957 (qui est, aussi, probablement, ma date
de conception) et nous basculons dans la guerre : guerre d'Algérie,
FLN, arabes, harkis, kabyles, nous voici au cur de l'histoire. Degorce,
ne parvient plus à écrire car, comme toujours en ce cas,
il a perdu son âme. Parviendra-t-il à la récupérer ?
Un grand livre, un grand auteur et j'ai regretté de ne pas l'avoir
lu avant.
Monique L (avis transmis)
Au service d'une réflexion sur la torture au travers de deux hommes
aux profils et aux réactions très différents (celui
qui obéit aux ordres et fait son travail de tortionnaire sans que
cela lui pose question, et celui plein de contradictions qui va jusqu'à
en perdre son âme), il n'y a rien de manichéen dans ce récit
; il traite en effet avec tact d'un sujet encore très sensible
de nos jours : peut-on utiliser la torture pour des raisons d'état
et pour sauver des vies (Guantanamo
) ?
(Le livre est très vraisemblablement inspiré de l'arrestation
de Larbi Ben M'hidi, membre du FLN et organisateur des premiers attentats
à Alger qui fut exécuté en 1957, par pendaison maquillée
en suicide. Le général Bigeard lui avait rendu un hommage
militaire avant de le confier aux Services Spéciaux du général
Aussaresses qui l'exécutèrent.)
Le style est clair et limpide. La construction du roman est adroite. J'ai
eu du mal avec tout ce qui concerne le christianisme. La question est
certes importante de son positionnement face à la guerre et la
torture, mais j'ai trouvé les réflexions et commentaires
à ce propos comme étant un autre sujet qui affaiblissait
le reste du livre qui lui est d'une grande force.
Nous avons regardé après nos échanges
un entretien d'une dizaine de minutes avec Jérôme Ferrari
sur son livre : ICI
Voir aussi une petite revue de presse, dont une analyse très fouillée
et enthousiaste pour le livre de la part de l'auteure du blog "L'Or
des livres" : LÀ
Lil (de Bretagne)
Mise en appétit par la superbe couverture du livre !
J'ai été profondément touchée par ce roman,
d'abord par cette belle écriture qui rend la lecture aisée
et très agréable. Ensuite par la construction du livre :
ces trois jours donnent un cadre, une structure qui tient, resserre le
récit. Les interventions d'Andréani, habilement placées,
viennent présenter, préciser et clôturer le livre.
J'ai également trouvé intéressantes les citations
bibliques qui amplifient la force de l'étau dans lequel Degorce,
le croyant, est coincé. Les passages en italique, petite voix intérieure
du capitaine, soulignent aussi le décalage entre sa conscience,
ce qu'il pense réellement et ses actes.
Toute cette mise en forme sert parfaitement l'objet du livre : poser
le problème essentiel du choix, en son âme et conscience,
un choix rendu quasi impossible dans un contexte particulièrement
difficile : choix de torturer (pour sauver des vies), choix de trahir
(sous la torture)... Me rappelle Le choix de Sophie de W. Styron.
Ferrari montre bien, à travers une palette de personnages, comment
chacun essaie de s'arranger avec sa conscience en fonction de ses valeurs,
de son vécu, de sa fonction et de ses convictions profondes. Impossible
de ne pas se projeter, soi-même, dans une telle situation et c'est
ce qui fait toute la force du livre. Réaliser aussi l'existence
d'une part d'ombre, en chacun de nous, part d'ombre qui peut surgir brusquement :
le mot "fasciste" prononcé par Clément, déclenche
chez Degorce une sauvagerie, dont il jouit : il s'abandonne avec délices
à la puissance qui le traverse et le délivre... L'enlisement,
l'anéantissement progressif du capitaine est particulièrement
bien mené : la découverte de la noirceur dont il est
capable l'enferme dans un silence total (Tahar est la seule personne à
qui il puisse parler), une solitude extrême...
Rien ne justifie la torture. Le Général de Bollardière,
cité dans le livre, écrit : "La tentation à
laquelle n'ont pas résisté les pays totalitaires de considérer
certains procédés comme une méthode normale pour
obtenir le renseignement, doit être rejetée sans équivoque,
et ces procédés condamnés formellement."
Encore un livre qui résonne très fort dans le contexte actuel
et qui nous donne grandement matière à réflexion.
MERCI à Voix-au-chapitre de l'avoir programmé.
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
|
à
la folie
grand ouvert
|
beaucoup
¾ ouvert
|
moyennement
à moitié
|
un
peu
ouvert ¼
|
pas
du tout
fermé !
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