TA CHAMBRE À MOI, de Michael Köhlmeier
Pierre Deshusses, Le Monde, 8 septembre 2000

Tomber quatre fois amoureux en quatre jours n'est pas chose banale. Tomber quatre fois amoureux en quatre jours de la même personne tient du tour de force. C'est ce tour de force que nous raconte, sans forcer, ce petit livre exquis. Tout commence dans un train bondé. Une halte intempestive en pleine campagne, une sortie hasardeuse pour rendre service, le train qui repart, et voilà notre héros seul, en plein hiver, sans papier et sans argent, dans un pays dont il ne connaît pas la langue. En se réfugiant dans un immeuble en construction, il profite d'une porte restée un instant ouverte pour se glisser à l'intérieur d'un appartement chaud et douillet, celui d'une femme qui est allée descendre sa poubelle. La femme revient, referme la porte et part travailler. Le piège se referme. Mais c'est un piège qui, dans cette situation, ressemble au paradis. A partir de là, l'homme va jouer à cache-cache avec cette femme dont il sait, par certains détails, qu'elle s'est aperçue de sa présence. Chaque nouvelle journée est un nouveau coup de foudre, d'autant plus électrisant qu'il ne s'accomplit pas. Michael Köhlmeier, auteur autrichien né en 1949, s'inscrit dans la veine du fantastique d'E. T. A. Hoffmann : "Un récit à la fois très simple et toujours inattendu, parfaitement logique mais décalé", note G. A. Golschmidt dans sa préface. Au-delà des mots, au-delà des corps, par absence interposée, ce sont les objets qui marquent la rencontre. On est voyeur sans voir ; tout se passe dans l'imagination et pourtant tout est bien réel. Un livre de désir (traduit de l'allemand - Autriche - par I. Marivin et A. Kukari, éd. Maurice Nadeau, 106 p., 90 F, [13,72€]).

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