BD ou roman graphique, c'est vraiment différent ?

Des sous-catégories
La bande dessinée, désormais un art (le 9e), comporte des sous-catégories :
- la bande dessinée classique : traditionnellement sous forme d'album à la couverture cartonnée, au format A4, de 48 ou 62 pages en couleurs. Tintin, Astérix, Lucky Luke en font partie
- les mangas : bandes dessinées japonaises se lisant de droite à gauche, avec leurs personnages aux grands yeux
- les comics : bandes dessinées en séries avec des super-héros : Batman, Superman
- le roman graphique : alors c'est quoi ?...

"Roman graphique" : ça vient d'où, cette appellation ?
C'est la traduction littérale de l'appellation graphic novel.
L'américain Will Eisner est considéré le père de cette appellation, qui figurait sur la couverture de l'ouvrage A Contract with God And Other Tenement Stories (éd. Baronet, 1978).
Le livre se démarquait du comic book ordinaire par divers aspects :
- rupture avec la série (un titre unique)
- un contenu plus sérieux, plus intime : mélange de "choses vues", de souvenirs d'enfance et de fiction
- le lecteur visé, adulte
- le format
- une pagination beaucoup plus étoffée (192 p.)
- le refus de la couleur
- une conception de la page où texte et dessins s'entrelacent de façon plus libre que dans la mise en page traditionnelle.

Et aujourd'hui ?
La catégorie du "roman graphique" s'est imposée dans le vocabulaire professionnel (des éditeurs, des médias), ce qui ne l'empêche pas de recouvrir un certain flou, voire de renvoyer à une catégorie fourre-tout.
De fait, "ça fait bien". Voici ce que dit subtilement Thierry Groensteen dans l'article correspondant à "R
oman graphique" dans le Dictionnaire esthétique et thématique de la bande dessinée :

La catégorie du "roman graphique" recompose le champ éditorial en introduisant une distinction entre le tout-venant de la production et des œuvres plus ambitieuses. Elle cherche à séduire un public (et des médias) qui n’avaient pas nécessairement l’habitude de considérer la bande dessinée comme une littérature à part entière. Elle se veut révélatrice du clivage qui existerait entre une bande dessinée de divertissement – parfois de grande qualité, parfois moins – et une authentique "bande dessinée d’auteurs" (dont elle n’est peut-être, à tout prendre, que le nouveau nom), laquelle, s’étant affranchie du carcan des genres, exprime d’abord la sensibilité de l’artiste et le regard qu’il porte sur le monde. (Ou encore, dans les termes de Baetens, du clivage entre la fiction populaire en bande dessinée et des œuvres ayant pour ambition de sauver l’entourage littéraire dans un monde livré à l’inculture.) C’est un concept discriminant.

Selon les cas, "roman graphique" désigne un type de mise en page, un format de publication, un genre de bande dessinée.
L'expression permet de donner une légitimation littéraire à la bande dessinée, de l'éloigner du caractère enfantin associé à sa dénomination courante et de séduire un public qui n’a pas nécessairement l’habitude de considérer la bande dessinée comme une littérature à part entière.

Pour approfondir la question : Le roman graphique, une bande dessinée prescriptrice de légitimation culturelle, Fred Paltani-Sargologos, 2011, Université Lumière Lyon 2 (master 2 Enssib).

Le chapitre sur la définition de "roman graphique" commence ainsi :

Mais mettons-nous d’accord dès le début : "un roman graphique est une BD autrement nommée".

 

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