Le
Livre de poche, 544 p.
Quatrième
de couverture :
Lorsque, en 1846, Balzac publie La Cousine
Bette, le roman doit constituer avec Le Cousin Pons le diptyque
des Parents pauvres, lun et lautre accablés
dinjures. Mais à la différence de Pons, qui sera le
vieux musicien plein de cur, dès lorigine La Cousine
Bette devait voir la vieille fille disgraciée se venger de
ses douleurs, ce quelle fera jusquà la ruine des siens.
Le premier projet sest cependant élargi. Non seulement parce
que les amours du baron Hulot vieillissant font de La Cousine Bette
un roman érotique, et la dénonciation des affairistes
dans le Paris de la monarchie de Juillet un roman de largent, mais
parce que Balzac, renouvelant ses habitudes narratives pour mieux rivaliser
avec les feuilletonistes, écrit là un livre daction
un livre sombre, aussi, et qui nécarte ni les ressorts
ni les rebondissements du roman noir.
|
|
Honoré de Balzac
La Cousine Bette
Le nouveau groupe parisien a lu ce livre
en janvier 2021.
Nous avions lu La Fille
aux yeux d'or en 1996 et Le
Lys dans la vallée en 2002.
Séverine (avis
transmis)
J'avais souhaité mettre ce livre à notre menu car son sujet,
la jalousie, m'intéresse. Et sous la plume de Balzac, encore plus.
J'avoue ne pas avoir été déçue, et avoir dévoré
le livre ! Que dire d'original qui n'ait été dit, et
bien mieux, par tant de lecteurs ou critiques tellement plus compétents
que moi... ? Car j'avoue, c'est mon premier Balzac, il était
grand temps ! Je suis allée visiter sa maison-musée de Passy,
lieu où il a écrit nombre de ses chefs-d'uvres et
où l'on peut admirer plusieurs de ses fameux manuscrits, montrant
l'artiste au travail, et quel bourreau de travail ! Son bureau, sa chaise,
et aussi nombre de sculptures représentant le colosse qu'il était.
Cela m'a aidée à rentrer dans cette uvre si intimidante
car si monstrueuse, par où commencer se demande-t-on ? J'en reviens
à La Cousine Bette. Son caractère retors, pervers
dans la méchanceté, manipulateur et totalement insensible,
tellement sa jalousie chauffe à blanc cette âme damnée,
est si sombre, qu'on doute, parfois, qu'on est incrédule qu'une
telle personne puisse exister. Balzac ne s'est-il pas laissé emporté
en dépeignant cette ignoble personne ? Et son contraire, la belle
baronne Adeline Hulot, à l'inverse, n'est-t-elle pas trop pure,
trop vertueuse, et trop aimante, pour son indigne mari ? Certes. Mais
la langue, les images, les personnages, les descriptions de la société,
le récit et ses rebondissements sont si savoureux, que l'on pardonne
aisément ces exagérations, et qu'on se laisse emporter.
Les apartés de l'auteur en marge nous donnant par ailleurs tant
à découvrir, on a fait un vrai voyage dans le temps, et
c'est avec enthousiasme que j'ouvre ce livre en grand. Pour aller vite
en lire un autre !
Christine(avis
transmis)
La Cousine Bette, paru en feuilleton, a eu un très grand
succès à sa parution. Je n'avais pas lu Balzac depuis mes
années lycée et mes 20 ans. Je conserve un souvenir assez
précis de la dizaine de romans que j'avais lus à cette époque.
Je les avais appréciés. Un grand nombre d'années
ont passé et je reconnais n'être pas entrée d'emblée
dans le roman. Il m'a fallu quelques dizaines de pages de lecture avant
que je ne m'intéresse véritablement à l'histoire,
mais plus j'ai avancé dans ma lecture et plus j'ai été
captivée. La structure du récit, présentation successive
de chacun des personnages, jugements et commentaires de l'auteur, est
datée. Elle n'accroche pas le lecteur du 21e siècle. Balzac
nous décrit un monde heureusement révolu, où la femme
n'existait que par les hommes et selon sa vertu, où les hommes
pouvaient s'endetter sans discernement. Mais Balzac nous décrit
d'une façon admirable l'emprise des sentiments sur ses personnages
et l'enchaînement inexorable de leurs conséquences. J'ai
été absorbée par l'histoire. La cousine Bette et
sa jalousie sont le pivot de l'intrigue. Aucun membre de sa famille ne
prend conscience de son rôle néfaste, elle est perçue
à l'opposé de ce qu'elle est. Balzac nous dépeint
un monde noir dans lequel le vice règne. Ses pages sur les faubourgs
où vivent les pauvres gens m'ont évoqué Eugène
Sue. Les personnages vivent leurs passions sous nos yeux. J'ai compati,
j'ai été révoltée, j'ai souri aussi, selon
le déroulement de l'intrigue. Je comprends le succès de
La Cousine Bette à sa sortie. Je suis heureuse d'avoir lu ce
livre et je vais poursuivre avec Le Cousin Pons
J'ouvre le
livre en grand.
Françoise(avis
transmis)
J'ai beaucoup aimé La Cousine Bette et remercie chaleureusement
Séverine d'avoir proposé cette lecture. J'ai lu juste auparavant
Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes
avec le même bonheur. J'ai beaucoup ri (jaune chaque fois que Balzac
s'exprime sur ce qu'il n'est pas : les femmes, les Polonais, les Brésiliens... ;
aux éclats quand Balzac met dans la bouche des courtisanes de savoureux
monologues grâce auxquels elles parviennent à retourner leur
amant en leur faveur et plus intérieurement quand un adjectif suffit
à Balzac pour dépeindre une situation), j'ai admiré
le style de haut vol, j'ai savouré la construction du livre (le
mélange des genres, les revirements des personnages...). Le livre
emprunte au conte (premier chapitre où Crevel prédit à
Adeline sa fin), à la chronique sociale (commentaires sur les codes
respectifs de la noblesse et de la bourgeoisie), au théâtre
(dîners organisées par les courtisanes) et à l'essai
sur les murs (considérations sur les femmes ou sur le génie
du peuple polonais... ou plutôt sur leur absence de génie).
Le livre prend à contre-pied le lecteur : tous les personnages
prennent une direction opposée à celle que Balzac leur a
assignée au départ (Hortense quitte Wenceslas, Josepha vient
au secours d'Adeline, Crevel lègue une partie de sa fortune à
Hector Hulot, Bette est diable et ange à la fois...). C'est une
tragédie qui signe le triomphe du vice sur la vertu. Certes, l'intrigue
est centrée sur la déchéance d'Hector Hulot, puni
par sa passion pour les femmes jeunes et le fond de cette histoire c'est
l'horreur de la condition des femmes au 19e siècle (sans autre
choix que d'être des ouvrières misérables, des épouses
cocufiées ou des prostituées). L'essentiel de l'abomination
est ailleurs : c'est le renoncement à soi-même vécu
par les deux personnes qui tiennent la maison Hulot : Adeline, la sublime
épouse qui en vient à se vendre à Crevel pour mettre
un terme aux dettes de son mari et Victorin, l'avocat et "député
puritain", contraint par la police, de faire tuer Valérie
pour la mettre hors d'état de nuire.
Monique (avis
transmis)
J'ai eu l'impression de lire, non pas un roman, mais un livre sur l'histoire
des murs de la bourgeoisie parisienne sous la Monarchie de Juillet.
Un grand classique, que cette Cousine Bette, au style, au vocabulaire,
aux murs d'une autre époque, dont l'intérêt
vient de l'envie de découvrir, d'en savoir plus, sur la façon
dont vivait ces gens, à quoi ressemblait ce Paris de la première
moitié du 19e siècle. Et je n'ai pas été déçue,
car c'est un tableau coloré, vivant, précis de l'époque
: vieux notables égrillards et dépravés vivant dans
des maisons luxueusement meublées, entretenant à grands
frais des courtisanes sans scrupules qui les ruinent ; premiers et seconds
commis de boutiques à la mode ; rues de Paris où roulent
des fiacres nommés Milord ; quartiers coupe-gorges autour
du Palais Royal ; soirées à l'Ambigu ou l'Opéra ;
spéculations financières, intrigues politiques ; on parle
de dot, de religion, de misère
Bref, c'est un tableau des
murs de l'époque, c'est le Paris d'avant Haussmann, celui
de Balzac. J'ai été frappée par le machisme de l'époque
et la précarité de la condition féminine : femme
mariée, confinée dans son foyer, totalement dépendante
d'un mari dont elle accepte toutes les infidélités, se consacrant
à l'éducation de ses enfants et terriblement vulnérable
; courtisane sans scrupule qui exploite et se venge sur la bête
; femme du peuple dans la misère. La prose, le style, certainement
admirable à l'époque, n'a pas la fluidité de celle
des romans modernes. Les phrases sont très longues, truffées
d'informations et de réflexions moralisantes sur les murs
de l'époque. On y apprend beaucoup, mais c'est parfois long et
je n'ai pas éprouvé le même plaisir de lecture. C'est
une écriture d'entomologiste qui dissèque ce qu'il voit
; une étude très perspicace des personnalités, notamment
celle du baron Hulot, noceur dépravé qui ruine sa famille
et de la cousine Bette, personnage machiavélique, envieuse, manipulatrice
et destructrice ; chacun des personnages est emprisonné dans son
vice ou sa dépendance, ou les deux à la fois. Je reconnais
l'habileté à décrire l'ignominie, la cupidité,
la faiblesse, la lubricité, l'envie
Tous ces travers humains
dont est remplie l'uvre, mais cela sonne d'une autre époque.
Tous ces personnages sont décrits à la limite de la caricature
et on a du mal à croire que chacun d'eux, à l'exception
de Valérie et de Bette, se laissent berner à ce point tant
les ficelles sont grosses, c'est là que le roman prend le pas sur
l'étude des murs. Mais bon, j'ai trouvé ce livre très
instructif sur l'atmosphère de l'époque, période
d'incertitude (on est entre deux insurrections majeures : 1830 et 1848)
et on y voit se dessiner lentement le Paris d'aujourd'hui. J'ouvre aux
¾.
François
(avis transmis)
Souvenir d'un jeune et sémillant professeur en Sorbonne qui répétait
"Rappelez vous que comme
disait Baudelaire, Balzac est avant tout un visionnaire passionné
et pas seulement un observateur". On s'en aperçoit
bien en lisant La Cousine Bette. Mais qu'en dire qui n'ait déjà
été dit ? Sinon le plaisir que j'ai pris à relire
ce roman en m'attardant (mille excuses !) à ce qui peut même
sembler ennuyeux : lieux, costumes, intérieurs et tout ce qu'ils
reflètent. (On connaît les théories de Balzac sur
l'élégance et l'ameublement). Les descriptions abondent
dans La Cousine Bette. Et elles sont le plus souvent extraordinairement
révélatrices, cf. celles de "la Bette" et du baron
au début du roman, le trait le plus particulier à une portée
générale. Tout chez Balzac est prétexte à
généralisations : "La
cousine Bette, la Sauvage Lorraine appartenait à cette catégorie
de caractères plus communs chez le peuple qu'on ne pense et qui
peut expliquer la conduite pendant les révolutions. Il se trouve
encore assez de Madame Marneffe à Paris, pour que Valérie
doive figurer comme un type dans cette histoire des murs".
(Il peut aussi lui arriver parfois, de sombrer dans des platitudes consternantes.)
Mais le plus souvent, il exprime génialement la vérité
des caractères et des sentiments que ses personnages incarnent
jusqu'au bout des ongles. Ces vices et ces défauts sont ceux d'une
société bourgeoise qu'il déteste. Marx disait en
avoir plus appris sur le capitalisme avec le réactionnaire Balzac,
défenseur du trône et de l'autel qu'en lisant les économistes.
Paris incarne cette société corrompue par l'argent et dévorée
par tous les vices. Elle devient l'égale des cité maudites
de la Bible dans laquelle Balzac nous entraîne au fil des pérégrinations
et de des déménagements qui marquent l'ascension ou la déchéance
des personnages à laquelle presque aucun n'échappe. "Les
sentiments nobles poussés à l'absolu produisent des résultats
semblables à ceux des grands vices." Dans La
Cousine Bette, ils s'étalent au grand jour avec une franchise
et un cynisme dignes des Liaisons dangereuses. Valérie est
bien une "Merteuil bourgeoise". Et Hulot un vieux libertin cynique
qui ne cache jamais son jeu. Pas plus d'ailleurs que le couple Marneffe
qui connaît une fin digne des pires mélodrames. La vertu
même de la baronne peut tout aussi bien servir les vices du Baron.
Et il y bien sûr l'extraordinaire personnage de la Cousine Bette.
Mère Courage et amoureuse quand qu'elle cajole inlassablement son
beau sculpteur, furie shakespearienne dans la vengeance, victime exemplaire,
prête à réclamer sa part dans un monde gouverné
par l'égoïsme et l'argent. Avec Vautrin que l'on retrouve
à la fin du roman, elle est un des deux grands monstres sacrés
de la Comédie humaine. (Ceux de ma génération
n'ont sans doute pas oublié Alice Sapritch qui joua son rôle
à la télévision.) Par son caractère et son
énergie , elle est un des plus beaux personnages de la Comédie
Humaine. La Cousine Bette est un roman magnifique qui mériterait
de biens plus amples commentaires... peut-être aurons nous un jour
l'occasion d'en reparler de vive voix.
Rencontre en visio
Anne
Balzac était payé à la page et le récit nous
l'indique il aimait l'argent, ceci explique pourquoi ce roman n'en finit
pas, sa structure n'a pas une vraie dynamique, elle se noie dans le temps.
Pourtant l'histoire est dynamique, pleine de coups de théâtre
et de rebondissements affriolants, jouissifs. Toutefois, si je n'ai pas
pris un plaisir profond à la façon dont les vices circulent
dans la bourgeoisie du 19e siècle, c'est que je me suis en fin
de compte ennuyée avec toutes ces répétitions perverses
qui unissent les cercles, familiaux et collatéraux, sans jamais
une once de sincérité. Pour l'écriture, remarquable,
je trouve dommage que le talent de Balzac s'attarde au long d'une histoire
qui traîne et qui aurait pu être achevée en 2 ou 300
pages amusantes bien ficelées avec, sinon une infinité,
quelques rebondissements saisissants comme savait par exemple le faire
Molière, que d'ailleurs l'auteur cite à plusieurs reprises
et dont la bonne influence est notoire. C'est un livre de qualité,
personne n'en doute, mais je m'en vais pourtant le critiquer.
Dans ces pages, nombreuses, Balzac nous présente sa grande érudition,
tant en littérature qu'en politique, je dirais même en tout,
mais comme je ne suis pas férue du 19e siècle, que je n'en
aime aucune forme lorsqu'elle est prise dans une bourgeoisie classique,
cette érudition ne m'a pas séduite, car Balzac cherche à
séduire le lecteur au même titre que les personnages entre
eux et il y a une sorte d'emprise exercée sur lui, une vampirisation.
Tout est trop décrit et ne m'a pas laissé imaginer moi-même.
Pour revenir de façon plus positive à la dite classe sociale
je reconnais qu'elle a eu la qualité de permettre à quelques
opposants de créer des uvres magnifiques, en peinture parmi
d'autres arts. Balzac en a d'ailleurs fait partie, car bien sûr
ses portraits dénoncent cette société avec un humour
féroce, à tel point qu'il ne reste plus aucun espoir pour
aucune valeur humaine. Ce livre est désespérant de pessimisme.
Il est même tragique. La pensée, les sentiments n'ont d'autre
issue que l'auto-destruction. Même si ce livre parle de la liberté
que l'on a à échapper au règne des systèmes
religieux, il jette le bébé avec l'eau du bain, toute forme
de spiritualité est exclue. J'ai envie de dire que ce roman est
une farce où Balzac joue avec les sept péchés capitaux.
S'ils existent depuis la nuit des temps et n'ont pas besoin de la bourgeoisie
pour sortir de la boîte de Pandore, ils sont ici exacerbés
et attribués à tout le peuple, petites et grandes gens,
à l'état, à l'armée etc. Rien n'est épargné,
en cela Balzac se montre démocrate. La haine, la jalousie, se vautrent
dans d'infinies intrigues sournoises et mesquines... La paresse a le visage
d'un artiste dénaturé. L'orgueil trône chez tout un
chacun de façon dévastatrice. La luxure s'étale sur
les sofas de chaque page, et la colère la haine la jalousie sont
les ciments du récit. Tout cela est fort bien dit, fort bien dénoncé,
et installé dans un convoi littéraire proche du théâtre
de boulevard. Comme dans les contes de fée, tant mieux, les méchants
meurent atrocement pour la plus grande jouissance du lecteur qui satisfait
son sadisme inconscient, même si les gentils meurent aussi, mais
après tout c'est la vie et c'est aussi ça la littérature.
Balzac est donc un grand caricaturiste et il tue tout. On le sait, les
caricatures existent grâce à la liberté de penser,
elles diminuent tout et ne laissent au-dessus de la mêlée
que ceux qui les ont faites. Balzac est un serial killer, à l'image
de ses deux personnages centraux, la cousine Bette et Valérie.
Il expulse toute bonté et affection, faisant faire à Adeline
figure basse sous un splendide masochisme. Tous ces gens qui amassent
fortune ont une forme d'avarice, ils gardent tout pour eux quand ils ne
dépensent pas l'argent comme un objet magique qui malgré
les faillites réapparaît sans cesse. Les dettes de l'époque
ne sont sans doute pas si différentes des dettes actuelles dans
lesquelles le monde s'embourbe
Le génie de Balzac était
sans doute prémonitoire. Dans ce grand fleuve pas tranquille, les
rebondissements vont au galop, portés par une écriture splendide,
mais il y a pour moi des limites à tout et je me suis languie d'écritures
plus modernes qui parlent du mal identitaire et du mal en général
d'une façon plus subjective, moins pris dans les replis sociaux
du vêtement bourgeois. Ce n'est là qu'une question de goût.
Il m'a manqué un peu de silence, car ce roman m'est apparu trop
plein de monde, trop bruyant. Pris dans un tourbillon, les personnages,
ne savent pas qui ils sont. Ah, ramenez-moi un peu de solitude vraie !
Dans leur solitude abyssale et tumultueuse, personne ne pense et, comme
le monde est fait en fonction de la façon dont l'homme le pense,
ici il ne présente aucun devenir. Au fond, c'est ça, je
n'aime pas la philosophie de Balzac, son talent n'est pas au service de
l'ouverture. Sans doute, ce livre nous apprend comment est fait le monde
des humains, il n'aide pas à en sortir. Il incite le lecteur amusé
à rester collé aux personnages comme le papillon à
la vitre lumineuse. Balzac prédit un monde décadent, et
comme disait Michel Simon dans Drôle de drame de Marcel Carné :
"à force de dire
des choses horribles les choses horribles arrivent". Mais
oui, le monde devient ce que l'homme pense, c'est donc un livre satirique
fermé à la résilience. Pour ces raisons, je ne peux
pas l'ouvrir en entier, ni aux trois quarts, je garde donc le livre ouvert
à moitié, ce qui me permettra à l'occasion de jeter
un il ébloui sur l'écriture, sur l'humour, sur l'esprit,
et sur la capacité de Balzac de comprendre avec lucidité
et sagacité, les aspects si complexes de la psychologie humaine
blessée. Ces qualités me feront passer outre les généralisations
sur les femmes, les petites parisiennes, les Polonais et autres sujets
qui m'ont pas mal agacée. Après tout, au temps de Trump
et de toutes les cours d'école du monde politique, la vision de
Balzac aide tout de même à voir clair sur le monde tel qu'on
ne l'aime pas. Molière le faisait et je me demande ici pourquoi
j'ai une tendre affection pour les personnages émouvants de ce
dernier.
Olivier
Un Écrivain à ce point, oui, cela existe ! Et Balzac écrit,
quelle chance pour nous tous, dans notre langue ! C'est le premier émerveillement,
le style, la langue, les mots inventés, la précision du
langage, le détail (qui parfois révèle le tout !),
la fluidité ! Que vive la langue française ! Merci grand
homme ! La Cousine Bette : le côté historique, social,
est très intéressant, mais pas primordial à mes yeux.
C'est le récit d'une famille détruite par la voracité
sexuelle d'un sexagénaire et la jalousie d'une vieille fille. L'histoire
est haletante, toujours surprenante, mais là encore, ça
n'est pas le plus important. Et puis il y a nous, il parle de nous, de
notre orgueil, de nos petitesses, de notre égoïsme, des mensonges
que l'on se fait à soi, de notre capacité à nous
duper nous-mêmes. Il nous parle de la jeune fille en fleurs, du
libertin, de la vieille fille, de la femme vertueuse, des jeunes amoureux,
de la maladie, du vieillard, de la jalousie, de la séduction, du
déclin du corps, de l'érotisme, de la perversité,
de la haine, de la vengeance, du chagrin, de la générosité,
de la pitié... Comment sait-il tout cela ? Comment fait-il
pour incarner tout cela, pour comprendre tout cela ? Ils sont si
nombreux ceux dont il nous parle. Le commerçant devenu riche, l'aristocrate,
le portier, le cocher, la soubrette, l'ouvrier, le banquier, le maréchal
d'empire, le ministre, la courtisane, la femme vertueuse, l'avocat, le
policier, l'artisan, le jeune artiste, le militaire.. Tout le monde y
passe. Avec une truculence, un humour, une ironie parfois féroce,
une clairvoyance ! Hector Hulot est le symbole de notre avidité.
Le plaisir, la chair, encore et encore ! A 60 ans, à 70 ans, à
80 ans ! Revenez donc Hector Hulot, car nous sommes vos dignes successeurs,
nous avons maintenant le Viagra ! Revenez donc Valérie Marneffe
! Vous pourrez chantez à tue-tête, "Je, Je, suis
libertine, je suis une catin" ! Vous pourrez aussi écrire
vos conseils sexuels dans les revues féminines, puis les exécuter
dans des films licencieux pour ensuite animer une émission à
la TSF. Revenez donc encore père Hulot ! Nos banquiers vous montreront
les plus belles combines, les subprimes, les madofs, le surendettement
proposé même aux plus pauvres ! Venez voir notre société
à nous ! Car assurément, vous êtes des enfants de
cur ! Venez voir comment nous envions Johnny qui affiche 30 ans
de plus que Laeticia ! Venez voir nos armoires qui débordent, venez
voir ce que l'on jette tous les soirs dans nos poubelles, comment nous
vivons maintenant à crédit sur... la planète. Balzac
nous montre la comédie humaine, notre comédie. Nous voilà
décrits tels que nous sommes, dans cette lutte permanente pour
exister, avoir un bon toit, être en sécurité, protéger
notre corps, mais sans cesse vouloir plus, plus de plaisir, toujours plus,
le plus longtemps possible. Dans ce livre, tous ces électrons que
nous sommes s'agitent avec frénésie, courent dans tous les
sens, du haut en bas de l'échelle sociale, avec toutes les passions
humaines, tous les vices et les vertus, pour un résultat dérisoire
pour les uns comme pour les autres. Mais en définitive, cette comédie
est tragique et il n'y a pas trace de rédemption. C'est ma seule
réserve pour ce livre en particulier. Dans ce livre, Balzac ne
croit plus en rien, il n'y a pas l'espoir, pas l'amour qui triomphe et
éclaire notre existence. Il ne nous parle pas de l'Homme, lequel
malgré toutes ses turpitudes, possède la sublime faculté
de se penser dans le monde, de réfléchir à son existence,
de trouver l'amour et la paix. Malgré cela, en graaaannnnd !
Katherine
J'ai débuté avec entrain la lecture de ce roman, et j'ai
lu assez rapidement les 300 premières pages. J'ai ensuite fait
une pause dans ma lecture pour lire un autre livre, puis je n'ai bizarrement
pas eu la motivation d'y revenir. Pourtant, tout me plaisait dans ce roman.
J'avais l'impression de lire du théâtre ; chaque chapitre
était une scène différente, avec son décor
et ses personnages, l'action était soutenue, les intrigues étaient
multiples, bref il n'y avait aucune longueur. Par contre, l'ensemble a
fini par m'apparaître trop exagéré et caricatural
(la déscription grotesque des vices des uns et des autres, le déballage
de clichés incluant le vieil homme aimant les jeunes femmes, l'épouse
fidèle et malheureuse, la pauvre femme jalouse de la beauté
et du succès d'une autre, l'artiste rêveur et paresseux,
etc.). Bien que ça m'ait fait sourire (et parfois rouler les yeux),
j'ai fini par me lasser ; je n'étais pas tenue en haleine,
je n'avais pas hâte de connaître le dénouement. J'ai
simplement profité de ma lecture chapitre par chapitre, mais mon
intérêt n'était pas assez vif pour finir les 600 pages
de l'uvre. J'y retournerai peut-être éventuellement,
pour sa facilité de lecture et sa légèreté.
J'ouvre à moitié.
Nathalie
Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un roman de Balzac. C'est
un auteur dont plus je lis de romans, plus j'aime l'écriture. Après
tous ces auteurs contemporains, retrouver une écriture traditionnelle,
linéaire, ordonnée, m'a fait réfléchir sur
ce qu'entraînaient sur le lecteur la pensée bien organisée,
le sens donné à cette écriture correspondant à
l'idée même du sens de la vie. Ce qui selon moi la différencie
profondément de l'écriture contemporaine de l'après
Seconde Guerre mondiale qui, au contraire, est désordonnée
et ne s'autorise plus l'expression d'un monde sensé (chaque roman
étant une représentation d'un monde). Cela n'est pas contradictoire
avec le côté feuilletonesque du récit. J'ai pour ma
part bien accroché malgré des personnages typés,
presque caricaturaux. Ils nous restent en mémoire tels les caractères
de La Bruyère. La langue précise de Balzac donne corps aux
personnages, aux scènes. Je suis d'accord : il y a un aspect théâtral
dans nombre d'épisodes de ce roman. J'ai bien aimé aussi
les passages sur l'art, sur l'inspiration qui n'est rien sans travail
acharné. J'ai été subjuguée par les sculptures
de Wenceslas Steinbock ; par leur seule description, Balzac leur donne
incroyablement vie. Je crois d'ailleurs que ce sont mes passages préférés.
J'ouvre aux ¾.
David...
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
|
à
la folie
grand ouvert
|
beaucoup
¾ ouvert
|
moyennement
à moitié
|
un
peu
ouvert ¼
|
pas
du tout
fermé !
|
Nous écrire
Accueil | Membres
| Calendrier | Nos
avis | Rencontres | Sorties
| Liens
|