Shûsaku Endô compare son baptême à l'âge de 12 ans à un marriage arrangé... :

Dans mon cas, c'est comme si j'avais marié la fille que mes parents avaient choisie pour moi quand j'étais enfant. Ou, pour changer d'analogie, mes amis ont commandé un complet-veston sur mesure ; moi j'en porte un de confection, celui que ma mère m'a acheté. (Shûsaku Endô, cité par Alle Hoekema, "La christologie du romancier japonais", Bulletin des Eglises d'Asie, 16 octobre 2000, mis en ligne en 2010)

Dans un entretien, il développe son point de vue sur le christianisme dans la société japonaise :

Quelle est l'attitude religieuse des Japonais ?

Les Japonais sont habités par un sentiment cosmique, fondé sur l'animisme. Leur idéal religieux comporte une recherche de l'harmonie cosmique. La notion de coexistence est fondamentale. C'est ainsi que l'on retrouve ensemble la haute technologie et les croyances traditionnelles. Par exemple, quand on bâtit un immeuble, on place au sommet une statue qui rappelle la religion shintoïste. Par ailleurs, vous pourrez voir à l'intérieur d'un grand temple bouddhiste un petit temple shintoïste. Pour vous Occidentaux, ceci reste difficile à comprendre. L'Église catholique devrait imaginer une théologie qui convienne à cette mentalité japonaise.

Depuis des années, l'Église affirme qu'"il faut dialoguer". Mais dans la réalité, il n'y a pas de véritable dialogue. Pour qu'il y ait dialogue, il faut que chacun puisse se retrouver au même niveau, c'est-à-dire, sur un plan d'égalité. Les chrétiens raisonnent souvent comme s'ils étaient les seuls à posséder "le permis de conduire". Les autres religions savent peut-être conduire mais "elles n'ont pas le permis". Au Japon, être catholique est quelque chose qui sort de l'ordinaire. Il y a 500 000 catholiques sur 120 millions de Japonais. Pour vous, Occidentaux, être chrétien n'a rien d'extraordinaire.

Dans chaque religion, il est possible de retrouver le visage de Jésus. Jusqu'à maintenant, les théologiens catholiques pensaient que les grandes religions comme le bouddhisme ou l'hindouisme ne pouvaient coexister avec le christianisme. Je souhaite que l'attitude de l'Église change à ce sujet. Le Christ existe dans le bouddhisme et dans l'hindouisme. Les bouddhistes disent peut-être que le Bouddha est dans le christianisme. Et ils ont le droit de penser cela. Si nous ne reconnaissons pas aux bouddhistes le droit de réfléchir ainsi, le dialogue n'est pas possible.

Il est important que l'Église change d'attitude pour que les jeunes Japonais puissent se tourner vers le christianisme. Il faudrait rechercher les racines communes aux religions qui apparaissent dans les mythes. Les résultats de la mission en dépendent.

Quelles sont les caractéristiques de la philosophie japonaise ?

Vous les Occidentaux, vous êtes fatigués du cartésianisme. Les Japonais n'ont pas une philosophie cartésienne. "Être clair" est important pour l'Occident. Au Japon, l'ambiguïté est une valeur positive. La philosophie japonaise se caractérise précisément par l'ambiguïté. L'ambiguïté évite la sclérose de la pensée. Elle favorise la disponibilité pour changer en fonction des circonstances. L'ambiguïté représente la possibilité de coexister avec une autre réalité. Les Japonais y trouvent leur force.

Extrait d'un entretien avec Shûsaku Endô
entretien non daté réalisé à Tokyo
pour Eglises d'Asie par le frère Manuel Rivero
Ordre des prêcheurs du couvent des Dominicains de Toky
publié le 18 décembre 2016 sur le site
Ordre des prêcheurs

 

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