Présentation des romans traduits en français Avec la Femme changée en renard (1922), qui eut un très grand succès dès sa publication et fut traduit en plus de douze langues, David Garnett parvient à faire accepter l'invraisemblable en racontant l'histoire de Sylvia Tebrick qui se transforme tout à coup en renarde sous les yeux de son jeune époux. En mélangeant intimement réalisme et fantaisie, Garnett encourage le lecteur, sans lui donner la moindre clef, à chercher à découvrir les intentions profondes d'un texte qui incite aux interprétations multiples. H. G. Wells voyait dans cette fable un récit novateur et fondateur, "aussi étonnant, aussi totalement juste et cohérent qu'une nouvelle création, une nouvelle sorte d'animal [...] se mettant soudain à courir dans le monde". Conrad pensait que c'était une histoire "sans faille dans son essence et dans son exposition". Dans
Un
homme au zoo
(1924), roman très apprécié de Virginia Woolf, l'humour
souriant de Garnett expose au grand jour la complexité et les aspects
ridicules et vains des problèmes humains replacés au sein
de l'espèce animale. Le thème sous-jacent est celui de la
difficulté d'intégrer les impératifs de la passion
physique au sein des conventions de la vie en société. John
Cromartie, jeune Écossais, après s'être querellé
avec son amie dans un zoo, décide d'en occuper une cage près
de celle des grands singes en réduisant sa condition à sa
plus simple définition d'Homo Sapiens. Sa jeune amie comprend
l'étendue de son amour et finit par lui proposer de venir partager
sa cage, ce qui ne sera pas admis. Le Retour du marin (1925) marque un changement, Garnett abandonnant la "fantaisie" de ses deux premiers récits et abordant les thèmes de l'intolérance et du racisme issus de l'ignorance et de l'étroitesse d'esprit. En 1858, William Targett revient s'installer à l'auberge "The Sailor's Return", avec son épouse noire, Mrs. Tulip, ex-princesse, fille du roi du Dahomey, et leur enfant, à Maiden Newbarrow, village près de Dorchester, au sud-ouest de l'Angleterre. Les villageois ne peuvent se résoudre à accepter cette situation, essaient d'incendier l'auberge et les obligent à se remarier au temple. William meurt au cours d'une rixe avec ceux qui insultent sa femme. Elle reviendra comme humble servante à l'auberge, méprisée et ignorée de tous. Avant d'écrire ce livre, que le réalisateur Jack Gold adapta à l'écran, Garnett avait fait de minutieuses recherches, en particulier au sujet de l'aventurier du XIXe siècle Richard Burton, auteur d'un livre sur le Dahomey. Elle doit partir (1927) permit à Garnett, alors très influencé par le romancier irlandais George Moore, de fusionner avec bonheur deux épisodes réels qui lui avaient été racontés : celui d'un presbytère plein d'oiseaux dont les fenêtres avaient été enlevées et celui d'un épicier ruiné après avoir installé son fils à Paris. Transcendant la réalité, Garnett réussit à donner libre cours à une douce et tendre ironie en faisant le portrait d'Anne Dunnock. Cette fille de pasteur cherche à s'échapper du provincialisme des Fens, non loin de Cambridge, et s'enfuit à Paris où elle tombe amoureuse et se marie avant de retourner au pays. Anne y retrouve le presbytère transformé en volière et son père prenant les hirondelles pour des anges. Dans sa préface à Pocahontas or the Nonpareil of Virginia (1933), Garnett précisait ses intentions en mélangeant histoire et mythes au sujet de Pocahontas, "la belle sauvage" (1595-1617), fille d'un chef Indien du futur État de Virginie, mariée à John Rolfe qui mourut à bord du George et fut enterrée à Gravesend. Ayant fait une recherche très minutieuse sur documents et après s'être rendu sur les lieux, Garnett inséra dans son récit tous les personnages réels et les événements historiques vérifiés soigneusement, et pourtant, ajoutait-il, "une telle reconstruction, entre mes mains, du moins, est inévitablement une uvre de fiction. Après tout, en effet, qu'est-ce que le nom des hommes et que sont leurs actes quand ils sont pesés à l'aune de leurs émotions et de leurs affections ? " Le texte est suivi d'une carte de la baie de Chesapeake, reproduction de celle qu'il avait fixée au mur de son bureau pour suivre la progression des colons parmi les Indiens et d'un tableau établissant la chronologie historique. Au
moment de la publication d'Aspects
of Love
(1955), David Garnett n'avait pas écrit de romans depuis 1935,
s'étant consacré à des critiques de livres, à
l'édition de recueils de lettres, dont celles de Lawrence d'Arabie,
et à la rédaction de son autobiographie. François
Gallix
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