Alors qu'il peut juste espérer que la renarde évolue en un "gentil animal dressé, pas beaucoup plus", le narrateur n'est pas si déçu... :

"ce que j'en éprouvais sans l'avouer, c'était une sorte de soulagement qui ressemblait, par bien des côtés, à une assez vive satisfaction : tant que ma Sylva, si facile, si tendre, resterait un renard, cela n'éviterait-il pas bien des complications ? Je pourrais continuer de nourrir, à l'égard de Dorothy, des sentiments qui, pour être incertains, ne se refusaient ni aux rêves ni aux projets. Et je pourrais, tout en même temps, conserver près de moi une compagne telle que chaque homme, plus ou moins secrètement, s'est surpris à en souhaiter une : discrète, fidèle comme peut seul l'être un chien, comme lui attachée sans réserve – et sans revendications... Plus Sylva restait semblable à elle-même, à ce qu'elle avait été au jour de sa métamorphose, plus je me sentais heureux, serein, plus je pouvais tranquillement l'aimer. C'est vrai que je me suis toujours énormément méfié des femmes : le peu de pensée, de raison qu'elles logent au mystère de leur petit crâne abîme toujours tout. Dorothy n'échappait pas entièrement à cette méfiance. Ah, pensais-je, que ma petite Sylva demeure longtemps la charmante renarde qu'elle est encore..."

Vercors, Sylva
Grasset, 1961, p. 108-109

 

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