Collection "L'Imaginaire", 1953

Cette édition rétablit le texte intégral de l'édition originale parue sans nom d'éditeur en 1947


C
ollection "L'Imaginaire", 1981, puis 2010

Quatrième de couverture :« Tous les protagonistes de ce drame naissent du brouillard de Brest, du soleil qui dore faiblement ses façades, et de la mer semblable au mouvement intérieur qui anime l'écrivain. Ce sont des miroirs se renvoyant des images semblables et contraires qui sourdent du même foyer où elles reviennent ensuite se confondre : Jean Genet. »

 
Jean Genet (1910-1983)
Querelle de Brest (1947)

Le groupe de Tenerife avec qui nous sommes en lien a lu ce livre en novembre 2019.
Nous avions lu Journal du voleur en 2015 et Notre-Dame-des-Fleurs en 1989.

Le roman a été adapté au cinéma - Querelle - par Fassbinder en 1982, avec Brad Davis, Franco Nero et Jeanne Moreau.

 

Manuela
Je ne sais pas si par son écriture abstruse, par son désordre chronologique ou par son argot "classique", j'avoue que j'ai eu du mal à lire et comprendre le roman. Si j'y ai réussi !
Tout au long de la lecture, j'ai subi des sentiments opposés. D'emblée, un rejet dégoûté pour la violence insensée (pour le lecteur, pas pour Querelle), puis un attrait curieux pour ce personnage qui fait du crime un rite consolateur de ses propres angoisses. À travers la sublimation poétique de l'abject, Genet-Querelle se révolte contre les normes reçues de la morale installée qui l'a toujours hanté.
Quant à l'homosexualité, je crois qu'elle n'est présente que pour abonder sur la marginalité des personnages, mais n'est pas l'objet du livre.
Et franchement, j'ai été très étonnée par les descriptions détaillées du corps masculin.

José
De la pure poésie. De la poésie en prose, mais de la poésie... ! Ce n'est que cela qui, pour moi, sauve ce livre. Sinon, j'en ai jusqu'au cou de sang, de crimes gratuits, de culs plus ou moins rosés ou dorés, de trous plus ou moins noirs, de merde, de bites plus ou moins grosses, dures, raides ou flexibles... Ras-le-bol !!! Mais la beauté de la langue, qui transforme en art la crasse qu'elle met en scène, a aussi le pouvoir de justifier l'injustifiable en banalisant les crimes, l'emprise psychique et physique, le mensonge, la manipulation, le manque absolue de valeurs... Comme vous le savez, chères collègues, je ne lis pas pour passer le temps mais pour continuer à apprendre à vivre, cette lecture a été pour moi du temps perdu.

Ana
J’avoue que c’est en lisant Querelle que j’ai découvert Genet. J’ai mis quelques semaines à le lire car au début j’ai trouvé son style difficile, donc j’ai dû m’encourager et faire un effort pour continuer la lecture. Finalement, j’ai réussi à le terminer.
Je n’ai pas aimé ce roman. Je n’ai ressenti aucun intérêt pour cette histoire dans laquelle Genet met en valeur l’homosexualité, la virilité et la beauté des hommes et leurs rapports sexuels en marge de la société et qui ne m’a rien apporté.
Cependant j’ai apprécié la beauté de son écriture et la poésie toujours présente dans ce récit bizarre et frappant.

Nieves
J'ai vraiment peiné à lire ce roman. En fait, j'ai failli laisser tomber au bout de quelques pages.
Je dois dire que de cet auteur je ne connaissais qu'une pièce de théâtre (Les Bonnes) que j'avais vue il y a très longtemps. Cela m'avait déjà semblé très particulier, ce deuil entre deux bonnes et sa maîtresse, les deux bonnes jouant le rôle de la maîtresse en essayant d'inverser l'ordre social… Dans Querelle de Brest, l'écriture, le décor, les personnages, la temporalité, me semblent également très particuliers. Il s'agit d'accorder le rôle principal à ces milieux de bas-fonds si connus de Jean Genet, où sont contestées les valeurs morales de la bourgeoisie, une bourgeoisie qui lutte en 1947 pour revenir à la "normalité" après la guerre, d'où la réaction négative du public lors de la publication du roman.
Quant à l'écriture, Genet utilise un narrateur omniscient qui explique les comportements, le passé, les sentiments des personnages, comme Balzac et d'autres romanciers du XIXe siècle, tout en étant un roman de 1947. D'autre part, il se sert d'un langage des fois très cru (scènes de sexe Querelle-Norbert, par exemple), des fois presque lyrique pour décrire les sentiments (Querelle-Gil ; Gil avec le jeune Robert ; le journal du lieutenant Seblon) ou certains passages du décor. Il y a aussi une sorte de jeu entre narration et dialogues. On dirait que les explications du narrateur nous préparent à comprendre mieux le comportement des personnages, par contre les dialogues nous font penser plutôt à une pièce de théâtre. Mais il y a aussi un manque de temporalité, les scènes, pour moi, forment comme des tableaux mettant en relief des faits ponctuels…
À propos du décor, le port de Brest où est amarré Le Vengeur, le brouillard, le bordel "La Féria", l'ancien bagne, sont les endroits gris et mornes où se développe l'action. C'est un paysage sombre, comme une toile de fond qui accentue davantage la vie obscure et hors la loi des personnages, certains proches de la marginalité à cause de la pauvreté, d'autres à cause de leur contact habituel avec cette marginalité (le lieutenant avec les marins, l'inspecteur avec le bordel, Lysiane avec les clients du bordel…).
Par rapport aux personnages, Georges Querelle c'est l'axe autour duquel tournent tous les autres : Mario, l'inspecteur, Nono, Robert, Théo, Dédé, Gil Turko, Madame Lysiane, la patronne du bordel, le lieutenant Seblon. Ce jeune garçon qui vit les relations physiques et psychiques au travers de son extraordinaire beauté dont il en est conscient, c'est un matelot (mataf) sur Le Vengeur, voleur, assassin, vendeur de drogue, homosexuel sans le savoir… Cependant les actions de ce personnage sont présentées allant au-delà d'un comportement habituel chez une personne de son statut social, au-delà d'un comportement prévisible. C'est pour cela qu'on dit qu'il a été conçu comme un "ange de l'enfer"… quelqu'un qui va au-delà de la catégorie humaine. Conscient de son pouvoir de séduction, il est toujours sûr de gagner tous les défis qu'il se marque. Il est sans doute une magnifique invention littéraire qui a rendu hommage à l'homosexualité masculine et aux exclus sociaux.
Bref, il semble y avoir un consensus de la critique sur l'extraordinaire qualité littéraire de ce roman. Je n'en doute pas. Néanmoins, je dois dire que cette lecture m'a laissé un arrière-goût amer et ne m'a rien apporté, sauf le fait d'apprendre quelque chose sur la vie et l'œuvre de Jean Genet. Probablement, le sujet du roman ne se correspond pas avec mes centres d'intérêt actuels. J'ai été incapable de savourer cette "beauté du mal" qui libère d'une certaine façon les personnages…


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