En parodiant le roman despionnage, Coe médite sur le sens de nos existences. Il dresse le portrait dune société tiraillée entre une certaine attirance pour la liberté et un attachement viscéral aux convenances.
La photo ci-dessus est extraite d'un article du Guardian du 11/11/2016 sur le dernier roman de Coe, Number 11. |
Jonathan Coe
|
Helena Chadderton, maître de conférences et chercheuse à l'Université de Hull en Angleterre, a contacté le site en mai 2015. Entreprenant une recherche sur la réception de Jonathan Coe en France, elle nous a proposé de lire un roman de cet auteur, de recueillir nos réactions et de nous soumettre un questionnaire. |
Mais quel roman choisir ? |
Justement se tenait le Festival des Étonnants voyageurs à Saint-Malo où Coe figurait parmi les invités : quoi de plus simple que de lui demander son avis pour notre groupe lecture ! C'est donc lui qui a choisi les deux livres à lire, pour lesquels le groupe parisien s'est réuni le 22 janvier 2016, les groupes bretons s'étant, eux, réunis les 13 et 19 janvier. |
Coïncidence à Paris : en plus de notre chercheuse, nous avions avec nous une journaliste de France 3, Aurélia Chopin (aimant d'ailleurs beaucoup Jonathan Coe), en vue d'un sujet en rapport avec le Salon du livre à venir et les "prescripteurs" de lecture. En dépit de la présence mobile du cameraman et du technicien, nous avons fonctionné comme d'habitude avec notre tour de table. Voici son reportage : ICI |
Manon (qui remarque avant de commencer)
En fait je trouve qu'avoir eu le questionnaire avant de formuler son avis
a stimulé la réflexion sur sa lecture.
Séverine (avis transmis et lu en début de séance)
La lecture de ce Testament
est un pur bonheur. A lire la 4e de couverture, je me suis dit :
chouette ! Un cluedo en livre ! (et d'ailleurs il est fait référence
au jeu dans le livre !) Plus j'avance, et plus j'aime cet enchevêtrement
des histoires, ces allers-retours temporels et ce lien qui devient plus
étroit entre Michael Owen et la famille Winshaw. Et quelle famille
! Je dois dire que Dorothy est, à ce stade de ma lecture, la plus
sublimement horrible (peut-être parce que le sort des animaux me
soucie beaucoup
et de son pauvre mari !). Je ne suis pas très
sensible aux références faites à des personnes "vivantes
ou ayant existé" et qui ne sont pas là par pure coïncidence,
mais je pense que pour qui veut s'atteler en détail à rechercher
les faits réels évoqués peut vraiment s'amuser à
voir jusqu'où l'auteur dit vrai. En tout cas, on a le sentiment
que la corruption, la manipulation et autres sentiments nobles sont universels !
Avec cette fabuleuse famille, l'auteur dresse tous les aspects possibles
de la mauvaise nature humaine. Un jeu des 7 familles repensé pour
une seule famille et avec seulement 6 membres mis en avant (et 7 avec
la tantine !). Et je dirais aussi que j'aime les moments de pur humour
anglais comme la scène dans le métro (avant qu'il aille
chez son éditeur) qui n'apporte pas grand chose au récit
mais dont on sent bien que l'auteur avait envie de parler et qui est très
drôle ! Je vais m'empresser de finir ce roman ; et lire
d'autres ouvrages de Jonathan Coe ne me déplairait pas. Même
en n'ayant pas achevé ma lecture, je peux dire que j'ouvre en grand
ce roman plaisir.
Brigitte (avis transmis)
J'ai d'abord lu La
pluie avant qu'elle tombe, dont le titre me plaît beaucoup.
J'ai bien aimé le début, un peu moins la fin. Quant à
Testament à l'anglaise, je trouve le projet très
intéressant. J'aime beaucoup l'idée de mélanger la
vie du narrateur avec les films qu'il a vus au cours de son existence.
Il y avait là matière à faire un véritable
grand livre, mais malheureusement l'auteur ne mène pas à
bien son projet. Il a le scénario, mais pas le souffle nécessaire
à sa réalisation. Du coup, j'ai été très
déçue. Les personnages sont caricaturés, notamment
Dorothy et Hillary. Le personnage de Tabintha, qui aurait pu être
la clé du suspense (doit-on, ou non, la croire ?) est toujours
rejeté en marge du récit. Un passage survit cependant :
celui où le narrateur (Michael) ne réussit jamais à
écouter attentivement ce que lui dit Fiona, lors de leur première
rencontre. Pour ce qui est du reste, je conseillerais à l'auteur,
si jamais mon point de vue l'intéressait (!), de tout réécrire
avec plus de soin, tout en conservant le déroulement des faits.
Je lui suggérerais aussi de donner à la description de Winshaw
Towers une dimension mystérieuse et envoûtante, et d'éviter
les passages rocambolesques de la fin.
Denis (avis transmis)
J'ai bien aimé Testament à l'anglaise. Je l'ai trouvé
prenant, dynamique, amusant, bien écrit, facile à lire :
un bon roman contemporain. J'ai apprécié la description
critique de la privatisation thatchérienne, où j'ai appris
pas mal de choses sur les procédés par lesquels des personnes
bien placées ont pu s'enrichir. J'ai trouvé plutôt
caricaturaux les personnages de la famille Winslow, mais je suppose que
c'est inhérent à l'analyse critique : cela n'apporterait
rien de leur donner une véritable épaisseur psychologique.
Le caractère du héros narrateur est en revanche très
original, avec sa dépression, ses rapports compliqués aux
femmes et, malgré cela, son énergie sous-jacente. J'ai également
apprécié l'ingéniosité du scénario
qui aboutit à rendre plausible l'hypothèse de l'assassinat
de Godfrey, initialement aussi folle que la sur... La structure
temporelle du roman me semble très compliquée, mais ne constitue
pas un réel obstacle à la compréhension. Si toutefois
on voulait en jouir pleinement, il faudrait sans doute la reconstituer
le crayon à la main. L'arbre généalogique initial
est d'une grande aide à la lecture et démontre le pragmatisme
de nos chers Brits.
Il y a encore deux mois, je n'avais lu aucun livre de Coe et n'avais même
jamais entendu parler de lui. C'est le groupe de lecture qui m'a fait
connaître son nom et, par curiosité, j'ai d'abord lu Mr.
Sim, que je qualifierai de fantaisie inventive, habile et souriante,
un peu comme les romans d'Echenoz.
En écoutant ce que pense Denis
d'Echenoz, Rozenn tique, mais il n'est pas là pour qu'elle proteste...
Denis
Puis j'ai lu Expo
58, moins réussi mais quand même astucieux et amusant.
En revanche, je ne suis pas arrivé à dépasser le
premier tiers de La pluie, que j'ai trouvé ennuyeux comme...
J'ai renoncé définitivement quand je me suis aperçu
que le discours monotone de la défunte se poursuivait quasiment
jusqu'à la fin du volume, et tant pis pour moi, je ne connaîtrai
pas le secret de famille ! J'ouvre en grand Le Testament (en
me forçant un petit peu).
Emmanuel (regrets transmis)
Je regrette de ne pouvoir venir, pensant qu'il était bien opportun
que la gente masculine soit un tantinet présente car la lecture
de The rain before it falls est d'une rudesse arbitraire et unilatérale
sévère avec ces messieurs britanniques, à mon regard
tout du moins...
Annick L
Je ne connaissais pas cet auteur et je suis très heureuse de le
découvrir. Dans Testament, les portraits sont au vitriol,
une caricature, à prendre comme telle. J'ai été passionnée
par cette saga familiale, fascinée par la recherche de vérité
de Michael : il est un intéressant pendant à cette
famille, car c'est un has been, un anti-héros, humain. La
fin délirante, avec ce mélange des genres, m'a fait rire.
La Pluie constitue un monde totalement différent par rapport
au Testament. J'ai été émue par cette histoire
de femmes, très touchée par le personnage de Rosamond, échappant
à la nostalgie.
Geneviève
J'ai lu 5 ou 6 livres de Coe. Le Testament que j'avais lu quand
il est sorti est arrivé comme une délivrance, un souffle
d'air frais, à l'époque
La Pluie m'avait séduite
par la poésie. Mais j'ai été déçue
à la relecture. Il y a des tas de choses que j'aime bien, mais
là j'ai du mal, je vois trop les ficelles à la relecture.
J'ai un bon souvenir, mais qui ne tient pas à la relecture.
Claire (lorgnant les couvertures en anglais)
Et tu les as lus en anglais, sans perte par la traduction.
Lisa
J'ai bien aimé Testament, mais il en fait trop.
Il y a des ficelles, ça fait démonstratif. C'est caricatural,
ça affaiblit le roman et même ses idées, il le dit
lui-même : "je
me suis aperçu qu'aucun lecteur de droite n'a été
changé politiquement après la lecture de ce roman"
(1). Je dirais même que ses adversaires
peuvent être renforcés dans leur point de vue. J'ai bien
aimé Michael. Je l'ouvre en grand.
Plusieurs
Ça alors...
Lisa
Pour La Pluie je me suis laissé porter par la lecture, je
ne me suis pas attardée à la construction, etc. Un peu comme
Renée de Narbonne. L'auteur évite le banal roman à
l'eau de rose. L'oral marche bien et d'ailleurs, pour répondre
à Serge d'Avignon, des manuscrits ça ne marcherait pas puisque
la destinataire est aveugle...
Manon
Quand on a parlé de choisir Testament, je me suis souvenue
que 10 personnes me l'avaient recommandé. Mais si j'ai beaucoup
aimé, il ne va rien m'en rester. C'était plaisant mais ça
glisse. On le sait tout ce qu'il dit sur Thatcher. Je ne vois pas d'humour :
est-ce à cause de la traduction ?
La seconde partie, au secours ! c'est bêêêêête,
loin d'Agatha Christie
La saga familiale est intéressante
mais ça fait flop ! Le bouquin s'est pour moi scratché,
c'est comme l'avion à la fin. Je l'ouvre à moitié.
Annick A
J'avais lu
Bienvenue au club et Le Cercle fermé que j'avais
bien aimés. Le Testament, je ne sais pas quoi en penser.
C'est un livre politique, les personnages n'ont aucune importance, l'auteur
les utilise. Il n'y a pas d'analyse, tout ce qu'il dénonce est
connu. La fin, c'est du grand-guignol. Il y a de l'humour, mais j'ai passé
beaucoup de pages.
La Pluie c'est très différent. Je ne suis pas allée
jusqu'au bout. L'histoire d'une famille que je ne connais pas ça
ne m'intéresse pas...
Monique L
Ce qui m'a intéressée dans Le Testament, ce sont
les différents tableaux. Il y a de l'humour. J'ai aimé l'écriture.
J'ai sauté les passages sur l'économie, les chiffres
Mais il y a du souffle. La fin m'a déçue : elle m'a
fait penser aux Monty Python, mais je n'ai pas accroché. J'ouvre
aux ¾.
La Pluie m'a rappelé ma famille, m'a ramenée à
des choses personnelles. Je l'ai lu d'une traite, j'ai aimé. C'est
plus fort que Le Testament. La fin m'a déçue comme
dans Le Testament. Les fins font flop... J'ouvre en grand.
Rozenn
Je suis d'accord avec les citriques. Au début j'ai été
emballée, jusqu'à 43% sur Kindle
la saga, les histoires
de famille... Puis après, il y a des ruptures de genres, avec des
passages romanesques, policiers, etc., mais qui ne s'articulent pas bien,
ça ne marche pas trop. La
Maison du sommeil a la même structure que Le Testament.
La fin, oui, ça fait flop pareil ! Mais j'ai eu des fous rires
à certains moments dans Le Testament. Globalement, il faut
que Jonathan Coe y retravaille. Tu parlais de souffle, y a pas de souffle,
y a des souffles, mais ça n'est pas bien articulé.
Je ne le donnerai à lire à personne
Françoise D
La Pluie, que j'ai lu il y a quelques mois en anglais, il ne m'en
reste rien.
Testament, je n'ai pas aimé. Je n'ai pas trouvé cela
drôle. Les ficelles sont trop grosses. Je n'ai rien appris au niveau
politique, on connaît tout ça. Je l'ai lu en français
: est-ce un problème de traduction ? J'ai pensé à
Agatha Christie, mais en moins bon. C'est mal ficelé et très
verbeux. Les détails nuisent parfois à la rigueur du texte
(par exemple ceux des déboires sexuels du détective). J'ouvre
¼ et cela ne m'a pas donné envie d'en lire d'autres...
Manuel
Testament, j'ai adoré. C'était comme un vent frais.
J'ai été embarqué dès les premières
pages ; les mystères m'ont tenu en haleine. J'ai pris un vrai
plaisir même si ce n'est pas toujours très bien écrit ;
par exemple les descriptions du château font un peu collège.
Il y a des artifices et des ficelles parfois grosses, mais c'est riche.
J'ai trouvé la deuxième partie grand-guignol géniale.
De nombreux thèmes se rejoignent. J'ai aimé les trois rêves,
ça donne du souffle. Je n'ai pas de réserve car j'ai eu
un vrai plaisir de lecture. C'est un roman parfait pour le métro.
Ce matin, j'étais heureux d'être coincé dans les transports,
j'ai pu le finir. Concernant l'actualité, cela m'a replongé
dans ma jeunesse, avec par exemple, le Koveit
comme disait Mitterrand
J'ai aimé les nombreuses références
cinématographiques. C'est un livre divertissant qui m'a fait rire.
Danièle
Testament au début j'ai trouvé ça rude, il
fallait s'accrocher. Le narrateur m'a fait penser à Houellebecq.
S'ensuivent alors diverses formules
sur Houellebecq conclues par l'insulte : "vous confondez le
narrateur avec l'auteur !"
Danièle ou
Le roman m'a également fait penser à Sherlock Holmes. Les
critiques sur la société sont caricaturales et n'apprennent
rien. Au début je m'appréciais pas, mais au fur et à
mesure j'ai été prise par cette parodie d'intrigue policière
: j'insiste sur le fait que c'est une parodie. Coe force le trait et s'amuse :
par exemple le détective se parfume au jasmin, ce qui fait qu'on
sait en permanence où il est
La fin est une apothéose
ou tout du moins un crash
Que penser des symboles parsemés
dans le livre ? Par exemple le miroir. Les caricatures sont parfois
trop grosses : j'ouvre ½ ou ¾ et je me demande ce qui
m'en restera. D'ailleurs, comment peux-tu Manon prévoir qu'il ne
va rien t'en rester ?...
Fanny
J'avais lu La
maison du sommeil, je ne me souviens plus, c'est étrange,
et Bienvenue
au club. J'avais été époustouflée
par la fin à la première personne (exercice périlleux
mais en loccurrence très réussi). Testament,
c'est accrocheur, c'est bien écrit, on retrouve la même construction.
Quelques bons passages, comme lessai de la scène damour.
Plus j'avançais, moins j'avais envie de l'ouvrir. On n'apprend
pas grand-chose et ça ne m'a pas fait rire. C'est grotesque. Owen
m'a énervée. La mort de Fiona m'a mise dans une position
de voyeuriste. La fin est ridicule. ¼, c'est pour la construction.
Dans La Pluie, j'ai retrouvé le Coe que j'aime. Ces histoires
de femmes, c'est plus subtil. Les femmes sont enfin sur le devant de la
scène, mais les personnages d'hommes auraient pu être plus
peaufinés.
Jacqueline
Testament à l'anglaise, je n'ai pas eu le temps de le finir.
Je marche à la mort de Fiona, il y a une évolution du personnage
d'Owen au long du roman qui m'a plu : la mort de Fiona m'a touchée,
dans les circonstances décrites, à savoir le dysfonctionnement
des hôpitaux. J'ai aimé le projet littéraire d'une
peinture de son époque. Le projet est assez semblable finalement
à Zola et il y a un parallèle à faire entre les Rougon-Macquart
et les Winshaw. Je suis sensible aussi à ce qui touche l'écriture,
les difficultés pour publier. J'ai ri - même s'il a
fallu attendre - notamment avec l'histoire de Phoebe et Roddy, ou
encore avec le flic dans la pissotière qui m'a ramenée au
livre d'Arenas qu'on avait lu, comment s'appelait-il
Françoise
... Avant
la nuit...
Jacqueline
... ou certaines histoires de Proust. Coe fait l'histoire des Winshaw
comme Balzac La comédie humaine. Je lui reproche un peu
le côté caricatural, mais c'est la vision de l'écrivain.
Il a pu me faire rire et m'émouvoir. Je vais le finir dès
ce soir et j'ouvre déjà en grand.
Richard (notre seul représentant du Royaume-Uni dans le groupe)
J'apprends que Fiona est morte
, or j'en suis arrivé au deuxième
rendez-vous à l'hôpital... Il faut vraiment l'organigramme
de la famille pour s'y retrouver et il faudrait y ajouter d'autres
relations. C'est le premier livre de Coe que je lis. Il a une énorme
culture. Mais il l'étale. Quant aux films auxquels le livre se
réfère, ils font partie du background anglais.
Claire
J'ai vu que le film What
A Carve Up, dont le narrateur parle tout le temps, est accessible
sur Internet et il se termine de la même manière que le livre,
avec les meurtres dans le château.
Richard
Je ne suis pas rentré dans le livre, je l'ai lu comme une série
d'épisodes et, pour certains, je me demande pourquoi il en parle
: par exemple le personnage qui se baigne le jour de Noël. C'est
caricatural, mais à ce moment-là on peut tout accepter...
les remarques sur le policier qui a pris du plaisir avec le détective,
ce n'est pas nécessaire. En ce qui concerne la traduction, comme
s'appelle le majordome en français ?
Plusieurs
Pyles.
Richard
Ah bon. "Piles" veut dire "hémorroïdes".
Il y a beaucoup de jeux de mots comme ça, c'est facile et gratuit.
Cependant, j'ai trouvé l'histoire prenante ; et j'ai hâte
de lire la fin : peut-être je vais tout comprendre ? J'ouvre
¼ mais c'est gentil. J'ai envie de lire un autre livre de Coe.
J'ai compris qu'il voulait faire de l'humour mais je n'ai jamais ri ;
pour moi, je n'ai pas vu d'humour anglais, j'ai souri mais pas plus. J'avais
déjà parlé de The
Hitchhiker's Guide to the Galaxy de Douglas Adams : ça,
ça me fait rire. Je l'ai commandé en français pour
voir ce que ça donne pour le groupe : Le
Guide du voyageur galactique.
Claire ouet
Je suis d'accord avec tout le monde
Je ne connaissais pas Jonathan
Coe, même pas son nom. J'ai sans rien savoir de lui découvert
ce qu'il décrit lui-même, un de ses "romans
à la construction complexe, avec une intrigue sophistiquée,
un décor social très détaillé, une multiplicité
de personnages liés les uns aux autres par un écheveau dense
de relations."
Rozenn
Il dit ça ! Eh ben
Claire
J'ai aimé sa virtuosité (avec satire, histoire de famille,
fausse enquête policière, pastiche, récit intimiste),
la variété, les rebondissements, le jeu.
Annick L
Le jeu, oui c'est tout à fait ça.
Claire
Et l'humour, je trouve Annick, toi qui l'as beaucoup aimé, que
tu l'as peu mentionné : les débuts, j'ai trouvé ça
délicieux. Et la scène au cinéma porno avec les habitants
du quartier où le film a été tourné qui ne
viennent que pour reconnaître l'épicerie du coin, c'est tordant.
Il y a aussi des scènes fortes : par exemple celle du film
dans l'enfance du narrateur qu'on empêche de voir la fin, film qui
le poursuivra toute sa vie. J'ai aimé la sensibilité, ce
personnage, le roman dans le roman. Mais... mais, ce qui était
dénoncé m'a paru invraisemblable : trop c'est
trop même si c'est vrai, comme les poulets. Le journal d'Henry,
ça passe pas. Le côté grand-guignol affaiblit l'intention.
Quant à la fin et les meurtres, pffft
Et je n'aime pas la
table des matières ! Je trouve importante la lecture de Geneviève
: qui l'aime quand le livre sort, avec l'actualité de son contenu
politique et qui le relit en étant aujourd'hui déçue.
J'ai vu le film d'après Mr Sim qui m'a moyennement emballée.
La Pluie m'a énormément "plu"
J'ai
d'emblée fait un arbre généalogique qui m'a aidée.
Les photos, je n'y ai pas senti d'artifice, j'ai aimé les enchâssements,
très bien faits, la virtuosité du dévoilement progressif.
Il y a du suspense, une très grande sensibilité : on
pense c'est un homme qui a écrit ce livre et on est étonné.
La langue orale coule bien.
Dans les deux livres, je remarque le flottement entre la réalité
et un autre monde : le cinéma, le roman dans le roman, et la fillette
qui dit aimer la pluie avant qu'elle tombe, à qui on répond
ça n'existe pas, et qui justement aime cette pluie avant qu'elle
tombe, c'est magnifique.
Dans les trois livres (Testament, Sim, La Pluie), l'homosexualité
est présente. Je me suis plongée dans un essai sur Coe sorti
en 2015, Politiques
de l'intime, qui précise que dans tous ses livres c'est
le cas. Par ailleurs, il explique comment il élabore ses romans,
c'est passionnant (2).
Échanges
Helena nous précise pour
le potin que Coe n'est pas homosexuel, et que plus
sérieusement montrer une société avec
une homosexualité qui va de soi fait partie de son engagement.
Elle nous interroge sur ce qu'on attend dans un livre étranger
à propos du pays de l'auteur : certains d'entre nous attendent
d'apprendre quelque chose, d'autres s'en fichent. Elle nous montre que,
contrairement au Royaume-Uni, en France nous avons la chance d'accéder
facilement à la littérature étrangère et que
c'est "naturel" de lire des livres de pays autres que le sien.
Autre différence : la popularité de Coe en France (et
en Italie) par rapport à l'Angleterre où il est catégorisé
"auteur politique", alors que les lecteurs français sont
davantage prêts à accueillir des livres de sa part différents.
Autre différence : le passé français de littérature
engagée (Sartre, etc.) S'ensuit un échange sur la connotation
qui s'y rapporte : littérature engagée ne rimant pas avec
qualité littérature. Remarquons qu'actuellement nous avons
des auteurs qui renouvellent le genre (Houellebecq, Despentes, Rolin,
Mordillat, au théâtre Vinaver...).
Dans le prochain livre de Coe, Number 11 (c'est son 11ème
livre...), pas encore traduit, sur la précarité, on retrouve
des personnages de Testament à l'anglaise. Helena présente
le livre dans un article de novembre 2015 en ligne, "Jonathan
Coe and why the French love a satirical swipe at Britain".
Notre éternelle question réapparaît en fin de soirée :
les livres de Jonathan Coe que nous avons lus sont-ils "pour le groupe
lecture" ?! Voyons les points de vue allant dans le sens d'une
réponse négative :
- Annick A : en fait je me suis ennuyée en vous écoutant
(!)
- Manuel : c'est vrai que mon plaisir de lecture est du type "plaisir
coupable"...
Nous constatons que les points de vue différents se sont plutôt
simplement juxtaposés, sans nous faire bouger. Parfois les avis
différents nous font découvrir des facettes du livre. Ici,
nous constatons la différence, sans mouvement intérieur...
Ceux qui n'ont pas rempli le questionnaire
d'Helena Chadderton, y compris des internautes inconnus, peuvent lui transmettre
(son adresse électronique y figure).
La question d'Helena Chadderton Avez-vous lu d'autres auteurs britanniques contemporains ? Comment vous les comparez-vous, par rapport à Coe ? nous a invités à constituer en cette année 2016 la liste des livres dauteurs britanniques que nous avons lus dans le groupe.
Nancy (des
groupes bretons et dont d'autres avis suivent)
J'ai aimé Testament, beaucoup aimé la construction
puzzle entre les personnages. Ce fut du plaisir. Et j'ai aimé l'humour
anglais, la distance. C'est un éclairage qui me fait beaucoup rire
sur les années Thatcher. J'ai adoré, car cela trouve écho
en moi avec ce que j'ai envie de dénoncer. Je suis contente qu'ils
soient bousillés à la fin. Le livre fait un rappel intéressant
de tout ce qui s'est passé avec les conséquences sur nos
vies. J'ai le même ressenti qu'avec un film de Tarantino. Ils sont
zigouillés de façon excessive, comme une vengeance.
Dans La pluie, j'adore comme Marie que cette vieille dame me parle.
Je suis rentrée dedans. L'oralité est très agréable.
Je suis surprise que ce soit écrit par un homme. C'est juste :
dans les descriptions, les ressentis, la perte. La fin me rappelle mes
convictions, et le droit à mourir.
Claude
J'ai lu Testament anglais il y a longtemps et je ne l'ai pas relu.
J'ai aimé le personnage de l'écrivain, sa personnalité,
son humour, quand il était là. Je n'ai pas aimé le
côté militant, ça n'a pas sa place dans un roman,
ça alourdit, avec des thèmes que j'ai sautés car
lus ailleurs. C'est trop, car trop de domaines sont mentionnés,
comme un catalogue. Je ne cherche pas ça en littérature.
Et comme je ne suis pas non plus très policier
j'ouvre ½.
Pour ce qui est de La Pluie j'oublie tellement que je me demande
si j'ai ma place ici... J'ai beaucoup aimé les personnages de femmes,
alors que c'est écrit par un homme. C'est un livre sur la transmission.
Beaucoup d'intérêt, mais j'ouvre ½ seulement, alors
que je ne vois pas que reprocher : le style ? La traduction ?
Les femmes sont prosaïques, manquent de chair. Je n'ai pas adhéré
alors que ça me plaît
Chantal
Pour Testament, j'ouvre à moitié, mais je ne sais
pas pourquoi. Je ne l'ai pas lu dans de bonnes conditions. Les livres
anglais me posent problème en général. La construction
m'a paru barbante, géométrique, trop carrée. Je n'ai
ressenti aucune émotion, même quand la nana est très
malade. J'ai aimé la partie Hillary avec le broyage des poussins
- j'ai vu quelque chose d'analogue dans un reportage. Thatcher, c'est
ce qui nous arrive, donc c'est intéressant. Le style m'a semblé
plat. Pas de belles phrases qui scintillent. Pourquoi j'ouvre à
moitié ?... Il y a quelque chose d'intéressant. Quant
à la fin, c'est barjo, comme dans Chesterton
On ne rigole
même pas. La tata aurait pu être sympa, mais elle n'est même
pas attachante. J'ai des comptes à régler avec les auteurs
anglais
je ne sais pas expliquer pourquoi j'ouvre à moitié
Les personnages anglais sont lisses peut-être ?
J'avais lu La Pluie et avais oublié la fin. A la deuxième
lecture, la construction m'a gênée. Mais en relisant, j'ai
mieux vu les relations. Ce livre m'a paru plus doux, plus vraisemblable.
Mais quelque chose me gêne dans ce style. Je n'arrive pas à
rester avec les personnages. J'aime la phrase "J'aime la pluie
avant qu'elle tombe". Mais je me rappelle peu de ce livre que
j'ouvre pourtant à plus de ¾.
Édith
Testament ne m'est pas tombé des mains, mais il m'agaçait.
Je l'ai lu dans le train, un aller et un retour
quand commence "la
tragédie", mon intérêt est de moins en moins
soutenu au fur et à mesure et quand ça se termine en grand-guignol,
avec la fin à la Agatha Christie et les 10 petits nègres,
on sourit, mais c'est n'importe quoi. La logique perd sa crédibilité.
Les passages critiques sur la société, c'est déjà
su et connu ; il y a trop de documentation, c'est barbant. J'avais
hâte de finir ce livre, comme un devoir
Michaël écrivain,
est-ce Coe ? La scène du film est de l'ordre d'une scène
inaugurale. Est-ce un essai ? Est-ce un roman ? Le mélange
des genres ne marche pas. Le secret familial, on le retrouve dans les
trois livres que j'ai lus (Testament, Pluie, Mr Sim). Avec les
personnages secondaires, comme la peintre, je marche plus, c'est plus
plausible, le majordome également. Quant à l'aviateur avec
lequel on ferme la boucle du livre, c'est trop facile. Et le réalisme
de la postface m'a déplu. C'est un livre à la démonstration
pesante : cqfd. La jubilation à dénoncer, est-ce utile ?
Je préfère Salvayre dans ce registre, avec un style. J'ai
dit ouvert à moitié c'est trop, tiens j'ouvre au quart.
Quant à La pluie, je l'avais lu en 2009, j'ai aimé
l'écriture, très efficace, cinématographique, on
voit les gens. Pas terribles sont les chants m'avait dit Nicole : je n'ai
pas eu le courage d'écouter.
Mines interloquées ayant loupé cette musique (3)
Édith
C'est la musique avec laquelle elle meurt. J'ai bien aimé le thème
des trois livres que j'ai lus (Testament, Pluie, M. Sim) :
la généalogie, le secret. Est-ce une autobiographie ? Non.
Je remarque l'homosexualité dans les trois livres. J'ai aimé
la construction du livre. Les photos en noir et blanc disent beaucoup,
j'en ai d'anciennes ; comme dit Barthes, des photos sont parfois
plus vraies. J'ai craint la lenteur avec les 20 photos des personnages
de ce roman familial. J'ai bien aimé la présence des deux
filles, les hommes sont peu présents, les couples peu heureux.
J'ouvre ¾+. C'est écrit par un homme, je me suis dit cela
à plusieurs reprises. C'est décousu, j'ai beaucoup aimé.
Nicole
J'ai bien aimé la construction de Testament à l'anglaise.
On attend ça d'un auteur anglais : la distance. La présentation
de la famille, c'est un condensé de la société. C'est
bien plus intéressant qu'un livre d'économie. L'écrivain
décrit permet d'entrer dans la famille. Je ressens une colère
à propos de Fiona concernant ce qui arrive dans les hôpitaux :
le taux de mortalité monte pendant le week-end, ce n'est pas anodin.
Le titre est bien choisi, c'est ce qu'un écrivain lègue,
ce qui s'est passé
Je n'ouvre que ¾ car la fin m'a
énervée avec ce plagiat d'Agatha Christie. Il aurait pu
trouver autre chose ! Les personnages chiants sont dézingués.
J'ai bien aimé la construction, j'ai eu beaucoup de plaisir.
Marie-Thé
C'est le coté british.
Nicole
C'est vrai, ça résonne pour moi.
La pluie, je l'avais lu avant, une première fois :
bof. Et j'ai relu
J'ai beaucoup apprécié le déroulement
avec les photos. J'ouvre aux ¾.
Claire
Mais tu as pu trouver du plaisir au dévoilement, sachant déjà
tout ?
Nicole
Oui... Mais la fin d'Imogen, c'est trop facile. J'ai apprécié
que ce soit écrit par un homme. Quand Rosamond vit avec Rebecca,
c'est très bien décrit ; puis sa vie avec Ruth et le
sentiment de perte, l'histoire de l'enfant. C'est très bien ressenti
et il faut réaliser que c'est un homme qui écrit. Mais j'ai
préféré Testament. La pluie, c'est
désuet.
Claire
En quoi ?
Nicole
Testament, fait réfléchir, maintenant, à partir
d'une position donnée par l'auteur. Mais que ce soit dans l'air
du temps rend le livre moins militant.
Lil
Ce qui est désuet, c'est que l'homosexualité n'a plus le
même statut.
Marie
J'ai lu Testament à moitié et j'ouvre ¼. Au
début j'ai trouvé cela ennuyeux. Il y a un décalage
entre l'histoire d'Owen et l'histoire politique, ça m'a dérangée.
Les portraits de famille, de bons portraits (politicien pourri, marchand
d'art voyeur), c'est marrant, intéressant à découvrir,
cette fresque politique - je ne connaissais pas bien. Beaucoup de
ces choses, on les vit actuellement, décalées dans le temps.
C'est intéressant à lire, à découvrir :
l'hôpital, le monde des affaires. Ca remet en question notre façon
de consommer, de se positionner, pour faire autrement. Qu'est-ce qui va
en sortir ?...
La pluie, j'ai beaucoup aimé, j'ai été prise
au jeu. La vieille dame qui fait découvrir ce qu'elles ignorent,
c'est-à-dire tout. Je me suis imaginé ma grand-mère.
Enregistrer, c'est astucieux. J'avais l'impression de l'entendre. C'est
poignant. Une musique, des tranches de vie. C'est bien intéressant.
J'ouvre en entier.
Odile
Testament, ce n'est pas mal écrit. Mais où l'auteur
veut en venir, avec ce polar ou cette satire ? On y voit la politique
pour s'enrichir de façon éhontée, malhonnête,
tout est bon pour se remplir les poches, c'est pourri.
Marie-Thé
C'est universel.
Odile
C'est pire avec les Anglais.
Nicole
Je ne crois pas.
Odile
On dégage un directeur de la télé en moins de deux.
Il y a un art de croquer les personnages. J'ai ri (Odile lit un extrait
sur Olivia à la bouche tombante). La famille est campée
de manière cinglante. Cela m'a rappelé mes fréquentations
de l'aristocratie, des choses que j'ai vécues
J'ai eu un
bonheur à lire ce livre qui m'a travaillée. Car c'est en
passe de venir chez nous, Dorothy et l'agriculture par exemple. La diminution
de la qualité des repas, c'est affolant, édifiant. Je ne
pense pas que ce soit de la fiction, ça fait réfléchir.
Mone
Je n'ai pas tout à fait fini Testament, ce livre qui m'a
intéressée. C'est une prouesse de faire cohabiter un roman
policier, une histoire de famille, une sature. Mais c'est parfois pesant
et il faut se reporter au tableau du début. J'ai eu un moment d'émotion
avec les poulets ; le fermier et le veau, c'est affreux. J'ai été
sensible à l'atmosphère des châteaux anglais
le majordome
j'adore... Tout a été dit ailleurs et
mieux sur Thatcher. Je préférerais suivre les personnages.
Suzanne
Testament est le premier roman que je lis de Jonathan Coe :
c'est un roman puzzle qui prend des allures de roman policier, agréable,
instructif, avec une fin rocambolesque et un pied de nez au lecteur. J'ai
aimé le lien avec la scène internationale (les armes Irak/Iran/Israël)
et l'écho avec l'Angolagate et Mitterrand. On voit aussi le mépris
du peuple, des femmes, par exemple avec les serveuses philippines qui
servent à tous. Le passage sur les poulets m'a fait penser à
la vache folle en Angleterre. C'est pas mal rendu et documenté.
La construction du roman inclut trois rêves prémonitoires
dont la chute de l'avion. J'ai aimé les révélations
au fur et à mesure du roman au sujet de Godfrey, les personnages
(Thabita, Findlay le détective, le majordome), ainsi que les piètres
tentatives de l'écrivain pour introduire la sexualité dans
son roman, et PDB (Paradis Des Branleurs)... Le dénouement m'a
fait penser à Mort
sur le Nil. Avec les crimes - ce pastiche - il se fiche de nous.
Je conseillerai ce roman, et je l'offrirai.
Nancy
Moi aussi.
Suzanne
Pour quelques heures de plaisir.
Jean-Luc
J'ai lu Testament à l'anglaise très rapidement il
y a plusieurs semaines. Ce qui m'a attiré, c'est l'étude
sociologique et économique. J'ai regretté qu'on n'ait pas
une "petite période Thatcher" pour enlever des incohérences
de la gauche. Mais pour le reste, la période Thatcher, c'est affreux.
J'ai apprécié le décryptage. Il y a toujours des
apparatchiks dans toute société ; là ce sont
les aristocrates...
Lil
...non c'est l'establishment...
Jean-Luc
qui existent chez nous. Ils vivent sur une autre planète. Dans
tous les pays, il y a ça. C'est un tableau de la folie du monde.
J'ai apprécié le côté polar. C'est bien écrit.
Ca fait écho aux comportements de société quand il
y a des tensions internationales dont certains profitent. C'est un bon
livre.
Marie-Thé
J'ouvre ½ mais c'est bien payé. Je suis toujours sensible
à l'écriture, alors là
Une énumération,
tout y passe : armes, hôpitaux, pureté de la race...
Chantal
Qu'est-ce que tu n'as pas aimé ?
Marie-Thé
L'écriture. Je suis déçue d'avoir été
déçue. C'était sympa, Coe, à Saint-Malo. Je
m'attendais à être envoûtée. La télé,
tout ça, la télé qui annule les classes, constitue
une identité nationale !
Suzanne
Tu n'as pas la télé !
Nicole
Avec le nivellement par le bas !
Marie-Thé
L'édition, tout y passe. Nous devons nous débarrasser de
cette idée de gens intéressés par une autre chose
que l'argent. La doctoresse
Ils sont vraiment épouvantables.
Et ça arrive chez nous. J'ai pensé au film Billy
Elliot, qui se passe dans une ville minière, ça
marche vraiment. Il y avait des gens fascinés par Thatcher. Et
quand Édith Cresson a été nommée, on a dit
: on va avoir notre Thatcher...
Le château des Winshaw ? Chouette, ça va être bien,
j'ai pensé au film Gosford
Park d'Altman, mais c'était pas ça, je m'attendais
à autre chose.
Chantal
Pourquoi ½ alors ?
Marie-Thé
Pour le travail, y a du boulot. Je m'attendais à quelque chose
de plus envoûtant.
Chantal
Il est beau.
Marie-Thé
Oui... Je me suis trompée, il est intéressant, mais ça
n'en finit pas, j'en avais marre. Je l'ai lu par obligation, mais n'ai
pas tout lu. Ce thème politique dans un roman ? C'est bien
ou pas, ce n'est pas question du thème.
Lil
J'ai adoré Testament à l'anglaise dont les personnages
principaux sont pour moi l'argent et le pouvoir qui l'accompagne. Suivre
la course effrénée des sinistres rejetons Winshaw pour l'obtention
de plus, toujours plus d'argent et de pouvoir, cyniques à souhait
et sans aucune éthique, tout en revisitant l'Histoire des années
80 en Angleterre, m'a captivée. J. Coe mélange habilement
les genres : roman, documentaire, policier, journal, livre dans le livre... ;
ce qui permet au lecteur de traverser ce roman dense, sérieux,
extrêmement documenté, et à l'écriture très
agréable, avec aisance et grand plaisir. Les notes en bas de page
où se mêlent personnages fictifs et politiciens réels,
la complicité que l'auteur établit avec le lecteur en s'adressant
à lui, les différentes présentations de page et polices
d'écriture : interviews, articles de journaux, analyse des étiquettes
de produits, lettres, souvenirs de Michael en italique, ont contribué
à me surprendre au fil du récit et à maintenir mon
intérêt déjà vif pour cette lecture. Le talent
de Coe se retrouve aussi dans les descriptions d'atmosphère, par
exemple la scène du métro p. 140 où la sensation
d'étouffement est amplifiée par l'écriture de pages
sans paragraphes, ou encore le parc voisin de l'appartement de Michael,
ou encore les inquiétantes Winshaw Towers dans le paysage désolé
du Yorkshire... La construction du livre est aussi pour beaucoup dans
ce plaisir de lecture : dans la 1ère partie, les épisodes
datés d'août 90 à janvier 91, alternés avec
les portraits des Winshaw, nous tiennent en haleine, semant les indices,
entrecroisant les destins, petite histoire à l'intérieur
de la Grande, montrant les conséquences souvent dramatiques des
décisions prises au plus haut niveau sur le citoyen lambda (exemple
de la mort de Fiona et du père de Michael). La charge
satirique sur la famille Winshaw, symbole de l'establishment,
et responsable dans le livre, de toutes les vilenies commises pendant
cette période, dans les domaines politique, social, culturel, économique,
agricole, etc., permet de synthétiser et porter rapidement à
la connaissance du lecteur TOUT ce qui s'est passé pendant cette
période, en mettant à jour stratégies, rouages, réseaux
d'influence, politique "du p'tit copain", motivations et absence
totale d'éthique
Ces réformes, ces conflits résonnent
familièrement et tristement à nos oreilles françaises :
réforme des hôpitaux, élevage intensif et exploitation
animale, lobby agro-alimentaire et "malbouffe", privatisations,
médias et rapport au politique, manipulations et démagogie,
etc. Santé, éducation, édition, art..., tout semble
régi par la sacro-sainte règle : business is business
! Merci à J. Coe de l'avoir, avec humour, si brillamment mis à
jour. C'est un véritable "Testament à l'anglaise"
qu'il va laisser à ses concitoyens et au monde.
Dans la seconde partie, l'auteur semble s'être beaucoup amusé
à jouer les A. Christie et à prendre un malin plaisir à
envoyer ad patres tous ces coquins. L'humour très british
(en France : on rit "jaune"), distillé au fil du
roman m'a fait hurler de rire...
Marie-Thé
C'est pas drôle !
Lil
Par exemple "soins
de santé= prostitution, demande fondamentale et inépuisable",
"Poignardé dans
le dos ? Est-ce que cela veut dire que Mrs Thatcher est quelque part
dans la maison ?" Cet humour allège heureusement
le triste constat sur l'humaine nature, résumé ici, et nous
permet de nous y confronter plus facilement. J'y ajoute les caricatures
féroces et drôles qui annoncent chaque portrait des Winshaw.
Ce roman fut un vrai, grand bonheur de lecture et me donne une réelle
envie de découvrir plus avant l'uvre de J. Coe.
J'ai également beaucoup aimé La pluie, avant qu'elle
tombe que j'ai lu en anglais. J'y ai retrouvé le talent d'écriture
de J. Coe, son aisance à décrire des atmosphères,
la poésie de sa langue (du titre !) et sa virtuosité
à construire un récit à suspense qui captive immédiatement
le lecteur. Pour être honnête, je pensais que cette suite
de description de photos allait devenir très vite ennuyeuse
Il n'en fut rien ! Bravo également pour avoir si subtilement
exprimé la psychologie féminine : le personnage principal
est une femme et l'auteur la fait parler très justement. J'ai aimé
la réflexion sur la perte, l'oubli, le destin, les hasards et la
façon dont on s'arrange avec ce que la vie nous réserve.
Un très joli livre sur l'amour, l'homosexualité féminine
qui, à cette époque, était punie d'emprisonnement.
Ce sujet est également traité dans le livre précédent
sous les traits de Findlay Onyx et encore dans La vie très privée
de Mr Sim. Y a-t-il une raison pour que ce thème soit aussi
récurrent sous la plume de J. Coe ? Je me suis beaucoup
projetée dans ce livre et j'ai adoré ! Un roman féministe.
Marie-Claire (avis transmis)
J'ai adoré La pluie, avant qu'elle tombe : une écriture
très agréable à lire, une construction originale,
avec un bon emboîtage des différentes séquences et
un suspense bien orchestré qui m'a tenue en haleine jusqu'à
la fin. La description détaillée des photos permet de visualiser
parfaitement les personnages, les paysages et les situations.
La sensibilité de l'auteur et son talent à donner la parole
à une femme m'ont touchée. La reproduction des malheurs,
génération après génération, au sein
de la famille a résonné singulièrement à mes
oreilles. Un grand plaisir de lecture.
Marie-Odile (avis transmis)
Testament à l'anglaise, avec une écriture facile,
classique m'a fait rentrer rapidement dans
le mystère d'une famille à l'anglaise étalée
sur plusieurs générations. Tout m'était familier.
Pas de surprise. Très vite on glisse vers une sorte de mise
en abyme qui ne sera pas cependant aussi vertigineuse qu'on le
pressent. Le film vu par Michael enfant et qui revient régulièrement
dans le roman est un écho à l'histoire de cette famille.
Ce Michael se trouve être l'écrivain pressenti pour raconter
l'histoire et dévoiler les secrets. J'ai attendu impatiemment de
lire son récit, mais ce moment recule sans cesse et pour cause :
d'auteur, il devient personnage de son propre livre. L'atmosphère
est celle d'un roman policier à l'anglaise,
surtout à la fin. Si Winshaw Towers m'a rappelé Baskerville
Hall, c'est à Agatha Christie des Dix Petits Nègres
que m'a renvoyée le règlement de compte final, façon
Mortimer. Mais on est dans la parodie, tant
les meurtres sont extravagants, et tant ils laissent les personnages imperturbables.
Entre le début et la fin de ce récit, l'auteur passe en
revue de nombreux aspects de la société anglaise des années
Thatcher : la finance, la politique, les ventes d'armes, le monde
de l'art, le journalisme, la TV, l'agro-alimentaire, l'élevage,
la médecine etc. Là, la satire
de ce monde sans scrupule mené par le seul souci du profit est
féroce et intéressante même si la construction m'est
apparue trop artificielle, chaque personnage
servant de tremplin pour aborder un aspect de la société.
Le ton est souvent celui de l'humour à
l'anglaise, parfois drôle (exemple du voyage en métro) parfois
moins. Ne trouve-t-on pas la critique de
ce roman dans le roman lui-même ? p.284 "Après
tout nous avons cruellement besoin de romans qui manifestent une certaine
compréhension du coup de force idéologique qui s'est récemment
imposé dans notre pays, qui puissent traduire ses conséquences
en termes humains et démontrer qu'une réponse appropriée
est non seulement la consternation et la colère, mais aussi un
fou rire incrédule". Ce Testament à l'anglaise
se veut sans doute "un subtil mélange d'esprit et d'engagement
politique" Mais pour ma part, je pense qu'il manque à
J. Coe, une dose plus importante de magie et d'originalité pour
lui permette de... "rayonner". J'ouvre ce livre aux ¾.
La pluie avant qu'elle tombe m'a paru aussi ennuyeux que la pluie
quand elle tombe. Les descriptions des photos, la révélation
finale sur les causes de la cécité d'Imogen, le récit
de la mort accidentelle de celle-ci, rien ne m'a émue. (J'avoue
que je n'ai fait que le parcourir.)
N'ont pas transmis leur avis breton, mais ont aimé Testament à l'anglaise (¾) : Claire T, Solenne, Laurie. Yolaine a aimé les deux livres.
Renée (avis
transmis de Narbonne)
Je n'avais jamais lu de Jonathan Coe, et, franchement, le nom ne me disait
rien. Dans La Pluie, j'ai été touchée par
le personnage de la tante, j'ai lu avec plaisir, mais sans envie de réfléchir
longtemps sur les personnages ou les intentions de l'auteur. J'ouvre ½.
Pour Testament au contraire, je suis entrée dans le récit
immédiatement, avec une certaine jubilation. Une construction qui
voyage dans le temps, des paragraphes tantôt racontés par
un conteur omniscient, tantôt par Mikael, un écrivain dépressif
à qui "la folle" a demandé un livre racontant
l'histoire de cette famille occupant des postes clés dans la société.
Je suis un peu perdue mais j'adore ça, c'est riche, ambitieux,
et il y a du grain à moudre. La description des turpitudes de chacun
est formidable, comme l'élevage en batterie. Bien sûr, une
petite partie ne concerne que la Grande-Bretagne du thatchérisme
et les soins hospitaliers sont nettement moins catastrophiques en France.
Cependant en général, le cynisme des politiciens, de certains
journalistes, du milieu du cinéma, des marchands d'armes, des galeristes,
ainsi que la "mal bouffe", sont présents dans toutes
les sociétés les plus modernes. Coe tend ainsi vers l'universel.
J'ouvre en entier.
Serge (avis
transmis d'Avignon)
Dans Testament à l'anglaise, l'absence de nom sur l'arbre
généalogique m'a gêné : seul le cousin
Walter a un nom ; je me suis demandé pourquoi lui et pas les
autres ? J'ai aimé qu'on plonge dans les secrets et les bouillonnements
d'une famille britannique du Yorkshire, cousins, pour nous Français,
de la Dynastie
des Forsyte de Galsworthy. J'ai aimé le parallèle
qu'a fait Coe des tragédies du film et celles de la famille, semblant
donner pour hypothèse que la fiction cinématographique influence
nos existences, notre quotidien, mais aussi notre libido, Michael rappelant
à s'y méprendre le héros de Sexe,
mensonges et vidéos. J'ai été intéressé
par la ponctuation dans les chapitres à partir d'extraits de journaux
et de journaux intimes, tickets de cinémas, dessins... afin de
crédibiliser la fiction, un peu comme des pièces de puzzles
venues s'insérer dans l'histoire de la famille, permettant à
Michael de devenir l'historien de cette famille où les ressorts
narratifs doivent beaucoup à la psychogénéalogie.
La fin du roman, digne d'Agatha Christie, avec la mort de Michael dans
l'avion piloté par Tabitha, qui commençait de façon
époustouflante, m'a malheureusement semblé finir de façon
grand-guignolesque.
Quant à La pluie, avant qu'elle tombe, quelle belle histoire !
Mais quel gâchis narratif ! Vient-il de l'auteur ou du traducteur ?
Au début, j'ai mélangé les personnages, je ne voyais
que des noms comme sur des vignettes d'arbres généalogiques.
Et puis, ça prend forme, on se captive pour ce roman de la transmission,
de la préservation de la mémoire, de ce qui va plus loin
que l'argent : l'identité grâce à l'arrivée
des albums photos et des cassettes, mais lorsque le récit intime
de la vie de Rosamond commence, moi le lecteur, je me suis senti dans
le rôle du voyeur et ça m'a gêné. Pire, la manière
dont elle s'exprime sonne faux. En effet, elle s'exprime dans une langue
belle et littéraire très éloignée du langage
oral qu'elle est sensée donner. L'écriture balaie, ainsi,
toutes les recherches des auteurs du Nouveau Roman. Si Coe avait remplacé
les cassettes par des manuscrits, tout sonnerait juste, mais là,
il n'a pas eu recours à ce que nomme David Lodge "le skaz"
et moi "le présent de conversation", pourtant obligatoire
pour un tel récit ! De plus, on a parfois la sensation qu'elle
s'adresse à une assemblée réunie en conclave et non
à Imogen. (Par exemple p. 89 :
"D'ailleurs, son travail
l'amenait souvent à Warden Farm, même comme si je l'ai dit..."
C'est assez irritant ! Dans la deuxième partie, p. 147
photo n° 12, il semble que Coe comprenne enfin comment
traité son récit dont l'idée est pourtant magnifique.
Tout est léger dans ce passage sur l'amour. Malheureusement, ça
ne dure pas, nouvel exemple p. 197 :
"En guise de post-scriptum",
sur des bandes magnétiques ?!) P. 210,
c'est enfin "l'arrêt
du magnétophone pour réfléchir" :
mais oui, cher Jonathan Coe, voilà ce qu'il fallait faire !
Et dès le début même... Que ce serait une belle histoire,
en arrêtant le magnétophone et en réfléchissant...
Donc, pour résumer mon avis, un fond riche mais une forme calamiteuse.
Rolande
(avis transmis de Lansargues en Carmague)
La Pluie... m'a beaucoup "plu" et même plus...
(j'adore l'origine du titre). Ces photos donnent envie de lire jusqu'au
bout sans s'arrêter. Une vraie psy pour Imogène si elle avait
pu avoir les cassettes... Une tranche de vie qui unit toutes ces femmes
!
Livre ouvert aux ¾ si je me réfère au code du club
pour Testament : j'ai plus qu'aimé le scénario
du livre mêlant intrigues, investigations, et désastres familiaux
(merci l'arbre généalogique de référence !).
Mickaël arrive quand même à percer à jour cette
famille, en y laissant des plumes, certes (mauvais jeu de mots mais il
est incapable d'écrire autre chose...). La corruption, l'avidité,
le goût du pouvoir tout est bon pour s'enrichir encore plus, aucune
limite, aucune morale pour satisfaire l'ego personnel de chacun des membres
de cette "pauvre" famille. Quant aux intrigues politiques, ça
fait penser aux séries : House of cards (US), Bergen
(série scandinave) ou actuellement sur Canal+ Baron noir.
L'establishement sous toute ses formes ! Difficile d'arrêter
la lecture au risque de s'y perdre et surtout envie de savoir ce qu'il
va se passer aussi bien pour la famille, que dans la vie de Mickaël
- qu'on a envie de secouer parfois... La réunion de fin fait
un peu Agatha C. et même si c'est jubilatoire, trop c'est un peu
trop.
Agréable lecture et je vais chercher d'autres C à
lire, j'aime beaucoup son style ! Personnellement La pluie
garde ma préférence... histoires de femmes.
Julius
(du nouveau groupe parisien qui a lu Testament
à l'anglaise en mars 2018, et dont les avis suivent)
J'ai beaucoup aimé, mais vraiment pas tout de suite, puisque je
me suis franchement désolé à ronger mon frein pendant
les 200 premières pages. Je trouvais cela décousu et n'appréciais
pas du tout l'aspect hétéroclite de ce qui était
présenté comme un matériau de recherches (coupures
de journaux, journal intime, minutes des actes d'une entreprise, etc.)
dont je ne voyais aucun intérêt à l'incruster dans
le roman.
Puis a commencé l'histoire des membres de la famille et là,
d'un seul coup (un seul coup de 500 pages tout de même, après
les 200 premières), c'est comme une mythologie qui apparaît :
une famille mythique dont les 6 cousins sucent le sang de cette société
dont ils figurent chacun une allégorie : Dorothy, déesse
de la terre et de l'élevage ; Thomas, le politique ou l'organisation
de la cité des hommes ; Henry, l'argent, dieu du Commerce
et de la propriété ; Mark=Mars, Dieu des armes et de
la guerre ; Rody, les arts ; Hilary, déesse du divertissement
moderne. Mais dans ce Panthéon maudit des temps thatchériens,
chacune de ces allégories pervertit tout ce qu'elle touche :
le plaisir de la bonne chère devient scandale de l'agro-alimentaire,
le politique détruit le système social, l'argent est élevé
au rang d'idole, les armes chimiques dévastent les populations...
Et tout ceci pour le profit de ceux qui ont déjà tout :
l'argent, le pouvoir, le plaisir... Figure multiface de la cupidité.
(Peut-être en manque-t-il une pour le sport et ses ravages.)
Et c'est là précisément ce que j'ai trouvé
de particulièrement captivant dans ce roman : c'est qu'il
est construit comme un polar. C'est génial ! Le fait de savoir,
tout au long du roman, qui a tué ou non tel personnage et si la
vieille tante Tabatha est folle ou non n'est qu'un leurre. Les vrais assassins
ne sont pas ceux que l'on pense et la véritable quête du
personnage principal non plus. C'est la petite société anglaise
dans les années 80, écrasée par l'ultra-libéralisme
thatchérien qui découvre, comprend et leurs crimes et traque
ses assassins !
Tous les codes du polar sont là : vols, meurtres, magouilles
et perversions en tous genres commis par les cousins : et ce sont
eux les criminels et l'intrigue, toute l'intrigue consiste à savoir
si et comment ils finiront par se faire coincer. Cela fait penser à
"Agatha Christie" mais c'est un leurre (sauf la pirouette finale).
Car il ne s'agit pas de répondre à la question étriquée
de savoir si Lawrence a tué ou non son frère. Mais de constater
que tous les cousins, les descendants, chacun à sa façon,
sont des criminels. Pourquoi tel personnage meurt ? Parce que les
cousins, ces affreux Dalton des temps modernes, ont détruit le
système médical britannique, parce qu'ils ont ruiné
le système social britannique, parce qu'ils ont inondé l'Angleterre
de fast-food immondes qui servent de la nourriture qui rend obèse.
Bien sûr cela n'existe pas du tout, mais absolument pas du tout
en France et ce n'est qu'une fiction. Toute ressemblance... Après
réflexion, je n'ouvre qu'aux ¾ à cause du pensum
des 200 premières pages, mais à regret...
Là, il faut noter que
nous avons eu beaucoup de mal à aborder la fin du livre, car beaucoup
ne l'avaient pas terminé !
Ana Christina
Je n'ai pas réussi à dépasser la page 26 ! J'ai
vraiment compris ce que signifiait un livre qui nous tombe des mains :
tu ne peux pas continuer, tu ne peux plus l'ouvrir ni le toucher. C'est
physique.
Puis quand même j'ai fait l'effort de lire un essai sur l'auteur.
Le pire c'est que tous ses propos ne m'intéressaient pas !
Et je suis même tombée sur une note qui disait que "Ce
qui retient l'attention des critiques ce n'est pas le style de Jonathan
Coe" ! Comme ça m'a fait penser à Agatha
Christie et que j'aime bien Agatha Christie, "la plume empoisonnée",
j'en ai lu un pour voir si j'aimais toujours et je l'ouvre en entier !
Et puis j'ai continué à chercher pourquoi je n'arrivais
pas à accrocher : le manque d'enthousiasme, le manque d'intensité ?
Un manque de poésie ?
Sans vouloir généraliser, je crois que je n'aime pas quand
on parle d'un problème social et que l'on en tire un livre et que
je le sente. Je préfère que l'on parte d'une idée
plus que d'une opinion. Mais ça reste sans réponse. En tout
cas : livre FERMÉ.
Anne
Contrairement à Nabokov que je n'ai pas lu car je le trouvais trop
riche et que cela m'étourdissait, là, ça m'est aussi
tombé des mains. Puis je l'ai finalement perdu à un moment
où pourtant il commençait à m'intéresser un
peu. C'est construit avec des bouts de bouts. Moi j'ai besoin d'être
un peu soutenue par une écriture et une ligne de tension. Sensations
que l'on m'a tendu infiniment un chocolat en me le refusant finalement
à chaque fois que je m'en approchais et au final je n'en voulais
plus !
Livre fermé.
Françoise
Je n'ai pas passé le cap des 26 pages non plus. Je n'ai pas accroché
et n'ai pas eu le mérite d'introspection d'Ana-Cristina. Mais franchement
je suis heureuse d'être là avec vous et je vais m'y remettre.
Tous
Nous aussi on est heureux d'être là, ensemble !
Françoise H
Livre fermé. Pour l'instant !
Nathalie
Je n'ai lu malheureusement que 300 pages. Mais je veux le terminer car
je laime bien. Donc sil-vous-plait, on ne me raconte pas la
fin. J'ai lu il y a quelques années Bienvenue
au club. Je me souviens lavoir beaucoup aimé. Mais
en tentant de me le remémorer, je me suis aperçue que je
serais bien incapable den raconter lhistoire. Je nen
ai retenu que le contexte social et la critique de l'Angleterre à
lère Thatcher. Je me suis demandé en le débutant
si celui-ci aurait le même effet de lecture. J'ai retrouvé
aussi Agatha Christie dès le début et, comme Julius, j'ai
compris que la quête du meurtre était moins celle de Godfrey
que de la société anglaise, que cétait un prétexte
pour évoquer les coupables des crimes commis à lencontre
de cette société. Jai beaucoup aimé le début
et me suis attachée rapidement au narrateur. En revanche, jai
eu plus de mal à mintéresser aux descriptions des
cousins car ils étaient vraiment monstrueux, sans aucune épaisseur
humaine, contrairement aux personnages représentant la vie réelle
et non les "allégories" comme le dit Julius.
Coe nous montre un Michael déprimé dans une société
déprimée, il nous donne à voir des éléments
morcelés comme ce que l'on peut percevoir d'une réalité
que l'on connaît mal quand on n'en tient pas les ficelles. Jai
bien aimé le côté puzzle de son roman.
Pour moi, les lenteurs sont volontaires ; c'est une façon
de montrer à quel point il y a lenteur de compréhension
dun peuple vis-à-vis de ce qui lui tombe dessus. Et cela
fait obligatoirement écho à ce que nous vivons en France
aujourdhui. Je ne pense pas que pour Coe, le style soit particulièrement
important
Françoise
En même temps cest une traduction.
Nathalie
Cest vrai. Mais en tout cas, on reconnait un Jonathan Coe quand
on en lit un. Je louvre aux ¾.
Julius
Moi j'ai quand même été gêné par l'absence
de style, c'est pour ça que j'ai ouvert aux ¾.
Audrey
Je lai lu en entier et ai été happée dès
le départ. On se plonge dans le contexte social de la société
anglaise des années 90. Cest un livre prétexte pour
évoquer ce contexte social qui ne peut que faire écho à
lactuel contexte social de la société française.
Jai bien aimé limbrication des histoires de la famille
avec la société. La fin est délirante, une pirouette,
une apothéose. Ah, je regrette quon ne puisse pas en parler
! Et puis cest un livre plein dhumour. Livre complètement
ouvert.
Flavia
J'ai beaucoup aimé ce livre. J'en avais lu d'autres de Coe dont
La pluie avant qu'elle tombe et Mr
Sim. J'avais aimé ces livres donc étais dans une
bonne disposition. Et je n'ai eu aucun mal à lire ce livre.
J'ai aimé car il m'a offert tout ce que je demande à un
roman. La trame est très bien construite, il tire les fils de tout.
C'est génial comment il imbrique toutes les histoires, les conséquences
s'enchaînent.
Il y a un aspect historique et critique, un thriller, une histoire d'amour,
du rocambolesque à la fin et même certains moments un peu
érotiques. Tout s'imbrique, je ne demande rien de plus. Et ce qui
me touche chez Coe qui était aussi dans les autres livres, c'est
que ce sont des personnages qui ont du mal avec eux-mêmes et avec
les autres. Ce sont aussi des Monsieur Tout le monde, pas des héros.
Des personnages gauches, faibles et touchants.
Et aussi dans tous ses romans, le passé resurgit avec des conséquences
sur le présent. Je trouve que c'est aussi onirique, que l'on ne
sait pas toujours si on est dans le rêve ou dans le réel.
Livre grand ouvert.
Un peu de documentation concernant Jonathan Coe
(à
la suite de notre séance de janvier 2016)
- Des entretiens : en complément de quelques repères sur son parcours et ses uvres (romans, nouvelles et récits, essai et biographies, roman pour la jeunesse), des interviews permettent par exemple de découvrir sa façon de composer un roman ou encore qui évoquent les livres que Jonathan Coe emporterait sur une île déserte...
- La
liste en images des livres de Jonathan Coe traduits en France (avec
des liens pour lire des extraits) et un tout récent livre (2015)
de Laurent Mellet consacré à son uvre, Jonathan
Coe : les politiques de l'intime
- A propos du film La vie très privée de Monsieur Sim, sorti récemment, adapté d'un roman de Jonathan Coe par Michel Leclerc avec Jean-Pierre Bacri, Mathieu Amalric..., le réalisateur précise son désir d'adapter le livre de Jonathan Coe : ICI.
Notes
(1)«
Rétrospectivement, ce roman me
paraît plein de colère, plein de mépris, mais aussi
ce qui est grave, il y a pas mal de naïveté, pas de la naïveté
littéraire, pas politique. À l'époque, quand j'ai
commencé à écrire, j'avais vingt ans, je pensais
que l'écriture pouvait changer l'opinion des gens.
S'il fallait utiliser des étiquettes, ce serait un roman de gauche
et je me suis aperçu qu'aucun lecteur de droite n'a été
changé politiquement après la lecture de ce roman. »
(extrait du site Littexpress, entretien
du 01/10/ 2011 avec Jean-Luc Furette, au salon Lire en Poche de Gradignan)
(2) « Je réfléchis
à un projet de roman, j'y réfléchis jour et nuit.
Ce qui est important pour moi c'est surtout de ne pas me dépêcher,
il faut vraiment attendre que l'idée arrive à maturation.
En fait, c'est un processus de travail, un processus invisible. Lorsque
mes amis m'encouragent, ma famille me voit assis dans mon fauteuil, aller
prendre l'air, ils n'ont pas vraiment l'impression que c'est du travail
et pourtant c'est une part absolument essentielle de mon travail d'écrivain.
Ensuite, l'étape suivante c'est l'étape de panique où
je me dis : "Oh la la ! Ça fait deux ans que je n'ai pas écrit
un mot, il faut absolument que je m'y mette, sinon ça ne viendra
plus, je ne pourrai plus jamais écrire". Alors même
si le livre n'est pas prêt, même si le roman, l'idée
n'est pas prête, je me lance. Et c'est ce que je vais faire dans
les prochaines semaines.
Ensuite, l'étape suivante qui dure plusieurs mois, c'est lorsque
je cherche la voie du roman et donc je me force à écrire.
J'avance assez lentement et c'est un travail assez ingrat parce que chaque
phrase que j'écris, chaque situation que je mets sur la page me
paraît fausse, laide. Donc je me force à écrire même
si je me dis que l'intrigue n'est pas encore totalement développée
dans ma tête, que je n'ai pas encore tous les détails. Donc
j'écris très lentement, environ une demi-page par jour et
en me disant à chaque fois que ce n'est pas bon. J'avance en me
disant tous les jours qu'il faut que je me force.
Un jour j'arrive à cette phase où avec un peu de chance
- bon je touche du bois -, l'idée vient, l'illumination est là.
À partir de ce moment-là, l'écriture devient vraiment
agréable. Ce n'est pas vraiment que le livre s'écrive tout
seul, ce n'est pas vraiment ça, mais ça coule, l'écriture
vient. Et à ce moment, je change de méthode de travail,
je deviens quelqu'un de très organisé. Je me rends tous
les jours avec des horaires fixes, à l'appartement qui appartient
à ma belle-sur. J'y vais tous les jours, je m'occupe de cet
appartement, j'arrose les plantes, etc. En fait, c'est un travail de bureau,
de 9h30 à 17h et là j'écris beaucoup plus, de quatre
à cinq pages par jour. Ce n'est pas que ça devienne vraiment
agréable et facile mais au moins le livre devient plus réel.
Et pour finir, quand j'arrive environ à la moitié du roman,
les choses s'accélèrent, j'ai l'impression d'arriver au
sommet de la côte et ensuite quand on a dépassé le
sommet, c'est la descente et c'est un peu en roue libre. C'est un moment
extrêmement grisant pour moi, j'écris la deuxième
moitié de ce roman, je l'aborde avec beaucoup plus de légèreté,
j'écris beaucoup plus vite. Les deuxièmes moitiés
de mes romans ont été écrites de façon beaucoup
plus rapide. J'ai un rythme beaucoup plus soutenu, je travaille de dix
à douze heures par jour et il me faut environ deux mois et demi
à partir de là pour finir la deuxième moitié
de ces romans. Et donc, pour résumer, la première moitié
de mon roman, il me faut environ deux ans et demi pour y parvenir entre
le moment où je commence à penser, à réfléchir
et à écrire et pour la deuxième moitié, c'est
environ deux mois. » (extrait du site Littexpress, entretien
du 01/10/ 2011 avec Jean-Luc Furette, au salon Lire en Poche de Gradignan)
(3) Les chants d'auvergne
de Joseph Canteloube, avec son célèbre Bailero mentionné
p. 161 qu'on peut écouter ICI.
Nos
cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
à la folie, beaucoup,
moyennement, un peu, pas du tout
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