Sed non satiata

Bizarre déité, brune comme les nuits,
Au parfum mélangé de musc et de havane,
Œuvre de quelque obi, le Faust de la savane,
Sorcière au flanc d'ébène, enfant des noirs minuits,

Je préfère au constance, à l'opium, au nuits,
L'élixir de ta bouche où l'amour se pavane ;
Quand vers toi mes désirs partent en caravane,
Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis.

Par ces deux grands yeux noirs, soupiraux de ton âme,
Ô démon sans pitié ! verse-moi moins de flamme ;
Je ne suis pas le Styx pour t'embrasser neuf fois,

Hélas ! et je ne puis, Mégère libertine,
Pour briser ton courage et te mettre aux abois,
Dans l'enfer de ton lit devenir Proserpine !

Charles BAUDELAIRE
Les Fleurs du mal

Les mots latins qui constituent le titre, « Sed non satiata », signifient « mais non satisfaite ».
Ils furent empruntés à Juvénal qui, parlant de Messaline, femme de l’empereur Claude, réputée pour sa tyrannie et pour ses appétits sexuels insatiables, écrivit plus exactement : « Et lassata viris necdum satiata recessit », c'est-à-dire : « Et, fatiguée des hommes, mais non rassasiée, elle se retira ».
Le choix de ces mots latins était, pour Baudelaire, un moyen de masquer le côté scabreux et trivial du poème.
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Voix au chapitre a programmé BAUDELAIRE en décembre 2021
http://www.voixauchapitre.com/archives/2021/baudelaire.htm