Librio
trad. Jacques Imbert

Léon Tolstoï (1828-1910)
La Mort d'Ivan Ilitch (1886)

Le groupe de Tenerife a lu ce livre en mars 2021.
Nous avions lu Anna Karénine en 1996 et
Le Père Serge en 2010.

Le texte est en ligne ici.

Ci-dessous les avis de Nieves LourdesNathalie Mercedes José Luis

Manuela (qui n'a pas pu participer à la réunion)
D'un point de vue littéraire, rien à dire, il s'agit d'un classique parmi les classiques, "les sages en ont déjà parlé".
Hormis la souffrance physique qui empêche de penser avec lucidité, je crois que les maux maux d'Ivan Ilitch répondent à un choix personnel. Il serait mort plus paisiblement s'il avait décidé de mourir en acceptant la mort telle qu'elle est venue et sa vie telle qu'elle a été. (J'imagine que j'ai raté une intéressante discussion sur "le bien mourir".

Nieves
Cette courte nouvelle assène un grand coup à la vanité humaine. Le héros, haut fonctionnaire avec une carrière impeccable dans le service à la communauté, arrive très jeune au sommet de sa réussite sociale, et malgré des relations familiales pas trop gratifiantes, il brille dans la haute société de Saint Petersburg et se croit un personnage important. C'est qu'iI est persuadé d'avoir la formule du succès, c'est-à-dire, agir laissant toujours de côté les sentiments ne faisant attention qu'aux normes établies aussi bien dans le travail que dans la vie privée.
C'est ainsi qu'ayant arrivé au top de sa carrière, il estime nécessaire aussi d'avoir une belle maison pour pouvoir côtoyer la haute société , ces gens qui, comme lui, pensent être uniques et différents de tous les autres, mais qu'à la fin ont tous les mêmes meubles, vont aux mêmes endroits et fréquentent les mêmes personnes.
Et voilà qu'après s'être construit ce monde "parfait", le meilleur auquel pouvait-il aspirer, il tombe grièvement malade à l'âge de 45 ans. C'est ainsi que, ne comprenant pas ce qu'il lui arrive, comme il explique très bien dans ce passage:

Le syllogisme qu'il avait appris - Caius est un homme, tous les hommes sont mortels, donc Caius est mortel - lui avait toujours paru exact quand il était appliqué à Caius. Mais que signifiait-il s'il fallait se l'appliquer à soi-même ?
Il n'était pas Caius, il n'était pas une abstraction mais un être différent de tous les autres. (...)
Oui, Caius était mortel, mais moi, petit Vania, Ivan Ilitch, avec toutes mes pensées et toutes les émotions, c'est une autre affaire. Ce n'est pas possible que je doive mourir, ce serait trop horrible.

Il commence à mettre en question le modèle de vie qu'il a choisi. Accablé par la souffrance, conscient de la proximité de sa mort, il perçoit la futilité de sa vie où il avait investi tant d'effort et d'ambition. C'est Guérassime, le serveur campagnard fort et dépourvu des préjugés qui lui rend encore plus déchirante cette fin stupide dont il ne peut pas se libérer, puisque sa terrible maladie ne lui permet pas de revenir en arrière : il est déjà trop tard.
La description de ce conflit si humain où l'homme fait face à la mort et par conséquent à sa propre vie, est faite ici avec une acuité et une clarté remarquables comme il est habituel dans l'œuvre de ce grand écrivain russe qu'est Léon Tolstoï.

Lourdes
J'ai eu un grand plaisir à découvrir cette petite œuvre de grand Léon Tolstoï, non petite en qualité, qui rapporte les réflexions d'un malade, un magistrat qui a tout fait pour mener une existence exemplaire, et qui se demande lors des derniers jours de son agonie si tout a valu la peine.
Le récit commence par la nouvelle de la mort du personnage principal, Ivan Ilitch, conseiller à la Cour d'Appel. Ce début insolite constituera à l'époque une nouveauté dans la narration.
Dès le début, Tolstoï introduit son idée sur la société bourgeoise de l´époque à savoir l'hypocrisie d'une classe qui s'efforce à garder les apparences :
"Outre les réflexions que suggéraient à chacun cette mort et les changements possibles de service qui allaient en résulter, le fait même de la mort d'un excellent camarade éveillait en eux, il arrive toujours un sentiment de joie. Chacun pensait : Il est mort et moi pas !"
"Quant aux intimes, ceux qu'on appelle des amis, ils pensaient involontairement qu'ils auraient à s'acquitter d'un ennuyeux devoir de convenance : aller d'abord au service funéraire, ensuite faire une visite de condoléance à la veuve."
La veuve, Prascovie Ivanovna, n'échappe pas à sa critique :
"Ah ! comme c'est douloureux ! [...] Quand elle se fut mouchée [...] Elle prit la parole et lui communiqua ce qui était visiblement son principal souci. Il s'agissait de l'argent du Trésor, à l'occasion de la mort de son mari."
Puis s'établit le portrait d'Ivan Ilitch jeune :
"Intelligent, gai, bon garçon, de relations agréables, mais strict dans l'accomplissement de ce qu'il considérait comme son devoir."
"Il se portait vers les personnages haut placés, comme la mouche vers la lumière, et il s'assimilait leurs manières, leurs vues, et s'insinuait dans leur intimité."
Ses études terminées, Ivan Ilitch reçoit de son père une médaille portant une inscription, "Respice finem", à savoir "Regarde la fin", qui, à mon avis, est une prémonition de ce qui attend le protagoniste, une mort prématurée.
Mais avant d'en arriver là on voit passer ses premiers pas dans une carrière, qui s'avoue impeccable, et ses premières expériences vitales en tant qu'homme indépendant. Ces expériences l'amèneront à éprouver le besoin de se marier quand il croit avoir trouvé la femme idéale : "de bonne famille, noble, et son physique était agréable ; en outre elle possédait une petite fortune." ; en plus "il agissait d'une manière qu'approuvaient les gens haut placés."
Toutefois les premières années de mariage ne sont pas spécialement heureux car son épouse s'avère être un personnage insupportable dû à ses caprices constants, alors il se réfugie dans son travail tout en améliorant sa situation professionnelle et économique. Petit à petit tout rentre dans l'ordre. C'est alors qu'il décide d'acheter un nouvel appartement conforme à son nouveau statut social. Là encore Tolstoï glisse une nouvelle critique : "l'appartement était comme ceux de toutes les personnes qui, sans être riches, veulent ressembler aux riches, ce qui fait qu'ils ne se ressemblent qu'entre eux."
Et ce sera en voulant doter la nouvelle maison de tout le confort que notre protagoniste, dans son effort pour que tous les aménagements soient parfaits, souffre une chute qui précipitera son déclin.
Commence alors l'agonie qui se prolongera pendant trois mois. Les extraits que j'exposerai ci-dessous résumeront les différentes étapes :

- Insouciance : "Je me suis seulement heurté, ici…Quand je me touche ça me fait mal, mais ça passera, ce n'est qu'un bleu."
- L'impression commence à changer : "On ne pouvait attacher d'importance à ce goût bizarre, dans la bouche, dont se plaignait parfois Ivan Ilitch et à cette sensation de gêne qu'il éprouvait dans le côté gauche du ventre." "Mais peu à peu, cette sensation de gêne, sans devenir une douleur, prit le caractère d'une lourdeur constante dans le côté, et l'humeur d'Ivan Ilitch s'en ressentit."
- Il se met en colère parce qu'il se sent incompris par sa femme, par les médecins.
- Culpabilité : "Ivan Ilitch, resté seul, se persuade de plus en plus que sa vie est empoisonnée, qu'il l'empoisonne lui-même et empoisonne celle des autres, et que ce poison, loin de s'affaiblir, gagne de plus en plus tout son être."
- Il essaie de se calmer en pensant positivement.
- Angoisse : "Subitement, ses pensées prirent une autre orientation : 'l'intestin, le rein,… se dit-il. Il ne s'agit de la vie et de la mort… Oui, la vie était, mais elle s'en va ; elle s'en va et je ne puis la retenir.'"
- Incompréhension : "Ivan Ilitch se voyait mourir et était désespéré, Au fond de son âme, il savait qu'il allait mourir, et, non seulement il ne pouvait se faire à l'idée, mais il ne comprenait pas et ne pouvait comprendre."
- Recherche de la complaisance : "À partir de ce jour, Ivan Ilitch appelait de temps en temps Guérassin, pour qu'il lui tînt les pieds sur les épaules, et il aimait à causer avec lui." ; "Guérassin apportait à cela de l'adresse, de la complaisance, et surtout une bonté qui attendrissait Ivan Ilitch." ; "Ce qu'il désirait le plus dans ces moments de souffrances, c'était, quoiqu'il eût honte de l'avouer, qu'on le plaignît comme un enfant malade. Il aurait voulut qu'on l'embrassât, que l'on pleurât sur lui, comme on le fait avec les enfants."
- La peur à la mort : "Si tout cela pouvait finir plus tôt !... Mais quoi ? plus tôt ?... la mort, les ténèbres… Non, non, tout excepté la mort."
- La colère revient, il se sent seul, abandonné : "Il pleurait sa situation désespérée, son affreuse solitude, la cruauté des hommes, la cruauté de Dieu."
- Il se demande s'il a vécu sa propre vie. "Peut-être n'ai-je pas vécu comme on doit vivre ? se demanda-t-il tout à coup. Mais comment cela serait-il possible puisque j'ai toujours fait ce que je croyais être mon devoir ?" se répondit-il.
- "L'un après l'autre les tableaux de sa vie passée se dressaient devant lui."
- Il s'abandonne à la mort et il retrouve la paix : "Et la mort où est-elle ?" Il chercha sa peur accoutumée et ne la trouva pas. "Où est-elle la mort ?" Il n'avait plus peur, car il n'y a plus de mort. Au lieu de la mort il voyait la lumière. "Ah ! voilà donc ce que c'est", "Quelle joie !"

Voyez donc que quoique nous soyons devant une œuvre courte, elle n'en est pas moins dense et profonde en son contenu. Tolstoï nous fait réfléchir sur sa propre existence et sur l'hypocrisie d'une société qui vit d'apparences et il le fait tout en employant un style direct et attrayant. C'est une lecture bien plaisante à mon avis.

Nathalie
J'aime la Russie, j'ai passé mon adolescence accompagnée par Dostoïevski, un de mes enfants, s'appelle Aliocha en hommage aux Frères Karamazov. C'est donc avec plaisir que je me suis plongée dans la lecture, contente de ces retrouvailles avec la société russe de la fin du XIXe, tant par curiosité sociologique, d'ailleurs la critique sociale est omniprésente, mais pourtant quelle lecture éprouvante. Éprouvante, insoutenable parfois mais nécessaire !
C'est la première fois que je lis un roman centré sur thème de l'agonie, de la mort imminente explicitée dans les moindres détails. Au fil de la lecture, je me demandais où Tolstoï nous emmenait, pourquoi il écrivait ce livre, où il voulait en venir puisque le livre commence par l'annonce de la mort de Ivan, donc pas de mystère. J'ai lu des livres de spiritualité (surtout bouddhistes), mais cette lecture m'a asséné un coup brutal. La catharsis est là. On ne sort pas indemne de ce livre. On se pose les mêmes questions lacérantes en même temps que le moribond quelques heures avant sa mort : á quoi sert la vie, quelle vie a-t-on vécue, une vie vidée de son sens réalise Ivan, en proie au désespoir, comprenant que sa vie n'a été qu'apparences. Livre métaphysique, existentiel. Qui nous amène á une prise de conscience des affres de notre propre mort et de celle de nos êtres chers.
J'avais lu que juste avant de mourir tous les êtres accèdent à l'illumination, accèdent à une compréhension de leur vie, existence et d'acceptation de la mort, une vérité spirituelle, la révélation du trépas. Et c'est ce qui arrive à Ivan Ilitch, torturé par trois mois d'agonie, non seulement physique mais surtout psychologique, l'obligeant à se livrer à une inéluctable introspection. Ivan Ilitch, finalement, après la phase du déni de sa mort imminente, le déni de sa famille (qui elle-même fuit le mourant, de sa femme qui le hait), la solitude face à sa propre mort, survient l'acceptation, le pardon, la compassion envers sa famille qui cruellement, ne veut pas lui reconnaître qu'il s'achemine vers la mort. Il aura une révélation qui survient lorsque son fils lui embrasse la main, seul membre de sa famille qui exprime un geste de tendresse, d'amour envers lui. Ivan pardonne à sa famille avant d'expirer et atteindre une paix intérieure.
J'ai revécu la détresse d'un des membres de ma famille, confronté à sa propre mort, une longue maladie, une longue agonie qui m'a marqué à vie, et que j'ai pu comprendre en refermant cet ouvrage.
Donc, livre inéluctable et douloureux, par la force de la description du cheminement du protagoniste qui nous interpelle de manière lancinante au tréfonds de notre être. La vacuité de la vie nous guette, le désamour, notre solitude existentielle.
Je n'ai pas vraiment prêté attention au style, tant la lecture me semblait oppressante. Hormis la transformation du mourant, la critique des classes sociales, de la condition humaine traversent le récit. Par exemple le parallélisme entre juge (Ivan) et médecin, qui émettent des sentences, l'autoritarisme, l'abus de pouvoir sur l'accusé, sur le malade, entre autres.
En refermant le livre, je me suis souvenue de Kübler-Ross, de l'importance de permettre aux agonisants de partir, de les autoriser à partir en paix. D'un article de The Guardian sur les remords les plus récurrents des personnes mourantes. Le remords le plus partagé étant "J'aurais aimé avoir le courage de vivre comme je voulais, et pas de vivre la vie qu'on attendait de moi", puis "J'aurais aimé m'autoriser à être plus heureux".
Pour ma part, encore sous le choc de cette lecture, je me suis tournée vers des pratiques de méditations sur la mort, autrement dit, sur la vie.
Lors de notre réunion, certains ont exprimé ne pas avoir peur de la mort. J'en suis admirative. Nous avons commenté qu'apprivoiser la mort devrait être enseigné dès le plus jeune âge. Nous avons parlé de la difficulté de choisir le bonheur. De l'euthanasie aussi, autorisée en Espagne depuis quelques mois. Rencontre existentielle grâce á la lecture de La mort de Ivan Ilitch.

José Luis
Ce n'est pas la mort d'Ivan Ilitch qui m'intéresse dans cette nouvelle du comte Léon Tolstoï, mais la dénonciation que celui-ci fait de la futilité de la vie, vanité qui doit être mise sur le compte de l'hypocrisie avec laquelle nous nous conduisons.
Le récit de la mort du magistrat, de ses causes (l'accident insignifiant et la maladie qui s'en suit) et des sentiments que sa proximité et son fait même provoquent - et chez le mourant et chez sa famille, ses amis ou ses collègues de profession -, est sans doute d'une grande efficacité et perfection. Difficilement on peut imaginer que l'on puisse faire mieux, sauf à l'écourter encore, car, à mon sens, il est un peu répétitif. Mais l'éloge ayant été fait, il me sied de dire - pardonnez cette expression, qui s'impose à moi je ne sais pas pour quelle raison, peut-être du fait de la contamination par la prose dix-neuvième siècle ! - qu'il n'y a là que du banal : on refuse d'abord de penser à elle, de l'accepter après, mais aux portes de la mort on se demande si l'on n'a pas manqué sa vie et on cherche dans l'angoisse des raisons qui nous permettraient de la blanchir, de la justifier, cette vie.
Plus intéressant pour moi, c'est, comme je l'écrivais ci-dessus, la démonstration massive que l'auteur fait de l'inanité de nos vies et des nos actions, que la mort (la nôtre mais pas celle des autres !) vient à mettre sous les feux de la scène, et ceci non sans effort : Ilitch ne semble pas l'avoir tout à fait admis encore lors de son dernier soupir.
Maintes pages, paragraphes ou phrases de la nouvelle, vont dans cette direction. Ne prenons pour preuve que quelques exemples : "Piotr Ivanovitch [qui se présente chez son ami Ivan Ilitch pour se recueillir devant son cercueil] savait, comme il avait su tout à l'heure, qu'il fallait se signer, qu'il devait maintenant serrer la main et dire : 'Croyez que…' C'est ce qu'il fit, et il sentit que le résultat désiré était obtenu : il était ému, et elle était émue".
Le caractère performatif du langage qui est ici mis en lumière et sa puissance en tant que créateur d'émotions - que des recherches récentes pointent mais aussi le vieux métier théâtral depuis toujours - m'amènent à penser au rôle que la langue et la culture françaises jouaient à l'époque de Tolstoï dans la société huppée russe. C'est un aspect bien connu, mais si je veux m'y arrêter, c'est parce que cette présence "du français" était un des éléments, et non des moindres, de la vanité de la vie russe.
Pour le dire à la manière de Bourdieu : le bon goût exigeait de parler français, exhibition d'un capital culturel qui distinguait, bon goût que, avec Bourdieu, l'on pourrait définir comme cette capacité bizarre de faire des distinctions qui distinguent. De ceci, Ivan Ilitch en devient expert dès premiers jours de sa vie professionnelle : "... et de tout cela on se contentait seulement de dire, employant l'expression française : IL FAUT QUE JEUNESSE SE PASSE. Tout se passait avec des mains blanches, du linge propre, des phrases françaises et, surtout, dans la meilleure société, par conséquent avec l'approbation des grands personnages".
Or, curieusement, le désir de singularité, de distinction ne conduit qu'à l'affaissement de celle-ci, puisqu'en voulant ressembler aux grands personnages on devient comme tout le monde, ce qui est très évidemment le cas non seulement du pauvre Ivan mais aussi, et surtout, de sa femme et de sa fille. La citation ci-après en parle de manière éloquente :

"En réalité, l'appartement [qu'Ivan avait très soigneusement fait décorer] était comme ceux de toutes les personnes qui, sans être riches, veulent ressembler aux riches, ce qui fait qu'ils ne se ressemblent qu'entre eux : des tentures, de l'ébène, des fleurs, des tapis, des bronzes, d'une tonalité tantôt sombre tantôt brillante, tout ce que des gens d'une certaine classe emploient pour ressembler à des gens d'une certaine classe. Chez lui, cette ressemblance était si parfaitement atteinte que rien ne méritait une attention particulière quoique tout lui parût original. Lorsqu'il fit entrer sa famille dans l'antichambre illuminée, et pleine de fleurs, et qu'un laquais en cravate blanche les introduisit dans le salon et le cabinet, tout rayonnant de plaisir il savourait leurs éloges".

Éloges ? Que des roucoulements endormants à une seule direction, des cocoricos d'autosatisfaction en l'attente de la réalisation prochaine des promesses de triomphe sociale que ce cadre confortable annonce !
Parce que la vanité et la vie hypocrite à laquelle elle oblige pour la satisfaire empêchent l'écoute de l'autre et tout sentiment vrai, affectueux, tendre et généreux à son égard. C'est du manque de tout cela, plus que de sa maladie qu'Ilitch meurt, ou, en tout cas, c'est de cela dont il en souffre. Qu'est-ce sinon ce "cela" qui le tracasse dans son lit de mort et qu'il voudrait pouvoir et savoir réparer ?

Mercedes
Le roman La mort d'Ivan Ilitch parle de la mort comme une situation de la vie face à la mort et raconte la courte et tragique histoire d'Ivan Ilitch. Cette histoire refléterait ses luttes intellectuelles et spirituelles…
On peut parler :
- de l'insensibilité sociale face à la mort de l'autre
- du voyage existentiel face à la proximité de la mort.
Il raconte tout ce qui s'est passé depuis son enfance jusqu'aux instants qui ont précédé sa mort.
L'histoire parle de la mort d'Ivan quand s'est déjà produite. Lorsque des collègues de travail lisent la nouvelle de la mort d'Ivan, ils ne la voient que comme une opportunité de promotion dans leur travail. C'est son ami depuis l'enfance qui se rend chez le défunt.
Il y a un double contraste : d'une part, il présente une personne torturée en se remémorant les moments où il jouissait de la santé, de la famille dans laquelle il est né, jusqu'à ce qu'il crée sa propre famille, son succès et sa richesse ; de l'autre, il confronte sa condition à l'indifférence de sa femme, ses enfants, ses médecins, ses collègues. Il est seulement aidé par son serviteur dans l'agonie et à la baisse à la mort.
La mort n'est pas un événement de la vie.
À la fin du roman, Ivan Ilitch exprime sa dernière pensée :

Tout cela ne dura qu’un instant. Mais l’importance de cet instant fut définitive. Pour son entourage son agonie se prolongea encore deux heures. Quelque chose râlait dans sa
poitrine, son corps ruiné tressautait. Puis, peu à peu, le râle et les secousses diminuèrent.
– C’est fini ! dit quelqu’un derrière son chevet.
Il entendit ces paroles et se les répéta : "Finie la mort... La mort n’existe plus !" se dit-il.
Il fit un mouvement d’aspiration, qui demeura inachevé, se raidit et mourut.

J'avais lu le livre en espagnol il y a de nombreuses années et je pense que c'était l'un des livres qui sont arrivés dans ma vie et qui m'ont marquée.
Sa lecture m'a fait réfléchir sur la cohérence des valeurs, croyances ou principes dans lesquels j'ai été éduquée et qui tout au long de ma vie ont évolué. Nous vivons à une époque où il est impossible d'être cohérent avec tous nos principes ou valeurs. Nous sommes dans un monde injuste, disproportionné, plein de pauvreté, de faim, et d'injustices sociales, encadré dans le capitalisme dont il est pratiquement impossible d'échapper.
Par ailleurs, j'ai peur des maladies, pas de la mort.

"La mort n'est pas un événement de la vie. La mort n'est pas vécue."


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