Ce recueil contient
Les Œufs fatidiques, Diablerie, La Commune ouvrière Elpite n° 13, Les Aventures de Tchitihkov


Contient aussi La Commune ouvrière Elpite n° 13, Les Aventures de Tchitihkov


Cette édition Folio bilingue contient : Les Œufs fatidiques, Diablerie, La Commune ouvrière Elpite n°13 et Les Aventures de Tchitchikov

Ce tome I de la Pléiade contient Notes sur des manchettes - La Bohème - Endiablade - Les Œufs du Destin - Cœur de chien - La Garde blanche - Carnets d'un jeune médecin - Morphine - Articles de variétés et récits (1919-1927).

Mikhaïl Boulgakov (1891-1940)
Les Œufs du destin (1925)

Les Œufs du destin (ou Les Œufs fatidiques) est une nouvelle et également le titre d'un recueil de nouvelles de Boulgakov publié en 1928.

Le nouveau groupe parisien a lu ce livre pour le 20 décembre 2019. Nous avions lu Cœur de chien en 2010 et Morphine pour le voir adapté à la MC93 à Bobigny par Patrick Sommier en 1998. Nous avons vu aussi une adaptation du Maître et Marguerite au Théâtre de la Tempête en 2000.

Françoise
Pas emballée à 100 000 à l'heure ! La nouvelle est très facile à lire, et son langage un peu parlé n'est pas désagréable, cela me donne la sensation que quelqu'un me parle à l'oreille. En revanche, elle présente une certaine faiblesse par rapport à la nouvelle Cœur de chien qui est une satire tellement mordante du système soviétique, même si par ailleurs elle présente la même charge à l'encontre des scientifiques préoccupés essentiellement par le progrès.
Ici la satire est plus périphérique. J'aurais préféré davantage de radicalité, même si j'avoue avoir été très surprise par l'erreur commise avec les œufs de serpents. Et ce moment m'a rappelé les films de science-fiction, avec des monstres verts, mais curieusement cela m'a donné envie de rire et l'effroi supposé de la nouvelle n'a pas du tout fonctionné.
Livre fermé et à 100% ouvert pour Cœur de chien. Ce qui me fait dire que le génie est inégal.

David
Tout en reconnaissant la trame narrative, l'aspect farcesque théâtral et joyeux, je reste sur ma faim, sans doute me manque-t-il quelques codes pour apprécier cette nouvelle à sa juste valeur. Nouvelle plaisante, un peu ensorcelante, proche de la science-fiction qui me parle en effet. Et pourtant l'effet science-fiction est un peu daté, avec un petit aspect vintage...

Ana-Cristina
...sépia.
David
Bien que l'arrivée du serpent géant, l'émergence de la catastrophe et cette image de la femme engloutie ne m'ont pas paru ubuesques, cela m'a atteint. J'ai bien saisi l'aspect politique et philosophique qui est posé : l'homme joue avec le feu, se prend pour Dieu et déclenche la catastrophe. Pour autant, je n'ai pas été marqué par la beauté littéraire, un aspect pas suffisamment élaboré. La nouvelle est surtout très théâtrale, son caractère russe très marqué, et pourtant avec un côté un peu foutraque et à la fin, une ligne incroyablement radicale. Allez, je ne boude pas mon plaisir, surtout avec cette ironie et ce tragique en seconde lecture. Ouvert à moitié large.
Margot
Très peu objective avec Boulgakov, je l'adore et 15 ans après, j'ai de nouveau adoré cette nouvelle.
D'abord une construction autour d'un double récit. Le récit d'un savant un peu perché, très peu en lien avec sa société, dans un labo poussiéreux mais qui finalement, tout seul, anticipe le progrès et la modernité. Il fait une découverte. Toujours sollicité par la presse, la communication, la Guépéou, il avance néanmoins tant il est de son temps et dans son temps : il a bien prévu de faire un élevage intensif dans son labo. Puis, entremêlé au premier, le second récit d'une faune interlope qui interloque. Comment tous ces gens ont-ils été informés ? Voilà un pays où plane partout cette information qui sait déjà tout. Et pour quels motifs veulent-ils tous s'approprier cette découverte alors qu'ils l'épinglent comme diabolique ? C'est finalement une voix suave au téléphone qui persuade Persikov, une seule fois, Staline sans doute, et une partie du rayon est cédée au Solkhov, pour le compte de la Guépéou. En somme Boulgakov pose un pays où quoiqu'il arrive, et quelles que soient les divisions, tout profite à l'Etat à qui rien n'échappe.
J'ai beaucoup apprécié la terrible charge contre l'intensité productiviste qui, de plus, ici, envahit la campagne, cette sorte d'Arcadie heureuse avec une si belle page où le temps s'arrête sur un clair de lune, avec le son d'une flûte, une nuit amoureuse où tout est suspendu. Et Boulgakov va faire émerger l'enfer de ce paradis : un enfer biblique avec la figure du serpent, mais qui nous plonge également dans un autre enfer antérieur, celui des Égyptiens où Apophis sort chaque soir pour manger le soleil, Râ, qui retourne chaque soir chez les morts. Et c'est bien de cette menace qu'il s'agit avec les serpents antédiluviens qui prennent possession de toute la vie sur terre. Cette faculté de s'appuyer sur de tels symboles sans jamais les citer, sans insister, en les esquissant, tout ceci dans un pays qui affiche une idéologie d'où Dieu a disparu, fascinant !
Et, dernier point qui montre la maîtrise de construction et d'écriture de l'auteur : la petite caricature au tout début de la nouvelle, cette petite grenouille éviscérée sous ses propres yeux par Persikov, insensible à la douleur et qui dans un dernier souffle les traite de salauds, voilà qui esquisse ce qui va faire l'objet d'un expansionnisme diabolique, le désordre de l'incontrôlable, la catastrophe. Grand ouvert.
Ana-Cristina
Il m'a manqué le délire de Boulgakov dans cette nouvelle. L'auteur en général nous plonge dans un très fort délire qu'il maîtrise par ailleurs de main de maître. Dans Cœur de chien, dans Diablerie et dans Le Maître et Marguerite, l'écriture est telle avec ce délire que l'on voit l'histoire passer sous nos yeux en dessin animé. En revanche, avec cette nouvelle, nous sommes de plain-pied dans le plausible. Tout est plausible avec la présence des serpents, même s'ils sont immenses, et par conséquent à aucun moment nous ne sommes déconnectés du réel, comme dans d'autres de ces écrits. Personnellement je préfère lorsque le récit décolle vraiment. Ici en revanche, la trame m'a renvoyée à Jurassic Park, le même scientifique qui se prend pour un Dieu, le même saurien (ici un dinosaure) qui sort de la plaine herbeuse… À se demander si Spielberg ne se serait pas fortement inspiré de la nouvelle de Boulgakov. Trop sage, avec un irrationnel qui fait défaut, Boulgakov a fait mieux. Ouvert aux ¾.
Faustine
Il y a dans cette nouvelles deux moments bien distincts, ce qui se passe à la ville, à Moscou, et ce qui advient à la campagne. Or ces deux moments présentent aussi une écriture et un rythme très différents. En ville, dans le laboratoire de Persikov, tout est très décousu, saccadé, ça entre, ça sort, comme au théâtre d'ailleurs, et le savant est toujours empêché d'avancer dans ses expériences. Il est sans arrêt sollicité et le texte évolue très peu dans sa trame narrative. Alors que le mouvement est incessant, l'histoire stagne. Dans le second moment, à la campagne, au contraire tout paraît se ralentir, or c'est là que se situe le nœud de l'intrigue et de l'action qui s'enchaîne à une allure hallucinante. Tout arrive aussi vite que décrit. Or Boulgakov suit presque dans toutes ses œuvres un rythme endiablé du début à la fin du récit. J'ai tout de même beaucoup aimé cette nouvelle, même si la première partie est un peu longue à décoller et semble épuisante à la lecture, qui se trouve elle aussi interrompue sans arrêt. Cela dit, la double lecture de ce soir me la fait aimer encore plus, a posteriori. Quant à la scène avec l'anaconda géant, j'avoue ne pas l'avoir vu arriver. Cela m'a fait rire mais d'un rire mauvais, un rire méchant. Je revoyais le personnage partir en slip vers le lac, avec sa flûte, une nonchalance incroyable, laissant en plan la mise en place d'un projet si important. Bien fait pour lui, non ? D'autant qu'un peu auparavant, les animaux s'étaient tus, ce qui est un assez mauvais signe ; et lui décide de jouer de la flûte… ; il a tout de même la présence d'esprit de continuer à jouer, face au serpent pour détourner l'attention sur la femme. Mais cette femme était si agaçante finalement… ainsi le serpent la dévore-t-elle. J'ouvre la nouvelle aux ¾.

Débat
- Autour de la spiritualité chez Boulgakov, pour qui il ne s'agit pas d'une charge politique mais surtout une préoccupation de voir l'homme chercher la place de Dieu.
- Le savant représenterait-il Boulgakov, cette figure du bouc émissaire désigné par le pouvoir qui, faute d'avoir récupéré la mise, se dédouane de sa responsabilité sur le scientifique désigné à la vindicte de la foule ?

Ana-Cristina
Je me demande si ce fameux paradis, décrit dans la deuxième partie de la nouvelle, ne serait pas une critique du paradis qui rate. L'URSS pourrait alors signifier la volonté farouche de recréer un Paradis, voué à la catastrophe.

Faustine
Je signale tout de même que les œufs de serpents avaient été commandés par Persikov lui-même ; ainsi s'il n'y avait pas eu d'erreur, ces serpents, ces œufs eussent-ils éclos dans le laboratoire même ! Certes tout était présenté comme parfaitement sécurisé…

Margot
La grenouille torturée par le savant signale le savant lui-même comme le salaud ! Et rien n'est précisé quant à l'issue possible si les œufs avaient éclos à Moscou.
Séverine
Bien que ne pouvant être parmi vous pour en débattre, voici mon avis sur la nouvelle de Boulgalov, Les œufs du destin (lue dans le premier volume de ses œuvres parues dans la Pléiade, volume intitulé La Garde Blanche), introduite de façon remarquable par Françoise Flamant. J'ai découvert grâce à ce choix un auteur que je n'avais jamais lu, et qui m'a ravie ! Je me réjouis de sa présence dans le fonds de ma médiathèque locale, ce qui me permettra de lire d'autres nouvelles ou romans de sa plume alerte, imaginative, drôle à souhait, mais aussi d'une grande finesse et intelligence acérée.
Ce récit d'une invention qui tourne à la catastrophe faute d'avoir été suffisamment protégée par son auteur et d'avoir été utilisée ensuite avec prudence et compétence, fourmille de clins d'œil satiriques réjouissants contre la bêtise humaine, les incompétents et les doctrinaires. Tout à son histoire qui frise la science-fiction, Boulgakov ne se prive pas de décrire certaines absurdités, dysfonctionnements et lacunes bien réelles qu'il a constatés en Union Soviétique, car le cadre de cette catastrophe initiée par un scientifique improbable est des plus daté, et précisément réel.
Boulgakov a également un talent formidable de portraitiste, ses personnages prennent tout à fait forme dans notre esprit, et malgré leurs caractéristiques parfois extrêmes, sont toujours crédibles !
Le récit est rythmé, bien mené, ménageant suspense, surprises, et peut être lu à plusieurs niveaux, comme une métaphore transposable à bien des pays, et bien d'autres époques. La chute est inattendue, les serpents venus d'œufs anglais transitant par l'Allemagne, m'ont un temps fait penser à un complot du monde occidental contre les soviétique... Le drame final est mené avec un savant mélange de sauvagerie et de cocasserie, irrésistible !
Son style est agréable, langue vive et claire.
J'ouvre en grand !
Katherine (avis transmis)
J’ai découvert Mikhaïl Boulgakov par ce premier ouvrage. J’ai trouvé la lecture facile et agréable à un premier niveau (c’est rythmé, drôle, on imagine facilement une adaptation au théâtre à la manière d’une farce), mais tout l’intérêt de cet œuvre est pour moi ressorti à la lecture de la préface de Françoise Flamant. C’est ainsi que j’ai pu mieux saisir l’esprit de l’époque que Boulgakov tâche de dépeindre, et la satire qu’il en fait. Je n’ai pas complètement accroché malgré tout, les épisodes ubuesques (le serpent géant gobant la femme, l’invasion des reptiles, le gel salvateur en plein mois d’août) m’ont fait garder une certaine distance… J’ouvre à moitié.
Nathalie (avis transmis)
J'ai eu du mal avec cette nouvelle. Je m'y suis ennuyée et avais du mal à avancer. Un vrai pensum. Mais je ne saurais dire pourquoi. Je reconnais les qualités de l'auteur qui écrit une œuvre à la fois de science-fiction (il la rédige en 25 alors que la première phrase annonce : "On était le 16 avril 1928, au soir" - et à cette époque-là, dans ce territoire-là, tout bougeait de façon particulièrement rapide, le nom des rues en est un parfait exemple), fantastique, satirique et comique. C'est du théâtre qui peut être grand guignolesque avec de vrais personnages. Difficile d'oublier ce professeur de zoologie Persikov, colérique, détestant ce nouveau monde qui lui est imposé, terreur des étudiants, tortionnaire des grenouilles (on sent les études de médecine du jeune Boulgakov qui a dû disséquer ces malheureux batraciens !), "le diable en personne" pour le pauvre Pancrate J'ai bien compris le sens du rayon "rouge", comme toutes les créations de journaux qui portent le qualificatif de rouge. Le rouge est certainement synonyme pour Boulgakov, petit-fils de prêtre et d'archiprêtre, du mal absolu, du diable. Une des caractéristiques du diable semble être la démesure. J'ai bien compris la critique de la Russie soviétique par cet auteur. J'ai ressenti la colère et l'angoisse que cet écrivain sait admirablement transmettre. Mais je n'ai pas accroché. J'ai essayé l'autre nouvelle qui suivait, "Diableries". Ddescription fantastique d'un cauchemar. J'ai mis beaucoup plus de temps encore à finir. J'ai renoncé à lire les autres nouvelles de l'ouvrage. Intellectuellement je saisis, émotionnellement, cela m'est insupportable. J'ouvre à moitié.

Liens repérés par Nathalie

Présentation de Mikhaïl Boulgakov sur le site La République des lettres de Pierre Assouline
En contrepoint Staline et les écrivains soviétiques. La fabrication et la disgrâce d'Alexandre Avdeenko, Vingtième Siècle, revue d'histoire, 2008

 


Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :

grand ouvert

¾ ouvert
ouvert à moitié
ouvert ¼
fermé !
passionnément
beaucoup
moyennement
un peu
pas du tout

 

 

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