LIGNES DE SUITE

Je suis un peu comme Joseph. Je cherche des refuges, des planques, des chemins de traverse. Moi, je prends souvent la tangente d'un sourire, d'un fil de fumée bleue ou d'un livre. Je fais le mur, je saute par la fenêtre et déguerpis dans la forêt nocturne. Les livres sont des lettres que l'on plante comme des arbres. Et qui poussent dans le cœur des gens. Y a des futaies profondes là-dedans, et des taillis pointus. Avec Aima éditeur, voici un cinquième livre. J'espère qu'il poussera tranquillement. En symbiose. Qu'il trouvera sa place. Que vous lui offrirez l'eau et la lumière nécessaires. Depuis quatre ans, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de découvrir des endroits et des êtres dont je ne soupçonnais même pas l'existence. Des librairies, des médiathèques, des écoles, des rues, des fleuves, des villages, des villes. Quel beau passeport pour découvrir les paysages ! À chaque fois, j'y ai été reçu yeux et mains grands ouverts, oreilles attentives, zygomatiques sincères. On s'est assis autour de l'arbre, autour du livre, autour du feu, autour du verre, et on a partagé nos merveilleuses insignifiances, nos histoires, nos silences, la petite lumière de nos imperfections, les secrets que nous ne connaissons pas et qui nous tiennent debout. Il m'est même arrivé de faire le clown, c'est dire si j'étais en confiance. J'ai écrit des poèmes dans les trains, j'ai lu mon nom dans les journaux, j'ai reçu des lettres bienveillantes, organisé des potlatchs avec nombre d'auteurs que j'admire, cueilli des volées d'insultes sur Internet. J'ai goûté toutes sortes de vins et de fromages, toutes sortes de clins d'œil, toutes sortes de mercis. Je me souviens des pognes dures et noires de ce vigneron qui me secouèrent chaleureusement. De ce que ses yeux avaient traversé avant de venir se reposer entre mes lignes. Je me souviens de cette adolescente, le rouge aux joues, mi-fière et mi-honteuse, m'avouant qu'elle écrivait des poèmes. De cette vieille dame, ce tout petit bout de femme qui fermait les yeux pour m'écouter. De cet enfant qui m'a demandé comment je faisais avec les paparazzi. Des complices. Tous. Rencontrer, c'est grandir. Vous faites respirer ma forêt, pousser mes troncs tordus et mes herbes bancales. Vous donnez du souffle à mes pétales et du jus à mes épines. Ce livre est une fenêtre qui pousse dans les terrains vagues, une petite fenêtre sauvage et mal peignée que je dédie à Pierre Autin-Grenier, à Jean-Claude Pirotte et à mon grand-père.

THOMAS VINAU
Postface de

La part des nuages
 

 

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